Le match a commencé depuis longtemps. Les joueuses se sont battus jusqu’à présent avec acharnement. Et le match est bien serré. Ceci dit, peu de monde ne s’est donné la peine de se déplacer afin de les encourager.Il est 15h25, et l’arbitre se prépare à siffler la fin de la rencontre. Encore quinze minutes environsLe public lance, avec parcimonie, des cris d’encouragement et des applaudissements. Certaines des joueuses tournent la tête et saluent pèle-mêle, parents , petits copains, et autres amis venus assister à ce match de football.Tommy est assis au dessus du reste du public. A l’écart, il regarde avec dédain toute cette agitation. Après tout, il s’agit juste de 20 filles qui courent après la balle ? Ce sport rustre ne lui inspirait rien de bon depuis qu’il était petit. Mais il n’avait jamais eu le cœur de le dire ainsi à Victoria.Victoria, maillot 06, court se mettre en position, on est dans les dernières minutes de jeu. Elle assure la défense. Et elle ne laisse passer personne.Sifflet d’engagement. Le 11 et le 10 s’emparent de la balle. Victoria tente assez difficilement de suivre ce qui se passe.Mais il y a au moins une dizaine de personne devant elle. Elle doit anticiper les mouvements de foule et rester réceptive aux indications de l’entraîneur. La balle a été perdue, l’attaque arrive : elle doit se préparer à défendre.Encore quelques passes et elle voit arriver l’attaquante. C’est la 8 de l’équipe adverse, une grande fille aux cheveux blonds, bouclées, attachées par une queue de cheval.Victoria s’élance. Son jeu de jambe l’emmène assez vite face à la menace, et elle presse l’attaquante pour la faire perdre la balle. Numéro 8 est bloquée nette dans sa progression.Victoria se débrouille assez longtemps pour que son équipe se replace en défense. Voyant sa tentative mise à mal, l’attaquante s’impatiente et tente une percée par la force. Victoria, plus agile, plus concentrée, plus douée, lui dérobe le précieux ballon en trois mouvement de jambes et s’en va triomphante la passer à ses coéquipières. Tout le monde applaudit, criant son nom « VIVI !!». Tommy applaudit. Vivi sourit, c’est son moment de gloire. Mais pas pour longtemps, la grande blonde lui décoche un tacle violent dans le dos. Ce qui fait perdre la balle et l’équilibre à Victoria.Sifflet !L’arbitre est sans concession. La foule se lève des gradins, huant et appellant à l’éviction. Tommy également, il s’inquiète pour sa sœur. Il se permet de demander à un autre spectateur ce qu’il se passe. Il ne connaît pas les règles du football. Il ne sait pas ce qui se passe.« La grande là bas, elle a fait tomber la petite là bas. », explique sommairement un père de famille, qui visiblement n’y connaît pas beaucoup plus que Tommy.Victoria n’a pas attendu que les secours ne viennent la voir. Elle s’est levé et insulte copieusement la 08. Elle n’est pas tendre avec ses mots, et on pourrait être choqué du contraste entre son attitude et son apparence pourtant précieuse et féminine, mais ceux qui la connaisse, savent qu’il ne faut pas se fier aux apparences. Elle se pousse l’une et l’autre.La tension monte, numéro 8 et numéro 6 se bousculent tout en continuant à se quereller. Tommy serre les fesses, il ne sait pas du tout comment la situation va se dérouler. Victoria, se fait pousser une fois de trop. elle frappe en réponse à coup de poing en réponse. La situation dégénère assez vite, et des coups s’échangent, les autres joueuses interviennent pour les séparer.Après toute la cohue, la situation s’apaise. L’arbitre sort son carton rouge. Pour les deux joueuses.Numéro 6 et numéro 8 s’en retournent dans leurs abris respectifs. On escorte sommairement les deux joueuses pour éviter d’autres mauvais mouvements.Le match se poursuit, mais Tommy n’en a plus rien à faire. Il observe nerveusement sa sœur assise sur le banc de touche. Son entraîneur a l’air furieux et semble en plein sermon.Après des minutes qui paraissent un éternité, le match prend fin.Les quelques spectateurs applaudissent et se lèvent pour aller chercher les joueuses, qu’elles soient leurs filles, leurs petites amies, ou bien parce que c’est la seule personne qui possède le permis dans la bande pour aller boire dans la ville d’à côté. Tommy rejoint difficilement Victoria. Tout le monde s’est attroupé autour d’elle. S’enquérant de son état. L’infirmière a du mal à lui administrer les premiers soins rudimentaires, avec tout ces gens qui se pressent.On lui demande sans cesse si elle va bien, ce qui s’est passé, si elle a besoin d’aller à l’hôpital. Elle se sent bien mais très irritée. Peu à peu, les gens partent. Les filles se saluent, s’embrassent, se souhaite les meilleur choses avant de se séparer. Tommy peut alors rejoindre sa sœur sans encombres.
-Vivi…— Tommy? Tu as tout vu ?… Le match n’aurait pas du se passer comme ça. L’entraineur intervient alors :« Si tu étais resté cool, seule la grande conne aurait été éjectée ! Putaing de marde !»La capitaine de l’équipe, Diana réagit également :« Coach, ne soyez pas si dur avec elle… » Il continue de grogner, et elle reste à l’écouter patiemment. -Non, Diana, répond Victoria, il a raison. Je suis désolé Coach, mais c’était une putain de connasse. Le coach étouffe un rire, mais se reprend , un peu moins énervé:« Victoria, tu t’es bien débrouillé sur le terrain. Jusqu’à l’histoire avec la blonde. Rentrez bien les filles. » — bonne journée Coach ! « Au revoir coach ! Au revoir Diana ! »Le reste des joueuses partent chacun de leurs côté. Diana reste pour aider à ranger le matériel en compagnie du coach.Les deux jumeaux partent en compagnie de la meilleure amie de Victoria, Emma.Durant le trajet, on discute. Qu’est ce qu’il a fait de la journée ? Qu’est ce qu’on va manger ce soir ? ce qu’on va faire pendant l’été ? Tu veux faire les magasins avec moi ce mercredi ?Tommy, dit Tomtom, a fait du tennis ce matin. C’est le seul sport qu’il apprécie vraiment.Emma, dite M, doit se trouver un nouveau boulot pour l’été. Elle a un peu honte d’avouer qu’elle ne pourra peut être pas continuer à faire la baby-sitter pour des raisons personnelles.Victoria, dite Vivi, essaie de dire quelque chose depuis un certain moment. Puis elle prononce :« Je vais partir pour l’île d’Elizabeth, je pense. Faire une carrière de football… »Tommy, entendant ses paroles se fige. Littéralement. Sur place, il ne marche plus. Sa sœur vient de lui dire, qu’elle comptait partir vivre loin d’ici, loin de lui. Et lui, il resterait seul.Emma se retourne. Elle vient de remarquer qu’il ne marchait plus avec elles. Emma et Victoria s’arrêtent . -Tommy ? Tu va bien ? Demande Emma. Il est perdu dans ses pensées, bouche bée, bras ballant. Il est comme sonné par un puissant coup à la mâchoire. Et sa mâchoire se décroche.Il n’aura pas à répondre, elle peut deviner ce qui se passe dans sa tête. Alors, elle essaie d’amortir le choc. — Tommy, s’il te plaît. Tu sais que c’est là bas qu’on a les meilleures école de sport… Et puis, tout est différent là bas aussi… et puis… Cherchant désespérément à énoncer d’autres arguments valides, Tommy en profite pour, lui aussi, avancer son point de vue. -Non Vivi, non. Non, non, non. (son argumentaire est moins travaillé) Ils se regardent sans rien dire. Le frère cherche à comprendre, à la raisonner, à obtenir des réponses. La sœur, cherche à apaiser, à expliquer, à obtenir le soutien dont elle a besoin. Emma ne peut qu’imaginer le raz de maré émotionnel qui le chamboule. Elle, elle, est fille unique.Tommy, commence à se sentir trahi et cherche à mettre tout ça au clair. Mais que peut-on dire dans pareille situation ? Il y a-t’il des mots qu’on puisse prononcer pour ainsi tout arranger d’une seule syllabe ? -Tu me laisses ? Tu m’abandonnes !?-Non, c’est faux.-Tu t’en fiche de moi !!-Tomtom, non. s’il te plaît écoutes moi…-Tu te moque de moi en plus ! Comment tu peux me faire ça… Emma essaie de calmer TomTom, elle n’y parvient pas du tout et TomTom s’enfuit en courant chamboulé.Victoria l’aurait sûrement rattrapé sans peine. Mais elle sort d’un match épuisant, et puis il y a comme quelque chose qui la retient.Emma se prépare à le rattraper mais une main la retient. -Victoria , laisse moi le rattraper. On peut encore arranger tout ça.-Emma, s’il te plaît. Je dois te raconter quelque chose avant. Victoria a l’air très sérieuse. Elle ne prend pas souvent cet air sérieux. De mémoire, Emma ne se souvient que de deux situations dans laquelle Victoria avait l’air aussi sérieuse.Et elle ne laisse jamais tomber sa meilleure amie quand celle-ci a besoin d’aide.***Aux abords d’un parc pour enfants, Victoria et Emma se sont assises, sur les balançoires. Reminiscence de leurs jeunesses passée.Emma écoute. C’est son point fort, être à l’écoute des autres, elle est toujours pour aider ses amis, sa mère, et même des inconnues si elle le pouvait. Victoria a toujours apprécié cette générosité en elle, mais elle lui a reproché également d’être trop gentille aussi à bien des occasions. Aujourd’hui cependant, elle semble faire moins de cas de ce détail.Elles ne disent pas un mot. Emma attends et finit par regarder d’un air grave mais bienveillant sa meilleure amie. -… Elle avait du mal à comprendre comment une fille si belle et élégante que Victoria pouvait fréquenter une fille aussi banale comme elle. Sa figure inspire tellement la royauté. Si droite, si gracieuse. Tout ça, alors qu’elle est assise sur une balançoire pour fillette. Cependant, quelque chose minait son visage si distingué.Victoria émerge de ses pensée. Relevant la tête vers Emma, elles se sourient mutuellement. Toujours là, l’une pour l’autre. -M ?…-oui ?-Merci d’être là pour moi. Emma lui tend la main. Victoria l’accueille avec soulagement, lui serre tendrement, puis lâche son emprise et, tandis qu’elle agrippe les chaînes de la balançoire, déclare : -Ce n’est pas pour le football que je veux partir pour l’île d’Elizabeth… Elle prend une grande inspiration et termine sa phrase. -Tommy et moi, on a fait une bêtise.
