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Natasha & Franck

Chapitre 16

Travesti / Trans
     Sigrid embrassa Kristina juste avant le début du concert. Autant dire que la guitariste était survoltée sur scène. La norvégienne n’imaginait pas que la musicienne avait un petit plus, pas si petit que ça d’ailleurs, qui ne demandait qu’à s’exprimer. Kristina n’avait cependant aucun doute que Sigrid s’en accommoderait fort bien. A bien y réfléchir, elle avait raison. La scandinave n’était pas du genre à renâcler devant une telle découverte. J’allais dire à s’émouvoir, mais tout compte fait… si ! Cela pouvait bien l’émouvoir. Et beaucoup !     Sigrid était d’un tempérament volcanique et sulfureux. En attestaient ses bras recouverts de tatouages. Le cou portait aussi des bribes de dessins. Vraisemblablement le T-shirt masquait l’essentiel et Kristina serait sans l’ombre d’un doute la première à en découvrir l’intégralité.     Tom et Ingrid ne se séparaient plus. Ils passaient la plus grande partie du concert dans la loge et parfois daignaient pointer le bout du nez dans les coulisses. Constamment, Kristina, survoltée essayait de croiser le regard de Sigrid qu’elle cherchait dans le public. La brésilienne se livrait totalement, donnait encore plus que d’accoutumée et quand elle descendait, fourbue, de la scène après le dernier rappel, Sigrid l’accueillait et l’entrainait dans un recoin tranquille pour continuer ce qu’elle avait commencé. Kristina, éreintée et étreinte, s’abandonnait à ses doigts. La norvégienne posait une main exploratrice sur un endroit stratégique bien avant que la guitariste puisse la prévenir. Sigrid laissait entrevoir sa surprise quelques fractions de secondes, mais en un battement de cils, ses yeux se mettaient à pétiller à en rendre une bouteille de champagne jalouse.

   ─ Coquine ! Tu comptais me cacher ce trésor encore longtemps ?   ─ J’espérais pouvoir te l’enfiler par surprise…   ─ C’est quand même une surprise… de taille, mais j’aime ce genre de surprise.

     Tout en continuant de jouer avec la surprise, Sigrid lorgnait sur les seins que la brassière achetée en Espagne avait du mal à contenir. Rapidement sa langue se promenait sur la peau de ces obus offerts par la guitariste. Leur cachette était à quelques mètres seulement de la salle. Elles pouvaient entendre le public qui prenait son temps pour quitter les lieux. Cette proximité exacerbait leur désir. Kristina avouait qu’elle rêvait de s’envoyer en l’air derrière un rideau de scène fermé, juste avant le début du concert.

   ─ Avec un micro bien placé pour que la salle entende bien tes gémissements et vous démarreriez le concert en jouant « Excitable » de Def Leppard dans la foulée. Ce serait la classe !   ─ J’en parlerai aux autres, mais avec une idée comme celle-là… je t’embauche de suite.

     Kristina lui arrachait son perfecto et son T-shirt. Elle voulait un accès rapide à la peau de cette blonde qui la surprenait et dont elle se sentait éminemment proche. Le coup de foudre dans toute sa splendeur. Quoi de plus normal, après tout, dans le pays de Thor. Dans la pénombre, elle ne pouvait distinguer clairement les motifs des tatouages, mais, comme elle l’avait présupposé, le corps de Sigrid, à quelques exceptions près, en était recouvert. Mais heureusement, contrairement à d’autres inconditionnels, la norvégienne avait su garder des espaces vierges d’encre sur sa peau. Le tatouage n’en était que plus lisible et permettait de reprendre sa respiration en passant d’un motif à un autre. Kristina le contemplerai plus tard, dans un lieu plus éclairé et une fois qu’elle aurait assouvi ses pulsions purement sexuelles.     Certains partenaires de Sigrid avaient parfois rechigné en découvrant l’étendue des motifs. Constatant que Kristina n’avait pas le moindre tatouage, elle s’enquit de ses gouts en la matière. Mais si la guitariste n’avait pas succombé à la tentation, ce n’était que pour le plaisir d’offrir sa peau naturellement hâlée. D’ailleurs, je lui avais avoué être toujours autant excité par le contraste de leurs épidermes lorsqu’elle et Alexandra s’enlaçaient. Je rêvais même de voir un jour une belle femme à la peau d’ébène prise entre la rousse et la brésilienne. Kristina rassura la blonde d’une plaisanterie.

   ─ Ce que j’aime avec les filles qui ont des tatouages dans le dos, c’est que ça fait de la lecture pendant la levrette. C’est vrai que dans ton cas, j’ai l’impression d’entrer carrément dans une bibliothèque. Mais c’est promis, je mouillerai mon index à chaque fois que je tournerai une de tes pages. Alors, premier chapitre…

     Et Kristina joignait le geste à la parole, lui glissant une main dans l’entrejambe. Nous les laissions faire plus profonde connaissance tandis que nous nous reposions avant de ranger le matériel. Alexandra, Natasha et moi discutions de l’étrange sensation que nous inspirait cette relation naissante. Si l’intégrité du groupe n’était aucunement remise en compte, voir Kristina, qui avait toujours fait partie des ébats depuis le début de la tournée, se consacrer uniquement à Sigrid nous laissait un goût de vide. Nous étions pourtant tous trois heureux pour elle. Après tout Natasha avait été la première à s’engager sur la voie sentimentale. J’étais avachi dans le canapé dont le cuir avait dû voir passer un nombre incalculable de postérieurs passés ou non à la postérité. Les pieds posés sur une table basse quelque peu bancale, je tentais pour l’instant de calmer ma soif. Il y aurait des bières, mais ce serait pour plus tard. Natasha s’était blottie contre moi, la tête posée contre mon épaule gauche. Elle avait passé ses bras autour de ma taille et sa jambe gauche par-dessus la mienne. Elle était vraiment une belle plante. Liane ou lierre, en l’occurrence. Alexandra aussi s’était amarrée à moi. Mais elle avait juste posé la tête sur mon torse. Ses jambes pendaient par-dessus l’accoudoir. Elle cherchait au plafond l’inspiration et grattait sans but précis les cordes d’une guitare acoustique que quelqu’un avait oubliée là. Elle plaquait des accords mineurs. L’absence de Kristina se sentait jusque dans le choix des notes. Je passais les doigts dans les cheveux de notre juke-box vivant. Un calme inhabituel régnait dans la pièce. Cela faisait maintenant deux mois que nous étions sur la route. Après un ultime concert norvégien à Trondheim, nous pourrions faire un petit break et recharger les batteries.


     Alexandra laissait ses doigts effleurer les cordes. Elle était persuadée qu’elle composerait les bases d’une nouvelle chanson. Personne ne souhaitait l’en dissuader. Il fallait pourtant que nous rangions le matériel. Encore un quart d’heure, proposais-je. Natasha passait une main sous mon t-shirt, se redressait un peu, suffisamment pour réclamer mes lèvres sur les siennes.      Les instruments furent vite rangés. Surtout parce que nous avions hâte de passer sous la douche. A la surprise générale, le temps avait radicalement changé. Si le fond de l’air n’avait pas encore eu le temps de se réchauffer, au moins le ciel était dégagé. Quand nous quittions le chat noir, l’endroit où nous venions de jouer, nous étions tous, à l’exception des frangines norvégiennes, estomaqués par la luminosité incroyable du ciel. Il était environ 23h et le soleil venait à peine de se coucher. L’hôtel était à quelques minutes à pied. Les douches furent rapides. Puisque nous étions en plein centre, juste derrière l’hôtel de ville, lieu de remise du prix Nobel de la paix, c’était l’occasion de découvrir la capitale. Rien de mieux qu’un petit tour dans le parc du palais royal pour décompresser en profitant des derniers rougeoiements des nuages éparpillés sans ménagement par la brise marine.     Si Kristina et Sigrid se tenaient serrées l’une contre l’autre, elles se retenaient dans leur élan, non pas qu’une pudeur soudaine les eues assaillies, mais par soucis de cohésion du groupe. Sigrid levait un sourcil amusé lorsqu’elle constatait que je me retrouvais pris en tenaille entre Alexandra et Natasha.

   ─ Tu es un sacré veinard, Franck ! Ou un grand coquin…   ─ Certainement les deux, lui répondis-je.   ─ Je confirme, il est les deux, rajoutait Natasha en lui décochant un de ses plus beaux sourires.   ─ Nous sommes également toutes veinardes et très coquines, surenchérit Alexandra. Toi y compris…

     Et tandis que l’allée où nous déambulions nonchalamment rétrécissait, Sigrid en profitait pour effleurer explicitement Natasha qui ne se dérobait pas, bien au contraire. Tom et Ingrid qui nous suivaient commentaient la scène.

   ─ Et bien ça sent la partouze ce soir !   ─ Reste à savoir si vous souhaitez vous joindre à nous ou si vous restez sagement en couple, répliqua Alexandra.

     Tout en terminant sa phrase, elle jetait un coup d’œil interrogatif à Sigrid. Peut-être ne souhaitait-elle pas impliquer sa petite sœur dans une nuit de débauche ? Puis, ne recevant pas de contre ordre de l’aînée, elle se retournait vers Ingrid.

   ─ Oh… on s’est déjà brouté le minou avec ma sœur…

     Tom eu une réaction mitigée. Il faillit s’étouffer et dans le même instant, son deuxième cerveau convoquait tout le sang nécessaire pour exprimer au mieux sa satisfaction à l’énoncé de cette réponse.

   ─ Il fallait bien que quelqu’un lui apprenne les bonnes manières, conclut Sigrid.

     Et toute la troupe d’éclater de rire. Mais pour l’instant, l’activité principale, pour se fondre dans les coutumes locales, consisterait à écluser moult boissons plus ou moins alcoolisées. Direction le hard-Rock café, ce qui semblait en cohérence avec le groupe. Il y avait foule et certains avaient pris de l’avance concernant le grammage. Les discutions allaient bon train. Kristina se chargeait d’expliquer le fonctionnement du groupe à Sigrid dont les yeux brillaient de plus en plus, et pas uniquement en raison de l’alcool. Elle se montrait encore plus intéressée lorsque nous évoquions nôtre souhait de former une communauté. D’ailleurs, cette communauté existait, de fait, depuis le début de la tournée. C’en était tout au moins les fondations.

     Calée contre Kristina, Sigrid s’émerveillait de la chevelure d’Alexandra, assise à sa droite. Elle lui passait la main dans les cheveux. Visiblement, elle se faisait très bien à l’idée de partage. Alexandra lui saisit la main et la porta à ses lèvres. Elle introduisit le majeur dans sa bouche et lui donna une petite idée de l’agilité de sa langue et de l’étendue de son savoir faire. Sigrid ne voulait pas être en reste et allait saisir la main d’Alexandra, mais la rousse regarda alentour et constatant que personne ne se rendrait compte de rien puisque nous étions en bout de salle, assis sur des banquettes qui masquaient nos plus proches voisins, lui proposait mieux que son majeur à sucer. Sigrid lui adressait un regard plein d’appétit, puis se tournait vers Natasha.

   ─ Toi aussi, je parie…   ─ Exactement ! Si tu arrives à te glisser sous la table après t’être occupée de la miss, je veux bien examiner ta candidature pour entrer dans la communauté, plaisanta Natasha.

     Ingrid avait les yeux écarquillés. Elle se tournait vers Tom, cherchant son approbation pour partir à la découverte.

   ─ Désolée grande sœur, mais je te pique la place.    ─ Effectivement, tu lui as bien appris les bonnes manières, Sigrid, plaisantais je.   ─ Ca promet pour le reste de la nuit !   ─ Espérons qu’une serveuse n’aura pas l’idée de s’approcher trop près… murmura Alexandra qui commençait déjà à réagir aux assauts buccaux de Sigrid.   ─ Si vous voulez corser l’affaire, je peux en appeler une, je commence à avoir un petit creux. On verra bien si elle s’aperçoit de quelque chose, s’amusa Kristina.
     La brésilienne décidait finalement d’attendre que les deux sœurs puissent tranquillement choisir leur commande. Tandis qu’Ingrid s’affairait sur la verge se Natasha, Sigrid s’agitait et Alexandra lui maintenait la tête. La norvégienne n’allait tout de même pas se défiler maintenant ? Mais ses gestes se faisaient plus irréguliers, comme si elle commençait à paniquer. Alexandra relâchait la pression sur la tête de la blonde dont les yeux traduisaient en effet une forte inquiétude.

   ─ Qu’est ce qui ne va pas ?   ─ Je… J’ai eu la soudaine impression que… que je voyais à travers les yeux de quelqu’un d’autre.

     En même temps qu’elle finissait sa phrase, elle se retournait, essayant de déterminer de qui elle avait attrapé le regard. C’était ou Natasha ou moi. Mais aucun de nous deux ne s’était rendu compte de quoi que ce soit. J’essayais de la calmer et de la rassurer, lui expliquant que cela nous était déjà arrivé. Sans que nous puissions encore comprendre la raison de ce phénomène. Cela concernait exclusivement des gens proches et ce n’était pas, pour autant que nous sachions, dangereux. En espérant quand même que cela n’arrive jamais pendant la conduite ou une quelconque activité nécessitant de l’attention.

   ─ J’aurais tendance à dire que c’est plutôt bon signe pour toi… tu sembles toi aussi connectée à notre communauté finalement, rajouta Natasha.

     Sigrid s’excusa de ne pas avoir emmené Alexandra jusqu’à la jouissance. Elle lui proposa que nous mangions, qu’elle se remette de ses émotions et, une fois revenus à l’hôtel, nous nous occupions les uns des autres. Natasha ferma les yeux et tentais de retenir des petits cris de jouissance. Elle éjaculait dans la bouche d’Ingrid qui se relevait, fière de n’avoir laissé tomber aucune goutte.

   ─ Quoi, j’ai loupé quelque chose ?

     Le rire était franc et massif. Et suivi de nombreux autres. Puis arrosé de nombreuses pintes de bière. Puisque ils servaient de la Guinness, je ne me faisais pas prier. Les deux frangines firent la moue lorsque j’expliquais que je n’aimais pas les blondes. Je m’empressais de les rassurer en précisant que cela ne valait que pour la boisson. Elles exigèrent que je le leur prouve dès le retour. Toutefois, ce fameux retour fut lent et laborieux. J’obtenais un sursis pour fournir la preuve. L’orgie annoncée n’eut pas lieu. Alexandra réclamait cependant son dût. Une fois obtenu, elle se laissait tomber comme une masse sur le grand lit. Kristina entraînait ensuite Sigrid. Tom et Ingrid dormait sans doute déjà dans leur chambre. Natasha somnolait alors qu’elle n’avait encore mit qu’un seul pied dans le lit. Dans un réflexe, elle passait un bras autour de la taille d’Alexandra, à moins que ce fût l’inverse. Elle balbutiait quelque chose. Je parvenais à comprendre de ce galimatias qu’elle voulait que je me serre contre elle. Comme si je pouvais avoir une autre idée… Je sentais mon sexe se raidir au premier contact avec ses fesses. Mais l’alcool ingurgité empêchait toute velléité de persévérer.

     Dix heures. J’ouvrais un œil. Etais-je le premier, le seul ? Aucun moyen de le savoir ; je refermais aussitôt tant la lumière agressait la rétine. Le petit-déjeuner nous fit un doigt d’honneur puisqu’il était plus de midi quand tout le monde émergeait en ordre dispersé. Mais nous pouvions tous constater que nous avions sans exception une gueule bois à faire bander un camp de bûcherons canadiens. La première mission, après la première miction, était de trouver quelque chose pour décaper les papilles. Trouver de l’aquavit rapidement était plus qu’improbable. Un coup d’œil dans les mini frigidaires de la chambre nous permis de dégotter quelques canettes de coca. Heureusement notre prochain concert n’était que pour le lendemain. Vidage des canettes et passages sous la douche furent les deux mamelles de la franchement lente première heure post réveil.      Sigrid proposa de végéter en bord de mer. L’air marin nous aiderait, espérait elle, à remettre les neurones en marche. Personne n’ayant de meilleure idée, nous l’acceptions sans résistance. Le soleil était revenu avec son cortège de degrés supplémentaires. Mais il fallait dans un premier temps s’en prémunir et chacun de partir à la recherche de ses lunettes de soleil. Et de crème solaire pour Alexandra. Je lui proposais mon aide qu’elle acceptait volontiers, à la condition tout de même que cela ne finisse pas comme sur la plage au Portugal.

     Après avoir déniché plusieurs grandes bouteilles de ce liquide qui dissout les cuites, nous visitions le nouvel opéra d’Oslo. De nombreux touristes déambulaient sur le toit du bâtiment incliné vers l’eau du fjord et les locaux, eux, profitaient de l’exposition au soleil pour recharger les batteries, prendre quelques couleurs, essentiellement différentes teintes de rose. Nous aussi rechargions nos batteries. Nous les avions sérieusement mises à mal cette nuit, mais cela nous avait fait également beaucoup de bien. Depuis l’Espagne, nous n’avions plus eu l’occasion d’être vraiment en contact avec les habitants des villes traversées. Et c’était vraiment réparateur après le passage catastrophique en Autriche.

   ─ A dix minutes en bus, il y a une île où nous pourrions continuer notre discussion les pieds dans l’eau. Ca vous tente ?   ─ Et comment ! Fais nous visiter, ma belle.

     La ligne 85 passait juste derrière l’opéra et menait jusqu’à l’île de Malmøya. La route longeait la côte au pied de la colline d’Ekeberg, d’où Munch avait peint le fameux « Cri ». Il ne l’avait peut-être pas réalisé sur place mais la baie représentée en arrière plan était celle d’Oslo, vue du parc au sommet. Le bus bifurquait sur la droite sur une langue de terre qui éloignait le bord de mer de la route principale. La zone était constituée de maisons individuelles et, pour les plus grosses, des habitations qui ne devaient pas dépasser les quatre ou cinq foyers. Il en était de même pour le flanc de la colline en arrière plan. La pente était exposée au sud-ouest, idéal lorsqu’on songeait aux courtes journées d’hiver où chaque minute de soleil gagnée avait son importance. Un petit pont nous menait sur l’île d’Ormøya, enjambant un bras de mer d’une vingtaine de mètres à peine. Le bus s’arrêtait au départ d’un autre pont, bien plus long. Nous continuions donc à pied en direction de la pointe est, suivant les conseils du chauffeur, jusqu’au club d’aviron. L’après-midi nous offrait sa nonchalance, les pieds dans l’eau, ainsi que les yeux pour qui parvenait à les maintenir ouverts.

      Sigrid, assise entre les jambes de Kristina, le dos contre sa poitrine se laissait bercer par le clapotis de l’eau. La brésilienne la tenait serrée dans ses bras, une joue contre sa chevelure quasiment blanche sous le soleil éclatant. Cela fait des années que Natasha n’avait pas vue Kristina aussi détendue, aussi… amoureuse. Et la plupart du temps, sa passion pour la musique était la cause du crash. Les mecs avaient toujours du mal à rester sages dans l’attente de son retour. Et pourtant, elle était compréhensive sur ce sujet, et s’ils finissaient par rester, c’était avec celle qui ne partait pas. Alexandra éternisa leur pose avec son téléphone puis elle s’allongeait, la tête sur mes cuisses. Malgré la douceur de l’air, elle se couvrait d’une légère veste en toile grossière et protégeait son visage du soleil sous un magnifique chapeau australien en cuir. Elle me faisait penser à ces westerns où le cowboy solitaire se repose a même le sol, la selle de cheval en guise d’oreiller. Il ne manquait plus que le feu de bois, le cheval et la winchester. Et en guise de coyotes, les goélands dans le lointain cherchaient leur pitance.

     Parfois le silence s’installait, laissant supposer que plusieurs d’entre nous avaient succombés aux sirènes d’une sieste réparatrice. Mais lorsque l’un ou l’une d’entre nous estimait avoir sept fois tourné sa langue dans sa bouche, soit il ou elle décidait de la tourner dans une autre bouche, soit il ou elle prolongeait une conversation qui semblait s’être échouée à nos pieds auparavant.

   ─ Franck, as-tu essayé de reproduire, de provoquer ce moment où tu vois à travers les yeux d’une autre personne ?   ─ Juste une fois. Ca n’a eu aucun effet. Je n’ai aucune idée de ce qu’il faudrait faire pour y parvenir. Peut-être que la seule signification de ce phénomène, c’est que nous avons en commun un lien particulier.   ─ Mais ça n’a aucun sens que ça n’ait pas de sens !   ─ Et alors ? Que des filles naissent dans des corps de garçon, ça n’a pas plus de sens. Et pourtant tu en as trois ici présentes. Mais tu peux aussi bien avoir raison. Il y a peut-être un sens que nous ne connaissons pas encore.

     La discussion refit place à la mélodie des vagues. Le flux et le reflux de l’eau agissaient comme un immense tamis dans lequel les pensées de chacun se dégageaient de leurs pollutions, puis, quand une idée brillait suffisamment, elle était extraite des nimbes qui l’avaient vue apparaître, se laissait polir par quiconque estimait pouvoir lui offrir sa patine.     Je regardais Kristina caressant le bras droit de Sigrid. Les doigts hâlés suivaient tendrement les tatouages, comme si la pointe des doigts dessinait elle-même les ornements sur la peau blonde.

   ─ Tu as des tatouages depuis longtemps ?   ─ J’étais encore ado pour le premier.

     Elle passait une main dans ses cheveux et dégageait sa nuque, découvrant deux mots en anglais, dans des petits caractères manuscrits. Bite Here. Mordre ici. Kristina s’amusait d’avoir raté cette information précieuse et promettait de répondre à l’injonction plus souvent.

   ─ C’était une manière de te rebeller contre tes parents, ce tatouage ?   ─ Non, absolument pas. C’était plutôt pour me rebeller avec mon père. Il a toujours été non conformiste. Et ma mère aussi.

     La soirée fut calme, hormis quelques gémissements de-ci de-là. Plus jouissances feutrées qu’orgasmes éruptifs. Soirée qui glissait peu à peu dans une longue nuit réparatrice, suivie d’un énorme petit-déjeuner que nous avions lamentablement loupé la veille. Nous quittâmes Oslo sous un soleil de plomb. Aucun d’entre nous ne s’attendait à une pareille chaleur sous cette latitude. Tom conduisait la voiture de Sigrid en compagnie d’Ingrid et sa sœur nous avait rejoints dans le van.      Sortir de la capitale fût chose aisée. La plupart des habitants de la ville étaient partis en vacances. Il y avait cependant un minimum d’activité dans le centre ville, mais les plus petites villes que nous traversions sur notre route vers Kristiansand avaient, dans les cas les plus extrêmes, l’air de villes fantômes, chères aux westerns du cinéma américain. Kristina, dans un reste de fatigue ou dans un élan de romantisme, avait choisi un tout autre registre musical pour nous accompagner sur la route. La guitare aérienne et la voix débonnaire de Mark Knopfler ajoutaient une mélancolie étrange à ces villes désertées. Alexandra, avachie contre la portière, conduisait d’une main. Elle suivait la mélodie en contre-chant et sa voix claire s’accordait parfaitement sur celle un peu bougonne du leader de Dire Straits. Arrivé au terme de l’album, Kristina en sélectionna un autre sur la clé USB. Sarah Mc Lachlan. Une arme de destruction massive. Aucune des femmes à qui j’avais fait écouter cette chanteuse n’avait résisté plus de quinze minutes. Une voix angélique pour des mélodies et des arrangements diaboliques. Une chanson comme « possession » me collait toujours des frissons et ce n’était pas la seule. Sigrid semblait vouloir se briser les côtes pour se blottir encore plus contre Kristina. Une musique bien plus calme que celle que nous avions écoutée jusqu’à présent nous suivait au fil des kilomètres.

      Nous arrivâmes au Kilden Teater dans la première moitié de l’après-midi. Le bâtiment à l’étrange architecture se trouvait sur une île qu’on pouvait rejoindre par un petit pont. L’entrée ce faisait par le quai. La façade de verre contemplait l’ouest et la vue sur la baie inondait le hall du soleil de l’après-midi. Un mur constitué de planches de chêne ondulait telle une succession de vagues irrégulières. Ce mur avait l’étonnante particularité de s’élever du sol en formant un angle approximativement de quarante cinq degrés. Il grimpait si haut que la pente le transformait finalement en plafond, puis il franchissait la paroi transparente et s’élançait jusqu’à la bordure du toit.      Sigrid proposa de nous passer d’hôtel, le camping sauvage étant une pratique courante et autorisée dans le pays. A quelques centaines de mètres derrière la salle de concerts un pré descendait en pente douce vers l’eau. Le confort était certes spartiate mais l’idée d’une nuit à la belle étoile enchantait tout le monde. En espérant que les moustiques ne nous gâchent pas ce petit plaisir…
     Le lendemain, nous reprenions la route, direction Stavanger. Le choix musical d’Alexandra était tout aussi suave que celui de Kristina la veille. Sophie B. Hawkins ouvrait le bal de sa voix puissante et sensuelle, nous invitant à la rêverie sur une route toute en longues courbes qui ondulaient entre forêts et lacs. Nous avancions sans difficulté, à peine ralentis par quelques camions ravitaillant les villages épars de la région. Si la route n’était pas parfaitement plane, le relief était surtout là pour varier les plaisirs de la conduite. La belle Sophie reprenait « I want you » de Bob Dylan. Une version aérienne qui m’évoquait un aigle planant de toute son envergure, se laissant porter par les courants chauds ascendants de la voix. Je me souvenais encore de la première fois où j’avais vu la chanteuse interpréter son premier succès : « Damn, i wish i was your lover ». Outre la chanson elle-même, j’étais tombé sous le charme de cette américaine à la blonde chevelure exubérante. Si la majorité des hommes citait volontiers des noms d’actrices ou des mannequins comme archétype de la femme sexy, pour ma part, c’était toujours des chanteuses qui me venaient à l’esprit. Sigrid, qui me connaissait forcément moins, approuvait mon analyse sur le sujet et s’empressait de me questionner et tentait de deviner mes goûts en la matière. Je lui racontais combien de fois j’avais pu acheter un disque après en avoir vu la pochette. Bien sûr, j’essayais toujours d’écouter avant d’acheter, afin d’éviter les mauvaises surprises. Mais j’en avais eu beaucoup de bonnes. Quelques années après avoir découvert Sophie B. Hawkins, dans une caverne magique où se vendaient des disques d’occasion, j’avais flashé sur la pochette d’une chanteuse suédoise à la chevelure tout aussi fournie. Sigrid allait souffler son nom mais Alexandra mis son index devant la bouche de la norvégienne pour lui imposer in extremis le silence. Elle fouilla dans la boite à gants. Elle fit défiler la liste des répertoires de la nouvelle clé USB, puis, ayant trouvé ce qu’elle cherchait, elle se retourna vers Sigrid. Les premières notes de « Mary, Mary » résonnaient dans les hauts parleurs. Je reconnaissais sans peine le premier album de Rebecka Törnqvist. Sigrid restait médusée. Elle ne s’attendait pas à écouter un album d’une chanteuse suédoise mélangeant pop et de fortes influences jazz dans le véhicule d’un groupe jouant du metal. Même si être fan de metal n’excluait en rien la possibilité d’apprécier d’autres styles musicaux.

     Stavanger, la capitale du pétrole norvégien était encore à plus d’une heure de route. A partir de là, la tournée deviendrait un prétexte pour jouer aux touristes. Le relief était de plus en plus marqué et la route ne s’embêtait plus dans des contours. Les tunnels se succédaient et s’allongeaient au fur et à mesure que nous remontions vers le nord. Les feuillus cédaient peu à peu la place aux conifères. Les paysages me plaisaient de plus en plus. Les lacs et les fjords, tâches bleues perforant la roche et le vert acidulé des prés, jalonnaient la route. Seuls quelques nuages embellissaient le bleu du ciel et, plus rarement, un de ces moutons de gaz particulièrement flemmard venait se poser sur une crête. A l’arrière, Sigrid n’avaient aucune intention de quitter le confort des bras de Kristina dont les yeux brillants allaient, dans un ballet incessant, du paysage aux cheveux quasi blancs de la norvégienne. Dans le reflet du miroir de courtoisie, j’apercevais une main brune qui se dirigeait lentement sous le t-shirt de Sigrid. Alexandra, assise à ma droite, n’avait rien perdu de la scène et posait une main sur ma cuisse sans s’y attarder outre mesure. Natasha, qui conduisait peinardement tant la route semblait désertée, se contentait de poser sa main droite sur mon autre cuisse.

     Kristina s’était maintenant arrimée au sexe de Sigrid qui se laissait aller au rythme des doigts hâlés. Alexandra enroula ses doigts autour de ma queue et massait délicatement la hampe. Elle me roulait des pelles qu’elle espaçait de commentaires concernant la scène qui se déroulait derrière. Puis les commentaires devinrent inutiles. Les gémissements et la respiration bruyante de Sigrid étaient bien assez explicites. Elle se glissait à genoux entre le tableau de bord et le siège et commençait par me titiller le gland du bout de la langue. A l’arrière, les deux amantes s’étaient installées tête-bêche. Seule Natasha ne pouvait participer, mais son tour viendrait. J’apercevais au bout de la ligne droite un camion que nous finirions bien par rattraper. Il viendrait forcément à l’idée de Natasha, si les conditions s’y prêtaient, de le doubler lentement pour que le chauffeur puisse profiter du spectacle. Elle accélérait sensiblement ; elle avait donc eu l’idée au même instant que moi.

     Natasha arriva au cul du camion à la fin d’une série de virages pas très serrés, ce qui lui avait permis de maintenir une allure constante. Elle déboita légèrement mais la courte ligne droite où deux voitures venaient en contresens ne permettait pas de dépasser le camion. L’occasion se présentait un kilomètre plus loin. Une longue section totalement rectiligne. Le chauffeur du camion enclencha le clignotant droit, signifiant que la voie était libre. Natasha dépassait donc très lentement et comme prévu, un coup de klaxon appuyé prouvait que le spectacle plaisait. Cependant, il s’avérait que le camion était conduit par une femme. Elle fit des appels de phare alors qu’une aire de repos était annoncée à quelques centaines de mètres. Elle mit le clignotant pour nous inciter à nous y arrêter.

     C’était bien la première fois que nous croisions un camionneur aussi sexy. Elle n’avait rien de la panoplie du parfait routier, aussi sympa fût-il. Johanna portait une petite robe fleurie assez courte. Elle était chaussée de belles bottes d’un cuir brun rouge qui s’accordait avec la couleur dominante de sa robe et son blouson en cuir rouge vif. Il ne lui manquait qu’un chapeau et elle aurait eu l’air d’une de ces américaines typique du middle-west. Mais elle était née à Prague, juste après la chute du mur de Berlin. Sa mère, Jana, avait profité de l’ouverture des frontières pour voir tous les films qui étaient interdits jusqu’alors. De là, sans doute, venait le coté cowgirl de sa fille. Et en guise de mustang, son camion arpentait les routes de l’ouest européen.     Johanna devait charger une cargaison à Stavanger. Du poisson pour le marché tchèque. C’était la première fois qu’elle faisait ce trajet et était un peu en avance. Puisque tout se déroulait à merveille, prendre un peu de bon temps ne pouvait pas faire de mal. Elle fut étonnée lorsqu’elle découvrit autant de verges prêtes à l’emploi. Si elle n’avait envisagé au départ qu’une rapide petite pipe en guise d’amuse gueule, elle ne reculait pourtant pas devant le nombre. Elle changeait juste d’objectif. Elle masturbait les deux verges aux deux extrêmes et suçait alternativement les deux face à elle. Kristina, que Sigrid avait bien excitée auparavant, éjaculait la première, maculant le visage de la camionneuse. Puis ce fut le tour de Natasha de lui envoyer son foutre sur le visage plutôt que dans la bouche. Alexandra et moi complétions la séance. Johanna, engluée dans son bonheur passait la langue sur les commissures de ses lèvres. Tom et Ingrid qui avaient fait une pause photo, et plus si entente, nous rattrapaient à cet instant. Voyant notre véhicule arrêté, ils avaient d’abord pensé à une panne, mais quand ils découvrirent le visage de Johanna, ils en comprirent instantanément la raison.

   ─ Zut ! J’ai loupé la première partie, plaisanta Tom.   ─ Tu n’as pas tout perdu. Tu m’as balancé une double dose dans la chocolaterie, je te rappelle.

     Natasha proposa à Johanna de venir nous voir jouer le soir et si le cœur lui en disait, de nous rejoindre pour la suite de la soirée. Elle lui certifiait que ce qui venait de se passer n’était qu’un amuse gueule. La tchèque à lécher, alléchée, saisissait une mèche de ses cheveux corbeau où une giclée anonyme était venue se nicher telle une rosée tombée d’un brouillard blanchâtre. Elle glissa la pointe engluée entre ses lèvres déjà bien empoissées. Gênée d’avoir montré son appétit si promptement, elle sentait ses joues s’échauffer et se colorer. La roseur arrosée. Johanna promit de tout faire pour passer les voir.      Le convoi se remit en branle. Sigrid reprenait sa place contre Kristina. Je prenais le volant et laissait Natasha poser sa tête contre l’épaule d’Alexandra qui demanda si l’on continuait avec une musique calme ou si l’on devait tenter un sursaut de décibels. Après cette gourmandise routière, l’unanimité se fit sur un « Best Of » maison de ZZ Top. Nous avions tous en tête le coupé Ford 1933 qui hantait les vidéos du groupe. Alexandra délira sur le rouge de la carrosserie du coupé et sur celui des vêtements de Johanna qui avait un putain de beau châssis. La flamboyante Alexandra était peut-être la mieux placée pour remarquer ce parallèle. Et sur le refrain, tout le monde repris en chœur « Gimme all your lovin’, all your hugs and kisses too ».

     Le camion finit par disparaitre du rétroviseur et les barbus nous accompagnèrent jusqu’à destination. Avec suffisamment de temps pour répéter, tenter de dérober quelques inspirations aux muses et locales et universelles pour transformer nos ritournelles en mélodies gonflées comme des spinnakers, en orages de plomb en fusion ou en bourrasques cascadant sur des crêtes, dévalant des pans entiers de massifs montagneux.

     Le concert se déroulait dans la joie et la bonne humeur générale. Les grands groupes se contentaient le plus souvent de visiter les capitales et les stades. Alors quand un groupe jouait des standards dans des petites salles, les gens ne boudaient pas leur plaisir. D’autant plus que la Norvège était un pays particulièrement amateur de metal, n’en craignant aucunement ses branches les plus sombres et lugubres.

     Pas de Johanna en vue. Peut-être n’avait elle pas eu le temps de venir. Ou peut-être était elle simplement au fond de la salle, un peu trop loin pour que nous l’apercevions. Tant pis, nous la recontacterions en arrivant à Prague. Au moment de jouer la chanson potache de Diamante, qui invite tout le monde à la party qui a lieu dans sa culotte, Natasha et Alexandra s’amusaient avec leurs instruments, jouant de leur aspect phallique. Alors que Natasha chantait, la rousse faisait coulisser le manche de sa guitare entre les jambes écartées. Lors du solo de guitare endiablé de Kristina, Natasha, s’éloignant du micro se vengeait et faisait subir à Alexandra une pseudo-fellation avec le manche de sa basse. Puis lorsque Natasha reprenait le refrain, les deux autres tentaient de lui écarter la ceinture de sa jupe comme pour vérifier qu’il y avait effectivement bien une fiesta dans son sous-vêtement. Et quand, en contre-chant, la brésilienne entonnait qu’elle était une mauvaise fille, c’était à son tour de subir les railleries de la bassiste. Ce titre qui durait habituellement à peine trois minutes fut quasiment doublé, tant elles avaient envie de s’amuser. Peut-être qu’il y avait bien une fête dans sa culotte, après tout. Elles conclurent en beauté par une prouesse qu’elles n’avaient jamais tenté jusqu’à présent. Alexandra se collait juste derrière Natasha. Elle passait sa main droite devant pour jouer sur la basse de Natasha qui elle joua sur la guitare derrière elle. Je ne les avais jamais vues faire cela en répétition, pourtant elles avaient bien dû le faire, les petites cachotières ! L’enchaînement avec la chanson suivante se fit sans temps mort, qui persistait dans les allusions sexuelles. « Going down » était le prétexte pour Alexandra de se frotter contre Natasha tout en se laissant glisser à ses pieds, finissant entre ses jambes. Johanna avait échauffé les esprits sur l’aire de repos. Il ne restait plus qu’à espérer qu’elle était dans les parages, prête à venir à la rescousse pour éteindre l’incendie qu’elle avait en partie déclenché.

     Le concert était maintenant fini. Alexandra et Natasha avaient réussi à se calmer, mais elles allaient certainement me mettre à rude épreuve dans peu de temps. Pour l’instant leur première préoccupation était d’étancher leur soif. C’était la mienne également. La sueur qui coulait du front me piquait les yeux. Natasha vérifiait si Johanna avait laissé un message sur son téléphone. Rien. Alexandra s’était penché sur le lavabo et s’aspergeait à grande eau le visage. Natasha lui caressa amoureusement les fesses. La rousse se tortillait comme si elle attendait plus. Une fois rafraichie, elle attrapait sa guitare, s’allongeait sur la banquette et grattait machinalement les cordes. Natasha se vautrait entre ses cuisses et calait sa tête contre le pubis de la guitariste. Elle fredonna une mélodie. Je m’allongeais sur elle, je fermais les yeux et l’oreille contre sa poitrine, j’écoutais battre son cœur qui cognait comme la grosse caisse de ma batterie.      Kristina dévorait la nourriture que les organisateurs avaient fait déposer dans la loge. Vivre d’amour et d’au fraîche, ça ne fonctionnait que quelques jours ; il arrivait toujours un moment où l’organisme réclamait quelque chose de plus consistant. Sigrid lui massait les épaules. Seules ses mains semblaient dans cette réalité ; son regard semblait se perdre dans la photo qui tapissait le mur en face. Une vue nocturne de New-York prise vraisemblablement depuis un hélicoptère.

   ─ Un jour vous jouerez là-bas, j’en suis convaincue.

     Sigrid se penchait, lui ceignait les épaules de ses bras et collait sa joue contre la chevelure de jais. Une belle insouciance régnait et personne n’avait envie d’y mettre fin. Je ne pourrais jamais assez remercier Natasha de m’avoir kidnappé à cette vie de routine qui était encore la mienne quelques mois auparavant. Je n’avais à présent plus qu’à savourer l’instant présent et la vie devenait un road movie avec une bande originale pléthorique. Natasha passait les bras autour de mon cou. Je relevais la tête pour plonger mon regard dans ses yeux bleus à rendre vert de jalousie les lagunes des mers du sud. Et chaque fois je chavirais. Et pour un peu qu’Alexandra s’en mêlât…     Ce qu’elle ne manquait jamais de faire. Elle passait ses doigts dans les cheveux de Natasha. Elle aussi profitait de cet instant de bonheur délicat. Je posais une main sur sa hanche. Elle eut la chair de poule et je pouvais lire sa peau en braille du bout de mes doigts. Puis j’y déposais un baiser, offrant mon cou tendu aux morsures de Natasha. Je voulais me replacer pour mieux les étreindre toutes les deux, mais à cet instant ma vision se brouillait. Je commençais à comprendre ce que cela signifiait. Je reconnaissais les escaliers qui menaient à notre loge. La personne dont j’avais attrapé le regard suivait un des gars de la sécurité. Ils allaient passer devant un grand miroir dans le couloir. J’espérais voir dans le reflet qui arrivait. C’était une femme, vêtue d’une robe rouge et d’un blouson en cuir, rouge également. Ces longs cheveux noirs masquaient le visage. Et comme à aucun moment elle ne se regarda dans le miroir, je ne pouvais l’identifier. Elle semblait accompagnée d’une deuxième personne, une autre femme, qui paraissait plus petite. Mais comme le couloir était sombre et qu’elle était habillée de noir, je n’en aurais pas mis ma main à couper.

   ─ Nous avons de la visite.

     Natasha était debout, presque inquiète. Alexandra ne bougeait pas et continuait à jouer, même si je la devinais aussi curieuse que nous tous de savoir avec qui je m’étais connecté. Je voyais l’homme qui toquait à la porte en même temps que le son de la phalange heurtant la porte nous arrivait. Je reprenais possession de mon regard lorsque la porte s’entrouvrait.

   ─ Excusez-moi. Quelqu’un insiste pour vous voir. Puis-je les faire entrer ?   ─ Bien sûr !

     Elles entrèrent.

   ─ Marie !   ─ Oui, c’est bien moi, dit-elle en souriant. Et voici Roxanne, ta fille…
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