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Balbutiements

Chapitre 3

Le facteur donne de la voix

Erotique
C’est un jeudi, je m’en souviens parce que ce jour, c’est celui des audiences au tribunal. Un jour où Michel rentre tard de son travail. Souvent énervé aussi par ces heures à plaider des causes rarement gagnées. Le métier d’avocat est si frustrant et s’il doit pester contre les autres, c’est bien un jeudi qu’il le fait. Mais là, lui n’est que partiellement en cause. Vers quatorze heures, une voiture s’est garée sur le bord de la route et un type a sonné. Par l’interphone, il s’est présenté.
— Monsieur Rabeau ! Nous venons pour votre piano.— Nous ? Vous êtes deux ?— Oui ! Je suis le chauffeur...— D’accord. Ne laissez pas votre véhicule sur le bord de la route. Descendez jusque devant la maison !— Entendu ! Merci.
J’ouvre donc le portail et la petite voiture rouge roule prudemment. Un jeune homme donc, celui avec qui je viens de parler et un autre qui porte des lunettes aux verres foncés.
— Bonjour Madame ! Maison Rabeau, père et fils. Nous venons pour votre piano.— Ah bonjour messieurs ! Ma foi, il n’attend plus que vous. Je vous y conduis.
Le plus âgé, le père peut-être a posé la main sur l’épaule du jeune. Bizarre ! Il a également une démarche très particulière. Je guide ce curieux équipage vers la bibliothèque.
— Voilà le « Monsieur » !
Aucune réponse, les deux-là se sont approchés et le plus ancien a fait un geste identique à celui que le jour de ma découverte je me souviens avoir fait. Sa main est passée sur le bois noir verni. Lentement, il tourne autour, les doigts toujours collés à la surface lisse. Pas un mot, juste un silence incroyablement lourd. Puis le couvercle, soulevé par deux mains fermes dévoile ses touches alignées. Cette fois, ils courent sans le frapper sur la longueur du clavier. Il revient et stoppe leur progression, appuyant enfin sur un MI. Le son monte et s’éteint. L’homme refait un passage et cette fois un FA vibre dans l’air de la salle.
— Bon et bien, j’en ai pour un bon moment. Mais je vais lui ouvrir la voie. Il va vous enchanter les oreilles, Madame, pour peu que vous sachiez l’utiliser.— ... oui ?— Oui ! Vous n’allez plus le reconnaitre. Il y a longtemps qu’il n’a plus travaillé ?— Je... franchement, je ne sais pas ! Je l’ai acheté tout récemment.— Une belle acquisition. Ce genre de piano est un des meilleurs fabriqué par Yamaha ! Je vous félicite pour votre choix.— Oh ! Juste une opportunité, rien d’autre !
— Eh bien ! La chance est avec vous... vous voulez bien me laisser seul avec... notre ami ?— Bien sûr ! Vous m’accompagnez jeune homme ?
Le type ouvre déjà une mallette que son fils a apportée jusque-là. Nous sortons sur la terrasse et il reste médusé.
— Bon sang ! Vous avez un accès sur le lac ? C’est... trop top. — Je peux vous poser une question ?— Ben oui... si je peux vous aider...— Votre père... il garde ses lunettes pour travailler ?— À vrai dire... il est aveugle. Vous ne vous en étiez pas aperçue ? Il n’en parle jamais à ses clients. De peur sans doute que les gens ne souhaitent pas lui donner de travail. Mais l’important dans son métier, c’est l’oreille, pas la vue n’est-ce pas ? Et vous serez surprise, c’est un virtuose dans sa partie. Vous aimez le piano donc ?— Oh ! Je joue un peu, oui. Et puis ça a toujours été un rêve de gosse de posséder un tel instrument.
Je dresse l’oreille. De l’autre côté de la fenêtre qui donne sur la pelouse, les sons graves ou aigus commencent à monter, plus agréables, plus justes aussi. Le garçon qui m’accompagne dans ce tour extérieur du propriétaire sourit.
— Vous entendez ? Je vous le dis... une oreille et des mains faites pour remettre les notes au diapason... jamais je ne lui arriverai à la cheville.— Vous aussi vous faites ce métier ?— Moi ? Non ! Je lui sers de chauffeur de temps en temps lorsqu’il a besoin de se déplacer. Je préfère les animaux à la compagnie des humains ! Je suis vétérinaire. C’est superbe chez vous. Vous avez un mari ?— Oui, pourquoi ? Vous comptiez m’épouser ?— Non ! Non pas du tout... enfin... je ne veux pas dire non... vous méritez que l’on vous couve des yeux, mais je pense qu’il y a un sacré boulot d’entretien ici... c’est net, propre. Vous n’avez pas d’animaux ?— Non ! Plus tard, quand nous ne travaillerons plus. Un chien peut-être, mais pour le moment, nous sommes toujours sur quatre chemins. Il serait trop souvent seul.— Je vois ! C’est comme vous le sentez, bien entendu ! Et c’est sympa d’avoir ce genre de comportement raisonnable.
Il vient de faire une pause et scrute le lac depuis le ponton où Michel amarre son bateau. Pour le moment, ce dernier est encore dans la remise.
— Il est pêcheur votre compagnon ?— Oui ! C’est le ponton qui vous fait dire ça ? Il a aussi une embarcation dans la réserve ! Vous voulez la voir ? Elle fait office d’atelier quelques fois et j’y retape de vieux meubles. — Intéressant ! Votre job... c’est quoi déjà ?— Mon mari est avocat et je suis décoratrice d’intérieur. Vous savez tout ! On dirait que les cordes de Monsieur sont de nouveau opérationnelles. J’aime la sonorité de ces notes qui nous parviennent.— Oui ! Papa est un peu magicien !
La porte de la remise une fois ouverte offre une vue sur le fameux secrétaire. Il est tout pimpant, sa marqueterie poncée avant d’être cirée lui redonne un certain cachet.
— C’est vous qui avez fait cela ? C’est... ça me laisse sans mot. Bon sang, une pure merveille. Ce que j’aimerais posséder de tels trésors ! Je peux toucher ?— Oui ! C’est sec désormais et prêt à partir.— On dirait un de ces meubles de grandes dames, celles des siècles passés, avec des tiroirs secrets partout... — Il vient du même endroit que le piano. — Oh zut ! J’ai touché quelque chose qu’il ne fallait pas ?
Le jeune homme vient de reculer. En tripotant je ne sais quoi, une sorte de compartiment vient de s’ouvrir. Celui que je prenais pour un renfort de structure. Il est béant et quelques pages jaunies sont bien visibles au fond de cette boîte que les doigts du garçon ont débloquée.
— Je l’ai cassé ?— Mais non ! Il doit exister un mécanisme que vous avez actionné par inadvertance. Je l’ai cherché un moment sans rien trouver et vous de manière fortuite...— Je n’ai rien fait qu’effleurer cette moulure...— Bon, refermons et vérifions !
Je viens d’appuyer sur le couvercle de ce qui est bel et bien une cachette. Et le jeune homme refait très lentement ses mouvements à l’identique. Une fois encore avec un bruit sec, la caverne de bois délivre son chapeau. J’ai compris. Il faut simplement passer sur la moulure dans un angle et le sésame s’entrouvre. Pour refermer, c’est plus rapide... juste une pression sur le dessus de la pièce mobile.
— Eh bien ! Grâce à vous me voici riche d’un grand secret !
Il rit et je fais de même. De la maison, des notes de plus en plus pures crèvent l’air et parviennent jusqu’à nos oreilles. Je récupère les feuillets dans le meuble alors que le garçon tourne autour de la barque de Michel. Il semble subjugué par ce qui fait la fierté de mon amour. Quand soudain j’aperçois une de ces fichues araignées sur une vitre de la porte. Mais assez haute pour que je sois dans l’obligation de me saisir d’un escabeau. Munie d’un vieux journal, je grimpe pour chasser cette horrible bestiole.
J’ai la sensation que mon geste n’est pas passé inaperçu. Je suis en robe et je dois avoir gravi quatre ou cinq marches de mon échelle. Le jeune homme qui est revenu vers moi se trouve dans la ligne de mire de mes jambes. Et comme je le surplombe un peu... le rouge me monte au front. Bien sûr que sous ma jupe, il a dû jeter à coup d’œil à ce qui s’y cache. La situation est assez gênante, mais il ne fait mine de rien.
— J’ai toujours eu peur des araignées...— Je comprends ! N’allez pas vous casser la figure. Ces engins-là parfois... Permettez-moi de... vous le tenir.
Il a saisi un des montants de l’escabeau et son avant-bras frôle ma gambette. C’est une décharge électrique qui m’assaille soudain. Je ne sais plus trop ce qui se passe. Je vacille et mon corps penche dangereusement vers le vide. Dans un élan généreux, le fils Rabeau me rattrape par la taille. Il me serre suffisamment bien pour que je n’aille pas m’écraser au sol. Mais ça nécessite également une certaine poigne et je me retrouve carrément collée à son buste. Là, ce sont mes seins qui doivent entrer dans son champ de vision !
Et c’est à son tour de ressembler à une fleur de pivoine. La musique qui, étouffée, nous parvient est de plus en plus juste. Et lui ne me lâche plus. Il est tout comme je le suis, tétanisé par la situation ubuesque. J’ai froid, j’ai chaud, je ne pense plus normalement. La respiration de ce grand dadais me court sur le visage. Il sent bon, il est jeune, il est frais. Mes yeux se ferment dans l’attente de je ne sais quoi. Ou plutôt si je le sais trop bien. Cependant, ce que je semble appeler de toutes mes forces n’arrive pas.
Ce dont je me félicite quelques secondes plus tard en rouvrant les quinquets. S’il m’avait roulé cette pelle que j’espérais, Dieu seul sait où cette histoire nous aurait conduits. Je crois que je viens de l’échapper belle ! Mais dans ses yeux, il y a quelque chose de voilé, de doux également. Et les deux billes me mettent le feu partout. Un coup de chaud qui envahit tous les pores de ma peau, qui se répand sur moi en une immense chair de poule. Mes bras nus la montrent bien trop. Finalement, il finit par lâcher ma taille et je recule d’un pas.
— Merci ! Pour un peu, cette sale bestiole m’aurait fait me casser la figure. Vous m’avez sauvé !— ... euh...
Pas si certaine qu’il ait eu envie tant que cela de me sauver la mise. Ce que je peux avancer, c’est que s’il avait osé... mais bon passé le jour, passée la fête. Il n’est pas question que j’aille au-devant d’ennuis qui à coup sûr découlent toujours de ces situations ambiguës. Et c’est l’araignée qui sur le sol tente de s’échapper qui nous ramène tous les deux au calme. Il lève le pied et la chose hideuse est aplatie sur le carrelage.
— Voilà ! Elle ne vous troublera plus. Mais elles ne sont pas vraiment dangereuses, celles-ci. Je me suis toujours demandé pourquoi les gens en ont une peur bleue.— Vous avez sans doute raison... au moins elle ne me fichera plus la trouille. Nous allons voir si votre papa n’a besoin de rien ?
Le moment de flottement est passé. L’instant où tout aurait pu basculer, où tout dérapage s’avérait possible se dissipe dès que nous sommes à l’air libre et sur l’espace verdoyant de la pelouse. Nous rentrons dans la salle à manger avant de gagner le lieu où travaille le père du garçon, en silence. Lui traficote je ne sais quoi dans l’étouffoir. Puis un doigt s’abat rapidement sur un « LA ». Le son est pur. La note me prend à bras le corps et je me sens toute mollassonne. Il n’a pas levé la tête, mais l’accordeur sait pourtant que nous sommes là.
— Vous voulez l’essayer ? Je crois que j’y suis presque... j’ai seulement besoin que vos doigts fassent quelques gammes et arpèges !
Je m’assois donc sur le tabouret et me mets à jouer quelques harmoniques. À propos des harmoniques : de la même façon qu’une couleur pour les yeux est en fait constitué d’un ensemble de teintes qui, fondues les unes aux autres produisent une dominante, un son est constitué d’un ensemble de sons qui, mélangés, font apparaître à l’oreille un son principal identifié comme étant par exemple un Do ou un Fa# situé à tel ou tel niveau de hauteur sur le clavier du piano par exemple. Et les deux m’écoutent.
C’est juste, pile-poil et mes accords sonnent vrais. Un plaisir d’un coup de faire vibrer l’air ambiant et surtout, ça évacue chez moi, ce stress dû à ce qui vient d’arriver dans la remise. Le père Rabeau me pose une main sur l’épaule...
— Attendez... rejouez ces quatre mesures... là vous entendez ? Le sol... il lui manque... oui, voyons cela.
Ses doigts filent avec son accordoir et une douille en étoile vers la corde incriminée. Ça ne dure que quelques secondes puis il se redresse.
— Vous voulez reprendre ?
Je m’exécute... et j’avoue que c’est bluffant. Le résultat est spectaculaire. Cette fois, il en a bien terminé. Je leur propose à boire et lui demande sa petite note bien méritée. Ils prennent tous les deux une limonade en ma compagnie et puis s’éclipsent. En montant dans la voiture, le facteur me lance gentiment quelques mots.
— Surtout si vous avez le moindre problème, vous n’hésitez pas. Je vous le domestiquerai au mieux. Mais il est entre de bonnes mains, je le sais depuis le début... bonne fin de journée.— Au revoir, Monsieur Rabeau. Au revoir !
Et le signe de la main que me fait son fils en dit plus que toutes les phrases du monde. Il sait, sent qu’il est passé tout près d’un moment spécial. Je songe d’un coup que Michel aussi a risqué gros sur ce coup-là et que personne n’est à l’abri d’une faiblesse. Je retourne enfin pour quelques mesures sur ce « Monsieur » qui pleure sous mes doigts... Le reste de ce jeudi où mon mari est au tribunal se déroule sous le signe d’une étrange nostalgie. Les bras de mon homme me manquent, et l’image de cette dégringolade que d’autres pattes ont interrompue me reste en travers de la gorge.
— oooOOooo —

Lorsque Michel revient de son travail, il est comme chaque jour d’audience, tendu. Pour calmer ses nerfs mis à rude épreuve, je lui fais la surprise. Il s’assoit dans le canapé qui est là d’ordinaire pour la lecture pendant que je m’installe sur le tabouret. Puis les notes s’enfuient sous mes phalanges virevoltant sur le clavier. Il écoute d’abord assis puis au fur et à mesure que j’avance dans la partition, il quitte ses chaussons pour se mettre plus à l’aise. Il finit par s’assoupir alors que je continue une mélodie plutôt ronde. Je joue jusqu’à la fin cette pièce tout en tendresse.
C’est sur la pointe des pieds que je quitte la bibliothèque et son dormeur solitaire. Si le but de la musique est bien d’adoucir les mœurs, je m’y suis si totalement employée que c’est trop bien réussi. J’ai pratiquement terminé le repas quand la frimousse au-dessus de laquelle des cheveux sont en bataille émerge du corridor.
— Tu aurais dû me réveiller... C’était trop bien. Je regrette de n’avoir suivi que la première partie de ton récital. Tu as gardé la main et je vois que l’accordeur est parvenu à te remettre tout en ordre. — C’est du bel ouvrage ! Il a des mains en or cet homme. Monsieur Rabeau... le nom te dit quelque chose ?— Non... il s’appelle Rabeau ton facteur ?— Oui. Il est arrivé avec son fils... figure-toi qu’il est non voyant. Son fils lui sert de chauffeur.— Ah ? Comment il fait alors... pour...— Allons Michel... les notes s’accordent grâce à l’oreille et je peux te dire que si sa vue est défaillante, son ouïe est absolue. J’ai montré la réserve au jeune homme qui l’accompagnait.— Oui ? Il a donc vu ton secrétaire aussi ?— Et ton bateau... il avait l’air conquis. Tu te souviens ce fameux tiroir plus court que les autres ?— Je crois... un de ceux du milieu, ce n’est pas là qu’est le renforcement de l’armature de ton meuble ?— Eh bien... pas du tout. En le tripotant, le gaillard a fini par toucher une moulure et hop ! Une cache s’est ouverte...— La boîte de Pandore ? — Il se trouvait quelques pages que j’ai récupérées sans encore y jeter un œil. Je ne voulais pas abandonner mes hôtes pour de vieilles lectures. Mais je les visionnerai un de ces moments, quand j’aurais du temps libre.— Pff ! Il n’y a qu’à toi qu’arrivent de pareilles mésaventures ma belle.— Le dîner est prêt... tu as faim ? Je suppose que ce midi, tu n’as rien pris.— J’avais l’estomac noué... une pauvre femme à qui on a arraché son sac et les amis du voleur étaient tous dans la salle, à hurler sur elle, une façon de lui mettre une pression terrible...— Oh ! Michel, ne me parle pas de ton travail, pas juste avant de passer à table. C’est sordide et un seul de nous deux, pour être stressé dans la famille, ça devrait nous suffire.
Il me jette un regard et se range à mes conclusions. Nous mangeons tous les deux. Et c’est devant la télévision que je viens caler ma tête sur ses genoux. Ses pieds étendus sur un pouf devant lui, la position est confortable pour ma caboche. J’avoue aussi que ses pattes qui passent et repassent dans ma chevelure sont apaisantes. Ces cajoleries sans importance au début entraînent une élévation de la température de mon corps en premier lieu. Sous ma nuque pourtant, je sens aussi qu’il n’est pas aussi impassible qu’il veut le laisser croire.
Puis une de ses mains s’évade pour courir sur cette poitrine qui monte et descend au rythme de ma respiration. Celle-ci s’accélère en fonction également de l’intensité de ses attouchements toujours très soft. À quel moment le premier bouton de mon corsage quitte-t-il sa boutonnière ? Je n’en sais rien et les yeux fermés, j’espère seulement que les autres vont suivre. L’homme endormi à son retour ne l’est plus du tout là, devant une sempiternelle rediffusion de notre bonne vieille « Première Chaîne ».
Il a ployé un peu sa grande carcasse, avec pour seul but l’envoi de quelques bisous sonores. Un motif suffisant pour que j’adhère à son projet. Passer une belle soirée est un délassement que nous renouvelons de plus en plus depuis ces dernières semaines. Pas besoin d’une imagination débordante pour saisir que nous faisons l’amour comme deux tourtereaux. C’est avec un goût très prononcé pour une fusion de nos corps que nous prêchons, il va sans dire. Et pour la énième reprise de la semaine, nous sommes ensemble dans une jouissance quasi simultanée. Le bonheur des amants qui se connaissent bien, qui se reconnaissent totalement.
L’agitation est suivie d’une longue période d’accalmie. D’une par,t je n’aime pas la sortie trop précipitée de cet intrus qui m’a donné des sensations immenses. Il sait mes attentes en la matière et ne cherche pas à filer à l’anglaise. Michel doit patienter pour que la pression qui gonfle son dard se relâche et que ce gaillard se meurt de sa belle mort. Que ce piston dont il se sert si brillamment se transforme en guimauve et qu’il quitte la grotte sans aucune aide extérieure. Mon dernier petit bonheur en quelque sorte.
Les yeux dans le vague, cherchant dans la blancheur d’un plafond, l’ange qui doit se pencher sur cette félicité qui dure depuis notre rencontre, il me murmure des mots qui ne franchissent pas le stade du pavillon de mes oreilles.
— Tu ne m’as pas dit un seul mot sur le jeune homme. Celui qui véhiculait ton accordeur ! Le chauffeur de Monsieur... Rabeau !
Je me rends compte que ce filet de voix m’est destiné et que tu attends, qui sait, une réponse. Mais pour qu’elle vienne, encore faudrait-il savoir de quel sujet traite ta demande.
— Hein ? C’est à moi que tu parles mon amour ?— Tu n’es pas encore revenue sur terre... allo la lune... ici Michel qui voudrait discuter avec sa petite femme...— Excuse-moi ! Je n’ai pas entendu ta question.— Pas entendu ou c’est une omission volontaire ?Le chauffeur de Monsieur Rabeau... tu ne m’en as pas dit grand-chose...— C’est qu’il n’y avait peut-être rien à en dire, ou pas matière à en discuter !— ... tu bottes en touche ? Je te connais... par cœur. Si tu te tais, c’est que justement, il se passe ou s’est passé un truc.
Comment lui expliquer que pour un peu j’aurais craqué pour un mec d’à peine trente balais ? Je ne suis pas vraiment sûre qu’il prenne la chose du bon côté. Il ne s’est rien passé, mais il est bien placé pour savoir que l’intention en soi est déjà une faute. Tous les avocats, juges et autres hommes de loi vous diront cela. Y avoir pensé, c’est déjà un début d’exécution. Pourquoi amène-t-il ce sujet d’un coup entre nous ? Bizarre qu’il pense à ce genre de truc alors que nous venons de faire l’amour.
— Pourquoi me poses-tu une pareille question ? Qu’est-ce qui peut bien te faire penser qu’il aurait pu arriver quoi que ce soit avec ce type ?— Je n’en sais rien ! Tu sais ma Claude, je vis avec toi, proche de toi depuis bien longtemps et c’est comme un sixième sens. Une petite lampe rouge qui s’est mise à clignoter dans mon esprit.— Eh ben... tu peux l’éteindre tout de suite. Si je devais te tromper, ce ne serait pas sous notre toit. Et puis tu me suffis largement. — Mais ce n’est pas tout à fait une affaire de tromperie. J’arrive parfois à me demander si tu ne t’ennuies pas à toujours recevoir des caresses qui sont toujours un peu identiques. Qu’un jour tu te lasseras et que tu iras, comme beaucoup de gens, voir ailleurs.— Parce que c’est dans ton esprit l’apanage des femmes ? Toi par exemple, tu ne te lasses jamais ? De cette bouche qui je l’imagine bien, te suce toujours d’une même manière, de ce ventre que tu laboures depuis plus de vingt ans ! Et puis les positions... celles que tu aimerais que je prenne, celles que tu me demandes, voire celles que je refuse inconsciemment, tout ceci ne t’ennuie pas vraiment toi ?— Tu es bien une femme... l’art de retourner le questionnement à ton avantage. — Je veux simplement dire en clair que tu me parles de routine. De celle qui tue les couples. Mais pourquoi devrait-ce être la femme qui joue sur les deux tableaux ? — ... ! Du coup, tes arguments tiennent la route. C’est exact. Je ne vois pas pourquoi cette idée m’a traversé l’esprit...— Ouais, et on dit que si ça le traverse c’est que l’on y a sûrement déjà songé... alors, donne-moi le fond de cette pensée qui te ronge.— Bof ! Parfois tu es la sagesse personnifiée. Mais le mot routine est aussi dangereux. Un brin de folie peut s’avérer de temps à autre salutaire.— Parce que tu me vois coucher avec un autre que toi ? J’aurais bien trop peur que tu devines, que tu ne m’aimes plus après cela. Et puis... je te donne l’impression d’être insatisfaite ? Il me semble que je reçois autant que je donne. C’est un bon équilibre.— Là vois-tu, il ne s’agit plus de balance ou de contrepoids. Simplement sur le tard, nous les hommes, avons des envies et des fantasmes différents.— ... ? De là à me demander si je couche avec le chauffeur de mon accordeur de piano, il y a une marge, tu ne trouves pas ?— C’est un peu de cette perversité tardive qui refait surface... et puis... le fait de faire l’amour avec un autre peut aussi provoquer un regain d’énergie et de débauche avec son partenaire habituel. Cette histoire d’équilibre dont tu parles si bien...— Tu es en train de me dire que parce que nous faisons souvent l’amour en ce moment, c’est peut-être parce que je veux cacher une quelconque tromperie ? Et si c’était en fait le cas pour toi ? Après tout, il ne manque pas de jolies femmes dans ton entourage professionnel. La Présidente du tribunal par exemple ! Cette Marie-Aude Mercier, je la croise parfois au super marché et elle semble plaisante à regarder... et puis... tu es plutôt bien conservé pour un « vieux ». Quant à l’expérience, au moins as-tu la pratique...— Bon ! J’avoue que ma question était maladroite. Mais tu ne m’as toujours pas parlé de ce fameux chauffeur.— Tu ne vas pas encore insister ! Je ne comprends pas pourquoi je devrais parler d’un jeunot dont je n’ai rien à faire. Il est resté avec moi parce que son père avait besoin de travailler dans un silence absolu. Tu connais la musique.— Oui ! N’empêche qu’un jour j’adorerais entendre de ta bouche, un récit d’une partie de jambes en l’air... dans laquelle je ne serais pas acteur...— Là, tu dépasses les bornes de l’indécence. Je prends acte que tu m’offres un blanc-seing pour coucher avec un autre que toi. Affaire close, passons à la suivante. C’est qu’elle t’a bien allumé cette discussion ! Alors, voyons voir si l’étranger qui se révèle ce soir en toi est consommable !— Parce que tu as encore envie ? Tu deviens boulimique ma belle.— Michel... occupe-toi les mains et la bouche, ça t’évitera de dire des âneries.
Une fois nos sens apaisés pour de bon, nous finissons par nous coucher. Enfin mon mari s’enfonce dans le néant avant moi et ronfle toujours un peu. Dans le noir, je réfléchis à ce qui vient d’être dit. Je suis surprise qu’il ait pu faire allusion à ce presque gosse avec qui... une chance encore que cette pelle n’ait pas eu lieu. Je me sens comme une midinette à l’heure de son premier bal. Comment son fameux sixième sens, un truc normalement réservé à la gent féminine a-t-il pu se réveiller chez lui, justement après ce baiser raté ? Je tourne et retourne cette image dans ma caboche et je n’ai aucune réponse.
— oooOOooo —

À suivre...
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