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Les yeux grand-fermés

Chapitre 1

Divers
Sylviane et Mikaël étaient partis dans la journée pour retourner chez eux après quelques jours de vacances. Ils avaient écouté le point sur la circulation, et avaient décidé d’emprunter les petites routes. Et c’est là que ça avait commencé à se gâter.Au fil des routes de la Mayenne, qui est comme chacun sait, avec la Sarthe et la Beauce, le point de conjonction entre la civilisation et l’aventure, ils s’étaient quelque peu fourvoyés et n’avaient plus qu’une notion très relative de leur position sur la carte de France.C’est donc à la tombée de la nuit qu’ils passèrent le panneau d’entrée de Plaisir-en-Mayenne.Une centaine de mètres plus loin, un panneau touristique défraîchi annonçait «Plaisir-en-Mayenne, 97 habitants, 35 fermes, 300 vaches, 140 cochons, 200 moutons, 30 chevaux, 50 chiens, son clocher, son lavoir médiéval. Son calme».Le calme était effectivement impressionnant.— Je me demande ce qu’ils font de leurs soirées, dit Mikaël.— Cherchons plutôt un endroit où passer la nuit, dit Sylviane, pragmatique.Pas une lumière, pas de bistro, pas de cinéma, pas de salle des fêtes ... Mais y avait il des fêtes dans ce village? En tout cas, le lavoir médiéval, éclairé à giorno, était magnifique! Mais de là à l’admirer toute une soirée …Ils sonnèrent à la porte de la maison qui jouxtait le lavoir pour demander s’il y avait un hôtel au village. Après de très longues minutes, il y eut un frottement, mais la porte ne s’entrouvrit même pas. Une voix leur répondit dans un chuchotement que le plus proche hôtel se trouvait à la ville, à une soixantaine de kilomètres.On leur dit cependant qu’une grande ferme se trouvait à un quart d’heure de route après la sortie du village, où l’on ne refuserait certainement pas de les héberger pour la nuit.Ils remontèrent donc en voiture...Ils arrivèrent enfin à la ferme indiquée et, après une brève hésitation, garèrent leur berline derrière une des voitures qui se trouvaient déjà là.Au moins, il y avait du monde…Ils actionnèrent la cloche de la porte principale, qui s’ouvrit après un moment.Une femme de haute stature, revêtue d’un peignoir visiblement endossé à la va-vite, les salua et attendit, l’air interrogateur. Des rondeurs très généreuses, les cheveux blancs coupés court, elle était âgée d’une soixantaine d’années.Ils lui expliquèrent leur situation. Après un très bref instant de flottement, elle leur offrit l’hospitalité pour la nuit et les conduisit à l’une des chambres inoccupées de la grande ferme.Ils défirent leurs bagages. La chambre disposant d’un petit cabinet de toilette, chacun prit une douche et se changea.Leur hôtesse revint peu après.— Je ne me suis pas présentée: je suis Mme Matescu. Mon mari et moi exploitons cette ferme depuis plus de 40 ans.— Mikaël. Et voici mon épouse, Sylviane.— Enchantée, M. Mikaël.Mme Matescu se tourna vers Sylviane. Son regard s’attarda rapidement au passage sur ses formes. Le sourire qui s’égara sur ses lèvres rappela à Mikaël le chat d’Alice au Pays des Merveilles— Vraiment ravie, Mme Sylviane.L’hôtesse continua:— J’ai pensé que vous n’aviez sans doute pas mangé. Euh… Nous faisons une petite fête avec quelques voisins, alors, Euh... si un buffet froid à la bonne franquette ne vous rebute pas, je vous invite à vous joindre à nous.
Sylviane et Mikaël acceptèrent avec reconnaissance et emboîtèrent le pas à Mme Matescu. En chemin, celle-ci reprit, d’un air, leur sembla t-il, un peu embarrassé:— Euh… j’espère que vous ne vous formaliserez pas de la tenue de nos invités. Nous ne prenons pas toujours la peine de nous habiller pour sortir… Euh… Nous sommes à la campagne, après tout, Euh… Vous comprenez?Sur ces paroles sibyllines, leur hôtesse les guida à travers le dédale de pièces et de couloirs de la grande ferme vers une ancienne grange meublée de manière hétéroclite. Les murs étaient habillés de tentures et de papiers peints divers, en un étrange patchwork. De même, l’éclairage varié aurait rendu jaloux un marchand de luminaires.Les invités étaient assis, qui sur des divans, qui sur des canapés, qui sur des fauteuils, voire à terre sur divers tapis.A différents endroits de la salle, sur quelques tables et dessertes, étaient réparties des boissons et diverses petites choses salées ou sucrées.Entre autres ...L’hôtesse n’avait pas menti. Les convives n’avaient pas pris la peine de s’habiller pour la soirée: ils étaient en fait tous nus, à quelques détails près. Les femmes dans l’expectative, et les hommes en érection s’appliquant lentement et comme machinalement à entretenir celle-ci de la main.Une dizaine de paires d’yeux attendaient en apnée la réaction de Sylviane et de Mikaël. Ceux-ci semblaient heureusement plus estomaqués que choqués.Mme Matescu, un peu soulagée, reprit courtoisement l ’initiative, et désignant un homme dégarni bien charpenté d’environ soixante-cinq ans, dit:— Je vous présente mon mari, M. Matescu.M. Matescu leur souhaita très poliment la bienvenue tout en accélérant mécaniquement le mouvement de va et vient que sa main exerçait le long de son sexe épais.Semblant réaliser ce que la situation pouvait avoir d’inhabituel pour ses hôtes, Mme Matescu reprit en souriant:— Nous vous devons quand-même quelques explications. Je vais vous les fournir tout en vous présentant nos amis. Nous tous, ici présents, sommes… Euh… libertaires.— Libertins, Mme Matescu, libertins, corrigea une jeune femme au physique ordinaire, mais au regard intense, qui approchait la quarantaine.Mme Paillisson a raison, bien sûr, dit Mme Matescu d’un air embarrassé. C ’est d’ailleurs avec elle et M. Paillisson, son mari ici présent, que l’idée de nos petites soirées a vu le jourM. Paillisson, allongé par terre sur un tapis, était un petit homme rondouillard, sensiblement du même âge que sa femme, qu’il couvait d’un regard d’adoration teinté de soumission domestique.— Vous êtes vous demandés ce que nous pouvions bien faire de nos soirées, ici, à Plaisir-en-Mayenne?«Au mot près!», pensa Mikaël.M. Matescu et moi-même ayant fait l’acquisition d’un lecteur de DVD, nous avons convié nos voisins et amis Paillisson à venir un soir regarder un film que j’irai louer en ville, à l’occasion de mes achats.Mme Paillisson me conseilla de prendre un film qu’elle avait adoré au cinéma. Elle me donna le titre en Anglais qui comprenait trois mots brefs, et me dit que la jaquette représentait un couple tendrement enlacé.« Comme je ne parle pas un mot d’anglais, j’ai pris bien soin de me souvenir de ce que m’avait dit Mme Paillisson. Pour trois mots, je n’ai pas cru bon de devoir noter.Le soir, mon mari, les Paillisson et moi-même nous sommes donc confortablement installés pour regarder le film.Le film terminé, le silence a bien dû durer cinq minutes. C ’est Mme Paillisson qui l ’a rompu en disant d ’une voix légèrement enrouée:- Mme Matescu, vous n ’avez pas loué le bon film. J’avais dit « West Side Story », pas « Eyes Wide Shut » ! Mais dîtes moi, vous feriez des choses comme dans ce film là, vous autres? »Mme Matescu continua:— Ce film montre notamment des couples échangeurs…— Échangistes, interrompit Mme Paillisson, échangistes, Mme Matescu …— … échangistes qui participent à … euh … des soirées … euh … collectives. Après avoir longuement tourné autour du pot, nous avons tous admis que oui, nous pourrions éventuellement faire des choses comme dans ce film là, nous autres.«La différence d’âge entre nos deux couples n’avait vraiment pas d’importance. A la campagne, on conduit un tracteur dès l’âge de dix ans, et on nourrit toujours les poules à plus de quatre-vingts ans. Alors, vous savez, l ’âge, ajouta t-elle en riant... Nous avons continué d ’en parler une bonne heure. Nous nous regardions les uns les autres d’un œil neuf, chacun détaillant les trois autres dans une optique qu’il n’avait jamais envisagée auparavant.C’est encore Mme Paillisson qui a posé la question la plus pertinente de la soirée:— Que nous quatre?Nous avons mis quelques secondes à saisir le raccourci, puis l’horizon s’est ouvert pour chacun d’entre nous. Notre cercle de connaissances n’étant pas si étendu que ça, nous avons finalement cité les mêmes noms.Le lendemain matin, Mme Paillisson est revenue avec Mme Bienaffont et un numéro de « Échanges et Rencontres Magazine », que celle-ci détenait déjà, pour d ’obscures raisons.Le surlendemain, j’ai parlé à Mme Pazasset, de la ferme voisine, qui a parlé à son mari qui a, semble t-il, pris la chose avec un grand naturel.Notre plus grande surprise a été quand Mme Bienaffont a parlé à M. et Mme M’Balawé, les instituteurs. Ils ont été enthousiastes! M. M’Balawé a fait savoir qu’ils étaient sensibles à l’attention, dans la mesure où être africain débarqués depuis deux ans ne dispensait pas de s’emmerder à Plaisir-en-Mayenne, et qu’ils considéraient comme très touchante l’invite à l’intégration que constituait de la part de ces dames le fait de leur ouvrir un cercle qu’ils leur croyaient fermé.»Un éclat de rire cristallin retentit. Sylviane et Mikaël se tournèrent vers une belle femme noire qui jouait délicatement avec les lèvres entrouvertes de son sexe.— Mon mari a été un apport de choix pour nos amis. Il est érigé presque en permanence et totalement inépuisable, ce qui permet à ces messieurs de récupérer à leur rythme sans que celui des festivités n’en pâtisse. Quant à moi, je suis toujours curieuse d’élargir mon cercle intime, dit elle avec un léger sourire provocant.Un homme approchant très lentement la soixantaine, confortablement épanoui sur un canapé, prit alors la parole d’un ton enjoué.— …et puis, pour varier les plaisirs, ces dames on prévu divers jouets, produits, et accessoires, que vous pouvez voir disposés autour de vous. Une autre excellente idée de Mme Paillisson, je crois …— M. Pazasset, le présenta Mme Matescu.Mikaël et Sylviane découvrirent effectivement différents accessoires disposés un peu partout. Le premier, mais non le moindre, était un bel objet en bois d’une trentaine de centimètres.— Notre contribution, dit Mme M’Balawé. Artisanat de chez nous …C ’était un magnifique phallus aux testicules rondes issu de l’art coutumier africainMme Matescu reprit à l’intention de Sylviane et de Mikaël:— Chacune de ces dames a mis la main à la pâte. Par exemple, les objets suivants, je les ai soigneusement sélectionnés avec Mme Pazasset et Mme Paillisson.Figuraient pêle-mêle : une superbe verge aux veines saillantes en résine translucide, des perles anales de tailles diverses, des boules de geisha, ainsi que des cônes de pénétration anale de différents diamètres.L’hygiène n’était pas en reste, et les différents produits - gels lubrifiants et chauffants, lait de toilette et lingettes intimes, préservatifs - démontraient, s’il en était encore besoin, avec quel sérieux ces dames avaient tout organisé. Rien ne manquait.La contribution de Mme Pazasset, quant à elle, avait tout pour surprendre quelqu’un qui n’aurait pas grandi à la campagne.Elle avait fourni deux superbes et troublants objets de plaisir figurant des sexes animaux en érection grandeur nature.— M. et Mme Pazasset élèvent des chiens et des chevaux, dit Mme Matescu.— …Et, bien que je ne sois pas tentée pour moi-même, si le cœur en dit à l’une de ces dames après avoir essayé mes fac-similés, je fournis volontiers le concours de l’un ou l’autre de mes protégés. Je crois que cela m’exciterait très fort d’y assister, ajouta Mme Pazasset en éclatant d’un rire qui agita ses épaules et ses seins!— C’ était une femme souriante d’une assez bonne cinquantaine d’année qui attirait d ’emblée la sympathie. Mikaël et Sylviane se demandèrent si elle avait dit vrai, ou si elle était dotée d ’un énorme sens de l ’humour.Constatant la perplexité de ses deux invités de passage, Mme Matescu sourit gentiment.— J’avoue ne pas savoir moi-même quand Mme Pazasset plaisante. D’après elle, c’est beaucoup moins fréquent qu’on ne le croit… Et je ne sais pas trop que penser de son autre contribution de la soirée. Est-ce vraiment destiné au buffet? Quand je lui ai posé la question, elle m’a répondu en riant qu’elle était heureuse de me fournir quelque chose de consistant à me mettre dans le ventre!Un splendide concombre de bonne taille exhibait son ambiguïté...Un homme d’une trentaine d ’années, qui ne s’était pas manifesté jusqu’à présent, fit alors remarquer à Mme Matescu que Sylviane et Mikaël devaient avoir faim.— Mais M. Bienaffont a raison, bien sûr!Mme Matescu les guida vers le buffet en s’excusant, confuse de son étourderie.Ils se mirent à grignoter avec bonheur le buffet froid que leur proposa leur hôtesse.Tandis qu’ils se restauraient, Ils devisèrent avec Mme Matescu. Les convives, quant à eux, se levaient pour venir chercher à manger, puis retournaient s’asseoir en discutant et en riant entre eux, toujours aussi nus que la vérité.Mikaël, curieux, en profita pour demander avec tact à Mme Matescu pourquoi, alors que manifestement les hôtes et leurs invités étaient sur le point de se livrer aux ébats sexuels collectifs les plus débridés, ils s’obstinaient à se vouvoyer et à s’appeler les uns les autres «monsieur» et «madame». La profondeur de la réponse le laissa pantois:— Mais, pour éviter toute familiarité qui pourrait conduire à des actes ou des propos vulgaires ou déplacés. Pour rester respectueux, en somme! Le respect, M. Mikaël, le respect…Mme Matescu leur offrit à boire:— Cidre? Jus de fruit? Punch? Coca?Une jeune voix féminine, continua alors sur le même ton:— Peut-être la bouteille, madame? Je me ferais un plaisir de vous la servir!Ce fut Mikaël, à la vue de la bouteille d’un litre à la forme familière, qui répondit d’un ton faussement distrait:— Pas tout de suite, merci.Et s’adressant à Sylviane:— Plus tard, peut-être, chérie? Ce qui lui valut un regard assassin de la part de sa femme.Mme Matescu désigna la brunette de vingt-cinq à trente ans qui venait de parler.— Mme Bienaffont est la plus coquette de nous toutes.— …coquine, Mme Matescu, commença Mme Paillisson qui s’arrêta net en voyant le sourire ironique de leur hôtesse qui, cette fois, l’avait manifestement fait exprès.Je revendique «coquine», concéda Mme Bienaffont ... Et bien plus encore, comme vous pouvez le deviner si vous considérez les jouets que j’ai apportés …— Elle désignait un masque opaque de velours noir, une paire de menottes à longue chaîne, et un martinet de cuir dont le manche en bois sculpté figurait un pénis au gland ovoïde épanoui.C’est le moment que choisit Mme Matescu pour se défaire de son peignoir et se jeter en arrière sur un canapé en rejetant prestement ses dessous, dévoilant comme une promesse ses seins pesants aux larges aréoles, et ses hanches et ses fesses plantureuses…— Que la fête commence, mes amis, lança t-elle en bonne animatrice des ébats!Puis elle ajouta:— Mme Sylviane, M. Mikaël, comme vous l’avez pressenti, vous êtes les bienvenus!— Cooptés, ajouta joyeusement M. M’Balawé!— Souhaités, dit Mme Pazasset!— Désirés, susurra Mme Paillisson.— Vous voulez bien rester jouer avec nous, quémanda Mme Bienaffont?Sylviane et Mikaël ne savaient que dire, pris au dépourvu. Chacun tourna son regard vers l’autre, puis, sans avoir échangé une parole, ils rendirent conjointement leur réponse.Au petit matin, quand ils quittèrent la ferme pour reprendre leur route, Mme Matescu leur fit savoir avec chaleur qu’ils seraient toujours les bienvenus à Plaisir-en-Mayenne. Ils prirent la route sur ces propos.L’image de leur hôtesse disparut lentement dans les rétroviseurs.Après quelques kilomètres parcourus en silence, Mikaël dit:— J’ai emporté un souvenir…Il mit la main dans sa poche et jeta en en sortant une poignée de préservatifs à étui rose:— Fraise ….Sylviane le regarda, glissa la main dans son sac, et rétorqua — Vanille!Ils pouffèrent ensemble...Ce qu’ont cette nuit là décidé Sylviane et Mikaël n’a pas filtré …

… mais VOUS, dans les mêmes circonstances,QUELLE AURAIT ETE VOTRE DECISION?
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