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L'appétit d'une lectrice

Chapitre 1

Hétéro
Je reçois souvent, via mon éditeur, des lettres d’admiratrices. Il faut dire qu’après trois best-sellers, à trente-cinq ans, j’arrive enfin à vivre de mon art. Je suis devenu, grâce à mes livres et aux médias, ce qu’on appelle, un personnage public. Ce jour-là, alors que je m’apprêtais à donner une interview pour un célèbre magazine, et que je terminais à toute allure un café crème dans mon bistrot préféré, un jeune homme, casqué, fit irruption dans le bar et me demanda si j’étais bien monsieur X. Je répondis par l’affirmative. Comme je m’apprêtais à devoir signer un énième autographe, je plongeai dans ma sacoche d’ordinateur pour extirper un stylo. Le temps que je relève la tête, le jeune homme avait pris son envol. Je le vis qui enfourchait un scooter et disparaître dans la jungle urbaine. Je me demandais à quoi tout ceci rimait, quand je remarquai une enveloppe posée sur la table…
La lettre contenait une photo. Un très beau corps de femme, en porte-jarretelles allongé sur un lit, la tête floutée, dans une pose suggestive avec au dos, un simple mot :
Si vous voulez en savoir plus, écrivez-moi…, suivi d’une adresse mail.
Toute la journée j’ai beaucoup hésité. J’étais tiraillé entre l’envie furieuse d’aller plus loin et l’intuition que le plaisir à prendre serait aussi profond que les pièges à éviter.Ce soir-là, alors que ma femme était couchée, j’optai pour une petite prise de risque. J’imaginai un premier pas sans conséquence. J’envoyai donc un simple « Qui êtes-vous ? » avant de me remettre au travail.Je pensais que la réponse arriverait le lendemain et que j’allais pouvoir me concentrer sur un article, que je devais écrire de toute urgence.
Trente minutes plus tard, alors que j’avais réussi à chasser cette maudite photo de ma tête, je reçus un mail qui me disait :
Je suis aussi une voix, d’ailleurs, si vous voulez continuer, allez vous rassasier au restaurant Jean de la Fontaine. Un paquet vous attend… d’autres plaisirs suivront… Bonne nuit, bel écrivain.
Le mail était accompagné d’une pièce jointe. Je l’ouvris. C’était une bande sonore. D’abord, je n’entendis rien, puis peu à peu, je distinguais une respiration, des bruits de succion, le souffle se fit de plus en plus net, jusqu’à se transformer en effluves de souffle. C’était si joli à entendre que mes mains enserrèrent mon sexe, j’étais tendu à l’extrême. Il y avait de la poésie, de la mélodie et le diable en personnes dans ces rires, ces râles et cette intimité. On discernait clairement, des doigts, qui surnageaient dans un plaisir brut. Mon inconnue coulait littéralement et joyeusement, ne cachant rien de son plaisir, et je me branlais à son rythme jusqu’à ce cri. Un cri du cœur et d’abandon…
Je travaillai alors une bonne partie de la nuit et j’alternais de temps en temps avec une petite pause musicale…
Le lendemain, surexcité, après avoir pris une douche pour me laver de mes péchés nocturnes, j’allai prendre mon petit déjeuner dans l’établissement qu’elle m’avait indiqué. Je demandais s’il y avait un colis pour monsieur X et le garçon, qui m’attendait depuis la veille, alla le chercher derrière le comptoir. J’étais d’humeur joyeuse et je commandai une coupe de champagne. Puis j’allai tranquillement m’installer en terrasse au soleil… Je posai le paquet sur la table, et j’allumai une cigarette. J’étais fiévreux. J’essayais d’imaginer ce que le carton pouvait bien contenir. Au poids, il était presque vide, c’était donc un tout petit objet…
N’y tenant plus, je le déballai et trouvais enveloppé dans du papier bulle, un porte-clefs lumineux auquel était accrochée une petite clef, sans doute celle d’un cadenas ainsi qu’une feuille de papier blanche pliée en quatre. L’écriture était belle et arrondie :
Ce soir, tu devrais proposer à ta femme d’aller au restaurant « l’Antre d’Orphée » ! Prends bien soin de ce porte-clefs, c’est la clef du bonheur… Je serai moi aussi accompagnée… Tu ne me remarqueras pas sauf si tu suis la lumière…
Décidément, je ne comprenais rien. Et pourtant j’étais encore très loin d’envisager la suite.

J’envoyai donc un texto à ma meilleure moitié qui accepta avec plaisir l’invitation. J’allai lui acheter un collier en or blanc pour apaiser ma conscience et je passais tout le reste de la journée à négocier avec mon éditeur les droits de mon premier roman pour une adaptation cinématographique.
À 19 heures, je rentrai à la maison et impatient, j’enfilai mon plus beau costume. Le restaurant était très chic. Trois étoiles au Michelin. On nous servit d’abord un amuse-bouche et j’essayais désespérément de deviner qui pouvait être la licencieuse inconnue qui m’avait tant gâté. J’espérais que ce n’était pas cette blonde qui n’arrêtait pas de me reluquer, elle ne me plaisait pas du tout. Était-ce la brune du bar accompagnée d’un homme qui avait l’âge d’être son père ? Peut-être bien. Finalement non… J’essayais tant bien que mal de me dédoubler pour découvrir cette femme sans que la mienne ne découvre mon jeu.
D’un coup, un serveur portant un cocktail enflammé chanta joyeux anniversaire et se dirigea vers une table perdue sur notre gauche. Je distinguai mal la fille et j’essayai de voir si c’était elle… Bingo, elle me regardait elle aussi. À moins que ce ne soit le serveur. Je décidai d’aller aux toilettes pour en avoir le cœur net. Quand je passai devant elle, elle me fixa elle aussi. Suivre la lumière c’était plutôt bien trouvé. Elle était jolie, sans être belle au sens strict, mais elle avec quelque chose de sexuel dans le regard qui m’excitait.
Je me mouillai le visage, remontai les escaliers, lançant un sourire à ma belle inconnue, sourire qu’elle me renvoya, et me rendis compte que ma femme était en train de discuter avec Charles, le mari de sa supérieure hiérarchique…
Je lui lançai éberlué :
— Que fais-tu là ?— Je posais la même question à ta femme. Lara m’invite au restaurant, je l’attends. On fête sa promotion, on lui a annoncé aujourd’hui qu’elle était officiellement passée directrice commerciale !— Merveilleux, viens t’asseoir avec nous !— Mais non on ne va pas vous déranger…— Mais pas du tout, tu rigoles !
Je comptais sur cette intrusion inespérée pour me sentir plus libre d’échanger avec mon inconnue des regards cachés et complices.
Tout d’un coup, j’eus un flash. Et si c’était Lara ?
Charles s’installa juste devant moi, si bien que n’y voyant déjà plus clair, je n’y voyais plus rien du tout. J’essayais tout en lui faisant la conversation de me remémorer chaque scène pour trouver des indices quand sa femme fit son apparition.
Elle était divine comme à son habitude. Elle portait une robe longue, décolletée, fendue sur le côté, laissant apparaître ses longues jambes et des seins qui semblaient flotter aux quatre vents… Elle parut ouvertement surprise de nous voir, ce qui calma mes doutes, mais tout de même. Lara était un fantasme ambulant.
Je fus assurément déçu quand elle nous expliqua qu’elle avait appris la bonne nouvelle à 14 heures et que c’était leur patron qui leur offrait le repas pour fêter sa promotion et la remercier des bons chiffres obtenus cette année.
Bientôt, je vis aussi passer mon inconnue qui me lança un regard appuyé et qui partait. Le couple allait sans doute dîner ailleurs. J’étais donc maintenant persuadé que c’était elle et je me re-concentrais alors sur ma notre quatuor…
Je me mis alors à triturer machinalement dans ma poche le porte-clefs, pensant au plaisir qu’il promettait et au mail que j’allais sans doute recevoir tard dans la nuit, je vis plusieurs fois Lara sursauter et me sourire alors que j’appuyais par intermittence sur l’interrupteur de la diode.
Son mari lui demanda si ça allait.
Je venais de comprendre…
Je réessayais, en maintenant mes doigts sur le bouton, ce qui la fit se cambrer sensuellement et se maintenir dans cette position. Elle se mit à rire. Je reconnus la mélodie immédiatement. Et son rire me fit tellement bander que je faillis éjaculer dans mon caleçon...
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