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Dialogues Interdits - Fantasme du cadeau

Chapitre 1

Erotique
— C’était un téléfilm des années quatre–vingt-dix, le premier que je parvenais à voir qui soit un peu érotique. Mes toutes premières scènes de sexe ! J’étais chez une copine, maman m’aurait jamais laissée. Une séquence est restée gravée dans ma mémoire : l’héroïne, une espionne, doit quitter un pays où elle s’est faite un ami. La veille au soir, elle l’invite à sa maison en disant qu’elle a un cadeau pour lui. Là, en guise de présent elle baisse la lumière et se met nue devant lui.
Puis une musique douce et quelques câlins au lit, au ralenti.— Pas bien coquins j’imagine. T’as quand même dû être impressionnée.— Moins par la scène de sexe que sa mise en place. La fille qui fait croire à un cadeau matériel pour faire la surprise d’offrir son corps, waouh ! Je suis restée scotchée. J’en ai rêvé la nuit, et bien des jours après.— Quel film c’était ?— Je me souviens plus et préfère ne pas savoir. Si je le revoyais, je serais sûrement déçue. De toute façon peu importe, l’essentiel était l’image. Et surtout l’influence que ça a eu sur moi.— Pas mal le concept du cadeau de baise. Toute fille qui a du charme possède un magnifique présent sur elle, en permanence.
Qu’elle peut offrir autant qu’elle veut, qui ne coûte rien, qui ne s’use pas quand on s’en sert. Au contraire, qui offre au moins autant de plaisir en retour qu’il n’en a donné.— N’est-ce pas ? Encore que là, tu idéalises. Il arrive que cela coûte. Et puis que ça use, fatigue, esquinte… Donc un tel cadeau ne se fait pas à n’importe qui.— C’est vrai, tu prêtes ton corps sous conditions. C’est gratuit tout en exigeant un juste retour.— J’ai trouvé ça absolument génial. Quand on est petite un rien fascine, pas vrai ? En grandissant, j’avais toujours la séquence en tête. Je rêvais de la reproduire à la première occasion. Je savais que je n’avais pas l’âge, et pourtant ! En attendant, je n’arrêtais pas de m’interroger sur le jour J.
Avec qui ce serait, en quel endroit… et surtout, surtout si je me mettrais face à lui, de profil ou de dos.— On dit que montrer son cul c’est pas poli.— De cette façon-là, tout homme trouverait ça très poli et très joli. Ils rêvent tellement de nos fesses… En plus, ça cache le devant et donc ça ne dévoile pas tout d’un coup. De profil, ça met en valeur la cambrure du dos et la silhouette des seins.— Et tu l’as souvent faite, cette mise en scène ?— La première tentative, c’était il y a... je ne sais plus. Je l’ai faite dos à lui. J’ai fait venir un copain d’enfance à la maison, un jour où on était seuls.
Je n’aurais pas dû car il n’était pas du tout assez mature. Il s’est contenté de me regarder sous tous les angles et sous toutes les coutures. Il croyait sincèrement que c’était son cadeau : me regarder.— … C’est vrai !?— C’est vrai, oui. Humiliant, non ?— Très drôle, surtout.— Je peux te dire que j’ai pas beaucoup rigolé.
— Tu t’es mise en colère ?— J’étais surtout triste. J’ai tenté de le mettre sur la voie, en lui demandant s’il voulait voir de plus près, ou plus en détails. Il m’a demandé « je peux vraiment ? », j’ai répondu que oui. Je pensais que ça allait enfin démarrer.
Tu parles ! Il m’a dit de m’allonger sur le matelas, et m’a indiqué des postures à prendre juste pour me reluquer le clitoris, l’anus et la vulve. Ce petit con était enchanté comme tout, plus candide tu meurs, pendant que je me payais la honte de ma vie. Dis, si tu continues à rire j’arrête de raconter.— Je suis désolée. Aussi t’as qu’à pas raconter d’anecdotes aussi poilantes. Si t’avais honte, pourquoi tu continuais ?
— … Parce que j’espérais à chaque instant qu’il prendrait les devants, maline ! Puis ses yeux pétillaient tellement, je ne voulais pas être cruelle.— Et ça ne t’est pas venu à l’esprit de te jeter sur lui et de l’embrasser, puis de lui faire poser les mains sur ton corps ?— C’était à lui de le faire ! À lui !— Seigneur…— Je m’étais jurée de ne m’imposer que par des mots. En désespoir de cause, je lui ai dit « fais ce que tu veux. Fais-moi tout ce dont tu as envie, tout ce qui te fait rêver ». Eh bien, décidément rien à faire.— Qu’est-ce qu’il voulait ?— Pfff… jouer à la poupée.— Avec toi ?— Que je SOIS sa poupée.— Pas mal, non ?— L’image est belle. L’image seulement ! Parce que lui, il voulait que je sois sa poupée au sens littéral du terme. Au sens… parfaitement enfantin du terme. Il ne voulait pas d’une poupée gonflable, il voulait juste faire ce que font les petites filles avec leurs poupées. Il a passé une heure à me déshabiller, me rhabiller, me re-déshabiller, me re-rhabiller et ainsi de suite. Il a dû me changer de fringues… je ne sais pas, peut-être une bonne quinzaine de fois. Je ne devais rien faire, ne pas bouger, ne pas l’aider ni ouvrir la bouche.
Exactement comme une poupée inerte.— Des jeux dominant-dominée, j’en ai vus. Des comme celui-là, jamais. Il l’a joué brutal ?— Au contraire, très délicat et méticuleux. À la limite du chirurgical.— J’aurais adoré.— La vie est mal faite. Quel dommage qu’il ait pas eu l’occasion de te le faire à toi ! Parce que moi je me suis emmerdée à un niveau, tu peux pas savoir.— Pourquoi t’as laissé faire ? T’avais encore de l’espoir ?— Oh non ! À ce stade-là, plus aucun. J’ai laissé faire… je sais pas, j’ai laissé faire c’est tout. C’était tellement absurde que j’ai joué le jeu jusqu’au bout.— Qu’est-ce que ça a de si déplaisant ?— De rester inerte en se faisant manipuler comme un jouet à la con ? Comme si on n’était pas une personne mais un objet ? Je te retourne la question : qu’est-ce que ça a de plaisant ?— Heu, j’en sais rien. C’est vrai ça. Le principe me plaît beaucoup et je saurais même pas te dire pourquoi.— Parce que tu aimes être dominée.— Non, parce que j’aime bien qu’on s’occupe de moi. Qu’on soit aux petits soins.— Ta maman te l’a pas assez fait quand t’étais gamine.— Pourtant je crois que si. Je crois même qu’elle avait aussi tendance à « jouer à la poupée » en m’habillant sans arrêt. L’ambiguïté sexuelle en moins, bien entendu.— Pfff… Avec ce copain non plus il n’y a pas eu d’ambiguïté sexuelle. Tout du moins de son côté. — On peut pas savoir. À mon avis c’était très ambigu dans son esprit, seulement il ne pouvait pas concevoir un acte vraiment sexuel.— Et toi, les attentions de ta maman t’ont pas suffit ?— Ce sont les seuls vrais bons souvenirs que j’ai avec elle. Être de nouveau manipulée comme une poupée serait un moyen de me le rappeler.— C’est trop con ! Pour toi c’était le garçon idéal.— Juste un chouette fantasme à réaliser parmi d’autres. Maintenant que je l’ai en tête, je trouverai bien un homme pour l’honorer.— Pour te faire baiser comme une poupée ?— Non, le concept de ton copain me suffit largement.— C’est ce que je disais : ce garçon était fait pour toi.— Hum ! J’avoue que trouver un homme acceptant de ne faire QUE cela et absolument rien d’autre sera pas évident. La grosse majorité ne pourrait le faire sans tenter de glisser au moins un doigt ou deux. Et ce serait tout de suite nettement moins bien.— Tu peux faire du donnant-donnant. Il accepte de respecter ta règle jusqu’au bout, et en échange il peut te défoncer après.— Bof…— Tu préfères quand la tentation est là et qu’on se prive de franchir le pas ?— Oui, c’est ce qui me plaît dans ton aventure. J’adore quand il y a une tension sexuelle qui ne va pas plus loin. Quand elle seule suffit. Ce sont les meilleurs moments. J’ai beau aimer le sexe, j’aime encore plus ce qu’il y a avant.— Enfin bon… L’histoire n’a pas du tout été une partie de plaisir.— Dis, est-ce que ce type est devenu homosexuel ?— Je ne crois pas. Bi, peut-être ? Ta supposition est hasardeuse : jouer à des jeux dits de fille ou aimer le rose ne fait pas un gay en devenir.— Je ne sais pas. Si on suppose qu’il n’ait vraiment eu aucun désir, comment c’est possible à cet âge ? Mettre une fille entièrement nue sans la moindre envie d’elle ?— Parce que j’ai eu affaire à ton clone masculin. Il aimait la tension sexuelle qui… comment tu dis déjà ? Qui se suffit à elle même.— Ou bien on lui a interdit de jouer à la poupée quand il était petit et il a voulu se rattraper. À moins qu’il t’ait fait des confidences par la suite ? Vous êtes restés amis ?— Un ami d’enfance ne se perd pas si facilement.
Après ce jour il est resté très attaché à moi, plus encore que moi à lui.— Il n’a jamais compris ?— Si, des années après il a fini par comprendre. Et me l’a dit. C’était trop tard…
Il aurait bien voulu une seconde chance, je n’ai pas pu. En bouée de sauvetage, il a tenté de me faire croire qu’il y avait vu une étape. Un début de relation. D’abord des jeux, du platonisme, et puis peu à peu des flirts, du pelotage… Et que si j’avais été plus patiente, ce serait venu. Je ne l’ai pas cru. Depuis, on s’est perdu de vue…— Après tout, c’est peut-être à cet instant-là qu’il t’a dit la vérité…
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