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Natasha & Franck

Chapitre 17

Travesti / Trans
Dix ans auparavant.

La journée s’annonçait meilleure qu’elle n’avait commencé. Le jour s’était levé brouillasseux, tel un tripot à la fermeture, puis au fur et à mesure que l’astre du jour grimpait dans le firmament, le linceul d’ouate grisâtre se déchirait, s’effilait comme l’aligot qu’une épaisse cuillère en bois étirerait.
La cérémonie à l’église avait bien sûr conforté son jugement sur la religion. Il avait même songé à s’éclipser et attendre la fin dehors, mais ses parents se seraient empressés de lui faire maints reproches qu’il n’avait aucunement envie d’entendre. Si seulement une idée, une pensée décalée lui traversait l’esprit... cela l’occuperait un moment. Il tourna la tête à la manière d’un oiseau perché sur sa branche, cherchant du regard quelque chose, un détail, un visage qui pourrait retenir son attention, lui faire gagner des secondes, des minutes.
Il laissa d’abord ses yeux traîner le long du câble d’un haut-parleur nasillard dans lequel s’égosillait le prêtre. Il tenta bien d’écouter mais les grésillements le découragèrent et il perdit le fil conducteur des saintes paroles. Puis il parcourut d’un œil distrait les tableaux inexpressifs du chemin de croix, sourit en apercevant le visage hirsute d’une grand-mère dont les tremblements n’avaient pas l’émotion pour unique source. Un rang devant, une femme plus jeune – peut-être sa fille – arborait une coiffure depuis longtemps démodée. Ses moustaches et son casque de cheveux lui donnaient un air de guerrier gaulois. Il se retint d’éclater de rire, mais cette pensée éclaira son visage d’un franc sourire. Pourquoi était-il pris d’une irrésistible envie de rire chaque fois qu’il se trouvait dans une église ? Mariages comme enterrements, tout cela sonnait si faux. Au bout du banc, un sexagénaire au visage rougeoyant se curait le nez, son ventre démesurément pointé vers l’avant. Lui aussi passait le temps comme il le pouvait.
Se tournant de l’autre côté, il aperçut un deuxième sexagénaire dont les cheveux peignés vers l’avant et coupés court sur la nuque lui conféraient un air de soldat romain de l’époque antique. Il repensa à "la gauloise" et se demanda s’ils se battraient avant la fin de la journée, pour respecter la logique historique. À sa droite, un garçon aux cheveux longs, à qui il donna une vingtaine d’années, semblait être fan de hard-rock : son tee-shirt affichait fièrement son intérêt pour Iron Maiden. Il irait discuter avec lui après la cérémonie. Ils avaient des chances de bien s’entendre ; à deux, il serait plus aisé de faire front à l’insipidité musicale inhérente à tout mariage qui se respecte. Satisfait de se deviner un allié, il tourna un peu plus la tête, glissa encore un regard rapide sur l’assemblée, mais, alors qu’il allait rediriger son attention sur ce qui se passait devant lui, il se ravisa.
Une infime fraction de seconde avait suffit. Un visage à demi masqué, à peine entr’aperçu dans la pénombre, lui dévoilait maintenant tout son éclat ; « magnétique », c’était l’adjectif adéquat. Ce minois aux traits parfaits le fascinait aussi sûrement qu’un réverbère attire les insectes nocturnes. Ses yeux rieurs autant que bleus et le nez légèrement retroussé ajoutaient un charme qui le troublait. Il aurait pu admirer ce visage de longues heures durant sans que rien ne puisse briser cet enchantement. D’ailleurs, il n’avait plus aucune envie de sortir de cette église. S’il ne parvenait pas à détacher son regard, elle finirait par remarquer qu’il la regardait avec trop d’insistance. Trop tard. L’inconnue lui décocha un sourire charmeur et teinté d’un brin de moquerie. Il rougit. Il fixa le bout de ses tennis et se demanda comment il oserait l’aborder, ce qu’il pourrait lui dire sans passer pour le dernier des ringards.
Et plus il cherchait, moins il trouvait. La panique commençait à le submerger. Il n’allait tout de même pas rester ainsi, incapable d’aborder la plus belle fille qu’il ait jamais croisée, impuissant à lui avouer l’effet qu’elle lui faisait. De toute façon, elle avait deviné cela depuis belle lurette ; elle devait arborer un sourire conquérant et railleur. Il releva la tête, n’osa pas la tourner dans sa direction une fois de plus ; mais, cédant à la tentation, il se tortura l’œil pour l’apercevoir à la dérobée. Elle souriait.
Tout allait de mal en pis. Dans quelques minutes la cérémonie se terminerait, et toujours aucune idée de ce qu’il pourrait lui dire ne germait dans son cerveau qui pourtant moulinait à plein régime. Tout le monde se leva. Il n’avait pas du tout suivi, mais il comprit que le moment fatidique approchait. Tous allaient féliciter les mariés et sortaient les uns après les autres. Il laissa les gens lui griller la politesse, respectant un code piéton tout personnel qui lui fit encore gagner quelques minutes supplémentaires.
Le voilà maintenant dehors, n’osant chercher trop ostensiblement l’adolescente. Fabrice, le frère du marié, s’approcha de lui.
    ─ Ça n’a pas l’air d’aller...?    ─ J’étais juste en train de penser à quelque chose ; mais rien d’important, je te rassure.    ─ Tant mieux, parce que les choses sérieuses vont bientôt commencer : nous allons tous chez un de mes oncles pour le vin d’honneur.
Les invités s’agglutinaient sur le parvis pour la traditionnelle séance de prise de vues en rangs d’oignons (il faudrait bien qu’un jour quelqu’un écrive un sketch sur cette sempiternelle photo de mariage), puis tout le monde se dirigea vers les voitures. Ceux qui avaient la ferme intention de se détremper le gosier négociaient les places libres ; les plus malins avaient laissé leur machisme à la maison et confié la clé de contact à leur femme. La farandole non moins traditionnelle des klaxons pouvait alors commencer. Ces sons tonitruants ne l’aidaient pas à se concentrer, mais peut-être que quelques verres d’alcool lui donneraient un peu d’inspiration. Il se trouva bien ridicule de devoir s’en remettre à cette solution, mais il se rangea à cette idée.

─── ∞∞∞∞∞∞∞∞ ───


Plusieurs tables avaient été dressées sur des tréteaux. Une quantité incroyable de bouteilles de toutes sortes, de plats remplis de toasts, de gâteaux salés, de parts de pizzas, de quiches jonchait ces tables et livraient bataille pour la meilleure place, à portée de toutes ces mains et bouches, contre des plateaux de charcuterie et de petits fours variés. Il se demanda comment on pouvait être encore capable de faire un repas après cela, car ce n’était clairement qu’un début.
Il s’approcha d’une table et attrapa une part de quiche ; mieux valait avaler quelque chose de consistant s’il prévoyait de se doper à l’alcool, d’autant plus qu’avec la chaleur qui ne cessait de grimper, les effets secondaires ne manqueraient pas de se manifester. Hors de question de rater lamentablement la fête en rendant ce qu’il avait avalé puis en s’effondrant comme une loque. On lui servit un whisky-Coca ; il picora quelques gâteaux apéritifs dans une assiette qu’on promenait d’invité en invité. La sono éructait une musique qu’il qualifia d’immonde : c’était un mariage, et il ne fallait rien en attendre d’autre sur le plan musical. De toute façon, ce n’était qu’un fond sonore auquel personne ne prêtait vraiment attention.Il chercha du regard le jeune homme au tee-shirt « Iron Maiden ».
Il s’était écarté de la foule et avait trouvé refuge sous un arbre au-delà de la sono. Ainsi il épargnait à ses oreilles quelques décibels de cette purée sonore que les enceintes crachaient sans discontinuer. Il était entouré d’un petit groupe d’adolescentes subjuguées par son côté rebelle, à moins qu’ils ne fussent tout simplement de la même famille. Tristan imaginait toutes les réflexions qu’il avait dû entendre lorsqu’il avait exhibé son choix vestimentaire. Il s’approcha, et quand les demoiselles lui laissèrent un peu de temps de parole, il félicita le jeune homme pour sa tenue. Pour qu’il n’y ait pas de malentendu, il s’empressa de préciser qu’il avait des goûts similaires. Quelques vannes furent échangées à propos de ce que leurs oreilles étaient en train de subir. Tristan se présenta :
    ─ Moi, c’est Franck. Je suis un ami de la mariée. Et toi ?    ─ Je connais Fabrice depuis le collège. On ne se voit plus beaucoup : il fait des études agricoles car il veut reprendre la ferme de son père, et moi j’aimerais voyager : alors j’étudie les langues.    ─ C’est un excellent choix. J’ai fait des études de dessin…    ─ Industriel ?    ─ Non, Arts Plastiques, mais j’ai trouvé un boulot en tant que facteur ; ça me permet de gagner ma vie tout en ayant du temps libre pour continuer de dessiner.     ─ Ah, c’est chouette, ça !
À côté, les jeunes filles s’impatientaient de cet interlude, et les unes après les autres, tels des oiseaux affamés voletant autour un essaim d’insectes, elles se mirent à piailler en espérant repousser l’intrus.
    ─ Apparemment, tu as un auditoire qui s’impatiente. Je te laisse, on se reverra plus tard…    ─ Sans souci.
Tristan s’éloigna en finissant son verre. Il retrouva Fabrice près des tables. Il semblait avoir un bon appétit… ou très soif ! En ce début de fête, les discussions étaient hachées, tout le monde cherchant à parler à tout le monde. Plus tard, il aurait plus de temps pour approfondir les échanges.
Au milieu du brouhaha des invités, il laissa filer ses pensées, telles les chèvres du père de Fabrice s’évadant lorsqu’elles trouvent une faille dans la clôture. Étaient-ce les prémices d’une cuite ? Il pensa que la sono assenait tout à coup une musique plus violente, le curseur de volume poussé au maximum. Les convives se retournaient, se demandant ce qu’il se passait. Puis il s’élança dans les airs, surplombant la foule incrédule. Alors, porté par les envolées d’accords saturés de guitares, il lévitait, se soulevait de plus en plus haut. À l’apogée de la musique, des éclairs fulgurants jaillissaient de ses poings, décharges libératrices nettoyant la surface de la Terre de cette population dont les goûts en matière de musique tenaient plus de l’égout que de l’art. Puis il redescendit lentement vers le sol, suivant le decrescendo de la musique. Quelques survivants s’échappaient, hurlant de peur.
Il revint sur terre. Des enfants couraient entre les invités assemblés en petits groupes, criant lorsqu’ils sentaient que leur poursuivant était sur le point de les rattraper. Il but une longue gorgée. Elle était devant lui.
    ─ Tristan, je te présente ma cousine, Jessie-Line.    ─ Enchanté...
Elle avait toujours son sourire narquois. Il finit son verre d’un seul trait et s’en servit un autre, bien tassé. Elle le remarqua, émit un léger sifflement admiratif. Il n’aurait su dire si cet enthousiasme était feint ou réel.
    ─ Quelle dose! Un chagrin à noyer, peut-être ?    ─ Je n’espère pas. Une si ravissante cousine ne saurait pousser un admirateur à la noyade…
Il rougit ; elle rougit. Au moins se retrouvaient-ils à égalité sur ce plan-là. Puis elle eut un de ces petits rires cristallins qui fend le cœur sans crier gare, avec l’adresse d’un pickpocket exerçant depuis plus de vingt ans. Finalement, le premier contact s’était bien passé.
Ils sympathisèrent, discutant toute la soirée. Ils échangèrent leur adresse et se promirent de se revoir. Cette rencontre lui laissait cependant une étrange impression : elle avait joué au chat et à la souris avec lui, et il avait la désagréable sensation d’être la souris. Et le chat semblait avoir les griffes bien acérées. Bien sûr, elle lui avait laissé l’espoir d’une prochaine rencontre ; toutefois, elle avait soufflé le chaud et le froid avec une constance à en rendre un métronome jaloux. Mais il pouvait encore espérer...
Tristan envoya des lettres auxquelles Jessie-Line ne répondit jamais. Ils eurent l’occasion de se croiser une fois ou deux, mais il avait la nette impression qu’elle le menait en bateau. Et le bateau avait la taille d’un paquebot. Plus le temps passait, plus il s’enfonçait ; et plus il s’enfonçait, moins il réagissait intelligemment. Il aurait mieux fait de laisser tomber, mais il persistait. En fait, elle se moquait presque ouvertement de lui, et ce « presque » était déjà de trop !

─── ∞∞∞∞∞∞∞∞ ───


Sept ans auparavant.

Fabrice se maria à son tour. Ils se revirent. Elle était devenue mannequin, et elle l’ignora ostensiblement. Ils échangèrent quelques mots, ce qui ne prit que quelques minutes tout au plus, au terme desquelles elle finit par lui avouer qu’elle se fichait éperdument de lui. Chose qu’il savait pertinemment depuis longtemps, même s’il n’avait jamais voulut l’admettre. Ainsi elle mettait un terme à son espoir avec la délicatesse d’un panzer allemand. Ce soir, il s’accorderait une cuite monumentale ; il s’endormirait dans un coin. On le laisserait cuver tranquillement, et le lendemain, dès qu’il serait en état, il s’enfuirait la queue entre les jambes.
Malgré tout l’alcool ingurgité, il ne parvint pas à s’écrouler comme il l’avait souhaité. Il ne voulait pas partir tant qu’elle serait là. Ne pas capituler, ne pas battre en retraite : il était hors de question de la laisser afficher sa satisfaction en quittant prématurément la soirée. Un reste de fierté mal placé, peut-être. Mais le mépris qu’elle lui avait renvoyé à la gueule lui restait en travers de la gorge. Ainsi, en restant jusqu’au bout il sauvait la face, lui montrant qu’elle n’était pas l’unique raison de sa venue. Il se vengerait. Il ne savait pas encore comment, mais il se l’était promis : il se vengerait. Il allait y réfléchir et mûrir longuement son plan. Hors de question de se contenter d’une vengeance rapide et facile : il saurait se montrer patient. Il se ferait araignée et tisserait une toile immense dans laquelle Jessie-Line ne pourrait que finir par s’engluer. Et une fois empêtrée, il la regarderait se débattre, se repaissant de sa déchéance comme d’un nectar épais.
L’aube approchait. Bon nombre d’invités étaient déjà partis. Tristan commençait à somnoler en suivant d’une oreille distraite la conversation de sa voisine. Isolde, grande brune au regard de braise, avait dépassé la quarantaine ; le hâle de sa peau contrastait avec la robe blanche dont elle était vêtue. Assise à sa droite, une autre femme l’écoutait raconter ses expériences sexuelles. Elle parlait suffisamment fort pour que Tristan l’entende, faisant mine de s’adresser à cette femme. De temps à autre elle se tournait vers lui comme pour s’assurer qu’elle captait bien son attention, lui souriait, lui lançait des œillades ne laissant aucun doute sur ses intentions. Son interlocutrice devait être perdue dans les vapeurs d’alcool pour ne pas remarquer le manège ; à son réveil, le contenu de cette conversation qui tenait plus un d’un monologue serait à jamais oublié. Peut-être même avant le coucher.
À l’autre bout de la salle, Jessie-Line, s’apprêtant à partir, posa sa veste sur ses épaules. Tristan eut une furieuse envie de l’injurier avant qu’elle ne sorte. Il se leva tandis qu’elle s’approchait d’eux, contournant une enfilade de tables pour venir saluer les convives les plus tenaces. Il se tourna vers les deux femmes :
    ─ Je vais essayer de trouver du café en cuisine. En voulez vous ?    ─ Oui, volontiers, répondit Isolde, tout sourire.    ─ Non merci ; je ne dormirai pas si j’en buvais maintenant, balbutia l’autre.
Jessie-Line était à deux pas. Il la croisa. Au passage, ils se fusillèrent mutuellement du regard. Isolde s’attendait à entendre une volée de jurons, mais rien : Tristan tourna la tête et continua d’un pas décidé.
    ─ Au revoir, ma tante.    ─ Bonne nuit, ma chérie, répondit Isolde.
Tristan marqua un temps d’hésitation. Son pied droit resta l’espace d’un instant suspendu à quelques centimètres du sol, comme s’il s’apprêtait à changer de direction. Surtout ne pas se retourner. Isolde était donc la tante de Jessie-Line. Il se félicita finalement de ne pas l’avoir insultée.
Il revint avec une cafetière pleine d’un café fort et fumant. Il n’avait plus aucune envie de somnoler ; Isolde non plus, apparemment.
    ─ J’ai cru voir des éclairs jaillir entre toi et ma nièce...    ─ Rien de bien important, parvint-il à mentir.    ─ Alors je n’ose pas imaginer comment cela se serait passé si cela avait été important !    ─ Mal, certainement, répondit-il sèchement.    ─ Bien. Dans ce cas là, n’en parlons plus.

─── ∞∞∞∞∞∞∞∞ ───


Isolde conduisait son pick-up Toyota d’une seule main. La paume de son autre main effleurait la cuisse de Tristan, se faisant parfois plus insistante. Il ferma les yeux. L’air, qui s’engouffrait par les vitres grandes ouvertes, apportait à leurs narines les senteurs de la forêt qu’ils traversaient. Avec en prime cette odeur lourde de terre chaude et mouillée que laissent derrière eux les orages. Il n’avait pourtant pas plu, mais la rosée avait trempé le sol, renforçant les fragrances. Isolde avait, à peu près, deux fois son âge. Cette idée l’obsédait, augmentant son désir de finir la nuit avec elle. C’était visiblement réciproque.
Elle bifurqua sur la droite. Un chemin en terre s’enfonçait au cœur de la forêt, devenant de plus en plus cahoteux. Elle roula suffisamment loin pour ne pas être dérangée par un autre véhicule quittant la noce. Le chemin débouchait sur une petite clairière. Elle stoppa le tout-terrain, glissa une cassette dans le lecteur. Tristan fut surpris en reconnaissant le troisième album de Bon Jovi. Ce n’était pas son groupe favori – trop commercial à son goût – mais après tout ce qu’il avait enduré ces dernières heures, il n’allait pas bouder son plaisir. Il était loin d’imaginer Isolde écoutant ce genre de musique ; ce n’était pas pour lui déplaire, bien au contraire. Elle descendit du véhicule et lui demanda de fermer les yeux. Il ne les rouvrit que lorsque les premières notes de You give love a bad name.
Elle se tenait à quelques mètres devant le Toyota. Balançant ses vêtements sur le pare-brise, elle effectua un langoureux strip-tease dans la lumière des phares. Tristan n’en revenait pas. Elle se hissa, puis s’allongea sur le capot, comme pour capter toute la chaleur dégagée par le moteur. Elle s’approcha du pare-brise dans un mouvement très reptilien, fit mine de lécher la surface de verre du bout de la langue puis roula sur le côté. Elle descendit langoureusement du capot, ouvrit la portière du côté de Tristan et lui roula une pelle tout en dégrafant avec une savante lenteur les boutons de son pantalon. Quand la verge se retrouva en liberté conditionnelle, Isolde referma la main autour de la hampe.
    ─ Pas très longue, mais quelle épaisseur ! Je sens qu’elle va me faire chavirer… Jessie était bien mal inspirée ; elle ne sait pas ce qu’elle rate !
Elle se mit à chantonner You give love a bad name et poursuivit :
    ─ Ne trouves tu pas cela ironique ? Moi si !
Cette dernière remarque fut comme un aiguillon pour Tristan. Isolde espérait bien de la sorte le stimuler pour qu’il mette toute son ardeur à lui prouver qu’elle avait raison. Elle lui offrait l’opportunité de satisfaire son désir immédiat de vengeance, et il ne tenait qu’à lui que cette revanche reste dans les annales. Il n’en renonça pas pour autant à son projet de vendetta avec un grand V, mais c’était un moyen comme un autre de patienter jusque là, un premier acompte qui lui serait versé.
Elle commença par donner des coups de langue sur le gland comme si elle tenait un cornet de glace, une bien étrange glace dont les boules se seraient trouvées en dessous. Puis elle referma ses lèvres sur le haut de la hampe et, du bout de la langue, titilla le frein. Avec un tel traitement, il ne lui restait plus qu’à être vigilent pour ne pas partir trop vite. Il passa ses mains dans l’épaisse chevelure bouclée d’Isolde qui émit un petit gémissement de satisfaction. Elle ne comptait plus le nombre de fois où elle avait regretté la fougue de ses jeunes amants qui les avait amenés à précipiter leur éjaculation en empoignant sa tignasse de jais. Au lieu de cela, Tristan prenait son temps, même si elle était consciente des efforts qu’il devait faire pour ne pas succomber prématurément. D’une main, il lui caressait maintenant la nuque tandis que l’autre jouait encore dans ses boucles. Elle sentit cependant aux éphémères contractions des doigts que le moment fatidique approchait ; une diversion s’imposait.
Elle lui ôta son pantalon. Il descendit du véhicule, se pencha pour l’embrasser dans le cou puis, comme si la l’attraction terrestre exerçait une influence inhabituelle, il glissa le long de ce corps féminin aux courbes exquises. Il tenta bien de s’arrêter à ses seins mais la gravité continuait son œuvre et Tristan n’arrêta sa descente qu’une fois arrivé entre ses cuisses. Elle s’agrippa à la barre de toit et écarta les jambes, lui laissant un libre accès à la salle de jeu !
Après être entrée en fusion deux fois sous les coups de langue de Tristan, Isolde attrapa le plaid de la plage arrière, l’étendit sur le sol et invita son jeune amant à s’allonger sur le dos, puis elle s’installa tête-bêche. Il se régala de ses sucs intimes dont la fragrance se mêlait à celles de la forêt. Entre deux coups de langue sur le clitoris, il jouait avec ses lèvres proéminentes, les mordillait, les étirait, les séparait de l’arête de son nez, enfonçant son appendice nasal dans ce délicieux coquillage. Il secouait alors la tête et fourrageait, tel un sanglier labourant la terre de son groin pour trouver sa pitance. Elle eut un orgasme fulgurant qui inonda le visage de son lécheur, puis elle changea de position et se mit en levrette. Alors que Tristan frottait son gland contre la chatte d’Isolde pour bien l’enduire de ses sécrétions, elle recula d’un coup, impatiente de sentir le membre l’envahir.
    ─ Vas-y, bourre moi bien, défonce-moi ! Je ne veux pas que tu me fasses l’amour, on verra ça plus tard : je veux que tu me baises. Laisse tomber les bonnes manières… Imagine que je suis Jessie-Line, et baise-moi comme tu voudrais la baiser si elle te tombait entre les pattes !
Encore une fois, l’allusion à la nièce d’Isolde eut l’effet d’un coup de fouet pour Tristan. Il plaqua les épaules de sa partenaire au sol pour une levrette qui lui faisait pointer le cul en l’air. Il la saisit si fort qu’elle crut avoir perdu deux tailles de tour de hanches et donna de profonds et énergiques coups de boutoir. En plein milieu de la forêt, elle pouvait se laisser aller à hurler son plaisir. Elle contracta ses muscles autour de l’épaisse bite qui lui ramonait le conduit avec ardeur. Ardeur qui redoubla face à cette résistance provocatrice. Isolde avait réveillé quelque chose d’animal en lui. À la réflexion, c’était Jessie-Line qui l’avait réveillé ; sa tante, elle, le provoquait, révélant ce qu’il pourrait avoir de plus sombre.
    ─ Claque moi les fesses ! ordonna-t-elle.
Il répondit à la requête sans se faire prier.
    ─ Plus fort, bordel !
Elle aperçut le pantalon de Tristan à portée de main et tendit le bras. Elle attrapa la ceinture et la lui donna.
    ─ Fais moi rougir le cul avec ta ceinture.
Isolde sursauta quand le premier coup lui cingla les fesses.

─── ∞∞∞∞∞∞∞∞ ───


Elle alluma une énorme bougie. La chambre était vaste, désordonnée avec goût, vivante et exubérante. Tout comme Isolde. Elle se tenait juste derrière lui. Elle l’enlaça, écrasant ses seins contre le dos de son amant. Elle glissa sa main gauche sous son bras, lui caressa la hanche, puis l’aine, prenant soin d’éviter pour l’instant l’objet de sa convoitise. De sa main droite elle défit un des boutons de sa chemise, lui caressa le torse, puis elle défit un autre bouton, le caressa à nouveau.
La fenêtre réfléchissait la scène, accentuant les contrastes. La flamme dansante bataillait de sa belle couleur ambrée contre l’obscurité qui tentait d’absorber une moitié de leur visage. Ils ne bougeaient plus. Un fragment d’éternité, ils crurent contempler le clair-obscur d’un Rembrandt voyeur, puis Isolde déplaça légèrement sa main ; un éclat de lumière glissa sur son alliance, incisant furtivement la pénombre pour disparaître aussitôt.
    ─ Et ton mari...?    ─ Ne t’inquiète pas : j’ai demandé à mon frère, le père de Jessie-Line, de s’en occuper. Quand il sera fin saoul, il l’emmènera dormir chez lui. Et quand mon mari sera réveillé, mon frère veillera à ce qu’il ne rentre pas trop tôt. Nous avons donc pas mal de temps devant nous...    ─ Ton frère est au courant de tes incartades ?    ─ Oui. Il sait pourquoi…    ─ Ton mari a été infidèle ?    ─ Non. Peut-être… Je ne cherche pas à lui faire payer quoi que ce soit. Ne te méprends pas sur mes intentions : je l’aime, et lui aussi m’aime ; mais avec les années, la passion s’est transformée en une grande tendresse. Charles est incapable de me faire jouir comme tu l’as fait tout à l’heure dans la forêt. Pas par impuissance, mais il est devenu trop tendre avec moi. Il me fait très bien l’amour, mais parfois, la seule chose que je veux, c’est me faire baiser. Bestialement.    ─ Mais se doute-t-il de quelque chose ?    ─ Il n’est pas stupide ; je pense qu’il sait. Ce que je fais et pourquoi je le fais. Autant que possible, j’évite de lui poser les évidences sous le nez : ce serait inutile et ne servirait qu’à le faire souffrir, et je n’en ai aucune raison.
Le soleil commençait à poindre et le ciel à blanchir. Il lui offrit encore deux orgasmes, plus délicatement et, leurs corps entremêlés, le sommeil leur tomba dessus comme une feuille se détachant de la branche lorsque la bise se fait sentir.

─── ∞∞∞∞∞∞∞∞ ───


Tristan émergea lentement du sommeil. Les yeux toujours fermés, il se remémorait cette incroyable nuit. Peut-être avait-il rêvé? Auquel cas il devait graver ce rêve au fond de sa mémoire. Puis il ouvrit un œil, comme pour épier par le trou d’une serrure. Isolde lui tournait le dos, dormant en chien de fusil. Se collant contre elle, il adopta la même position, enfouit son nez dans sa sombre et longue chevelure et en huma la douce senteur à laquelle se mêlait l’odeur des sous-bois, réminiscence de leur passage nocturne dans la clairière : Isolde avait tant remué sur la couverture que ses cheveux s’étaient répandus dans l’herbe, s’imprégnant de la rosée parfumée. Il resta ainsi immobile plusieurs minutes. Au contact des fesses d’Isolde, sa verge sortit elle aussi de sa torpeur, et tant pis si elle devait à nouveau être plongée dans un endroit sombre et humide.
À contrecœur, il jeta un coup d’œil au minuscule réveil posé sur la table de chevet : il était presque dix-sept heures. La faim lui torturait l’estomac. Isolde se tourna face à lui et saisit la queue à pleine main.
    ─ Qu’il est agréable de se sentir désirée dès le réveil par un si vaillant organe !
Avec envie, elle approcha sa bouche de la verge, titilla le gland et joua de la pointe de la langue avec le méat. Elle ne put s’empêcher d’engouffrer la colonne de chair entre ses lèvres. Puis, quand elle estima avoir suffisamment salué le réveil du mandrin qui l’avait si bien propulsée au septième ciel, elle se fit chatte, se frotta contre son corps.
    ─ Tu veux bien aller me chercher un jus de fruit dans le réfrigérateur ? Je te propose ensuite une petite séance de pousse-pousse et je nous préparerai de quoi caler nos estomacs, parce que je ne crois pas du tout le proverbe qui dit « Bite au réveil vaut une truite à l’oseille. » Ça te convient ?
Tristan sourit et embrassa Isolde.
    ─ Ce que tu peux être sensuelle… physiquement, bien sûr, mais aussi de par ton caractère, ton humour, ta mentalité.
Il enfila le peignoir d’Isolde et descendit dans la cuisine. Le contact du satin lui était agréable. Une fraction de seconde, il se demanda pourquoi il avait eu besoin de se couvrir. Il n’y avait personne ici à qui il devrait masquer sa nudité, mais la réponse fut tout aussi rapide : le parfum d’Isolde imprégnait le tissu et l’accompagnait ; la quitter serait compliqué, mais pourtant cette nuit risquait fort d’être unique. Il enregistra ces petits détails, car après avoir franchi la porte, tout ce qui n’aurait pas été gravé dans sa mémoire serait irrémédiablement perdu.
Avant d’ouvrir le réfrigérateur, il contempla la propriété par la grande baie vitrée. Elle donnait sur l’allée bordée d’arbres qui avaient eu le temps de lui donner un aspect de sous-bois depuis qu’ils avaient été plantés. Il vit une voiture s’arrêter devant le portail ; un homme en descendit du côté passager et contourna le véhicule en faisant un signe d’au-revoir au conducteur. Il s’engagea dans l’allée d’un pas qui peinait à la suivre sans en visiter les bordures. Tristan remonta les escaliers quatre à quatre et enfila ses habits en toute hâte.
    ─ La garce... !
Isolde, comprenant ce qui se tramait, ouvrit la porte-fenêtre qui donnait sur un petit balcon. Elle aimait contempler le fond de la vallée de cet endroit, surtout lors des frais matins d’automne, lorsque les collines se parent des couleurs de la saison ; mais c’était encore l’été, et elle n’avait ni l’envie ni le temps de se laisser aller à la contemplation.
    ─ Je mettrais ma main à couper que c’était Jessie-Line qui conduisait... lança Tristan, furieux.
À quelques mètres sur la gauche, un chêne étalait ses frondaisons. Tristan enjamba la barrière, cherchant une branche suffisamment forte pour supporter son poids. Il estima la longueur du saut qu’il devait effectuer, puis se lança dans le vide. L’écorce lui écorcha les paumes, mais il se plaindrait plus tard. Il se laissa glisser jusqu’au sol et se fondit dans les buissons.
Isolde avait bien compris l’allusion qu’il venait de faire, mais n’y avait pas répondu. Elle se souvint des regards assassins échangés entre Tristan et sa nièce à la fin de la fête : nul doute qu’après cela il se vengerait, elle en était persuadée. Elle en frissonna. Pressentant une catastrophe, elle eut presque pitié pour Jessie-Line, ce qui ne l’empêcha pas cependant de partager la colère de son amant trop éphémère. Si cela n’avait pas sonné comme un aveu, elle aurait pris sa voiture et serait allée expliquer à sa nièce le dégoût que lui inspirait son comportement.
Tristan disparut à temps ; le plan de Jessie-Line tombait à l’eau. Isolde ne ressentit que de la déception. Déception d’avoir terminé cette histoire dans la précipitation, sans au-revoir ni adieu. Déception d’avoir découvert le vrai visage de sa nièce. Amère, elle ne parvenait pas à décider laquelle de ces deux désillusions lui était la plus insupportable. Vraisemblablement, la première s’estomperait avec le temps ; pour la deuxième, par contre…
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