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Adrénale

Chapitre 5

La seconde opinion

Avec plusieurs femmes
Résumé:Sa fille Anaïs à l’hôpital suite à son accident de la circulation, Frédéric Larmont a dû affronter seul sa crise d’angoisse agravée par l’appel inopiné et vaindicatif de sa femme, Jessica. L’interne de Benjamin a accouru à son secours mais ne lui a pas prodigué les soins qu’il escomptait.
Petit bonus à la fin de ce chapitre !

— Mr Larmont ?
Je me réveille avec un léger mal de tête et le dos courbaturé. Je suis sur mon canapé, tout habillé. Je fronce les sourcils alors que ma vision s’accoutume peu à peu à la clarté du jour et j’avise enfin la personne qui me fait face: l’interne de Benjamin. Elle s’est penchée pour me secouer légèrement l’épaule et me tirer de mon sommeil. La jeune beauté est à nouveau parfaitement maquillée et fraîche, et porte toujours sa robe de soirée noire, comme si nos effusions de la veille n’étaient qu’un lointain souvenir. De par l’ouverture de son décolleté, je mate sans vergogne les délices qu’offrent sa poitrine et dont elle m’a gratifié la nuit dernière.
— Mr Larmont, vous allez mieux ?
— Oui, j’imagine. Quelle heure est-il ? demandé-je d’une voix pâteuse ?
— Il est sept heures trente. Je suis désolée de ne pas avoir pu me libérer la nuit dernière, je célébrais l’anniversaire de ma compagne. Mais Victor m’a laissé une note me faisant savoir qu’il vous avait administré un bêta-bloquant pour vous calmer. Je suis venue ce matin vérifier que vous alliez bien.
— Victor ? Je tente de comprendre ce que la jeune femme me dit.
— Oui, l’autre médecin interne de votre ami Benjamin. Avec la dose qu’il vous a donné vous ne devriez pas vous faire de souci pour la journée. Prenez du repos, et restez chez vous si vous le pouvez.
— Je dois rendre visite à ma fille à l’hôpital ce matin. Vous êtes sûre que ce n’était pas vous hier ? Nous avons…
— Oui, nous avons ?
Comment lui annoncer qu’elle s’était littéralement jetée sur ma bite ? Le doute me submerge. Et si j’avais rêvé de tout ça ? Confus, je lui demande:
— Vous n’avez pas essayé de me faire une injection ?
D’un air attendri, elle m’explique patiemment:
— Non, Mr Larmont, votre médicament se prend par voie orale. D’ailleurs voici le verre d’eau qu’a utilisé mon collègue hier soir, me montre-t-elle en guise de preuve. Par contre, il est vrai que l’un des effets indésirables peut être la survenue de cauchemars très vivides.
— Je n’appellerais pas exactement ça un cauchemar, mais c’était très réaliste effectivement…
Je me sens désarçonné. La veille n’a été qu’une succession d’ascenseurs émotionnels. J’ai sans doute besoin de repos. Quant à l’épisode du sofa, je ne sais trop quoi penser. Je me sens soulagé, mais d’un autre côté, un peu déçu. Je me fais une raison: c’est sans doute mieux ainsi, je n’aurais pas à vivre dans le remord d’une faute conjugale. Et cela expliquerait mes prouesses sexuelles dignes d’un acteur de film porno…
— Vous pouvez me rappeler votre nom ?
— Marianne, Mr Larmont. Nous nous reverrons peut-être au service du docteur Pfeiffer.

Elle se redresse, et je constate à nouveau que j’ai devant moi une très belle femme, mais qu’elle a l’âge d’être l’une de mes filles. Je rougis un peu de l’avoir imaginée dans un rêve érotique et je me fais l’effet d’un vieux pervers. Je dois être sérieusement en manque; cela ne me ressemble pas, moi qui tire de ma fidélité et de ma droiture une source d’orgueil.
— Reposez-vous bien. Je vous laisse. Si vous avez besoin de quoi que ce soit, n’hésitez pas à appeler le docteur Pfeiffer.
Peu après le départ de l’interne, je suis définitivement sorti de ma torpeur matinale par un appel provenant du cabinet médical de mon endocrinologue:
— Bonjour Mr Larmont. Le docteur Berger souhaiterait vous recevoir dès que possible. C’est au sujet de vos examens. Seriez-vous disponible aujourd’hui à seize heures ?
— Oui, très bien, seize heures, c’est noté, dis-je en me résignant au fait que cette nouvelle journée ne sera pas de tout repos.
***

Il est à peine neuf heures lorsque je franchis les portes de l’hôpital où ma fille Anaïs a passé la nuit en convalescence. Je me dirige vers le service dans lequel elle a été admise. Je monte dans l’ascenseur déjà occupé par deux aides soignantes qui discutent à voix basse, mais dont certaines bribes me parviennent malgré tout:
— L’équipe de nuit a dû remplacer les draps de cette patiente à une heure du mat’. C’était n’importe quoi, ils étaient complètement imbibés.
— Isabelle, tu sais qu’ils exagèrent toujours. Ce n’est quand même pas la première fois qu’un patient a un problème d’incontinence.
— Sauf que ce n’était pas de l’urine. Apparemment ils ont eu affaire à une grosse nympho…
L’infirmière poursuit en parlant directement dans l’oreille de sa collègue, qui réagit avec une expression outrée aux révélations salaces de la prénommée Isabelle. Il doit s’en passer des vertes et des pas mûres dans les chambres d’hôpital, me fais-je la réflexion. Je sors de l’ascenseur et me dirige en direction de la porte de la chambre de ma fille, frappe trois fois avant d’entrer malgré l’absence de réponse. Passé le court couloir, je me trouve face à Anaïs, couchée dans son lit d’hôpital. C’est une vision désagréable, qu’en tant que père je n’ai heureusement pas souvent eu à subir, mis à part une jambe cassée pour mon aînée, une crise d’appendicite pour Anaïs, et les premiers jours de vie de mes jumelles, nées prématurément.
La pièce sent le produit antiseptique et le chocolat. J’en déduis qu’Anaïs vient de prendre son petit-déjeuner. Je tire l’unique chaise de la chambre à moi et m’installe près de ma fille.
— Anaïs, réveille-toi, c’est papa.
Mon petit ange ouvre doucement les yeux et me fait face, un sourire naissant sur ses lèvres.
— Papa, tu es là !
Je me penche pour l’embrasser sur le front, mais elle est plus vive que moi et m’attrappe entre ses bras, et vient nicher son visage dans mon cou. Sa voix assourdie, elle s’écrie:
— Tu m’as tellement manquée !
— Allons mon bébé, je suis là, lui dis-je simplement en tapotant son omoplate.
Elle s’écarte de moi et positionne son coussin afin de s’asseoir sur son lit. Elle a des cernes visibles sous les yeux, je m’en inquiète:
— Tu as bien dormi ?
— Non pas trop. Le lit n’est pas super confortable. Trop dur à mon goût.
— Et la nourriture ?
— Pas terrible. J’ai hâte de retourner à la maison et tes petits plats.
— Oh, vraiment ?
Il est vrai qu’avec mon arrêt maladie, je me suis remis à la cuisine, avec un succès unanime auprès de mes filles. Jessica n’a jamais été un grand cordon bleu.
— Tu as une idée de ce que tu aimerais manger à ton retour ?
— N’importe quoi avec des légumes frais !
— Très bien, je vais réfléchir. A propos, que t’ont dit les médecins ? Tu peux sortir aujourd’hui ?
Ma fille roule des yeux.
— Non, d’après eux je suis hors de danger, mais ils veulent me garder quelques jours pour vérifier quelque chose.
— Ils ne t’ont pas dit quoi exactement ?
Anaïs se tait et rougit. Le mensonge n’a jamais été son fort.
— Pas exactement. Je crois que c’est pour des raisons administratives.
Je fronce les sourcils, ne sachant quoi répondre à ses mystères. Le reste de ma visite se passe rapidement, et j’en profite pour lui remettre quelques affaires personnelles que je me suis permis de prendre dans sa chambre afin qu’elle ne s’ennuie pas trop: son casque pour qu’elle puisse écouter de la musique, son téléphone portable, avec le chargeur, le livre que j’ai trouvé sur sa table de chevet, quelques produits cosmétiques qui traînaient sur son bureau et dont je sais qu’elle aime s’enduire les mains et le visage, avec en plus un paquet de friandises d’une célèbre marque composées de cacahuètes enrobées d’une sphère de chocolat colorée. Mes intentions semblent lui aller droit au cœur et je me vois gratifié d’un ‘papa idéal’, compliment qui me met du baume à l’âme. Je mentionne également que la conductrice, Emma, a exprimé le vœu de venir lui rendre visite dans la journée, idée qu’elle accueille sans réticence. J’essaie de lui apporter un peu de réconfort en détendant l’atmosphère de quelques blagues, avant d’aborder le sujet épineux:
— Anaïs, il faut que je te prévienne, dis-je, hésitant.
— A quel sujet ?
— Ta mère m’a appelé hier, et m’a demandé de tes nouvelles.
Ma fille encaisse ma révélation sans sourciller. Je continue sur le même ton:
— Elle va venir dans la journée te rendre visite.
Anaïs émet un ‘m’ouais’ dubitatif. Je suis secrètement soulagé par sa réaction prudente. Je pondère si je fais bien de tout lui dire ou non. Je décide de lui donner du temps pour réfléchir avant la venue de sa mère, pour qu’elle décide en son âme et conscience. Je poursuis donc:
— Elle va peut-être s’efforcer de te convaincre de venir vivre avec elle, une fois ton séjour à l’hôpital terminé.
Cette fois, ma fille n’arrive plus à se contenir:
— Non, mais à quel titre ? Elle nous a laissé tomber comme des vieilles chaussettes, et maintenant elle voudrait nous récupérer ? Pour qui elle se prend cette salope !
— Anaïs, tu parles de ta mère. Tu lui dois le respect.
— Et toi, tu ne lui as rien dit ? Tu t’es couché devant elle, comme d’habitude, je suis sûr ! Tu n’en as rien à faire non plus de ce que l’on pense, mes sœurs et moi, hein ?
— Ce n’est pas vrai. Je te tiens juste au courant pour que tu décides par toi même ce que tu préfères, dis-je d’un ton sévère.
— Et bien, à moi, ça ressemble fortement à ce qu’elle t’embobine, et que tu te laisses faire car tu es trop heureux de te débarrasser de nous pour être tranquille.
Le son de la claque qui vient de fuser dans l’air résonne dans la petite chambre au mobilier réduit. Elle n’était pas très forte mais a le don d’avoir surpris ma fille. Piqué au vif, je n’ai pas su me retenir et j’en conçois immédiatement de la peine. Je suis sur le point de m’excuser lorsque la voix de ma fille reprend d’un ton beaucoup plus posé, une main sur la joue que je viens de gifler:
— Pardon, papa.
Je suis agréablement surpris du revirement de ma fille. Puis je réalise qu’elle m’observe avec une pointe d’inquiétude. Ce n’est ni mon autorité naturelle ni mon argument choc qui l’ont ramenée à la raison, mais mon état médical. Je supporte moins bien l’idée que ma fille éprouve de l’appréhension pour ma condition, peut-être même de la pitié.
— J’ai besoin de sortir une minute, si tu me le permets.
Je me lève et quitte la chambre sous le regard chargé d’appréhension de ma fille. J’éprouve le besoin de refaire tomber la tension qui m’habite; une petite promenade dans le couloir de l’hôpital devrait suffire. Néanmoins, je ne suis pas au bout de mes surprises lorsque je vois arriver une infirmière d’un certain âge et assez corpulente. Elle arbore des cheveux gris, longs et gras qui lui tombent sans style sur les épaules. Surtout, ce qui m’interpelle est son air suspicieux.
— Vous êtes là pour la patiente de la chambre 18 ?
— Bonjour Madame. Oui, dis-je aussi courtoisement que possible pour faire contrepoint à son ton revêche et désagréable.
— Vous êtes un parent ?
— Effectivement. Je suis le père.
Je vois que son regard se plisse. Quelque chose cloche chez elle, outre son impolitesse, mais je ne parviens pas encore à déterminer ce qu’elle me veut exactement. Je tente de rester affable:
— Il y a un problème avec ma fille, Madame ?
— On peut dire ça comme ça. On en voit passer quelques-unes dans son genre à l’hôpital. Mais souvent le vrai problème se situe au niveau de l’entourage, si vous voyez ce que je veux dire.
Je dois bien avouer que je n’ai pas la moindre idée de ce dont elle parle. Mais en revanche je commence à sentir de façon palpable son animosité.
— Je ne comprends pas.
— C’est en général le cas, le père fait souvent l’innocent dans ces situations. Mais sachez que la loi est derrière nous, et nous oblige d’ailleurs à intervenir.
— D’accord. Et en quoi consiste votre intervention ?
Je commence à perdre patience, je m’en rends compte lorsque ma voix monte dans les aigus à la fin de la phrase.
— Nous avons contacté les services sociaux. Ils devraient vous rendre visite dans les prochains jours.
Je fronce les sourcils. Je ne vois toujours pas de quoi il s’agit. Mais son ton est résolument menaçant.
— Si vous pensez que c’est nécessaire…
— Personnellement je pense que c’est vital. Un psychologue viendra également évaluer votre fille.
Tout d’un coup, les paroles de l’infirmière m’inquiètent:
— Attendez, Anaïs a des problèmes psychologiques ?
— Il est un peu tard pour vous préoccuper du bien-être de votre fille, me répond-elle d’un ton accusateur avant de se détourner et de s’éloigner dans le couloir.
Je reste interdit au milieu du couloir. J’entends un ‘vieux dégueulasse’ discret, mais tout de même audible, provenir de l’infirmière avant qu’elle ne disparaisse dans le bureau réservé au personnel. La situation est si surréaliste qu’un rire nerveux m’échappe. L’esprit agité, j’effectue une retraite rapide dans la chambre de ma fille.
Je ne me suis pas absenté bien longtemps, mais je retrouve Anaïs assoupie sur son lit d’hôpital. Je m’approche silencieusement avant de reprendre ma place. Je cogite à mille à l’heure, bien malgré moi. Je sens à nouveau les affres de l’anxiété qui commencent à submerger mes fragiles défenses. Et si les menaces de l’infirmière se réalisaient, qu’un examen de ma fille ou que la visite d’un inspecteur montrait que je suis un mauvais père ? Mes filles sont toutes majeures, mais celà pourrait-il signifier qu’elles devraient quitter notre logis ? Que ma femme pourrait se servir de ça pour m’enlever mes filles de façon permanente ? Sans doute, connaissant Jessica, qu’elle n’hésitera pas à utiliser ce genre de procédé pour obtenir ce qu’elle veut. Je n’ai pourtant rien à me reprocher, tenté-je de relativiser. Mais la perspective de perdre mon entourage est insupportable. De quoi abattre un chien à terre.
— Qu’ai-je fait pour mériter tout ça ?
Les mots s’échappent de mes lèvres et me surprennent. Il faut que j’arrête de m’apitoyer sur mon sort, que je reprenne ma vie, ou ce qu’il en reste, en main. Je jette d’ailleurs un œil sur mes propres mains. Malgré les mots rassurants de l’interne ce matin, je m’aperçois que mes doigts commencent à trembler. Alors que Marianne m’avait assuré que la dose devait m’aider à surmonter la journée sans encombre, je réalise que je reste toujours vulnérable aux sautes d’humeur que me vaut la moindre confrontation émotionnelle. Que faire ? Dans tous les cas, je ne souhaite pas que ma fille me voit dans cet état. Je m’apprête à la réveiller pour lui dire au revoir lorsque j’avise enfin sa posture négligée.
Le drap blanc et un peu rèche du lit d’hôpital a glissé sur le buste d’Anaïs alors que j’étais perdu dans mes pensées, et se retrouve désormais sous ses seins. Je réalise aussi que ma fille ne porte plus la blouse d’hôpital que l’on donne aux patients, et que celle-ci est en fait posée au pied du lit. Embarrassé, je détourne le regard des seins nus exposés de ma fille, seulement pour découvrir que sous le drap, sa main s’agite à la fourche de ses jambes. Je n’en reviens pas: ma fille se donne du plaisir en plein sommeil, juste à côté de moi. Je réalise que dans sa tenue, n’importe quelle infirmière entrant dans la chambre de ma fille en viendra à la mauvaise conclusion. Mortifié, je tente de rassembler mes affaires le plus silencieusement possible avant de déguerpir. Je suis sur le point de sortir et jette un dernier regard sur Anaïs. C’est alors qu’un événement inattendu attire mon attention. Ma fille commence à être prise de spasmes musculaires et de petites plaintes de plaisirs me parviennent. Elle vient d’atteindre l’orgasme et j’en suis le témoin involontaire. Ce qui me choque le plus est le mot qui s’échappe d’entre ses lèvres tremblantes de volupté:
— Papa…
***

Arrivé à la maison, il me faut un peu de temps pour prendre la mesure de la situation. Ma fille Anaïs fantasme sur moi, son père. Je secoue la tête devant l’énormité de ce que je viens de penser. Ce n’est pas exact, elle faisait un rêve érotique. Comme moi la nuit dernière avec l’interne de Benjamin, remarqué-je. Il faut que je demande à mon endocrinologue si une substance peut induire des songes érotiques. Peut-être un produit néfaste dans l’eau du robinet ? Je me dirige dans la cuisine, fait couler l’eau quelques secondes, me penche pour renifler, sans rien remarquer de particulier. Je m’énerve contre moi-même, ça ne rime à rien: qu’espère-je ? Découvrir un filet d’eau toute rose ? Une sorcière aurait-elle versé un philtre d’amour dans le réservoir d’eau du quartier ?
Un appel sur mon portable me tire de ma pseudo-enquête scientifique. Il s’agit du numéro professionnel de Benjamin. Je réponds immédiatement:
— Frédéric.
Son ton est grave.
— Benjamin ? Il s’enquiert sans doute de mon état après mon appel d’urgence la nuit dernière…Toujours aussi professionnel.
— Tu peux passer à la clinique ? C’est important.
Je laisse échapper une note de contrariété… Avec mon planning de ministre, je doute que ce soit possible. Je m’explique:
— J’ai rendez-vous avec le docteur Berger et…
Benjamin ne me laisse pas finir. Il m’interrompt d’un ton véhément:
— Et bien justement. Cette incompétente colporte des inepties à mon sujet, et sur ton cas médical en particulier. Il faut absolument que tu changes d’endocrinologue. Je peux te référer auprès d’un ou deux autres confrères de confiance.
— Mais c’est toi qui me l’avais conseillée, non ?
Petite pause contrariée.
— Soit, pour une fois, j’ai eu tort. Ou plutôt, je pensais qu’elle se montrerait à la hauteur. Comme quoi, je voulais donner la chance à une femme et c’est un échec… Après je me fais traiter de misogyne, va comprendre. J’ai des collègues beaucoup plus sérieux qu’elle, en tout cas ils savent interpréter un scanner, ce qui est un bon début. Cette idiote est en train de nuire à ma réputation, Fred.
— Quel est le problème avec mon scan ?
— Mais rien, justement ! De mon côté tout est bon. Je peux t’expliquer en détail. Puisque tu ne sembles pas pouvoir te libérer aujourd’hui, je peux t’accorder un créneau la semaine prochaine. Je te passe ma secrétaire pour les détails du rendez-vous. Passe quand même voir Berger, tu pourras lui dire de vive voix que tu préfères confier ton cas à quelqu’un de plus compétent.
— Et si…
J’entends un cliquetis lorsque Benjamin transfère mon appel à sa secrétaire sans me laisser le temps de répondre.
— Oui, allô ?
— Euh, je suis le patient du docteur Benjamin Pfeiffer. Frédéric Larmont. C’est pour prendre rendez-vous avec lui la semaine prochaine.
Nous fixons un jour et une date, lorsque la secrétaire me dit:
— L’interne du docteur Pfeiffer souhaite vous parler. Je vous la passe.
— Mr Larmont ? C’est Marianne, l’interne de ce matin.
— Oui, re-bonjour Marianne, répondis-je, intrigué.
— Je voulais vous informer. J’ai eu l’occasion de regarder de près vos scans.
— Benjamin m’a dit que tout allait bien…
— Je pense que vous devriez écouter un second avis.
***

J’essaie de me détendre en début d’après-midi en lisant un bouquin. Depuis que j’ai raccroché au téléphone un peu plus tôt dans la matinée, un malaise lancinant me prend aux tripes. Qui croire dans cette foire d’empoigne ? J’aimerais sincèrement que Benjamin ait raison. Mais son interne comme l’endocrinologue semblent avoir une autre opinion. Il faut que je joue la prudence, pour mes filles. Je repense à Maître Roulet, mon notaire. J’ai bien fait de mettre tout à plat dès que j’ai su pour mon cancer il y a quelques mois. Mes comptes en banque, mes livrets, mes assurances vies, mes quelques actions, mes possessions immobilières, l’entreprise, tout a été passé au peigne fin. Une petite fortune, pour être objectif. Pour moi, juste assez pour mourir la conscience tranquille en sachant que mes quatre filles ne seront pas immédiatement dans le besoin. Je n’aurai pas besoin de passer le temps qui me reste à fabriquer de la drogue, pensé-je en référence à l’une de mes séries préférées. Sauf si leur mère montre un appétit vorace pour ce que je laisserai derrière moi. Ou si elle obtient un divorce… Il faut que je rappelle Maître Roulet, ou même un avocat… Je grimace malgré moi: encore des tracas en perspective.
Jessica n’a pas encore donné signe de vie aujourd’hui. J’en suis en fait soulagé. Il est bientôt l’heure de mon rendez-vous avec ma spécialiste et je repose donc le livre auquel je n’arrive de toute façon pas à prêter une grande attention. Moi qui voulais savoir de quel bois est fait ce nouveau candidat à la présidence du pays et dont les idées résonnent en moi, je dois bien avouer que la petite musique qu’il déroule à travers les pages sonne faux. Pourtant j’avais un a priori très positif…
Je me prépare rapidement et descends les étages pour arriver devant mon véhicule garé dans le parking souterrain de mon immeuble. Je m’installe et démarre le moteur. Cette chape d’anxiété ne me quitte pas du trajet, même au volant de mon SUV, dont la conduite me tranquillise, d’ordinaire. Et c’est avec une appréhension toujours grandissante que j’arrive devant le cabinet du Docteur Berger.
— Veuillez vous asseoir, Mr Larmont.
Le docteur Berger me fait face à son bureau, toujours habillée de manière classe et professionnelle, mais je dois dire que la position dans laquelle je l’ai surprise la dernière fois a écorné l’image que je me faisais d’elle. Je me doute qu’elle a pris le parti de ne pas y faire la moindre allusion.
— Pour commencer, je tiens à vous transmettre les coordonnées d’une collègue sophrologue qui pourra vous enseigner des techniques efficaces visant à évacuer le stress. Elle reçoit dans son cabinet mais peut aussi se déplacer sur rendez-vous.
Elle me tend une carte de visite dont je me saisis et que je range dans mon portefeuille après y avoir jeté un regard distrait.
— Ensuite je voulais savoir comment vous vous sentez depuis la dernière fois ? Il n’y a pas si longtemps, donc j’imagine que vous n’avez pas fait de nouvelle crise d’angoisse ?
Je toussote.
— Et bien en fait, si. Malheureusement ma fille a été victime d’un accident de la circulation lorsqu’elle était avec moi.
Je vois les yeux de la praticienne s’agrandir. Je relativise immédiatement:
— Heureusement elle va bien à part une cheville fêlée.
— Et vous-même ?
— J’ai effectivement eu une crise d’angoisse dans la soirée. Un interne de mon oncologue est passé pour me donner un calmant, comme j’ai perdu ceux que j’avais achetés en pharmacie un peu plus tôt. A propos, vous n’en n’auriez pas ?
— Ah, c’est à cause de la pénurie ? Malheureusement nous les gardons pour les urgences, nous ne pouvons pas vider nos petits stocks pour de la prophylactique. J’espère que vous comprenez.
— Je comprends, dis-je d’un air déçu.
— Je voudrais aussi m’entretenir avec vous de vos derniers résultats. J’en ai parlé à votre oncologue, Dr Pfeiffer, mais je dois dire qu’il ne s’est pas montré très coopératif, et j’en suis navrée. C’est votre ami d’enfance, n’est-ce pas ?
— Effectivement. En fait, il m’a déjà prévenu, et il m’a suggéré… Je bloque un peu sur les mots, pris d’une soudaine réticence.
— De changer d’endocrinologiste peut-être, propose-t-elle calmement.
— Euh, oui. Exactement.
— Je ne suis pas très étonnée, étant donné la teneur de ses propos quand je l’ai contactée.
— Il a toujours été sanguin quand il n’obtient pas ce qu’il veut, essaie-je de le défendre.
— Il s’est montré très discourtois, un vrai goujat, pour tout dire. Mais assez parlé de lui, ce qui m’intéresse, c’est votre décision.
Je réfléchis soigneusement, même si au fond de moi je connais déjà la réponse. Quelque chose me pousse à tendre l’oreille avant de fermer la porte à cette personne, en dépit de la fidélité que j’éprouve envers Benjamin.
— Je veux connaître votre opinion sur mon examen. D’après lui, tout va bien au niveau de l’opération.
— Il n’a pas complètement tort vous savez, c’est l’ironie de la chose.
Elle sort d’un dossier deux clichés de scanners et les pose sur le bureau, bien en évidence sous mon nez. Elle me regarde droit dans les yeux et tapote la feuille de gauche:
— Ici vous avez le scanner de vos glandes surrénales quelques jours avant l’opération.
Puis elle tapote sur la feuille de droite:
— Et là, une semaine après l’intervention. Mais ce scan a été pris ici, si vous vous en rappelez, pas à la clinique.
— Oui, je me rappelle bien, car ce n’était pas vraiment nécessaire, vu qu’ils avaient déjà pris un scan à la clinique.
— Oui, mais uniquement de la surrénale opérée, ici nous avons les deux.
— Vous savez, je ne suis pas médecin, dis-je en portant vaguement attention aux clichés. Je ne saurais interpréter correctement ces examens… Puis quelque chose d’évident me saute aux yeux, qui s’écarquillent comme des soucoupes alors que je commence à comprendre. Je me penche plus près des photos pour en avoir le cœur net. Il n’y a guère de doute possible.
— Non !
— J’ai bien peur que si, Mr Lormont.
— Il n’a quand même pas…
— Opéré le mauvais côté, finit le docteur à ma place.
Je m’effondre au fond de mon siège, silencieux.
— Nous allons surveiller étroitement l’évolution de votre cancer, Mr Larmont. Mais l’augmentation de vos troubles d’humeur et leur fréquence indiquent clairement que vous n’êtes pas sorti d’affaire, comme le prétend le Docteur Pfeiffer. Il n’est cependant pas trop tard, et vous avez encore de bonnes chances de rémission. Vous pouvez voir cette intervention comme… un contretemps fâcheux. Je suggère que nous nous revoyons fréquemment ces prochaines semaines. J’aurais besoin d’un test urinaire dès que possible…
Elle s’interrompt, me regarde avec un regard chargé de compassion.
— Ne perdez pas courage, Frédéric.
Je grimace. Je n’ai aucune raison de lui en vouloir à elle, personnellement, mais ma présence dans un cabinet médical me devient soudainement insupportable. Je me sens en nage, au bord de la nausée. Sans un mot, je me lève et rassemble mes affaires, me lève. Les lèvres tremblantes, j’essaie de parler, rien d’intelligible ne sort.
— Votre réaction est compréhensible, essayez de trouver un exutoire et nous en reparlerons plus tard.
Je me dirige vers la sortie. Le Docteur Berger me suit de près, m’arrête en me posant une main sur mon épaule et ajoute, alors que je me retourne à peine pour l’écouter :
— Si vous le désirez, je pourrais être cet exutoire, maintenant.
D’un haussement d’épaule, je dégage sa main, puis détourne la tête en m’apprêtant à sortir.
Et si on épiçait les choses en rendant ce récit un peu interactif? Voilà notre héros sur le fil du rasoir, à la croisée des chemins. Pensez vous que Frédéric devrait :
1 - Sortir sans se retourner.2 - Rester.
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