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Chapitre 14

Trap : Pris la main dans le sac, enfin, façon de parler...

Divers
Une fois de plus, laisser ma libido me diriger par le bout du zob me mettait plus en danger qu’un avant-bras non pété dans un film de Chuck Norris. J’avais merdé. Et encore, « merder » n’était pas un mot assez fort, mais comme « Hitler-merder » n’existe pas, je fais avec les moyens du bord !
— Vous... vous êtes qui ? bafouillai-je.
Ma voix perturba à peine l’assourdissant silence. L’absence de bruit dans l’open-space attenant, et dans la ville en contrebas, donnait aux battements de mon cœur des proportions de tambours de guerre.
Le grand brun m’ignora pour s’affaler dans la chaise devant le bureau de ma patronne, avant d’y poser les pieds, comme s’il possédait l’endroit. Vu ses airs de requin de la finance avec son costard trois-pièces qui devait coûter autant de reins de Somaliens, cela ne paraissait pas si incongru. Dommage que sa ridicule casquette de rapper vissée de traviole le fasse passer dans la catégorie « mecs cheloux ». Le rictus chevalin qui illuminait son visage taillé à la machette, et trahissait un amusement malsain, n’aidait pas.
— Quand je te disais qu’elle me bullshitait avec son histoire tordue de licenciement, dit-il à sa collègue blonde aux yeux bleus tellement clairs qu’ils en devenaient difficiles à soutenir. Tu me fais jamais confiance. Suffisait d’attendre patiemment.— J’aurais préféré attendre encore plus patiemment et l’intercepter à la sortie de son boulot, rétorqua-t-elle sèchement. Je me serais bien passée d’assister à... à ça.
Ses pommettes hautes rosissaient, et elle faisait son possible pour se détourner du spectacle indécent. Sa veste de tailleur contenait avec difficulté une silhouette que je devinais salivante.
Bon sang de bordel de fesses ! Que j’ai le temps de remarquer ce genre de détails m’affligea. Ma cervelle fonctionnait vraiment sur un seul mode depuis ce matin, celui du cul.
Ceci dit, sa réaction m’extirpa de ma tétanie. Elle me fit prendre conscience qu’au-delà du danger dans lequel je me trouvai, j’étais surtout les fesses à l’air, enfoncé dans d’autres fesses non moins à l’air, reluqué par deux inconnus. Le cocktail parfait pour attraper un choc septique de pudeur.
— Et risquer qu’il nous échappe par je ne sais quelle sortie de service ? demanda le brun.
Pendant que les intrus argumentaient, je m’extirpai de ma patronne. Le spectacle de l’anneau de son anus qui, temps figé oblige, resta dilaté comme si une version invisible de mon sexe la pénétrait encore se grava dans ma mémoire comme le truc le plus indécent de ma vie – du moins à ce moment de mon histoire.
J’ajustai tant bien que mal le tailleur de Mme Kirichenko, histoire de préserver les dernières bribes de sa dignité. Mais avec le tissu qui tombait de guingois, ses longues jambes huilées par l’humidité de sa mouille, et son torse toujours nu pressé contre la vitre, cela revenait à coller une rustine sur une jambe de bois.
— Et bah mon cochon, commenta le chasseur d’Artefacts qui n’avait rien raté de mes manœuvres, malgré mes tentatives de faire barrage de mon corps. On entre par la grande porte, quand toi tu passes par la petite.
Il grinça de rire, et moi de honte.
— Cesse de faire l’enfant Jordan, lança la blonde d’une voix capable de doucher un volcan. Nous ne sommes pas là pour ça. (Elle soupira.) Je vais finir par croire que le problème n’était pas son ancien proprio, mais ton Artefact qui transforme en pervers.
Le brun à casquette perdit son sourire, ce qui n’arrangeait rien à l’aura malsaine qu’il dégageait.
— Fais gaffe avec ce genre d’accusation. Tout est sous contrôle, détends-toi un peu.
Du coin de l’œil, j’analysai ma situation plus en détail. Aucun des deux chouraver d’Artefacts ne portait d’arme, du moins aucune visible, mais ils pouvaient aisément dissimuler un holster sous leurs vestes. Le prénommé Jordan, les mains placées derrière sa nuque comme pour faire bronzette, ne semblait même pas prêt à me bondir dessus si je tentai un geste suspect. Ne restait que la blonde, à l’affût dans l’encadrement de la porte, une main agrippée à son poignet ceint d’une grosse montre Barbie rose.
De quelles capacités disposaient ces deux chasseurs ? L’un d’entre eux pouvait de toute évidence arrêter le temps, très probablement la blonde, vu l’aspect de ce que je soupçonnais être son Artefact. Le pouvoir du brun résidait sans doute dans sa casquette, seul élément incongru de son accoutrement. Mais à part lui donner l’air idiot, je ne décelais pas d’effet particulier. Est-ce qu’il l’avait utilisé pour me repérer dans la vidéo Youtube ?
Peu importait pour l’instant. Tant que je conservais mes lunettes, ni l’un ni l’autre ne pouvait m’affecter. Quoique ? Mettons que Casquette-man soit capable de faire exploser des objets par la pensée, Artefact ou pas, je ne serais sûrement pas immunisé au souffle ou aux débris. Et même si la casquette ne pouvait rien me faire, il restait un gros problème. Si je tentais de piquer un sprint hors du bureau de ma patronne, il faudrait que je percute la blonde dans l’entrée, et je n’étais pas certain d’y arriver. Pas par excès de galanterie mal placée, mais après mes nombreuses dépenses énergiques aujourd’hui, j’aurais bien de la chance si je ne me faisais pas un claquage en éternuant sans échauffement. Alors, renverser quelqu’un qui me dépassait de deux têtes...
— Qu’est-ce que vous me voulez ? tentai-je, un peu vexé d’être ignoré.— Remets ton pantalon, m’ordonna la blonde. J’en ai assez vu pour toute une vie.
Tout à mon observation, j’en avais oublié l’essentiel. Plus rouge qu’une betterave émue, je renfilais mon slip qui avait glissé en bas de mes genoux. Alors que je me penchai pour récupérer mon futal tombé derrière le bureau, ma main caressa un contour familier. Oh bon sang. Je l’avais oublié celui-là. Mon sauveur, le taser !
Je retins mon sourire niais pour ne pas leur mettre la puce à l’oreille. Je n’aurais qu’une seule chance, et pas le droit de la rater.
— Non, mais sérieusement, vous êtes qui à la fin ? insistai-je, autant pour paraître moins informé que je ne l’étais réellement, que pour couvrir le bruit que je faisais en farfouillant dans ma poche. Comment vous faites ça ? Arrêter le temps et tout ? Qu’est-ce qui se passe ? Qu’est-ce que vous me voulez ?
Le taser en main, je me redressai doucement, prenant soin de rester assez voûté pour que l’horizon du bureau dissimule l’arme à mes agresseurs.
— Je pense que tu le sais, dit le brun. Réflé...— Pas le temps pour les devinettes, le coupa la blonde. Nous sommes là pour ton Artefact.— Mon Artefact ? Oh, vous parlez de mon téléphone ? (Je mis ma main libre contre ma poche, et agrippai le smartphone d’Amandine à travers le tissu.) Je ne sais même pas pourquoi il fait...
Le brun hoqueta de rire. La blonde fronça ses fins sourcils en une constipation vexée.
— Ne nous prends pas pour des idiots, dit-elle. Ton téléphone ne peut pas être ton Artefact puisqu’il se trouvait dans ton pantalon. Pantalon tombé au sol pendant que tu faisais tes... (Elle marqua une pause comme pour retenir un haut-le-cœur). Tes choses. Étant donné que tu as été immunisé à la « pause » pendant tes... bref, ton Artefact ne peut se trouver que dans la partie haute de ton corps. Je parierai sur tes lunettes.
Merde. Elle visait un peu trop juste. Ça puait sévère. Entre la nonchalance du mec à casquette, et la perspicacité de la blonde, ces deux-là ne devaient pas en être à leur coup d’essai niveau gaulage d’Artefacts.
— Vous n’avez pas le droit de me les prendre. C’est du vol ! En plus, j’en ai besoin pour voir.
Autant raisonner un assassin en lui expliquant que tuer tue ! Mais il fallait bien que je gagne du temps pour trouver une ouverture.
La blonde soupira.
— Nous n’avons rien de voleurs. Nous nous chargeons d’éviter que des inconscients ne provoquent trop de dégâts en abusant de leurs Artefacts.— Des dégâts ? Quels dégâts ? Je n’ai rien fait de mal.
Le brun lâcha de nouveau son désagréable ricanement.
— Dit-il alors que cinq secondes plus tôt, il était enfoncé jusqu’à la garde dans le cul de sa patronne ! Ça ne ressemble pas beaucoup à un usage discret et responsable d’un Artefact, si tu veux mon avis.
Il ponctua sa pique d’un recroisement de jambes sur le bureau, renversant au passage un pot à crayon.
— J’espère pour toi qu’elle était consentante, enchérit la blonde avec un coup de tête vers ma patronne.
Le fait qu’elle n’utilise pas sa main, toujours crochée à son poignet, pour désigner Mme Kirichenko m’interpella. Devait-elle garder le contact avec sa montre pour maintenir le monde en pause ? D’ailleurs, jusqu’à quelle distance son Artefact affectait-il les choses ? Les environs ? La terre entière ? Non, l’effet devait être localisé, sans ça, un paquet de possesseurs d’Artefacts devaient être en train de se poser des questions.
— Bien évidemment qu’elle était consentante !
À ces mots, je compris que je tenais mon ouverture. Les yeux plongés dans ceux de la blonde, je lui adressai mon plus beau sourire avant d’ajouter :
— Vous n’avez qu’à vérifier.
Je me tournai vers ma patronne qui cambrait toujours ses superbes fesses dans ma direction. Puis, tout en m’excusant mentalement pour ce que je m’apprêtais à faire, je soulevai d’un coup sec son tailleur pour en révéler la glorieuse indécence.
— Whoâ nice, commenta le brun. Ça mériterait une photo souvenir.— Bordel, grinça la blonde en détournant le regard comme je l’avais anticipé. Je suis vraiment entouré de dépravés. Qu’est-ce que c’est censé prouver ?
Je brûlais un cierge pour mon postérieur, et bondit ! J’agrippai les jambes du brun toujours posées sur le bureau, et tirai d’un coup sec. Il poussa un glapissement lorsque cette manœuvre le fit s’effondrer de la chaise. Ça lui apprendra à ne pas écouter sa mère et mettre les pieds sur la table.
Je poursuivis ma course vers la porte gardée par la blonde. Une lueur féroce brilla dans son regard lorsqu’elle me vit la charger. Regard qui se changea en choc quand je balayai l’air de mon bras et actionnait le taser. L’appareil crépitant la percuta au niveau des mains. Tout son corps s’arqua. Je peaufinai ma manœuvre en l’envoyant valdinguer en arrière d’un coup d’épaule qui déclencha une lame de douleur vive dans mon bras. Avant même qu’elle n’ait percuté le sol, je l’enjambais, et piquais un méga sprint puisant dans ma certitude que s’ils me chopaient, c’en était fini de l’Interface.
À cet instant, le silence oppressant explosa en un millier de bruits. L’assourdissant brouhaha des conversations. Le lancinant ronronnement des moteurs de voitures. L’omniprésent chuintement des climatisations. Les hurlements de panique de ma patronne. Autant de shrapnels sonores qui me déchirèrent les oreilles.
Malgré le choc, je pressais encore plus le pas. Cette impression soudaine d’anarchie devait également affecter mes poursuivants, et donc faciliter ma fuite. Autant en profiter.
Je zigzaguais entre les bureaux. Il fallait que je rejoigne le rez-de-chaussée, puis la rue ! Une fois dans la foule, temps arrêté ou pas, les chourraveurs d’Artefacts auraient bien plus de mal à me retrouver. Du moins, je l’espérai. Et puis, lorsque je me serais débarrassé d’eux, je n’aurais plus alors qu’à retourner au bar de Mélissa. La goth saurait sûrement comment m’aider !
Mon collègue Paul écarquilla grand les yeux quand je manquai de le percuter pour me ruer dans les escaliers. Le reste de mes collègues était tout aussi ébahi. Forcément, je devais avoir l’air d’un malade à courir comme si j’avais un piranha accroché au postérieur. Et puis, entre ma patronne vue par la moitié de l’étage les fesses à l’air, et moi qui échappait de son bureau en panique, les rumeurs à mon égard promettaient de prendre des proportions épiques.
Peu importait. Je risquais bien plus gros qu’une réputation de queutard déglingué de la tête.
Je déboulai dans le hall d’accueil. De l’autre côté des portes automatiques, Sandra et son fiancé s’engueulaient toujours. Ils comptaient y passer la journée ou quoi ? Je lançai un regard en arrière. Le brun avait pris du retard, mais il atteignait déjà le palier. Bordel ! Ça allait être serré, mais je pouvais le faire. Plus que quelques mètres, et j’aurai l’anarchie de la rue au complet pour me dissimuler.
Le temps se figea. Les voitures dans la rue s’arrêtèrent, comme au point mort, et la scène de ménage entre Sandra et son fiancé prit des airs de 123 soleil improvisé. Le silence reprit ses droits, encore plus oppressant qu’avant.
— Ça ne sert plus à rien de courir, beugla le brun derrière moi, sa voix tonnante dans l’absence de cacophonie.
Mais bien sûr ! Qu’il s’époumone. La situation n’avait pas changé. Monde en pause ou pas, je le devançais toujours. Plus que quelques mètres entre moi et la sortie, du moins, si mon souffle qui sonnait comme une baudruche percée ne me lâchait pas.
Je percutais les portes automatiques avec l’enthousiasme d’un Moldu qui croit faire sa rentrée à Poudlard.
Le choc me fit rebondir en arrière. Mon crâne claqua contre le carrelage dans un bruit qui m’aurait fait grincer des dents si mes molaires ne tentaient pas déjà de fusionner les unes avec les autres. L’impact fut si brutal que l’information de la douleur arriva à rebours dans ma cervelle. Elle déferla d’un coup, comme un barrage qui lâche. Gémissant, je portai mes mains à mon visage. Lorsque mes doigts caressèrent mon nez, je hurlai de bon cœur.
— T’aurais mieux fait de m’écouter, commenta le chasseur d’Artefacts d’une grosse voix moqueuse qui m’envoya des élancements crâniaux dignes d’une vilaine cuite. Les portes automatiques ne fonctionnent plus aussi bien quand le temps s’arrête, et il n’y a que dans les films qu’on peut traverser une vitre sécurisée, tête la première.
Je l’aurai bien insulté si me tordre de douleur n’occupait pas toute mon attention.
— Voilà où tes plans nous mènent ! hurla la blonde depuis l’autre bout du hall, sa voix teintée d’envies de meurtre. On est censé éviter les dégâts, pas les créer nous même.— Oh, pas la peine de monter dans les tours. Je prendrais le blâme. Tu sais bien que la surprise est notre meilleur atout tant qu’on ne sait pas de quoi nos cibles sont vraiment capables. — Ça ne change rien à ton attitude, dit la chasseuse. Je les retiens tes « relax » et tes « on a le temps ». Si on l’avait chopé tout de suite comme prévu, au lieu de le laisser reprendre ses esprits, on n’en serait pas là.— T’es bien gentille, mais peut-être que si tu avais réactivé la pause plus tôt, personne n’aurait rien remarqué ?— Quelle mauvaise foi ! Tu sais bien qu’il y a un délai d’activation !
Je n’écoutai qu’à moitié leur engueulade façon vieux couple, plus occupé à tenter d’évaluer ma situation. Chose compliquée quand on a le crâne qui pulse comme une boîte de nuit en pleine soirée dubstep moisie.
Avant que la moindre échappatoire ne se révèle, deux grosses pognes me saisirent par le col... pour la troisième fois de la journée ! Autant dire que ma seule chemise potable était définitivement ruinée. Mais au lieu de m’étrangler, le brun me remit debout. Très mauvaise idée. Le sol prit aussitôt de la gîte, et j’oscillai sous les coups de boutoir de ma cervelle.
— Ouvre bien grand tes oreilles décollées, gamin, dit le chasseur, toute trace d’amusement disparue de sa voix, son regard réduit à deux fentes. On va te faire une petite toilette, puis le temps va redémarrer. Quand ce sera le cas, tu vas nous accompagner, et tu as intérêt à te comporter comme si tout allait pour le mieux. (Il entrouvrit la veste de son costard. La crosse métallique d’un flingue dépassait d’un holster de poitrine.) Du moins, si tu veux pouvoir rentrer chez toi en un seul morceau.
Je lus dans son regard qu’il ne me menaçait pas à la légère. Pire, il semblait presque appeler de ses vœux que je le défie pour lui donner une excuse. Chiotte de chiotte de chiotte. Je ne voyais plus qu’une façon de m’en tirer maintenant.
— Si c’est mon Artefact que vous voulez, prenez-le, et laissez-moi tranquille.
Je bouillis de rage à mes propres mots. Pathétique. J’avais vraiment réussi à foutre en l’air mon cadeau des cieux de A à Z, et la simple idée de retrouver ma vie frustrante me déprimait au plus haut point. À ce compte-là, j’aurais préféré ne jamais connaître l’existence de l’Interface. Savoir ce qu’on perd est bien plus cruel que d’ignorer ce que l’on pourrait avoir.
— On a quelque question à te poser au préalable, intervint la blonde, l’air un peu calmé. Si tu coopères, tout se passera bien.
Mais bien sûr. La transmission pour preuve, si je les suivais, je finirais au fond de je ne sais quelle cave à me faire cogner dessus. Comme je ne savais à peu près rien sur rien, et que je les avais passablement énervés, ils risquaient même de faire du zèle. J’allais finir avec deux pinces crocos reliées à une batterie accrochées aux testicules, je le sentais. Qu’est-ce qu’ils espéraient tirer de moi de toute façon ? En dehors du fonctionnement de l’Interface ?
Malgré ma cervelle douloureuse, un détail de la transmission me revint. Bordel, mais oui ! Ils ne cherchaient pas uniquement à s’emparer des Artefacts, ils en cherchaient aussi l’origine. Un nouveau plan tordu se dessina aussitôt dans mon esprit. Il ne tenait à pas grand-chose, mais au point où j’en étais...
— Quelles questions ? demandai-je. Parce que si vous voulez des infos sur mes lunettes, vous perdez votre temps. Je sais à peu près rien si ce n’est qu’hier, elles étaient normales, et aujourd’hui, elles sont magiques. (Je marquais une pause pour avoir l’air de réfléchir.) Le seul truc bizarre, c’est que j’ai cru voir une lumière et entendre du bruit dans ma salle de bain cette nuit, comme s’il y avait quelqu’un. C’est là que je laisse mes lunettes, sur le bord de l’évier. Sur le coup, j’ai cru que je rêvais. Mais c’est vraiment tout, je vous jure.
Le duo de chouraver se toisa.
— T’habites où ? demanda le brun.
Alléluia pour la pêche aux crédules !
Je lui filai mon adresse, mon plus bel air abattu plaqué sur le visage. La douleur sourde dans mon pif contribuait à ma crédibilité. D’ailleurs, lorsque le brun tenta de me débarbouiller la face avec un mouchoir extirpé de sa poche, je ne pus retenir des cris de marcassins. Je ne m’étais pas raté la vache.
Une fois jugé présentable – j’anticipai avec angoisse le moindre face à face avec un miroir – Le chasseur d’Artefacts me traîna par une manche jusqu’à un recoin discret du hall d’accueil. Sa collègue lâcha la montre à son poignet. Bruit et mouvements assaillirent conjointement mes sens, comme pour s’ajouter aux tortures de mon crâne endolori.
Le brun ne me laissa pas le temps d’ajuster mes perceptions, et me poussa devant lui. Je pris l’air le plus dégagé possible, je ne tenais vraiment pas à lui offrir une excuse pour me plomber. En chemin, je captais certains regards confus chez mes collègues croisés dans l’escalier. De leur point de vue, ils avaient assisté à un numéro de téléportation. Avec de la chance, ils rangeraient un truc aussi improbable dans le rayon « OK, faut que j’arrête la drogue » de leur cervelle. Dans le cas contraire, je ne sais pas quels bobards je pourrai leur sortir pour expliquer un truc pareil si je m’en sortais. Ah ah. « Si je m’en sortais ». Bah voyons...
— Merde, j’avais oublié ça, dit le brun, une fois parvenu à la porte automatique.
Une magnifique trace de mon sang ornait la vitre.
— Trop tard, continue d’avancer, rétorqua la blonde.
Les portes s’ouvrirent dans un chuintement.
— J’aurais dû t’en parler, c’est vrai, plaida le fiancé de Sandra. Mais on a merdé tous les deux au final.— Oh vraiment ? lança la jolie hôtesse, sa voix étranglée par des sanglots. Je vais voir ailleurs une fois, et c’est kif-kif avec toutes tes coucheries ? Tu la baisais à chaque fois que tu prétendais être sur une affaire qui te retenait, c’est ça ? Il y en a d’autres à part elle ?
Je rentrai la tête dans mon col pour passer inaperçu. Je ne voulais pas la mêler à mes prob...
— Merde, dit la jolie hôtesse, une main sur la bouche. Qu’est-ce qui t’est arrivé ?
Il fallait vraiment que je revoie ma feuille de personnage, histoire de me mettre au moins un point dans discrétion...
Son fiancé admira mes blessures avec l’air d’avoir très envie de se réincarner en porte automatique. Pour qu’il en oublie la mouise dans laquelle il était, ça confirmait que je devais avoir une gueule atroce.
Je sentis mon « escorte » se crisper dans mon dos.
— C’est rien, je suis tombé. Les vigiles m’accompagnent à l’hôpital pour s’assurer que je n’ai rien de cassé.
En parallèle, je lançai à Sandra < La situation semble être bien en main. J’ai plus urgent à régler de toute façon. >
J’aurais sûrement pu profiter de la jolie hôtesse pour lui faire passer discrètement un message d’alerte, mais elle risquait de paniquer. Et comme chacun sait, la peur est plus contagieuse qu’une MST dans une partouze sans capote, et je ne voulais pas la mettre en danger, j’avais suffisamment bouleversé sa vie pour la journée.
Sandra toisa un instant le grand brun dans mon dos, l’air surpris. Je craignais qu’elle se rende compte n’avoir jamais croisé ces « vigiles » auparavant. Vu son poste, elle connaissait de tête à peu près toute la boîte. Mais probablement trop occupée par ses propres soucis, elle haussa les épaules, me souhaita un prompt rétablissement, et reprit son engueulade.
Je soupirai de soulagement. Pour une fois, j’avais réussi à ne pas aggraver les choses.
Mes deux acolytes m’entraînèrent jusqu’à une grosse berline noire. La blonde prit le volant. Le brun m’accompagna à l’arrière, une main dans sa veste, son regard rivé sur mes moindres gestes.
Je me demandai pour quelle raison les deux chasseurs d’Artefact me laissaient conserver mes lunettes. Je soupçonnais que ce n’était pas par bêtise. En cas de pépin, s’il leur fallait stopper le temps pour s’échapper, ils voudraient pouvoir m’amener avec eux. Chose compliquée à accomplir si je me retrouvais statufié.
— Ça marche comment ? tenta le chasseur une fois en route. Tes lunettes ?— C’est un verre bombé taillé spécialement pour changer la focale des rayons lumineux. Ça corrige ma myopie.— Drôle de façon de dire « pétez moi la gueule s’il vous plaît », grinça-t-il.— Inutile de monter le ton, intervint la blonde depuis l’avant. Contrairement à ce que tu peux croire, nous ne te voulons aucun mal. Notre but est uniquement de nous assurer que ton Artefact n’est pas une menace pour toi, ou pour d’autres.— Et si c’est le cas ? demandai-je. Il se passera quoi ?— Je me suis retrouvé dans ta situation, tu sais, dit la belle blonde, son regard transperçant fixé sur le mien dans le rétroviseur. — La bite dans les fesses de ta patronne ? lâcha le brun hilare.— Putain Jordan. Ignore-le. Comme toi, j’ai hérité d’un Artefact, comme toi, j’en ai abusé, mais tu peux encore revenir dans le droit chemin.
La blonde semblait sincère, mais un détail dans son histoire clochait sévère.
— Mais bien sûr, dis-je, acide. Vous avez tout à fait une tête à porter des montres Barbie. Je suis sûr que vous l’avez volée à une gamine, et vous comptez faire la même chose avec mon Artefact.
Merde. Je n’aurais peut-être pas dû dévoiler autant mon jeu.
— Que connais-tu du pouvoir de ma montre ? demanda Montre-woman.— Elle arrête le temps. Merci pour l’évidence.— En quelque sorte. Elle ralentit le temps par vague. À l’épicentre, le temps stoppe quasi complètement, du moins pour la perception humaine, mais plus tu t’en éloignes, plus le temps accélère, jusqu’à retrouver son cours normal. C’est ce qui rend mon Artefact très difficile à détecter en dépit de ses effets. — Qu’est-ce que ça change au fait que vous l’ayez volé ?— T’es un peu lent gamin, commenta le brun. Tu crois qu’un Artefact pareil se limite à ça ?
Excellente remarque. Mon Interface était capable de bien plus que simplement séduire, et Mélissa pouvait créer toute une panoplie de potions différentes avec son shaker. Rien d’improbable donc à ce que la montre de la blonde soit elle aussi multifonction.
— Vous pouvez accélérer le temps ? tentai-je.— Le temps, non, répondit la blonde. Mais je peux m’accélérer moi. Cela me permet de me déplacer à des vitesses difficilement perceptibles par l’œil humain, voire d’esquiver des balles.— Dans ce cas, pourquoi vous n’avez pas fait ça pour me rattraper tout à l’heure ?— Parce qu’il y a une contrepartie à un tel pouvoir...
Je demeurais silencieux pendant que les pignons de ma petite cervelle tournaient. Oh !
— Vous voulez dire que la petite gamine qui a hérité de cet Artefact, c’est vous ? m’exclamai-je.— Oui, dit laconiquement la blonde. À ton échelle, je suis entrée en possession de ma montre il y a seulement six mois. Du mien ? C’était il y a 15 ans maintenant. Tu comprends le danger de ces choses ? Ce qu’il en coûte d’en abuser pour les autres comme pour toi ?
Je ne sus quoi répondre. Quelque part, son histoire sentait bon le mytho clé en main pour justifier l’apparence de son Artefact, et endormir ma méfiance. D’autant plus qu’elle semblait trop bien éduquée et mature pour une gamine qui avait grandi en accéléré. Cela dit, après avoir été témoin du pouvoir de sa montre, cette explication n’avait rien d’impossible.
En tout cas, j’espérais qu’il s’agissait d’un bobard. Dans le cas contraire, le fait qu’elle m’en dévoilait autant laissait présager du pire. Je doutais qu’ils me laissent repartir avec autant d’informations. À moins que, comme Mélissa, ils puissent me légumifier à volonté. Aucune de ces options ne m’enchantait.
— Et tes lunettes alors ? tenta la chasseuse. Que font-elles ?
Je me murai dans le silence. S’ils croyaient que je n’avais pas capté leur petit numéro de gentille flic/méchant fils, ils se plantaient. S’ils comptaient me séquestrer, je ne voyais aucune raison de leur rendre la tâche facile.
Aucun des deux chasseurs n’insista. Le reste du trajet s’effectua dans le silence.
En chemin, je caressais l’idée d’utiliser suggestion sur des automobilistes pour, au pif, provoquer un accident. Avec la blonde, les mains occupées sur le volant, elle ne pourrait pas arrêter le temps à temps – ironique. Je chassai ce plan foireux de ma tête. Avec ma veine, une tentative pareille finirait en statistique d’accident de la route à la colonne « drôle de façon de se suicider. »
Lorsque nous arrivâmes au pied de mon immeuble, le ciel s’assombrissait de nuages noirs annonciateurs d’une grosse saucée. Parfait, pile comme mon humeur. Le brun m’extirpa du véhicule par le col, clairement décidé à finir de niquer ma chemise !
— Quel étage ? demanda-t-il.
Je tendis cinq doigts.
— Passe devant, et pas de coup fourré.
J’obtempérai.
À peine avais-je franchi le seuil du hall de l’immeuble que deux silhouettes familières s’extirpèrent des ombres de la cage d’escalier.
— Si tu pensais m’arrêter en débarquant avec tes parents, lança Amandine. Tu te goures connard !
Avec ses babines retroussées en un rictus, et l’imposant flingue brandi à deux mains, la belle tatouée semblait plus dangereuse que jamais. Son mec, Vladimir, armé d’un revolver presque trop petit dans ses grandes pognes, la flanquait, son cou de taureau crispé à s’en claquer un nerf.
Pour le dieu des plans foireux hip hip hip !
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