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L'âge de jouir

Chapitre 3

Je t'aime?

Hétéro
L’âge de jouir-III : Je t’aime ?
Un épais trait de lumière barrait la chambre entre les volets presque fermés. De haut en bas, il séparait la pièce, entre le bureau, les étagères remplies de livres, un tapis venu d’orient, et un lit entouré d’une table de nuit, d’armoires et d’une fresque murale illustrant les constellations entourant une lune ascendante.
Il faisait jour, et même bien jour. Mais la fenêtre, du premier étage, donnait sur la petite cour, et vers la droite, la petite rue du quartier où il passait tout le temps du monde. Ils tenaient à leur discrétion, autant qu’ils aimaient le voile qui les enveloppait, qui ajoutait au secret dont ils s’entouraient avec une complicité mutine.
Les deux silhouettes se mouvaient dans les couvertures avec des profils de spectre. Sans un bruit, une main recourbait la couverture. Dans la pénombre, il discernait le sourire fin de sa partenaire s’élargir, alors qu’il remontait la chute de ses reins. La fièvre extatique la parcourait encore, et elle sembla lui parvenir comme il ne pouvait en dégager ses yeux. Elle qui était si grande, offrait, une fois allongée, un véritable nu artistique qu’aucun peintre n’aurait pu retranscrire sans vouloir y goûter plusieurs fois de suite. Sa peau blanche, sans être trop pâle, se dessinait en des courbes ni trop fines ni trop rondes, où ressortaient ses seins qu’il ne s’était jamais autorisé à regarder avant, mais qu’il ne pouvait plus manquer depuis. Suivait son ventre bien plat, sculpté par des années de sport et de marche ; l’ombre couvrait son sanctuaire encore luisant, et ses yeux s’accrochèrent aux siens, perles sombres sur un visage aux traits légers nimbés de boucles brunes.
Avait-elle remis ses lunettes ? Il ne voyait pas la différence, mais elle ne pouvait s’en empêcher quand ils revenaient doucement...
D’aussi loin qu’ils se souvenaient, les deux amis s’étaient toujours ressemblé. Bien qu’Héloïse ait accusé une tête de plus que Patrick, ils partageaient tous deux un corps équilibré, une peau qui peinait à prendre des couleurs en plein soleil, des cheveux noir corbeau, des lunettes, un parcours similaire dans l’éducation et les mêmes goûts pour la littérature, la musique, le paranormal, etc. Si bien que de nombreuses personnes pensaient qu’ils étaient frère et sœur, voire jumeaux. Ils en rigolaient bien, mais apportaient surtout la preuve que l’amitié entre homme et femme existait. En effet, contre toute logique, les deux amis avaient abordé l’adolescence sans vraiment se rapprocher sentimentalement. S’ils étaient restés proches, leur amitié s’était affinée, mais restait toute platonique, et ils partageaient volontiers leurs impressions amoureuses, leurs avis sur telle ou telle personne.
Cependant, l’âge ne pouvait se laisser leurrer, et par la conjonction de la curiosité, de l’envie et du manque de rencontres, les avait poussés dans les bras l’un de l’autre. Une suprême récompense une fois les examens terminés, et les dieux savaient qu’ils en avaient plusieurs fois repris !Patrick égrenait des boucles brunes du bout de ses doigts encore humides. Un regard large répondait au sourire avant de dévaler la pente de l’oreiller. Ses lèvres lisses avaient un goût de cerise, et il la prit dans ses bras, plaquant contre son ventre sa queue qui ne demandait qu’à reprendre en vigueur.
« C’est dingue, dit-il, en cherchant ses mots pour la suite. Je crois que s’il y avait un Je t’aime pour le sexe, je te le dirais encore et encore.Héloïse le regarda d’un œil interloqué, avant de répondre légèrement.
— Je t’aime, c’est assez proche, non ? Dans ce cas, je t’aime aussi, Patrick.— C’est différent, dit Patrick en passant ses doigts dans son coup, on est amis, mais on n’est pas vraiment amoureux. Je veux dire, je ne suis jamais tombé amoureux, toi non plus, mais je ne sais pas si ce que je ressens pour toi y ressemble. Tu ressens quoi, toi ?— Je t’ai toujours vu comme un de mes meilleurs amis, mais j’aime aussi coucher avec toi (elle termina sa phrase dans un discret déhanché). Les deux ensemble, c’est un peu de l’amour, non ?— C’est peut-être pas la même chose, l’amour est plutôt un truc plus fouillé, plus compliqué à décrire ; un peu comme dans l’écume des jours.— T’es en train de me comparer à une fille qui crève d’un cancer du poumon, là ?— Non, mais les amoureux que je connais ne m’ont pas convaincu. Tu es aussi ma meilleure amie, et je ne pense pas que ça puisse être aussi simple.
Héloïse passa à son tour ses mains sur son corps.
— Tu es tellement romantique, dit-elle, mais tu as raison. On est trop terre-à-terre pour être amoureux. Et je veux rencontrer d’autres personnes.
Patrick l’écouta avec curiosité.
— Je ne m’ennuie pas avec toi, pas du tout, mais j’aimerai connaître d’autres personnes, à la fac et ailleurs. Je veux séduire, me faire séduire, j’ai des fantasmes et je veux les réaliser. Je pense que tu veux essayer des trucs, toi aussi ?— Oh oui, dit Patrick avec une fougue retrouvée, j’en ai tellement ; d’ailleurs, j’aurais peut-être besoin de toi pour en réaliser quelques-uns, si tu es d’accord. Je t’aiderais pour les tiens, si tu veux.— Bien sûr que je t’aiderais ! Et je compte sur toi ! Au fait, tu as trouvé un nouveau coin dans la forêt ?— Oui, dit Patrick en passant ses mains sur ses épaules. Derrière la fontaine qui rit. Un coin recouvert par les buissons et des arbres, avec un vieux banc. Tu pourras me pomper la queue à l’abri des regards et des emballages de capotes.— Génial, dit Héloïse, les mots mutins, mais ne crois pas que je vais faire tout le boulot. Si ce banc est solide, je me pendrai à ton cou !
Le sourire vicieux et satisfait de Patrick arracha un rire à sa partenaire.
— Donc, je résume, dit Héloïse, on couche ensemble, on fait aussi des rencontres chacun de notre côté. On baise, on baise et on baise toujours ensemble ?
Patrick caressa son ventre et son bassin en l’embrassant au creux du cou.
— Oui, je te veux encore, lui dit-il à l’oreille. Je veux sentir ta bouche sur ma queue, et je te ferais profiter de tout ce que j’ai appris avec les autres femmes.— Seulement les autres femmes ? hasarda Héloïse, en référence à certaines discussions qu’ils avaient eues au fil des ans.
Les deux partageaient aussi bien une attirance floue, voire non dite, envers les gens de leur sexe. Bien qu’aucun d’entre eux n’en ait fait cas autrement ni ne soit passé à l’acte, chacun savait qu’ils trouveraient peut-être l’occasion de le faire un jour.Patrick eût un sourire à la fois gêné, mais se reprit en glissant ses mains jusqu’à ses fesses pleines, les pressant de façon à les écarter.
— Peut-être pas, si tu envisages d’explorer une autre facette de la question...— J’y pense, dit la jeune femme sans se troubler, ça viendra peut-être avec le temps, mais je ne sais pas avec qui. Tu serais jaloux du mec qui me prendrait par là si tu ne passais pas en premier ?
À ces mots, Patrick se figea les yeux dans ses yeux.
— Jaloux, dit-il, jaloux... Mais oui, c’est avec ça qu’on saura !
Héloïse roula les yeux.
— Tu peux développer ?— Tu voulais savoir si on était amoureux ? Eh bien, on le saura en baisant avec d’autres et en se racontant tout ! Si on a du mal à l’entendre, si on est gênés, ça voudra dire qu’on est amoureux !
Les yeux de la jeune femme cessèrent de rouler pour s’élargir.
— Tabler sur la jalousie ? Pas bête ! Ça se réveille vite, en plus, on sera vite fixé !
Le jeune homme l’embrassa fougueusement, pressant sa queue jusqu’à ce qu’une main savante la saisisse, sortant le gland dans des mouvements soignés.
» Dis-moi, dit-elle en ralentissant son massage ; et si l’un d’entre nous est jaloux, mais pas l’autre ?Patrick voulut hausser les épaules, mais n’eut qu’un mouvement saccadé.
— Ce serait dommage, mais on devrait peut-être en rester là niveau sexe. On resterait amis, cela dit ?
Héloïse reprit de la cadence en embrassant le torse de son partenaire.
— Bien sûr, il faudra faire tout pour.
Elle l’espéra de tout son cœur, avant de plonger dans les draps pour approcher le sexe encore gourd. Celui-ci lui saisit les bras pour la ramener à son niveau.
— Désolé, mais je dois partir, ce sera pour une prochaine fois.
La pensée lui revint à l’esprit comme le tintement d’une micro-onde.
— L’entretien d’embauche ! J’avais totalement oublié !
Le visage figé dans la confusion, elle sauta hors de son lit et aida son amant à en ressortir ; son regard semblait plus calme.
— C’est pas grave, dit-il, c’est dans une heure, j’ai largement le temps de revenir chez moi et de tout préparer.
La jeune femme soupira en posant ses mains sur son torse, les yeux baissés.
— Reste prendre une douche alors, mes parents rentrent à six heures.
Patrick sourit brièvement et baisa son front.
— Merci, mais vaut mieux qu’on garde ça pour après la fontaine.
Il remit son jean et son tee-shirt aux couleurs de Trivium, pour finir par ses chaussures, comme Héloïse remettait sa jupe à plis grise et son tee-shirt Opeth.
Ils descendirent les escaliers jusqu’à la porte.
— C’est marrant qu’aucun voisin ne soit venu jouer les commères, dit Patrick alors que son amante ouvrait.— Ils doivent être Suisses dans l’âme, être au travail, ou avoir eux aussi des choses à cacher, dit-elle.
Ils s’embrassèrent brièvement et la porte se referma.
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