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Arnaud

Chapitre 1

Gay
1- Nouveau départTrois janvier. Thierry arriva de bonne heure sur l’esplanade de la Défense. Pas beaucoup de monde, surement à cause d’un réveillon trop arrosé. Il chercha un plan du quartier d’affaires pour situer l’immeuble dans lequel il allait travailler. Une première hôtesse l’envoya au douzième étage, la seconde l’accompagna dans son nouveau bureau. La pièce n’était pas très grande : deux bureaux en bois reconstitué, deux armoires assorties et deux fauteuils. Thierry s’installa. Il attendit près d’une heure lorsqu’un homme entra. Il s’arrêta net, jeta un coup d’œil au nom marqué sur la porte et finit d’entrer dans la pièce. — je ne savais pas que j’avais été remplacé, dit-il en posant son cartable sur le bureau où s’était installé Thierry. — c’est votre place ? dit-il en se levant d’un bond. — oui en effet. — excusez-moi. Comme il était vide, je me suis dit que ce serait le mien. Thierry Dolan, le nouveau chef de projet. — bonjour Thierry. Arnaud Lacourt, votre supérieur. Désolé pour la méprise, j’ai tendance à m’étaler chez les autres, continua-t-il en prenant quelques dossiers du bureau d’en face.
Les deux hommes prirent la matinée pour faire connaissance, le tour des bureaux et des services administratifs.L’un était l’opposé de l’autre. Si Thierry était pas très grand, plutôt enrobé et aussi bronzé qu’une endive, Arnaud approchait le mètre quatre-vingt dix athlétique et était noir. Son accent trahissait son origine antillaise. Mais surtout, Thierry était timide et introverti alors qu’Arnaud était exubérant.
Au fil des jours, ils se découvrirent quand même quelques points communs notamment pour les romans d’héroic-fantasy et une partie de leur discothèque. Discothèques que fréquentait assidument Arnaud contrairement à Thierry dans lesquelles on l’avait littéralement trainé à deux reprises et dans lesquelles il avait passé la soirée le cul scotché à la banquette.
Les journées passaient. Thierry compensait ses défauts comportementaux par une qualité de travail pour lequel Arnaud lui faisait totalement confiance et lui donnait sans hésitation les dossiers les plus difficiles.Le travail convenait parfaitement à Thierry. Plus près de chez lui, plus intéressant que le précédent, mieux payé et un chef pas trop pénible.
Le printemps était bien avancé et pour la énième fois, Arnaud demandait à Thierry de l’accompagner à la salle de sport situé au rez-de-chaussée de l’immeuble. — ça fera du bien à ton tour de taille, répéta Arnaud— il est très bien comme ça mon tour de taille. — c’est pas en restant comme ça que tu vas draguer les filles. Thierry se mit à rougir. Il avait raconté à Arnaud son célibat de longue date, que sa dernière relation remontait à plusieurs mois, que la rupture avait été douloureuse et qu’il n’avait pas envie de se remettre en couple.
— allez viens, insista Arnaud. — non, non, ma religion me l’interdit répondit Thierry avec un humour douteux— bon, je ne vais pas te le dire deux fois, demain, t’as intérêt à prendre un survêt, car je vais te trainer jusque là-bas. Et si tu ne prends pas ton survêt, tu feras les exercices en cravate et pantalon de ville. Sur le moment, Thierry crut à une plaisanterie, mais le ton et le regard montrèrent qu’Arnaud était sérieux, très sérieux. — tu n’oserais pas, demanda timidement Thierry. — ben tu verras demain, dit-il en quittant le bureau, laissant Thierry en plein désarroi.
— tu as tes affaires de sport, demande Arnaud en arrivant le lendemain matin.— oui, oui. — eh, ce n’est jamais qu’un peu d’exercices. Je ne t’emmène pas à l’abattoir. — ben … — oh arrête, ce n’est pas parce que vas faire un peu de tapis que tu vas en mourir. — si de ridicule. Arnaud éclata de rire. — dis pas de conneries. Il faut bien commencer un jour. Après tu verras, ça ira beaucoup mieux.— ouais, ouais.
— allez, t’es prêt ? C’est l’heure. Thierry devint blanc, son estomac se noua. En fait ce n’était pas tant de faire du sport qui le gênait mais plutôt le fait de se monter en public. Sa timidité reprenait le dessus et le noyait littéralement. Arnaud lui expliqua le fonctionnement des vestiaires et l’attendit à l’entré de la salle. Comprenant son malaise, ils occupèrent le tapis situé dans un coin de la salle, à l’écart des autres sportifs. Thierry les observa un moment. Oui, il se sentait ridicule dans son survêt d’un autre âge, à cent lieux des maillots moulants, des shorts habillant des cuisses musclées, des justaucorps fluo des femmes.
Arnaud lui fit faire un quart d’heure de tapis à petite vitesse et autant de rameur. — ça ira pour aujourd’hui ? Tu vois, je n’ai pas été trop méchant. Allez, à la douche.
Les journées se suivaient et Arnaud trainait toujours Thierry à la salle. Mais au fil des jours, ce dernier devenait de moins en moins réticent, sans être enthousiaste pour autant. Petit à petit, Arnaud, en vrai coach sportif, augmentait la durée et la difficulté des exercices.
Leur relation prit un nouveau tournant le jour où les cabines de douche individuelles furent toutes occupées. Thierry et Arnaud se rabattirent alors vers la douche commune. Pour la première fois, Thierry dut se mettre à nu, non seulement en public, mais aussi et surtout, devant son chef. Nouvelle épreuve. Il se sentait déjà ridicule dans son vieux jogging, mais être devant son chef, plutôt beau mec, frôlait l’humiliation. Il entra dans la douche, la serviette placée devant son intimité. Il la posa sur le radiateur, à coté de celle d’Arnaud. Malgré tout ses efforts, Thierry ne put s’empêcher de regarder son coach qui se savonnait énergiquement. — ben dans le genre timide, on n’en fait plus des comme toi, se moqua gentiment Arnaud. Thierry rougit. — je ne vais pas te manger, ni profiter d’une chute de savon. Magne-toi, on a réunion tout à l’heure.
Les jours suivants, Thierry dut à nouveau faire douche commune avec Arnaud. Et à chaque fois, il ne pouvait détacher son regard du corps sculpté de son chef. — qu’est-ce que tu regardes ? demanda innocemment Arnaud. Pour toute réponse, Thierry se retourna et fit couler l’eau. — encore quelques mois, et tu auras perdu pas mal de gras. — si tu le dis … — mais oui, tu verras, ensuite, les filles vont te courir après. — ça, ça m’étonnerai. — tu es vraiment indécrottable ! — admettons. De toute façon, quand elles verront comment je suis équipé, elles vont partir en rigolant.
Car c’était là le vrai complexe de Thierry : un sexe pas vraiment développé. Celui d’Arnaud au repos était aussi grand que le sien en érection maximale.
— parce que tu crois qu’un gros engin c’est mieux ? — ben oui quand même. — alors, je vais te dire : c’est une connerie. Bon d’accord, c’est vrai que certaines fille apprécient ma queue, mais il y en plus qui en ont peur, qui ont eu mal ou que je n’ai pas pu pénétrer. Alors ne t’inquiète pas. Je connais des hommes qui ne sont pas mieux lotis que toi, qui sont pères de familles et qui satisfont pleinement leur compagne.
Thierry se rinça, un peu ébranlé par cette révélation qui envoyait au caniveau une des lus grandes légendes urbaines.
Le printemps allait faire place à l’été. Thierry suivait Arnaud à la salle. Ses efforts avaient payé. Il avait déjà perdu presque cinq kilos et il commençait à flotter dans ses vêtements. Au train où ça allait, il lui faudrait racheter des fringues avec une taille en dessous.
— tu sais que je pars en conges dans deux semaines, lui rappela Arnaud. Et je pars pour un mois et demi. Donc ce sera toi le chef pendant cette période. — oui je sais. J’espère que je vais m’en sortir. — je ne me fais pas de souci là-dessus.
Originaire de la Martinique, Arnaud avait négocié à titre exceptionnel de pouvoir cumuler congés payés et RTT sur la période d’été pour retourner dans son ile natale et passer du temps avec sa famille.
— et j’espère que tu continueras à aller à la salle. — oui, oui, répondit Thierry, évasivement. — t’as intérêt. Sinon quand je reviens tu vas souffrir. Thierry savait que ce n’était pas des paroles en l’air. Mais pendant cette période, il serait seul au milieu de tout le monde.
L’activité pendant les vacances fut relativement calme. Thierry n’eut pas de gros dossiers à traiter. Il allait à la salle tous les deux jours et faisait un footing le dimanche matin sur les bords de la Seine. Un chemin réservé aux piétons et cycliste longeait le fleuve sur plusieurs kilomètres. Il y avait foule mais à son grand étonnement, il se rendit compte qu’il n’était pas si mauvais que ça et qu’il pouvait courir pendant près d’une heure sans s’arrêter. En rentrant, il calcula la distance parcourue : presque huit kilomètres. Ce résultat encourageant lui donna un nouvel objectif : dix kilomètres en une heure.
Toutefois, la compagnie d’Arnaud lui manquait et il lui tardait qu’il revienne. Après tout, faire du sport tout seul, c’était pas très marrant.
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