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toutendouceur
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05-03-2017
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#LEXSTORY#GALANT

Sacré français !
Si les galoches, ou French Kiss, et les gauloiseries font la renommée des mauvaises manières à la française, nous pourrions nous réjouir d'avoir inventé la galanterie. C'est un peu une référence en matière d'art de vie. Non ?

Tous les petits français sont tôt ou tard exposés à des remarques qui les invitent à être courtois, mais surtout envers les femmes, à être galant. La politesse, les comportements réfléchis et mesurés, avec le flegme britannique, c'est un peu insipide et distant. Nous, avec notre tempérament latin, nous devons d'intégrer une dimension supplémentaire : des gestes et des attentions particuliers pour les femmes.

Pardon ? Cela caractérise une vision archaïque sexe fort - sexe faible ? Comme pour compenser une facette gauloise, grivoise ? Tout de suite, les remarques sans nuance !
Les mots gallant et gallantry sont tout de même passés en anglais.
Tout le monde à envie d'y croire à ce romantisme à la française !


D'où viennent ces mots, quelle est leur histoire ? C'est la question que je me suis posée, allant jusqu'à ouvrir un dictionnaire de 1808 * :
Galant : Mot équivoque et trivial qui se dit de quelqu'un qui a la gale. Suivi de
Galer : Se gratter

Et je retrouve dans mon dictionnaire moderne que la galanterie a longtemps eu le sens de "goût, recherche des aventures amoureuses, des plaisirs physiques, hors mariage".
Un peu comme fornication, mais presque a contrario cette fois-ci, avec le sens assumé pour celui qui se l'autorise et le propose. Genre : "Voulez-vous coucher avec moi ce soir". On serait donc plus proche du Moulin Rouge, qu'au bord du Lac des Minimes pour une ballade d'amoureux endimanchés.
Galanterie a pu également désigner les maladies vénériennes, la prostitution chez les femmes des milieux élégants.

Si notre pays a pour emblème le coq, un vaniteux emplumé d'apparats qui chante les pieds dans le fumier, j'ai subitement l'impression que, à son image, le galant est un autre oiseau à longue plume crâneuse et aux bgaloches fangeuses ?

Quelques recherche me montrent que la gale nous revient du latin GALLA pour désigner une tumeur dure sur une feuille, une piqûre d'insecte dans un fruit. Pour la description de symptômes pathologiques, la galla avait perdu un L en passant dans le français moyen, avant de le retrouver plus tard pour les végétaux.
De cette gale médiévale, on retrouve un verbe : galer qui signifie se gratter, comme un oiseau s'épouille avec son bec.
Galer pour se gratter a donc fini par disparaître.
Il est vrai que ce sens relié a l'affection vénérienne explique qu'on finisse par le faire sans s'étendre sur le sujet.

Fatalement, on se dit que tout est limpide. Le galant est un descendant de GALLA : un malade peu fréquentable.
Mais alors pourquoi renvoyer l’étymologie de galant à galer ?


Car il s'agit d'un autre galer.
Lui aussi tombé dans l'oubli depuis, mais il se retrouve dans : régaler et rigolade, galerie, galant, galop, galopin, ...
Un peu plus sympa celui-là.
Galer était le mot le plus utilisé d'une famille très riche, populaire, pas vulgaire et chargée de valeurs affectives, qui ont pour racine WALA : de l'ancien néerlandais Wale, wal, wel, en anglais Well, qui signifie "bien".

D'où un dérivé gallo-roman : Walare = se régaler, se la couler douce, profiter.
On retrouve même gala pour une grande fête en espagnol.
Galer pour s'amuser, mener joyeuse vie, se payer du bon temps, dilapider, dépenser (en plaisirs), railler qqn, choyer, fêter qqn.
Être en gale, c'est avoir joyeuse compagnie.
Le galant, c'est ce personnage galois, galin, galantin, galure, galeur, galureau, godelureau, gai luron...  On fait le galin galant pour mener joyeuse vie.
La galerie, un lieu où ils (lui et les filles) s'amusent beaucoup, pas tout à fait la gallehaudise : Maison de débauche.
La rigal, la trigal pour ces bruits d'amusement que l'on entend de loin, le tapage, ..., les parties de débauche.

On songe immédiatement à un apport de sens ou une origine commune avec WALHISK : qui est celte : Wales, Galice, la Gaule, et le latin gallus : gaulois, qui désigne aussi le coq. La gallica pour la chaussure des gaulois qui serait revenue avec galoche ...

Il est peu probable qu'il y ait une origine commune pour ces 2 familles, et encore moins avec la galla. Ou alors clairement, la Gaule pour les romains, c'est un pays de oisifs épicuriens. Les hommes se comportent comme des coqs sur un tas de fumier et ils ont des chaussures semblables à celles des néandertaliens. Leur vin a la saveur du brou de noix. Là-bas, même les arbres ont la gale.
Ce qui pourrait tout de même faire sens, même encore de nos jours.

Non laissons cela car ça ne change rien aux collusions dans l'ancien français, de la famille WALA (bien, plaisant) notamment entre Galer et les familles : 
- GALLA : l'affection, la gale.
- WALHISK ou GALLUS : pour l'esprit gaulois et les sous-entendus de la gauloiserie. Mais aussi Galois comme un galant gaulois.
- GADAILO : prostitution des 2 sexes, avec un ou une Jael, repris avec un gali et une galie, voire galet, galuet pour ces messieurs et galette, galecte, galoise, galeresse pour ces dames de joie.
Voilà rapidement pour l’homonymie et les doubles ou triples sens.

Et pour quelques compléments, survolons rapidement avec :
- LEFFUR : suffixe d'affection un peu insultant pour un glouton, quelqu'un qui lafre   --> galiffre, gallioffe : débauché insatiable : Regardez quel gallioffe. Il a couché plus de vingt nuyts avec ma femme. (Louis XI).
- LOBBÔN : suffixe pour ce qui se loue, qui se paie si on n'y prend pas garde --> galoberies (galoperie), galopin, galoper une femme

A une époque ou une partie de ces mots sont courants, par galant on imagine assez aisément un drille qui aime bien s'amuser, se la couler douce, draguer, faire la fête
Il aime les plaisirs de la vie et en parle sans s'en cacher.
Bon, il a spontanément l'âme à la débauche.
La prostitution : ça existe et ces références ne lui posent pas de problème.
Oui c'est plutôt ce qu'on appelle aujourd'hui un queutard, surement pas très clean, mais franc et direct.
Plutôt chatouilleur que beau parleur, il a très vite une main mal placée, mais ce n'est pas méchant.
Ce sont des habitudes locales, c'est la Gaule.
A part pour une jeune fille qui n'a pas été déniaisée, qui ne semble d'ailleurs pas être sa cible favorite, un galant qui se présentait ainsi ne pouvait s'acoquiner qu'ave une personne complice ou capable de le remettre en place.
C'est un galant ! Mais bien sûr, il va te mener une joyeuse vie, tu vas te régaler !


Si on prend en compte les dérivés des différents patois, il a donc existé au moins une centaine de mots pour les propositions et sous-entendu de ces Messieurs sans gêne autour de WALA.
Peu sont arrivés jusqu'à nous, puisque depuis nos ancêtres les gaulois, notre langue a été écrite par des théologiens qui refusaient ces dérapages de comportement et de langage.

Ce qui devrait nous faire penser que :
- d'une part les mœurs moyenâgeuses étaient plus proche de la Rome Antique que des préceptes bibliques. Dans le royaume de France, visiblement, dès qu'on s'amuse un peu, les rapports sexuels ne sont pas bien loin. Une telle profusion de mots, autour d'une racine qui le permet comme tant d'autres, ne peut pas s'expliquer sans l'usage.
- d'autre part, notons la puissance et la portée sémantique du mot galant. Vu ce qu'il en reste aujourd'hui, il faut bien être bien conscient d'une énorme supercherie.

Seul un vilain tour a pu permettre à la galanterie et au galant homme de redevenir, dans l'imaginaire collectif, une fierté nationale. Sous couvert de comportements très avenants, de règles et mœurs soit disant modernes, bourgeoises, au moment où les hommes n'hésitaient pas à porter la perruque, j'ai l'impression que certains de ces postiches ont hypocritement accepté de se faire passer pour des personnes on ne peut plus respectables alors qu'ils étaient au moins ambivalent sur les intentions qu'ils portaient aux femmes.


De mon côté, c'est terminé, je ne parlerai plus jamais de la galanterie à un étranger.
Et s'il semble engager la conversation à ce sujet, je comprendrai immédiatement qu'il est train de se payer ma tête. Donc ce sera une réponse du genre "où est ta femme pour que je te montre la splendeur de mes racines".


* Dictionnaire du bas-langage, ou des manières de parler usitées parmi le peuple / Charles-Louis d'Hautel - 1808 (google book gratuit)

Lioubov
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Je me régale toujours de tes interventions fort bien documentées.
A lire en écoutant Les Indes galantes (Jean-Philippe Rameau).


Un loup qui ne se laissera pas déconstruire !
toutendouceur
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#LEXSTORY#CHANGER_DE_BRAQUET

Je sais que parmi nous, il y a de nombreux amoureux de la pédale.
De ceux qui n’ont expérimenté qu’une ou deux fois le bicloune, mais qui sont toujours touchés par les souvenirs de ces bonnes sensations, de ces excursions dans les chemins boisés ... Jusqu'au plus férus qui assistent à la parade des petites reines juillettistes sur les Champs Elysées, en présentiel ou grâce à France Télévision.

Je m'adresse à vous car j'aurais une petite question.
Est-ce votre sens particulier de l’équilibre qui explique votre jargon toujours équivoque ?

Il paraît que ce balancé ne s’oublie jamais. En tous cas, côté langage, il y a comme une franche camaraderie. Beaucoup d’humour dans l’effort : ça crache de la gauloiserie :

✏️ Allumer la mèche
✏️ Sucer la roue
✏️ Envoyer dans la moulure
✏️ Passer le coude
✏️ Se faire l’oignon
✏️ Fumer le cigare
✏️ Manger (brouter) la luzerne
✏️ Pédaler dans l’huile, la semoule, la choucroute
✏️ Mettre un pétard mouillé
✏️ En rouler une dégueulasse

sources et définitions :
lexpertvelo.com/dossier-cyclisme-et-decouverte-les-expressions-et-jargon-du-cyclisme-4-265.html


A vous regarder évoluer en file indienne, on ne s'attend pas à autant de doubles sens. Avec ces expressions choisies, vous pourriez parler stratégie du peloton dans un club libertin sans vous faire remarquer.

C'est très technique, c’est un langage d’initiés... Mais j’aimerais bien savoir si ces expressions sont des créations ou des reprises.

Comme pour CHANGER DE BRAQUET, une expression assez en vogue ces dernières années. Combien de politiques, même des énarques, l'utilisent sans que personne trouve à redire ...
Pourtant, si c'est emprunté au cyclisme, j'ai comme un mauvais pré-sentiment !

Le braquet, c’est au début du siècle dernier un petit clou, une petite dent comme celles des pignons.
Mais concrètement, la chaîne change de pignon ou de plateau, pas d'une dent.

Pour vous, amis sportifs épilés pour des questions de performance, le braquet est la combinaison entre le nombre de dents du plateau et celui du pignon. Vous vous vantez de votre développement en 45 x 18 ou seulement 34 x 16. Vous changez votre braquet pour modifier le rythme, l'allure pour préserver votre endurance.
Décidément ça me fait penser à quelque chose ...

Et ça rigole dans le peloton parce qu'un coureur envoie avec un "petit braquet", et qu'il va "prendre l'eau". Il "joue des cannes" pour changer le rythme pépère, "astiquer les rivets de la selle" (lever les fesses) et tente de "faire le trou".

Comme à une époque plus ancienne, le braquet désignait un clou qui avait été frappé, une épée, la menace, et que braquer existait bien avant la profusion des armes à feu, pour brandir un objet pointu et dur....
J’ai peur de comprendre pourquoi vous avez fait le choix de cette expression.

D’ici à faire le parallèle, oui une grosse parallèle, avec le braquemart dans notre glossaire du pénis. Puisque DÉROUILLER SON BRAQUEMART signifie familièrement copuler, selon le Larousse Illustré.

Sans doute mon esprit obsédé me fait écrire des choses que vous n'aviez pas imaginées. Rien à voir avec vous, les gentlemans du boyau !

Mais avouez-le !
Vous avez bien rigolé quand le grand Jacques C a dit "Il faut changer de braquet. Le ‘non’ progresse sur des arguments simples, le ‘oui’ doit faire de même".

On attribuerait même un lapsus à Rachida : ... Si l'inflation est quasi nulle, il faut changer de braquemart ....
Mais ce n'est pas le plus connu.

Dernière modification par toutendouceur (Le 02-05-2021 à 20h28)

toutendouceur
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#LEXSTORY#BICHONNER

Certaines expressions cachent des sous-entendus érotiques. Bien sûr, elles ont au moins un double sens et nous les utilisons souvent sans arrière pensée.
Parfois parce que la signification osée existe à la base avec des dénotations qui nous échappent.
Parfois parce qu'il faut avoir l'esprit mal tourné pour se focaliser sur le détournement coquin.
Pour les mots, c'est la même chose. Mais cela implique de connaître leur histoire, jusqu'à leur racine et d'identifier les évolutions de leurs significations, de leurs emplois.

Si la portée sexuelle coïncide avec d'autres, on peut se poser la question d'une utilisation inconsciente. Comme un lapsus révélateur, pourquoi notre esprit a-t-il sélectionné ces mots ?
Un filtre d'Aphrodite ?
Finalement, ces efforts pour appréhender le sexe-implicite dans nos locutions, ne sont-ils pas un moyen de mieux se comprendre ?

Par exemple, que signifie stricto sensu l'expression "se faire bichonner" ?
A moins de ne pas associer bichonner au bichon, de ne pas connaître ce cabot, je ne vois pas comment on peut utiliser cette expression sans révéler des envies obscènes inconscientes.

Bichon :
de barbichon, un petit chien à poil long dont le nom est dérivé de son remarquable parent, le barbet.
La nouvelle espèce (ou nom), apparue à la fin du Moyen Age, était aussi désignée par "babiche" et "babichon". Des déformations pour marquer l'affection, les faveurs pour un canidé apprécié pour la compagnie plus que la chasse.

Quant au Barbet, c'est un chien d'arrêt à longs poils frisés blancs ou noirs, spécialisé dans la chasse au marais.
Son nom apparu au début du second millénaire, viendrait de barbe sans doute relié à borde : la boue, qui nous a donné barboter, barbouiller.
Le mot barbet aurait pu également signifier "Grognement, bredouillage (?)"
"Mouillé comme un barbet", "Crotté comme un barbet", "Suivre comme un barbet"
Une barbe embourbée : oui, c'est chien-là.

Phonétiquement, le dérivé bichon se rapproche de bicher.
Bicher pour s'embrasser, se donner des coup de becs, mordre.
Car ce "biche" viendrait du latin becus alors que la cerfvidése est un dérivé de la bête : bistia, en latin toujours.
Ma biche, mon bichou, le bicheur et la bicheuse, et dans la même lignée, mon bichon.


Des bécots, des truffes poilues, des câlins, des faveurs, ... Le champ lexical autour de bichon est exceptionnel dans son genre.

Alors, si nous avions à parler d'un mignon petit toutou, attachant et dévoué. L'animal est toiletté avec délicatesse, comme un poupon. Digne de ces attentions, méritant mille soins, ses petits yeux brillants cherchent en permanence sa maîtresse. Il mange comme elle et partage le lit de sa maman. Installé dans ce confort, il est devenu son plus fidèle compagnon. D'une nature joueuse et obéissante, il le lui rend bien.
De sa petite bouille craquante, par ses contacts barbe-douce répétés, il sait gratifier en léchouilles. Sa truffe experte, furète de droite et de gauche, biche et barbouille.
Comment ne pas succomber à ses chatouilles ? L'empêcher de chercher dans les broussailles marécageuses d'un sofa, l'oiseau perché qu'il va débusquer et faire s'envoler ?

Comme si le mot bichon n'attendait qu'un croisement, l'apparition et l'élevage d'une nouvelle race. "Se faire bichonner" est donc une expression qui tombe aux poils pour ce duo de barbichettes.

Si des bichons et carlins étaient dressés au début du XXe siècle pour faire la lèche aux minous, on reporte que cette pratique finissait par les rendre enragés. Sans doute se donnaient-ils "un mal de chien". On peut légitimement imaginer que les femmes modernes n'avaient pas plus de perversions que leurs aïeules.

Bichonner est apparu à la fin du XVIIe siècle et convenait particulièrement pour les mises en plis des perruques : mais avait-il déjà ce double sens ?

La prochaine fois, nous parlerons du braque. Un autre animal de compagnie pour ceux qui préfèrent les tournures de la grande langue allemande.

Dernière modification par toutendouceur (Le 22-05-2021 à 08h40)

Lioubov
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La prochaine fois, nous parlerons du braque.

Le braque ? Marre !


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La prochaine fois, nous parlerons du braque.

Le braque ? Marre !

à bout ?

megalosex
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... de ficelle ?


Penser est difficile, c'est pourquoi la plupart se font juges.  (Carl Gustav Jung)
toutendouceur
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#LEXSTORY#SALOPE

Ça faisait longtemps … j’ai l’impression d’avoir coincé la bulle sur un mot.

Dans le contexte balance ton porc, il me semblait pertinent de revenir sur un mot inhérent quand cet ongulé s'excite bougrement. Très à propos justement parce qu'il est susceptible de déchaîner la haine, le dégoût, le mépris mais aussi, ce qui nous intéresse ici : le plaisir, le contentement, la jouissance. Un truc d'adultes : ça fera un peu mal au fessier, à la tête, quelque part c'est certain, mais sur le moment on aimait bien. Pourquoi partager des moments ensemble si c’est pour en arriver là ? Rien ne l’oblige vraiment au fond.

Il fleure bon le plaisir machiste, le masculin qui maltraite le féminin, le faible :
Salope est un monument à la gloire de ce que l'homme fantasmerait le mieux : dépraver une personne dotée d'un orifice. Oui, son emploi n'est pas réservé à l'hétérosexualité.
A moins que nous parlions vraiment d’une personne qui se réjouit de cette perspective ?

D'où vient ce mot, a-t-il des ancêtres : est-ce qu'il y avait des salopes avant ? Des déesses latines, de savantes et croustillantes latinos ? Les salopes ont-elles toujours existé ? Que sont devenues les garces, les friponnes et les souillonnes ?
Je ne vous dis pas la pression que je me mets à m'aventurer à répondre.
Mais aussi, qu'est-ce que ce mot veut dire en fait ? J'ai l'impression qu’on se déchire souvent à son sujet : comme si personne ne l'entendait de la même façon.


☞ Même si ses sonorités ne sont pas des plus raffinées, il est difficile de l’écorcher. On peut le faire claquer, exagérer ses phonèmes, les faire traîner. Il y a déjà du sous-entendu dans la façon de le dire.

☞ Ce mot a la richesse d'être à la fois un adjectif et un substantif. A la base, il porte en lui l'ambiguïté d’un qualificatif de nos comportements, possiblement attributif ou jusqu’en substance.
Tu es gentil <> Tu es un gentil.
C’est assez limpide pour percevoir le glissement de sens. Bien sûr, l'article nous aide à le comprendre. Mais il suffit d'un rien pour que le substantif s'entende. N'est-ce pas, les gentilles madames ?

☞ Pour pimenter le tout, comme les hommes ont tendance à flirter avec la démesure, jusqu’à ce qu'ils se reprennent tout à coup, avec une pointe de “c’est moi qui ai fait ça - qui ai dit ça”. Ce qui explique sans doute leur préférence pour parler des salopes plutôt que de leurs comportements salops, même si ça revient au même pour ces petits salauds. (Ont-ils un problème pour reconnaître qu’ils vont eux-mêmes la saloper ?)

On touche ici une autre complication pour l’usage : traditionnellement, le masculin l'emporte. Mais ce mélange des genres rend l'accord dominant beaucoup moins percutant, presque faible. L'adjectif salop n'existe pas et le salop, ça devrait s'écrire salaud.

Au masculin, c'est donc comme si l'idée avait été émasculée.
Notons donc que c'est l'un des rares mots de langue française où l'emploi du féminin l'emporte, comme une marque de respect pour un privilège de femme, même si c’est un homme.
Pardon ? Vous ne l'aviez pas vu comme ça ? Nous y reviendrons un peu plus loin.


Si nous entrons dans l’énumération des dénotations (sexuelles), les différents sens pour ce riche mot sont :
Ah ! Mince alors. ... Le premier, qui semble aussi le seul de nos jours, est une injure.

1/ Femme débauchée, de mœurs dépravées, ou qui se prostitue.

La salope ferait son beurre en débauchant des membres zélés d'obscénité, se complairait tant, qu’elle représenterait une menace pour les bonnes mœurs.

Vous avez bien comme moi l’impression que c’est elle la meneuse. Ce qui s'éloigne du sens premier, apparu à une époque où la question du choix assumé de sa condition s’éludait facilement. Il a toujours été acquis qu’elle n’avait pas peur de se salir … les mains, mais aujourd’hui, disons que c’est plutôt qu’elle aime les mettre dans le cambouis.

Déjà que les faits de son immoralité sont rarement rapportés… Je me demande bien pourquoi il a fallu que cette pauvrette, qui ne se plaint jamais de rien, consent toujours, finisse par se figurer comme l’instigatrice. Il est vrai, sans doute le hasard, que cette évolution coïncide bien avec l'émancipation des femmes. Aurait-elle bénéficié de nouveaux droits ?

J’amplifie un peu, car depuis le début, notre dépravée a un truc en plus par rapport à la salaude ou même à la (grosse) sale. Le panache, qui tient peut être du suffixe -ope, de hoppe / ouppe pour la huppe, un petit oiseau ou même une touffe de plume en éventail. Avec un ancêtre latin : upupa pour huppe et pioche. N’oublions pas que cet oiseau, qu'un proverbe provençal prétend sale, nous a donné huppé, pour celui qui est fier et montre bien haut son rang social.

Quant à sa fameuse malpropreté, le sens perdu de l'adjectif salope, il semble que les temps modernes lui ont apporté l’eau courante et le savon, puisque cet aspect semble moins décrié. Ou bien, est-ce que les hommes font plus de chichis sur l’hygiène et seraient moins friands si elle était vraiment sale ? Ouais, les goûts qui évoluent avec l’âge, ça se tient aussi.

Essayons de compléter la définition officielle avec les usages courants et ce qui est sous-entendu :

Souvent plus (grosse S.), parfois bien moins (petite S.) qu'une femme libérée qui apprécie le sexe librement et proprement pour son plaisir, l'impie est socialement pointée d’un énième doigt, mis à l’exergue ça va de soit, principalement par ceux qui ont un problème avec celle qui envisage pleinement les plaisirs sexuels.

De surcroît, les femmes, ses propres rivales soeurs, qui :
- n'ont pas confiance en elles et en leur partenaire : l'homme qui se laisse toujours embarquer <-> T'as vu cette S... Bernard ! ça ne lui a pas coûté cher en tissu. Elle ne connaît pas ta finesse d’esprit, pas vrai ?

- jalousent une rivale <-> Cette S... t'a fait les yeux doux toute la soirée Bernard ! Et toi tu faisais ton charmeur, comme si de rien n'était.

- estiment qu’elles pourraient faire les mêmes ravages, mais tiennent à marquer leurs différences, du savoir-être, le bon goût <-> Je ne suis pas une S.... - Moi ! Bernard ! Je n’ai pas toujours envie de faire l’amour, je ne pense pas qu’à ça.

- pensent que cette considération de la femme devrait être sanctionnée, pour différentes raisons idéologiques, voir par (dé)goût : Tu sous-entends que je suis une S... Bernard ! Et bien tu vas faire demi-tour et rentrer chez ta mère.

A bien regarder, la salope aurait un ami : le connard... et une ennemie : la connasse. Mais c'est trop simple avec les connards, c'est de la triche, c'est trop grossier, c'est dégradant.

Pour les hommes, plus particulièrement :
Intellectuellement, il n’y a rien à lui reprocher, à part qu’elle ne raisonne que pour le vil intérêt. La salope n'a cure des subtilités de la séduction : “Fuis-moi je te suis, suis- moi je te fuis ..”. Se contente-t-elle d’être un peu garce, friponne ? Non avec elle c'est : suis-moi mon joli, je fais l'action. Le projet sensé est immédiatement entendu. Et bien-sûr, elle avale.

Faisons l’hypothèse que cette dernière pratique devienne commune, pourquoi pas le rituel de la cérémonie religieuse à la remise des alliances. Woui, ça peut très bien arriver au train où vont les choses. Notre prodige ne deviendra pas une hasbeen. Impossible ! On, nous tous, allons lui affubler de nouveaux talents, comme celui d'avaler puis de tout recracher en l'air avant d’amortir la projection sur sa surnaturelle poitrine, cerises sur les gâteaux, les deux tétons englués d'un seul coup. Elle n'a pas de limite, n'est jamais rassasiée, n’est jamais dégoûtée. Elle fait des choses que les autres ne font pas.

Ce qui montre aussi qu'elle n'existe que par rapport à la norme sexuelle de ses contemporaines. Ses qualités au lit n’ont jamais été définies : elles ne reposent que sur la morosité le classicisme des autres, les "normales". Mais aussi les comportements qui font penser à certains hommes que ses envolées signifient qu’ils ne pourront jamais la posséder sereinement. L’injure du frustré claque autant pour ses refus que pour ses extravagances donc. C’est de la logique masculine : j’y arrive dans un instant.

Il ressort une dernière caractéristique de notre célèbre et odieuse créature : c'est un électron libre. Le couple, même cando, ce n’est pas son business. C'est relativement sous-entendu : elle passe par là, se sert, fait des ravages, puis disparaît. Pour nos sociétés qui dépendent du contrat, nos cités qui interdisent la mendicité et le vagabond, dans nos esprits, elle est sans foi ni loi.

(҂◡_◡) ᕤ
Voilà la vilaine habillée pour l'hiver.
Pour une fois …

En toute injustice ! De grâce, regardons-nous un instant dans les yeux. Car cette salope n’est qu’une chimère. On parle d'elle parce que quelqu'un s’arrange pour présenter les choses ainsi. Vous en connaissez vraiment des salopes ?

Si nous parvenons tous à nous entendre surtout pour lui en mettre le plus possible sur le dos, c’est bien qu'elle un bouc émissaire, que nous lui trouvons des défauts pour faire les beaux.

La salope est un mythe, une allégorie du devoir conjugal. C'est un terme de mystification du fantasme de l'homme dominant, faible et dangereux, le prétendu motif et la crasse de l’adultère. Le mot sert à conforter les navrants propriétaires, rassurer les mêmes daronnes et aussi, à faire comprendre à Bernard, quand il se comporte comme un connard.

Si elle a survécu à la garce et à la friponne, c’est que de nos jours, les couples se doivent de se satisfaire sexuellement. L’égalité de la satisfaction sexuelle est presque une préoccupation de la nation. La salope, c’est l’accident la catastrophe prévisible, mal couverte par la police, mais, de plus en plus, celle qui ne joue pas avec nos règles, qui sont largement satisfaisantes et honnêtes.


C’est dingue tout ce qu’il y a dire sur elle. Pour la suite, je vais nous distraire avec un peu de musique.
🎶🎶 🎶🎵🎶 🎶🎶🎶 🎶🎵 🎶🎶 🎶🎶🎵

C’est étrange,
je n’sais pas ce qui m’arrive ce soir,
Je te regarde comme pour la première fois.




2/ L'ange déshonorant, ainsi désiré des hommes.

Pour cette deuxième dénotation, très personnelle et masculine donc, je n'ai pas pu m'appuyer sur nos dictionnaires trop prudes, ce qui est normal puisqu'on peut les consulter dès qu'on apprend à lire. Mais l'usage des mots, leur récurrence pour une signification, même si Robert ne l'a pas relevée, pourquoi ne pas en parler.

Ce n'est plus une insulte, ça reste vulgaire, grossier, mais ça change un peu des caramels, bonbons et chocolats.

Mais tu es cette belle histoire d’amour...
que je ne cesserai jamais de lire.


Si on se réfère à la plupart des emplois qui sont faits dans les bonnes histoires ici, notre salope n'est-elle pas l’héroïne par excellence, celle qui fait rêver ? Celle qui excitera toujours tous les membres qui se sont présentés, même les autres, par-dessus tout ?

Quel serait l’intérêt de la première dénotation ?
L'humiliation, c’est une possibilité. Mais quand on parle de véritable humiliation, ce mot ne sera qu’un élément parmi d’autres : ce ne sera pas la seule insulte.

Mais plus généralement, l'histoire relève d'expérimentations hors du cadre “normal” d'une sexualité “normale” dans un couple “normal”. Quand c'est bien écrit, pour des plaisirs pas si tordus que ça, quand le mot s’impose comme une évidence excitante, l'auteur ne cherche pas à rabaisser un personnage : l'obscénité des faits décrits suffit en soi. Et nous qui lisons, ne venons pas chercher du sens moral ou même normal.

Je n’sais plus comment te dire,

Il paraît même que le mot s’emploie dans l’intimité d’un couple. Dans ce cadre, ou dans une histoire, si l'emploi tombe à pic, le mot cristallise l’excitation pour la partenaire sexuelle absolue, celle qui vaut nos plus belles et viriles faveurs : une merveille.
Pire que bandante : à bien regarder, ce dernier qualificatif est presque insignifiant. Le mot salope est captivant, jubilatoire, orgasmique.

Tu es d’hier et de demain
De toujours ma seule vérité.

Une femme peut-elle ressentir la familiarité de ce mot pour un homme ?
Parvient-elle à mesurer toutes les dimensions sans être comme d’autres, aiguillonnée par l'envie insensée de s'abandonner à cette personnification du plaisir qui envahit l’imaginaire, subitement ? Imagine-t-elle l’ampleur de la tentation qui déchaîne des pulsions à la limite de ce qui est contrôlable, qui ne permet plus de contenir le désir de pénétrer. Au point de ne pas s’offusquer de la satisfaire en solitaire.

Par moments, je ne te comprends pas.

Si par analogie, la femme pourrait se sentir comme elle ou d'autres choses que je n’envisage pas bien, n’étant pas fait ainsi, ses sentiments érotiques sont différents. Ce qui se passe en elle, un homme ne peut le comprendre tout à fait. Je suis bien désolé que nos émotions pour ce qui se trame soient genrées, mais pourquoi cacher que les connotations de ce mot ne concordent pas entre l’être pénétrant et l’être pénétré ?

Ecoute-moi.
Je t’en prie.

J’entends déjà les claquements des bretelles en cuir du gode ceinture. Calmez-vous, rangez votre bout en composite. Notre muse idéale s’intéresse à la quéquette dans sa globalité, elle. Pas seulement les formes phalliques, que nous sommes d’ailleurs nombreux à trouver peu vraisemblables selon notre critère de représentation : la nôtre.
Si quelque chose de trivial se cachait derrière notre idole, je pense qu’on vient de mettre le doigt dessus.

Voilà mon destin te parler....
te parler comme la première fois.


Comme la diablesse habite depuis longtemps avec nous, dans notre cerveau obsédé, notre salope, c’est un peu nous quoi. Elle est comme un pote : on ne s'embarrasse pas avec les bonnes manières. Par exemple, les odeurs un peu piquantes, la première fois que tu décalottes : si tu aimes, elle aussi. Pas de vent dans le voile de la biroute : la belle affaire quand même ! La pécheresse se montre tendre et joueuse. Rien que la mimolette, elle en raffole. Du coup, tu es comme elle, tu te dis que tu as vraiment un truc extraordinaire entre tes jambes. Dès qu’elle est dure, alors immédiatement, tu sais qu’elle est aux anges. Comme ta sa première fois. En plus, elle encaisse et bouge comme une main experte. Par dessus tout, elle adore nos profusions et ne les trouve absolument pas dégoûtantes, moins que nous en tout cas.

Tu es comme le vent qui fait chanter les violons
et emporte au loin le parfum des roses.


Aucun espoir sérieux de la posséder, notre petite mort est inéluctable. Un, dix, cent hommes ne pourront jamais être à la hauteur de ses frasques. Sans savoir d’où elle revient, où même en l’imaginant, nous nous contentons de l’honneur de ses apparitions. Bien sûr, elle nous échappera dans un court instant. Le mot posé ne fait rien oublier. Il matérialise cependant l’envie, le vibrant espoir de se satisfaire, comme nous oublions rapidement la soif après l’avoir étanchée.

Il est humiliant de savoir qu’on ne peut rien lui refuser. Nous rêvons de briller pour quelqu’un qui n’existe même pas. Que sommes-nous ? Des monstres ? Il y a parfois cet espoir de la trouver un jour pour de vrai, mais comme toute beauté, nous préférons encore passer notre vie à la désirer fugacement.

Impossible de lui en vouloir, c’est une fée. Elle est le bonheur en rêve, l’évidence. Il n'y a rien de durablement avilissant, rabaissant avec elle. Elle a pu ressembler à Marylin, Sophie, Josiane, …, la salope et tous ses personnages sont dans nos têtes depuis notre puberté. C'est avec une tendresse infinie, un profond respect pour les plaisirs dont elle nous a toujours gratifiés, que nous l'envisageons bonnement ainsi. Comment faire autrement ? Fermer les yeux ? Comment faire semblant de ne pas la désirer infiniment ?

Une parole encore.

Au point que le mot n'a plus rien de grossier. Bien au contraire, il est intime. Touche pas à ma salope ! Tu n’y comprends rien de toute façon. Le faire raisonner soulage notre pudeur. Oui, elle est la seule à pouvoir nous faire avouer notre faiblesse, vibrer sans reproche pour nos penchants. Nous nous surprenons à soupirer “Ma salope”, sincèrement comme on dit “Ma vie”, “Mes emmerdes”.

Comme j’aimerais que tu me comprennes.

Comprendre que ce mot est une dérision du petit bout qui veut jouer au grand, l'homme qui confesse l’ironie de sa gloire de mâle, comme on se soulage d’une épine dans le pied. Si le mot lui échappe et qu’il vous inquiète, c’est l’occasion de lui demander ce qu’il pense sincèrement des salopes.
Pour paraphraser Dalida, sèmera-t-il de nouvelles paroles au vent ?

Bien sûr, tu n’es pas celle-là. Mais, si je suis un homme sincère, je te dirais que c’est profondément dommage.



🎶🎶 🎶🎵🎶 🎶🎶🎶 🎶🎵 🎶🎶 🎶🎶🎵
Que tu m’écoutes au moins une fois.
Tu es mon rêve défendu.
Mon seul tourment et mon unique espérance.
Tu es pour moi la seule musique...
qui fit danser les étoiles sur les dunes

Si tu n’existais pas déjà je t’inventerais.
Encore un mot juste une parole
Ecoute-moi.
Je t’en prie.
Que tu es belle!
Que tu es belle!
Que tu es belle!
Que tu es belle!
🎶🎶 🎶🎵🎶 🎶🎶🎶 🎶🎵 🎶🎶 🎶🎶🎵

Mes excuses aux Bernard

Dernière modification par toutendouceur (Le 05-05-2022 à 02h14)