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Autant en emporte son tempérament

Chapitre 1

Hétéro
Quelque temps avant la guerre civile qui opposait les Nordistes et les Sudistes, avant même que Lincoln n’ait fait la présidence, il y avait une prospérité sans nom dans tout le pays. Les esclaves étaient tous sous le joug de leurs maîtres, les aristocrates. Plusieurs d’entre eux possédaient des champs de coton et les espèces sonnantes et clinquantes ravissaient le petit monde.
Seulement, un jour, le malheur avait éclaté dans les rues, les Sudistes ravageaient tout et le pays était divisé. La famille O’Hara, dont Scarlett était issue, avait perdu bon nombre de biens en ce jour fatidique. Une grande portion de leurs champs avait été brûlée, les nègres s’étaient enfuis avec des Sudistes mais leur maison avait été épargnée.
Quelque temps après, Scarlett O’Hara avait repris le cours de sa vie, mais elle n’était plus ce qu’elle avait connue. Tout avait changé. Son physique, par contre, était demeuré le même.
Cette femme, bien qu’elle n’était pas d’une beauté classique, réussissait toujours à charmer les hommes qu’elle croisait. Son visage se heurtait avec trop de netteté aux traits délicats de sa mère et aux traits lourds de son père au teint fleuri.
Elle n’en avait pas moins une jolie figure attirante dont elle savait tirer profit. Ses yeux, légèrement bridés et frangés de cils drus étaient de couleur vert pâle sans la moindre tache noisette. C’était sans aucun doute ce qui se remarquait immédiatement chez elle. Autant sinon plus que sa peau d’un blanc de magnolia, cette peau à laquelle les femmes du Sud attachaient tant de prix et qu’elles défendaient avec tant de soins, à l’aide de capelines, de voiles et de mitaines, contre les ardeurs du soleil.
C’était sans doute cela qui avait attiré le groupe de Sherman, composé de Yankees et de nègres rebelles, dont l’un d’entre eux avait tenté de la violer un soir. Bien mal lui en avait pris, car la jeune femme ne s’était pas laissé faire, contrairement à plusieurs demoiselles dans une telle situation. Elle s’était débattue avec tant de rage qu’elle avait tué le Yankee qui avait essayé de la violer, sans remords ni chagrin. Un démon avait fait sa sortie, à l’instar de l’homme qu’elle avait déjà rencontré et qu’elle détestait autant qu’il la fascinait, l’ancien Capitaine Rhett Butler. Elle était prête à se battre pour survivre dans un monde chaotique, avec toute l’ardeur de son tempérament.
Des années avaient passé depuis l’incident, depuis la guerre. Entre-temps, elle s’était mariée par dépit, ne pouvant épouser l’homme qu’elle adulait, le gentleman Ashley Wilkes marié à Mélanie Hamilton.
Par deux fois veuves, son second mari étant mort à la suite d’un raid du Ku Klux Klan, elle s’était mise à boire, culpabilisant. Rhett, de nouveau de retour du voyage qu’il avait fait et ayant toujours eu des intentions sur la personne de Scarlett, s’était décidé à l’épouser, ce qu’elle acceptait plus pour sa fortune que pour ses beaux yeux. Il n’était cependant pas dupe, mais il n’en avait cure.
Onze années de mariage s’étaient écoulées, à Atlanta, et elles avaient épuisé la patience de l’homme qui buvait de plus en plus. Une éternité à attendre que la femme qu’il aimait puisse s’attacher à lui, à lui ouvrir son cœur et à s’offrir pleinement à lui sans arrière-pensée.
Seulement, un beau jour, alors que Scarlett se trouva dans son magasin, Ashley vint la voir, car il ne pouvait rentrer chez lui, sa femme préparait une surprise pour son anniversaire. Amusés par l’enthousiasme général, ils décidèrent de s’isoler pour parler tranquillement de leurs moments passés ensemble jadis. Ayant compris que les sentiments qu’elle éprouvait depuis longtemps envers Ashley relevaient plus des sentiments amicaux, ils se serrèrent dans les bras pour se dire "au revoir".
Cependant, Archie, un clochard violent, mais qui était engagé depuis un moment par Mélanie pour protéger toutes les femmes d’Atlanta de la menace violente que représentaient désormais les nègres qui s’étaient rebellés, surprit la scène d’étreinte entre Ashley et Scarlett, au côté d’India. Les deux observateurs interprétèrent mal la scène. Ils répandirent une rumeur selon laquelle Ashley et Scarlett avaient commis un adultère.
Ayant peur de la réaction de son mari et de Mélanie, Scarlett décida de se cacher chez elle et de ne pas aller à la fête. C’était sans compter son mari, qui l’obligea à aller là-bas. Contre toute attente, Mélanie, qui ne pouvait croire en cela, demeura digne d’une lady et sauva, de ce fait, la réputation de son amie.
Étant revenue chez elle sans son mari, qu’elle avait laissé derrière, elle se mit en tête de monter à sa chambre.

Une fois dans sa chambre, Scarlett se sentit de nouveau en sécurité et se jeta sur le lit sans se soucier un seul instant de sa robe moirée, de sa crinoline, de sa tournure et de ses roses. Étant dans l’incapacité de poser le moindre geste, elle demeura inerte et se remémora la scène où elle accueillait les invités entre Ashley et Mélanie.
— Quelle horreur ! Plutôt affronter encore les hommes de Sherman que de renouveler un pareil exploit !
Au bout d’un certain temps, elle se leva de son lit et se mit à arpenter la pièce tout en semant ses vêtements autour d’elle. Les quatre cents pas, elle ne les connaissait que trop bien. Ses nerfs tendus comme un arc la trahissaient et elle commençait à trembler de tout son être. Elle voulut se décoiffer, mais ses épingles lui échappèrent des mains et tombèrent sur le sol avec un petit bruit métallique si distinctif.
Lorsqu’elle essaya de se brosser les cheveux comme à son habitude quotidienne, elle se heurta la tempe avec le dos de celle-ci. À plusieurs reprises elle alla jusqu’à sa porte sur la pointe des pieds et prêta une oreille attentive au moindre bruit, mais le grand hall du rez-de-chaussée était silencieux comme un fossé obscur.
Rhett l’avait laissée rentrer seule en voiture après la réception et elle avait remercié de ses vœux Dieu de ce sursis fort désiré. Rhett n’était pas encore de retour. Oui, Dieu merci, il n’était pas encore de retour. La honte, la peur, son tremblement intérieur autant qu’extérieur ne lui eussent pas permis de supporter son regard.
Mais où était-il, celui-là même pour qui, dans la matinée, ses sentiments avaient commencé à changer pour naître un peu dès l’instant où elle avait compris qu’Ashley n’était qu’un ami. Seulement, en bien ou en mal, elle ne savait le dire. Il la fascinait toujours autant, mais il l’effrayait également. La jalousie ? Elle ne pensait, car elle n’en connaissait que trop bien la route sinueuse.
Il était sans doute chez cette créature. Pour la première fois de sa vie de couple, Scarlett se réjouit qu’il y eût des femmes de joie comme Belle Watling. Quelle chance que Rhett fût allé ailleurs passer son humeur meurtrière ! Oui, évidemment, c’était mal se réjouir que son mari fût chez une prostituée, mais elle n’y pouvait rien, car la peur de sa réaction était trop insupportable.
Elle tenait si peu à voir son mari ce soir-là, qu’elle eût presque été heureuse d’apprendre sa mort. Demain... eh bien ! demain ça ne serait pas la même chose. Demain, elle inventerait une excuse pour se défendre, elle contre-attaquerait comme elle l’a si souvent fait, elle trouverait bien le moyen de mettre Rhett dans son tort pour s’éclipser de toute responsabilité.
Demain, elle n’aurait plus sans cesse devant les yeux le doux visage d’Ashley, elle ne se dirait plus sans cesse qu’elle l’avait déshonoré publiquement bien qu’il eût si peu de choses à se reprocher. Lui en voudrait-il au point de la haïr ?
Mais bien entendu qu’il la détesterait, dorénavant qu’elle et lui devaient leur salut à Mélanie. À la façon indignée de redresser ses frêles épaules, au timbre doucereux, affectueux et confiant de sa voix quand elle avait traversé le salon au plancher poli comme un miroir pour aller glisser amicalement son bras sous celui de Scarlett et faire face à une foule curieuse, méchante et secrètement hostile.
Comme Mélanie s’y était bien prise pour étouffer le scandale de la journée ! Elle n’avait pas quitté Scarlett un seul instant et les gens, quelque peu interloqués, avaient été polis malgré une certaine froideur à son égard.
Oh ! quelle ignominie ! Avoir eu la jupe de Mélanie pour rempart entre elle et ceux qui l’exécraient, qui l’eussent volontiers mise en pièces, à force de potins mondains ou de ragots si chers à l’aristocratie. S’être abritée derrière la confiance aveugle de Mélanie, cette femme qu’elle enviait depuis des années, dont elle était jalouse de l’homme qu’elle couchait dans sa couche.
À cette pensée, un frisson parcourut Scarlett la brave, l’inflexible. « Si je veux dormir, pensa-t-elle, il faut que je boive quelque chose, il faut même que je boive pas mal. » Précipitamment, elle enfila un peignoir par-dessus sa chemise de nuit et sortit dans le couloir obscur. Le bruit des talons de ses mules résonnait au milieu du silence lourd de la maison.
Elle avait déjà descendu la moitié de l’escalier quand, jetant un regard du côté de la salle à manger, elle vit un rai de lumière filtrer sous la porte fermée de la pièce. Son cœur cessa de battre un instant. Y avait-il de la lumière dans la salle lorsqu’elle était rentrée et avait-elle été trop bouleversée pour le remarquer ? Ou bien Rhett était-il là ?
En somme, il avait fort bien pu passer par la porte de la cuisine sans faire le moindre bruit. Si Rhett était de retour, elle remonterait derechef dans sa chambre sur la pointe des pieds et renoncerait de ses vœux à son cognac si cher à son cœur depuis un moment déjà. Ainsi, elle éviterait le courroux de son mari. Dans sa chambre, au moins, elle serait en sécurité, car elle avait toujours la possibilité de s’enfermer à clef.
Elle se baissa pour enlever ses mules afin de battre silencieusement en retraite quand la porte de la salle à manger s’ouvrit dans un grand vacarme et livra le passage à Rhett dont la silhouette se détacha à la lueur douteuse d’une bougie. Il paraissait énorme, plus grand encore que Scarlett ne l’avait jamais vu. Impossible de distinguer son visage ni même la masse sombre et terrifiante de son corps qui oscillait légèrement.
— Venez donc me tenir compagnie, madame Butler, dit-il d’une voix un peu pâteuse. Il était ivre, et il le laissait voir. Jusque-là, si copieuse qu’eussent été ses libations, il s’était toujours dominé avec une retenue de fer. Scarlett s’arrêta brusquement, ne sachant sur quel pied danser. Elle ne répondit rien, ce qui semblait agacer au plus haut point l’ivrogne devant elle. Rhett leva le bras d’un geste impérieux. « Venez ici, bon Dieu ! » s’exclama-t-il brutalement.— Faut-il qu’il soit ivre ! songea Scarlett en tremblant. D’ordinaire, plus il boit, plus il est poli !
En effet, quand il avait bu, de façon générale, il était plus caustique, ses paroles étaient souvent plus blessantes, mais son attitude restait toujours correcte... trop correcte. « Pour rien au monde il ne doit penser que j’ai peur de lui », se dit Scarlett qui ramena son peignoir sur sa poitrine en guise de vertu et acheva de descendre l’escalier en martelant les marches avec ses mules.

Un sourire esquissé aux lèvres, Rhett s’effaça pour laisser sa tendre moitié passer devant lui et s’inclina avec une affectation si méprisante qu’elle en frémit de frayeur. Elle s’aperçut qu’il avait quitté sa redingote et que sa cravate tombait de chaque côté de son col défait. Sa chemise ouverte laissait voir l’épaisse toison de poils noirs dont son torse était couvert. Il avait les yeux injectés de sang. Il n’avait plus rien à voir avec l’élégant homme qu’il affichait d’habitude. Il avait quelque chose de bestial. Cette pensée horrifia Scarlett et lui fit des papillons dans le ventre sans toutefois savoir ce que cela signifiait.
Sur la table brûlait une bougie, petit foyer lumineux qui renvoyait des ombres monstrueuses dans la pièce, au plafond élevé, et qui faisait ressembler les consoles et le buffet massifs à des bêtes accroupies, prêtes à bondir sur une proie. Au milieu de la table, sur un plateau d’argent, étaient placés un carafon débouché et des verres qui n’attendaient que de servir.
— Asseyez-vous, ordonna Rhett d’un ton sec et péremptoire en rentrant dans la salle à manger derrière sa femme. Maintenant, une peur d’un genre nouveau s’emparait de la belle, une peur primitive qui rendait bien mesquine l’inquiétude qu’elle avait éprouvée à l’idée de se trouver en face de son homme.

Il lui donnait une impression étrange, comme si elle se trouvait en présence d’un inconnu. Ses manières peu communes et sa façon autoritaire de parler la déroutaient plus que tout. Jamais elle ne l’avait vu se conduire avec cette grossièreté. Même aux heures les plus intimes, dans le lit conjugal, il ne s’était jamais départi de son air indifférent. Même lorsqu’il était en colère, il demeurait excessivement poli et n’abandonnait pas le ton badin, et le whisky ne faisait que le renforcer dans son attitude.
Au début de leur rencontre, elle en avait d’abord été agacée et elle avait essayé de combattre cette indifférence, mais elle n’avait pas tardé à s’y habituer et à trouver en cela une formule commode.
Pendant des années, elle avait pensé que rien ne comptait pour lui, et qu’il considérait tout ce que lui apportait l’existence, y compris elle-même, comme une bonne plaisanterie, une farce de mauvais goût. Cependant, tandis qu’elle le regardait par-dessus la table, elle se disait le cœur serré qu’enfin quelque chose comptait pour lui et comptait même beaucoup. Elle comprit que la jalousie était une forme de désir, d’attachement envers quelqu’un.
— Il n’y a aucune raison pour que vous ne vidiez pas un petit verre avant de vous coucher, même si je suis assez mal élevé pour être à la maison, fit-il. Vous servirai-je ?— Je ne veux rien prendre, déclara Scarlett avec raideur. J’ai entendu du bruit et je suis...— Vous n’avez rien entendu du tout. Vous ne seriez pas descendue si vous aviez pu penser que j’étais rentré. Je vous ai entendue aller et venir là-haut. Vous devez fichtrement avoir besoin de boire quelque chose, ne vous gênez pas.— Je ne...
Il s’empara du carafon et remplit un verre d’une main mal assurée.
— Buvez-moi ça, dit-il en tendant le verre à Scarlett. Vous tremblez de la tête aux pieds. Oh ! ne montez pas sur vos grands chevaux. Je sais bien que vous buvez en cachette, et je sais que vous n’y allez pas avec le dos de la cuiller. Il y a déjà un certain temps que je veux vous dire de ne pas recourir à des ruses de Sioux et de boire sans vous cacher chaque fois que vous en avez envie. Qu’est-ce que vous voulez que ça me fasse que vous leviez le coude ?
Scarlett prit le verre humide et maudit Rhett silencieusement de lire en elle si aisément. Il lisait en elle comme dans un livre. Il avait toujours lu en elle, et il était l’homme auquel elle aurait le plus tenu à cacher ses véritables pensées. Il était si semblable à elle et pourtant. « Buvez, vous dis-je. » Elle leva son verre et le vida d’un seul mouvement du bras, sans plier le poignet, ainsi que Gérald l’avait toujours fait. Elle n’eut même pas le temps de penser que ce geste trahissait une longue pratique et était quelque peu déplacé. Rhett s’en aperçut et sa bouche s’abaissa.
— Asseyez-vous. Nous allons avoir une petite conversation. Vous allez voir comme ça va être agréable de parler en famille de l’élégante réception à laquelle nous venons d’assister.— Vous êtes ivre et je vais me coucher, fit Scarlett d’un ton glacial.— Je suis soûl et j’espère bien l’être encore plus avant la fin de la soirée. Mais vous n’irez pas vous coucher... pas encore. Asseyez-vous.
Sa voix restait calme et traînante en apparence, mais sous ses paroles perçait une violence prête à éclater, à cingler comme des coups de fouet, comme le silence avant la tempête. Scarlett ne savait quelle contenance prendre. Soudain, son mari s’approcha d’elle et lui serra le bras à lui en faire mal, puis il lui donna une légère poussée et elle s’assit en laissant échapper un petit cri de douleur.
Maintenant, elle avait peur. Jamais elle n’avait eu aussi peur de sa vie. Il se pencha sur elle. Elle vit alors qu’il avait le sang au visage et que ses yeux n’avaient rien perdu de leur éclat inquiétant. Il y avait au fond de ses yeux quelque chose qu’elle ne reconnaissait pas, qu’elle ne pouvait pas comprendre, quelque chose de plus fort que la colère ou la douleur. Sous l’empire du sentiment qui l’animait, les yeux de Rhett avaient des reflets de charbons rougis au feu.
Il la regarda longtemps, si longtemps qu’il lui fût impossible de conserver l’air de défi qu’elle avait adopté, espérant secrètement qu’il la laisserait partir. Alors Rhett se laissa glisser sur une chaise en face d’elle et se versa une nouvelle rasade. Scarlett employa ce moment de répit à se préparer une dernière ligne de défense, mais elle ne pouvait rien dire avant que lui-même ne parlât, car elle ne savait pas exactement quel genre d’accusation il avait l’intention de porter.
L’attente était plus insoutenable pour elle que ne l’était la perspective de prendre une bouchée d’une miche de pain ne l’était pour un mort de faim. Il but à petites gorgées tout en l’observant par-dessus son verre et elle prit sur elle pour dominer son tremblement. Il ne fallait pas lui donner la satisfaction de jouir de son état d’angoisse. Il resta un moment sans changer d’expression, mais tout d’un coup, sans la quitter des yeux, il se mit à rire et de nouveau Scarlett fut secouée d’un frisson.
— Cette soirée a été une amusante comédie, n’est-ce pas ?
Elle ne répondit rien, mais elle se raidit pour ne pas trembler et, à l’intérieur de ses mules à demi sorties du pied, ses deux orteils étaient crispés au point de lui en faire mal.
— Agréable comédie. Aucun personnage ne manquait. Le village s’était réuni pour lapider la femme coupable, le mari bafoué défendait son épouse en galant homme qui se respecte, l’épouse bafouée animée d’un bel esprit chrétien recouvrait tout ça du manteau de sa réputation sans tache. Quant à l’amant...— Je vous en prie, fit Scarlett en se levant, offusquée.— Ah ! mais non. Ce soir, rien ne m’arrêtera. C’est trop amusant. Quant à l’amant, il avait l’air d’un maudit sot et il aurait bien voulu être à cent lieues sous terre. Quel effet est-ce que ça fait, ma chère, de voir la femme que l’on déteste épouser votre cause et endosser tous vos péchés ? Asseyez-vous.
Scarlett se rassit malgré elle.
— Ce n’est pas ça qui augmente votre sympathie pour elle, j’imagine. Vous êtes en train de vous demander si elle sait à quoi s’en tenir sur vous et sur Ashley... vous vous demandez pourquoi elle a fait cela, si elle est au courant... vous vous demandez si elle a fait ça pour sauver la face. Et vous vous dites qu’elle est bien bête de l’avoir fait, même si ça vous a tiré du pétrin, mais...— Je n’écouterai pas...— Si, vous écouterez. Et je m’en vais vous dire quelque chose qui va éclairer votre lanterne. Mme Melly est une sotte, mais pas du genre que vous vous figurez. Il était clair que quelqu’un l’avait informée, mais elle n’en a rien cru. Même si elle avait la vérité sous les yeux, elle n’y croirait pas. Elle a trop le sentiment de l’honneur pour prêter des intentions malhonnêtes à ceux qu’elle aime. J’ignore quel mensonge Ashley Wilkes lui a raconté... mais le plus cousu de fil blanc a dû faire l’affaire, car elle aime Ashley et elle vous aime. Je me demande pourquoi, mais elle vous aime. Tant pis pour vous, ce sera une croix que vous aurez à porter.— Si vous n’étiez pas ivre, je vous expliquerais tout, fit Scarlett en recouvrant un peu de dignité, mais maintenant...— Vos explications ne m’intéressent pas. Je connais la vérité mieux que vous. Bon Dieu, si vous quittez cette chaise encore une fois... Et ce que je trouve encore plus amusant que la comédie de ce soir, c’est que vous n’avez cessé de nourrir en votre cœur des désirs coupables pour Ashley Wilkes alors que vous me refusiez si vertueusement les joies de votre couche à cause de mes nombreux péchés. “Nourrir dans votre cœur !” C’est une bonne phrase, hein ? Il y a des tas de bonnes phrases dans ce livre, n’est-ce pas ? — Quel livre ? Quel livre ?
Son esprit s’égarait, elle se sentait devenir folle tandis qu’elle lançait des regards éperdus autour d’elle et remarquait les ternes reflets de l’argenterie massive éclairée par la bougie et l’obscurité inquiétante de certains coins de la pièce.
— Et j’ai été repoussé parce que mes ardeurs grossières étaient plus que n’en pouvait supporter votre délicatesse... parce que vous ne vouliez plus d’enfants ! Comme j’en ai eu du chagrin, mon cœur ! Quelle blessure pour moi ! Alors je suis allé chercher d’agréables consolations et je vous ai laissé à vos raffinements. Et, pendant ce temps-là, vous avez relancé M. Wilkes qui se morfondait depuis longtemps. Mais, sacré bon Dieu ! qu’est-ce qu’il a, ce type-là ? Il ne peut ni être fidèle à sa femme moralement ni lui être infidèle physiquement. Pourquoi ne se décide-t-il pas ? Vous ne refuseriez pas d’avoir des enfants de lui, n’est-ce pas... et de les faire passer pour les miens ?
Scarlett se leva brusquement en poussant un cri et Rhett, quittant sa chaise, se mit à rire de ce rire doux qui glaçait le sang de sa femme. Il avait trouvé les mots justes. Il força Scarlett à se rasseoir et se pencha sur elle.
— Regardez mes mains, ma chère, dit-il en ouvrant et en refermant ses larges mains brunes. Avec elles, je pourrais vous mettre en pièces sans en éprouver la moindre gêne, et c’est ce que je ferais si ça pouvait vous extirper Ashley de l’esprit. Mais ce serait peine perdue. Alors je crois que je vais m’y prendre autrement pour que vous ne pensiez plus jamais à lui, je vais m’y prendre comme ceci. Tenez, je mets mes mains de chaque côté de votre tête, comme ça, là, et je vous fais sauter le crâne comme on brise une coquille de noix. Fini, il n’y aura plus d’Ashley dans cette cervelle.
Il lui avait posé les mains sur la tête. Ses doigts enfouis dans sa chevelure défaite, il la caressa et lui fit mal tour à tour. Il en avait vu des femmes comme elle. Si la douceur ne faisait pas l’affaire, la brutalité pouvait s’en charger et éveiller des émotions fortes. Il l’obligea à tourner le visage vers le sien et Scarlett eut l’impression de se trouver en face d’un inconnu, d’un étranger dont la voix épaissie par l’alcool avait des accents traînants.
Scarlett n’avait jamais manqué de courage physique et, en présence du danger, elle se ressaisit. Son sang brûla, afflua dans ses veines. Elle se raidit, ses yeux se plissèrent.
— Espèce d’ivrogne, espèce d’imbécile, dit-elle, bas les pattes !
À sa grande surprise, Rhett lui obéit et, s’asseyant sur un coin de la table, il se versa de nouveau à boire.
— J’ai toujours admiré votre cran, ma chère. Je ne l’ai jamais admiré autant que maintenant que vous voilà au pied du mur. C’est ce que j’aime chez vous.
Scarlett ramena étroitement son peignoir sur elle, par pudeur ou par crainte de ce que ses charmes pourraient donner comme idée à son époux. Oh ! si seulement elle pouvait regagner sa chambre, en fermer à clef la porte épaisse et se retrouver seule ! Il fallait pourtant tenir tête à son homme, obliger ce Rhett qu’elle n’avait jamais vu à la laisser tranquille. Elle se leva sans hâte malgré le tremblement de ses genoux, serra son peignoir sur ses hanches et releva les mèches qui lui balayaient le visage.
— Je ne suis pas au pied du mur, dit-elle d’un ton sec et impérieux. Vous ne me mettrez jamais au pied du mur, Rhett Butler, et ce n’est pas vous qui me ferez peur. Vous n’êtes qu’une brute, un ivrogne. Vous avez fréquenté si longtemps des femmes de mauvaise vie que vous voyez le mal partout. En moi, votre femme que vous avez dit alors aimer, désirer. Vous croyez pouvoir vous comporter avec moi comme si j’étais une vulgaire fille de joie. Vous êtes incapable de comprendre Ashley, incapable de me comprendre. Vous avez vécu trop longtemps dans la boue pour vous en sortir. Vous êtes jaloux de quelque chose que vous ne pouvez pas comprendre. Bonne nuit !
Elle pivota sur ses talons et se dirigea vers la porte, mais un éclat de rire l’arrêta net. Elle se retourna et vit Rhett s’approcher d’elle en titubant. Au nom du Ciel, mais qu’il cesse donc de rire ! Son rire était terrible ! Et puis, qu’y avait-il de risible dans tout cela ? Rhett était tout près d’elle. Elle recula et se heurta au mur. Rhett lui plaqua ses deux mains sur les épaules et la retint prisonnière, le dos cloué à la cloison, là où il souhaitait la voir acculée.
— Cessez de rire.— Je ris parce que vous me faites de la peine.— De la peine... pour moi ? C’est plutôt vous qui devriez vous faire de la peine.— Mais si, bon Dieu, vous me faites de la peine, ma chère, ma jolie petite sotte ? C’est dur, hein ? Vous ne pouvez supporter ni mon rire, ni ma pitié, hein ? Il cessa de rire et pesa si lourdement sur les épaules de Scarlett qu’il lui en fit mal. Son expression changea. Il était si près que Scarlett, gênée, par son haleine imprégnée de whisky, détourna la tête.— Alors, je suis jaloux ? reprit-il. Et pourquoi pas ? Eh ! oui, je suis jaloux d’Ashley Wilkes. Pourquoi pas ? Oh ! inutile de parler, pas d’explications. Je sais que physiquement vous ne m’avez pas trompé. C’était bien cela que vous vouliez dire ? Oh ! je le sais parfaitement. Je le sais depuis des années. Comment m’y suis-je pris pour le savoir ? Eh bien ! je connais Ashley Wilkes et ses principes. Je sais que c’est un honnête homme, un gentleman. Et dame, ma chère, je n’en dirai autant ni de vous... ni de moi. D’ailleurs, ça n’a aucune importance. Nous ne sommes pas des gentlemen, vous et moi ; nous n’avons pas d’honneur. Ce n’est pas vrai. C’est bien pour cela que nos affaires prospèrent.— Laissez-moi partir. Je ne veux pas rester ici à me faire insulter.— Je ne vous insulte pas. Je suis en train de louer votre vertu physique. Mais, voyez-vous, je ne me suis pas laissé prendre au jeu. Vous considérez les hommes comme des imbéciles, Scarlett. Ce n’est jamais bon de sous-estimer la force ou l’intelligence d’un adversaire. Et moi, je ne suis pas un imbécile. Tenez, quand vous étiez dans mes bras, je savais fort bien que vous pensiez à Ashley Wilkes, que vous vous imaginiez que c’était lui qui était là, tout près de vous. Vous ne vous doutiez pas de ça, hein ?
Scarlett resta bouche bée. Pour la première fois de sa vie, elle était tombée des nues comme jamais auparavant. La crainte et la stupeur se lisaient clairement sur son visage déconfit.
— C’est rigolo, ça. En fait, c’est plutôt une histoire de fantômes. Trois personnes dans un lit quand il ne devrait y en avoir que deux.
Rhett secoua un peu les épaules de Scarlett, eut un hoquet et sourit.
— Oh ! oui, oui, vous m’êtes restée fidèle parce qu’Ashley n’a pas voulu de vous. Mais, bon sang, je ne lui aurais pourtant pas disputé votre corps ! Je sais ce que valent ces petits corps de femmes. Mais ce que je ne veux pas lui laisser, c’est votre cœur et votre chère petite tête dure et sans scrupules, votre petite tête de mule. Il se fiche pas mal de votre tête, l’imbécile, et moi, je me fiche pas mal de votre corps. Je peux m’offrir toutes les femmes que je veux. Mais je tiens à votre âme et à votre cœur, et je ne les aurai jamais. C’est comme l’âme d’Ashley, vous ne l’aurez jamais non plus. Voilà pourquoi vous me faites de la peine.
Malgré son angoisse et sa stupéfaction, Scarlett se sentit atteinte par les paroles de Rhett.
« De la peine... pour moi ?
— Oui, parce que vous êtes une telle enfant, Scarlett. Vous êtes une enfant qui pleure pour avoir la lune. Qu’est-ce qu’un enfant ferait de la lune si on la lui donnait ? Et, vous, que feriez-vous d’Ashley ? Oui, ça me fait de la peine de vous voir repousser le bonheur à deux mains, que vous n’avez jamais connu, tout en vous efforçant d’atteindre quelque chose qui ne vous rendra jamais heureuse. Ça me fait de la peine parce que vous êtes une insensée. Vous ignorez qu’il ne peut pas y avoir de bonheur en dehors de l’union de deux êtres qui sont faits l’un pour l’autre. Si j’étais mort, si Mme Melly était morte, et que vous ayez enfin votre cher et honorable amant bien à vous, croyez-vous que vous seriez heureuse avec lui ?
Mais non, bon sang ! Vous n’arriveriez jamais à le connaître, vous ne sauriez pas ce qu’il pense, vous ne le comprendriez pas mieux que vous ne comprenez la musique, la poésie, les livres ou tout ce qui n’est pas espèces sonnantes et trébuchantes. Tandis que nous, chère épouse de mon cœur, nous aurions pu être parfaitement heureux si seulement vous aviez voulu vous en donner un tant soit peu la peine, car nous nous ressemblons tellement. Nous sommes tous deux des crapules, Scarlett, et rien ne nous est impossible quand nous nous sommes mis quelque chose en tête. Nous aurions pu être heureux, car je vous aimais et je vous connais, Scarlett, je vous connais par cœur comme jamais Ashley ne pourrait vous connaître.
Et s’il vous connaissait, il vous mépriserait... Mais non, vous passerez toute votre vie à soupirer après un homme que vous ne pouvez pas comprendre. Et moi, ma chérie, je continuerai à soupirer après des putains. Et j’irai jusqu’à dire que notre ménage marchera mieux que la plupart des ménages. »Il la relâcha brusquement et retourna d’un pas chancelant vers la table pour se servir à boire. Pendant un moment, Scarlett resta rivée sur place. Les pensées se livraient à une telle course dans son esprit qu’elle n’avait pas le temps d’en examiner une seule. Rhett avait dit qu’il l’aimait. Avait-il parlé sérieusement ou bien était-ce l’effet de l’ivresse ? N’était-ce pas là une de ses horribles plaisanteries ? Et Ashley..., la lune... pleurer pour avoir la lune. Elle prit son élan et se sauva dans le vestibule sombre comme si elle avait eu une bande de démons à ses trousses. Oh ! si seulement elle pouvait atteindre sa chambre !
Elle faillit se tordre la cheville et perdit une de ses mules. Elle s’arrêta pour se débarrasser de l’autre, mais Rhett bondissant avec une souplesse d’Indien, la rejoignit dans l’obscurité. Son haleine lui brûla le visage. Il entrouvrit son peignoir et l’enlaça sans ménagement, les mains sur sa peau nue, caressant non avec tendresse, mais une certaine rage son ventre, ses seins.
— Non, non, vous n’irez pas le retrouver. Bon sang, ce soir, il n’y aura que deux personnes dans mon lit !
Il la souleva de terre, la prit dans ses bras forts, et s’engagea dans l’escalier. La tête écrasée contre sa poitrine, Scarlett entendit battre son cœur à grands coups assourdis. Rhett lui faisait mal. Elle eut peur et se mit à crier. Il montait l’escalier. Il faisait tout noir. Il montait toujours et elle devenait folle de terreur. C’était un inconnu qui la tenait dans ses bras, un inconnu, un fou, un fou de désir. Elle était perdue au milieu des ténèbres plus épaisses que celles de la mort.
C’était la mort qui l’emportait, qui la serrait dans ses bras et lui faisait mal. Elle hurlait, à demi étouffée. Il s’arrêta tout d’un coup à hauteur du palier. Alors, relâchant un peu son étreinte, il se pencha sur Scarlett et l’embrassa avec une telle ferveur, un tel instinct de possession que rien ne compta plus pour elle que les ténèbres qui l’enveloppaient de plus en plus et les lèvres, plus douces qu’elle ne l’aurait cru, qui se collaient aux siennes. Secrètement, elle en rêvait depuis longtemps.
En onze ans de mariage, jamais il ne l’avait embrassée, jamais ses anciens amants ne l’avaient embrassée de la sorte, avec une telle ferveur, y mettant toutes ses émotions, ses sentiments pour elle. C’était comme si elle recevait, à l’instant, son premier baiser.
Rhett tremblait comme si une rafale l’eût secoué. Ses lèvres avaient quitté la bouche de Scarlett et erraient sur les chairs douces, descendant vers son cou jusqu’à l’endroit où le peignoir avait glissé, ses cuisses. Il murmurait des choses qu’elle ne comprenait pas. Ses lèvres éveillaient en elle des sensations jamais éprouvées. Elle était les ténèbres et Rhett était lui aussi les ténèbres, et rien n’avait jamais existé que les ténèbres et ses lèvres sur sa peau.
Elle essaya de parler, mais ses baisers l’en empêchèrent. Soudain, un frémissement sauvage la parcourut, tel qu’elle n’en avait jamais ressenti auparavant. La joie l’inonda et elle eut peur. Elle se sentit devenir folle et elle se mit à vibrer de tout son être. Elle aimait cette soumission que cet homme lui imposait, mais jamais elle n’aurait le courage de lui avouer, jamais elle ne le voudrait d’ailleurs.
Elle s’abandonna à ces bras trop forts pour elle, à ces lèvres trop goulues, au destin qui l’emportait trop vite. Pour la première fois de sa vie, elle avait rencontré quelqu’un, quelque chose de plus fort qu’elle, quelqu’un dont elle ne pouvait pas faire son jouet, quelqu’un qui la domptait. Elle lui passa les bras autour de son cou. Ses lèvres frémirent sous les siennes et ils poursuivirent leur marche dans les ténèbres, dans les ténèbres douces qui tourbillonnaient autour d’eux et les entraînaient !
Rhett poussait la porte de la chambre et jetait Scarlett sur le lit. Elle rigolait, de cela bien qu’elle eut un peu peur au moment de sa chute. Il tournait autour d’elle comme un chasseur s’amusant de voir sa proie prise au piège. Elle le regardait retirer ses vêtements un à un, lentement, mais fermement en même temps. Le temps semblait jouer en sa faveur, comme s’il le contrôlait, ce qui était absurde. Pourtant, jamais elle ne l’avait vu entièrement nu avant cette nuit.
Sa chemise, sa cravate, son pantalon, tout échouait au sol, rejoignant les vêtements de Scarlett un peu plus tôt dans la soirée. Il s’approcha du pied du lit et il tira les pieds de sa femme vers lui. Il voulait qu’elle soit à sa merci, que ses jambes pendent en bas du lit. Il entreprit de lui retirer ses vêtements, les déchirant presque dans sa hâte. « Jamais je n’ai attisé autant le désir ni l’empressement à ce point, se flattait-elle. »
Désemparée de se montrer entièrement nue devant son mari, qui ne s’était contenté que de lui faire l’amour sans plus, par le passé, la voilà dans son plus simple appareil. Sa taille ne la gênait guère, car elle avait la taille la plus fine de tous les alentours. Un joli soixante centimètres mis en valeur par des corsets sans réels besoins d’ajustements. Mais être nue ainsi, à la merci de quelqu’un pouvant la détailler dans les moindres détails, dû à la lumière présente dans la chambre, cela la perturbait. Étrangement, la brutalité avec laquelle son mari l’avait contrainte plus tôt avait émoustillé ses sens. À moins que ce ne soit ses lèvres sur sa chair.
De nouveau, Rhett s’approcha du visage de Scarlett, qui détourna le regard, rouge de honte à l’idée des pensées qui la traversaient. Il prit sa mâchoire entre ses mains, un peu trop rigoureusement à son goût, et il y déposa ses lèvres sur les siennes. La langue força l’entrée de la bouche de sa femme, qui laissa passer l’appendice inquisiteur. Elle demeura inactive et Rhett s’énerva.
— Bon sang ! Allez-vous vous décider à bouger ! Ne restez pas passive, sinon ça va être dur pour vous.
À ces mots, elle souhaita entreprendre de lui rendre son baiser, mais il lui refusa le moindre mouvement. C’était lui qui menait la danse et elle n’avait pas son mot à dire. Des papillons parcoururent de nouveau son bas-ventre, son sexe commença à s’humidifier étrangement. Jamais elle n’avait ressenti le plaisir auprès d’un prétendant, du moins jusqu’à maintenant.

Les lèvres de son époux se rapprochèrent des siennes et un balai de tous les diables débuta. Ce baiser dura des minutes qui semblèrent une éternité pour Scarlett. Le plus étrange, c’est qu’elle s’était mise à désirer les baisers de son homme sur son corps, mais elles tardèrent à arriver. Ses mains étaient prises dans un étau, celles de l’ancien capitaine. La langue de ce dernier se décida à quitter la bouche de sa dulcinée pour descendre vers son cou, s’y attardant un instant et succionnant la peau laiteuse de ses chairs. Des marques de dents apparurent sur sa peau de nacre, rosirent celle-ci à cause des succions trop fortes, la marquant comme on marque des animaux au fer rouge.
Pour laisser une marque, cela allait en laisser plus d’une, des marques qui allaient porter le sceau de son empreinte. Sa langue mutine glissa un peu plus bas, vers les deux lobes de chairs aux appâts si attrayants. Des frissons la parcourraient, bombant les minuscules pores de la peau. Les mamelons, jamais ainsi suscités, se gorgèrent de sang et s’érigèrent telle une tour désirant atteindre les nuées. Le sexe de Scarlett s’écoulait désormais sans toutefois qu’elle arrive à en saisir l’information tant les sensations et le plaisir ressentis étaient intenses pour elle.
Rhett malaxait ses seins avec force, brutalisant ainsi ses belles collines si prononcées. Son avidité n’avait d’égal, en cette nuit, que son goût pour la boisson forte. Malgré elle, Scarlett déposa ses mains sur la tête de son mari, parcourant de ses doigts sa chevelure d’un noir de jais. Ce sentiment, celui d’être une proie à la merci de son prédateur, était une nouveauté dans sa vie, un rafraîchissement en quelque sorte.
Un second souffle l’avait touchée là où elle n’aurait jamais pensé être touchée. En son for intérieur, le mur qu’elle s’était construit au fil des années, afin que rien ne la perturbe, s’étiolait. Elle essaya par moments de reprendre le contrôle, si cher à son cœur, sur ses émotions, sur son ressenti, sur son mari, mais rien à faire. Elle était plongée bon gré mal gré dans cette spirale infernale.
Une nuit, une seule nuit, une seule caresse de sa part et tout son univers venait de changer. « Pourquoi était-elle si soumise, se demanda-t-elle ? » Elle ne le savait guère, mais ceci, à cet instant, était pour elle de bonne guerre. Les contraintes n’avaient jamais été l’objet de prédilection de Rhett, à son égard. L’homme qui partageait maintenant sa couche semblait être d’une tout autre nature que le Rhett habituel.
Les mains cavalières de l’homme descendirent plus loin, longèrent les côtes fragiles, touchèrent les douces cuisses et finirent par se poser dans les ténèbres de sa toison de femme. Jamais caresse de sa part n’eut été empreinte d’une telle tendresse, mais également d’une sauvagerie sans nom. L’alternance entre douceur et rudesse semblait faire partie courante de ses ébats avec les courtisanes, mais rien n’était plus loin de la vérité que cette affirmation.
Le visage de Rhett descendait de plus en plus bas. Jusque-là, les sensations étaient exquises, plaisir et douleur se mélangeaient comme l’air et le feu. Un brasier s’était éveillé au sein de son être et les actes de Rhett contribuaient à maintenir la flamme allumée, à ravager tout dans le jardin des délices de Scarlett. Les émotions contradictoires qu’elle ressentait ne parvenaient pas à trouver un sens tant l’émoi qu’elle vivait était intense. Qui l’aurait pu d’ailleurs, certainement pas une femme qui n’a jamais connu le plaisir que l’on peut ressentir à deux.
Lorsque la bouche de son époux toucha enfin à son but, le brasier qui était né au sein de Scarlett s’enflamma pour devenir un véritable feu de forêt incontrôlable. Il avait osé poser sa bouche sur son bien le plus précieux, parcourant de la langue l’endroit qui était, selon elle, des plus intimes. Elle trouvait sale d’oser s’approcher de ses effluves comme le faisait son mari, mais celui-ci ne semblait aucunement indisposé. Pis encore, il semblait fort apprécier, car il n’avait de cesse de boire à cette source au goût mystérieux.
Les mains crispées sur les draps, la tête penchée en arrière, les yeux révulsés, des spasmes incontrôlables agitant son corps étaient autant de signes annonciateurs pour lui. D’autant plus que les soupirs de Scarlett étaient devenus des cris parsemés de phrases inintelligibles dont seule elle en détenait la signification.
La montée vers les nuées s’était enclenchée et Scarlett, par deux fois, essaya de freiner Rhett dans son élan, mais elle en avait été impuissante. Ses mains avaient été bloquées par ceux de son époux. Peu importaient ses suppliques, peu importaient ses peurs, elle se résignait à laisser libre champ à son mari afin qu’il la porta vers les plus hautes sphères aux sensations inconnues, mais secrètement désirées.
Le cœur battant la chamade, désirant sortir de sa poitrine, le souffle court entre deux bouffées d’air, Scarlett peinait à supporter cette attente interminable de la délivrance. Au bord du supplice et des larmes, il voulait la laisser mijoter. Un moment, juste un petit moment encore. Lorsque les dents de Rhett se posèrent sur le renflement, juste un peu au-dessus des lèvres intimes avec lesquelles il avait un entretien, un grand cri perça le silence de la maison. Son corps se tendit comme un arc d’Indien.
Finalement, elle avait eu ce qu’elle désirait depuis un moment déjà. Quel plaisir que cette délivrance ! Des spasmes incontrôlés parcoururent son être d’un bout à l’autre. Jamais Rhett ne lui donna un seul répit, car il continua de jouer avec elle jusqu’à ce que son corps retombât sur le lit, inerte. Là seulement, sa bouche quitta son monologue avec les lèvres intimes de Scarlett. Elle en voulait plus. À présent, elle le savait, elle désirait que se poursuivre son ascension vers le plaisir.
Rhett lui monta dessus, comme à son habitude, et lui fit l’amour brutalement et tendrement, alternant selon son envie. « C’est ce qu’elle veut après tout, se dit-il pour se donner une contenance. » Le moment, où le plaisir de Scarlett seul comptait, s’était envolé. Elle savait dorénavant qu’elle devait donner du sien, de sa personne, pour celui qui lui avait ouvert les yeux sur l’amour. Seulement, au moment où elle croyait le connaître, il la surprit encore. Elle croyait qu’il allait se répandre en elle, comme tous les hommes qu’elle avait connus, mais il n’en fit rien ou plutôt le contraire. C’est le ventre de son épiderme qui reçut le liquide gluant et collant.
Il venait de monter d’un cran dans son avilissement. Il venait de la souiller comme les putains des bordels. Étrangement, elle en redemanda plus. Toujours plus. À l’instar de son mari, elle était prise d’une ivresse sans bornes. Sa déchéance n’avait d’égale que son propre plaisir. Elle se complaisait dans la dégradation, dans l’avilissement, dans la soumission, elle qui était une dame digne, d’un caractère fort au tempérament autoritaire. Jamais elle n’aurait cru un instant désirer tout cela.
Bien qu’elle était encore jeune, elle retrouvait une nouvelle jeunesse qu’il lui aurait été fort agréable de découvrir plus tôt.
— Encore ! quémanda-t-elle.
Un sourire se dessina sur le visage de Rhett, malgré son air sombre dû à l’alcool. Il la retourna, déposa un oreiller sous son ventre et malaxa ses fesses de ses grandes mains. Il joua un moment ainsi avec son postérieur. Il était beau, cela elle en convenait, mais elle ne comprenait pas pourquoi il s’attardait dessus. Par moments, il lui donnait des baisers sur un côté ou l’autre de ses fesses.
Un frisson la parcourut lorsqu’elle se rendit compte qu’un liquide chaud venait de toucher son petit trou de derrière, coulant plus bas jusqu’à ses lèvres qui avaient reçu tant d’attention. Un doigt inquisiteur s’était faufilé jusqu’à cet endroit qu’elle considérait comme infâme, sale. L’église ne lui avait que trop bien appris ce que cet endroit a de si vil.
— Non, ne fais pas ça. C’est sale, affirma-t-elle prise de panique.
Il n’en avait cure, il se contenta de lui sourire et de lui faire un clin d’œil. Décidément, cet homme n’avait aucun interdit. Il osait même braver ce qui était indigne. Pourtant, et ce malgré elle, son corps réagissait en frissonnant et un sentiment d’un genre nouveau, quoiqu’un peu semblable à ce qu’elle avait vécu un peu plus tôt dans le lit, venait de naître en son sein.

Comment cela se pouvait-il ? Comment un endroit qu’elle considérait comme étant indigne d’intérêt pouvait lui procurer une telle sensation ? Rhett était donc à ce point si connaissant en matière de plaisir, à des années de ce qu’elle pouvait concevoir. S’étant placé derrière elle, elle comprit qu’il allait essayer de la prendre ainsi. Étant sur le point de bouger, elle s’aperçut qu’il n’essaya pas de se faufiler là où elle pensait. Il la prit à la manière des animaux pour un second tour. Les sensations étaient plus prononcées, plus intenses. Cela dura des minutes qui semblaient lui durer des heures.
Comme toutes bonnes choses ont une fin, Rhett se retira de sa belle et déposa son pénis sur la corolle de son petit trou. La peur et la panique s’emparèrent aussitôt de Scarlett. Elle lui dit qu’elle allait avoir mal, mais Rhett la rassura, lui indiquant que jusqu’à présent, elle ne l’avait point regretté.
Prenant sur elle-même, elle fit une chose qu’elle n’avait jamais faite depuis toujours. Elle lui fit confiance. Elle n’avait pas trop le choix d’ailleurs, se dit-elle, car il n’en ferait qu’à sa tête de toute façon. La progression de la colonne de chair en son for intérieur fut lente, comme une longue procession, douloureuse par moments, mais Scarlett finit par s’y habituer.
Jamais elle n’aurait pu croire qu’elle en tirerait autant de plaisir. Plus encore même que la première union de la soirée. La douleur intense était un fil conducteur de ce nouveau plaisir, emportant tout sur son passage. Il prenait un malin plaisir à torturer ses petits bouts des seins, la faisant hurler de douleur mêlée à une extase comme jamais elle n’en avait vécu. Le plaisir des deux partenaires finit par atteindre leur paroxysme et Rhett jeta le liquide de son vit sur le dos de son amour. Ayant essuyé les traces de son délit sur le corps de sa dulcinée, se regardant une dernière fois l’un et l’autre, offrant à sa belle un dernier baiser sur le front, ils sombrèrent dans un repos réparateur.
Le lendemain matin, lorsque Scarlett se réveilla, Rhett était parti et, n’eût été l’oreiller tout chiffonné à côté d’elle, elle aurait pu croire à un rêve échevelé. Elle rougit au souvenir de ce qui s’était passé cette nuit-là et, ramenant le drap jusqu’à son menton, elle se laissa baigner par le soleil et essaya de mettre un peu d’ordre dans ses impressions confuses.
Deux idées se présentèrent d’abord à son esprit. Elle avait vécu pendant des années avec Rhett, elle avait partagé son lit, elle avait mangé à la même table que lui, elle s’était querellée avec lui, elle lui avait donné un enfant et pourtant elle ne le connaissait pas. L’homme qui l’avait emportée dans ses bras au milieu des ténèbres était un étranger dont elle ne soupçonnait même pas l’existence.
Et maintenant elle avait beau essayer de le détester ou de s’indigner, elle n’y arrivait pas. Il l’avait humiliée, il l’avait blessée, il l’avait traitée sans aucun ménagement au cours de cette nuit de folie et elle en avait tiré gloire.
Oh ! elle devrait avoir honte, elle devrait repousser bien loin d’elle le souvenir de ces minutes brûlantes où les ténèbres semblaient la happer ! Une dame, une véritable dame ne pouvait plus relever la tête après une telle nuit. Mais, plus fort que la honte, s’imposait le souvenir de ces instants d’ivresse, des transports de l’abandon. Pour la première fois de sa vie, elle s’était sentie vibrer, soulevée par une passion aussi primitive que la terreur qu’elle avait éprouvée la nuit où elle avait fui d’Atlanta, aussi capiteuse et agréable que la froide bouffée de haine qui l’avait poussée à tuer le Yankee.
Rhett l’aimait ! Tout au moins, il l’avait dit et comment pouvait-elle en douter désormais ? C’était bizarre, c’était troublant, c’était incroyable d’être aimée de cet inconnu brutal avec lequel elle avait entretenu jusque-là des rapports si froids. Elle ne savait pas encore très bien comment prendre cette révélation, mais une idée lui traversa l’esprit et elle se mit à rire tout haut. Il l’aimait et enfin elle le tenait. Elle avait presque oublié que jadis elle avait projeté de se faire aimer de lui pour pouvoir brandir le fouet au-dessus de son insolente tête d’un noir de jais.
Maintenant la réussite inopinée de son plan lui procurait une grande satisfaction. Pendant une nuit, il l’avait eue à sa merci, mais elle avait appris à connaître le défaut de sa cuirasse.
Dorénavant, il serait bien obligé d’en passer par où elle voudrait. Elle endurait ses sarcasmes depuis assez longtemps, mais maintenant, à lui de sauter à travers les cerceaux qu’il lui plairait de tendre. À la pensée que la griserie de la nuit était dissipée, et qu’elle allait se retrouver face à face avec Rhett, Scarlett éprouva un sentiment de gêne qui, en fait, n’avait rien d’agréable.
— Me voilà émue comme une jeune mariée, se dit-elle, et tout cela à cause de Rhett !
Cette idée l’amusa et elle fut secouée d’un petit rire nerveux. Mais Rhett ne parut ni au déjeuner ni au dîner. La nuit passa, une longue nuit au cours de laquelle Scarlett ne put fermer l’œil et guetta tout le temps le bruit d’une clef dans la serrure de l’entrée. Mais Rhett ne revint pas.

Le second jour, elle n’avait encore aucune nouvelle de lui et elle crut devenir folle sous l’effet de la déception et de l’inquiétude. Elle alla à la banque, mais il n’y était pas. Elle alla au magasin et fut insupportable avec tout le monde, car, chaque fois que la porte s’ouvrait pour laisser passer un client, son cœur se mettait à battre plus vite et elle espérait que c’était Rhett.
Elle alla au chantier, la scierie, et fut si dure avec Hugh qu’il finit par se cacher derrière une pile de bois. Mais Rhett ne donnait toujours pas signe de vie. Elle ne pouvait pas s’abaisser à demander à des amis s’ils l’avaient vu. Elle ne pouvait pas non plus s’adresser aux domestiques, bien qu’elle eût l’impression qu’ils savaient quelque chose. Les nègres savaient toujours tout.
Le silence de Mama n’était pas naturel. La vieille femme observait Scarlett du coin de l’œil et ne disait rien. Le matin du troisième jour, Scarlett décida d’alerter la police. Peut-être Rhett avait-il eu un accident, peut-être son cheval l’avait-il désarçonné et gisait-il dans un fossé.
Peut-être... oh ! c’était horrible à penser... peut-être était-il mort ! Scarlett avait achevé son petit-déjeuner et elle était remontée dans sa chambre pour mettre son chapeau quand elle entendit des pas rapides dans l’escalier.
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