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Coeur à Coeur

Chapitre unique

Les larmes de Carole

Divers
Du tiroir de la commode, lors de son ouverture, une bouffée de nostalgie vient me surprendre. Là, culottes et soutien-gorge, bien rangés en piles séparées que je viens de remuer font ressurgir, un petit objet oublié. Entre mes doigts tremblants, la fine chaine en or perdue là depuis un long moment rappelle les eaux de mon cœur. Au bout de ses maillons, un pendentif ! Un cœur dont il manque le second morceau. Celui détaché ensemble lors de notre première Saint Valentin ! Celui que j’ai posé dans le creux de ta main… un petit bout du mien aussi que pour toujours je t’ai donné, ce matin-là !
— xxXXxx —

Qu’est-ce qui prédestine les gens à se rencontrer ? Difficile à dire ! Le lieu ? Le travail ? Qui sait ? Pas moi en tout cas ! Et le train rapide qui se dirige vers Nantes, là où je poursuis mes études me permet de somnoler gentiment. Face à moi, un garçon d’environ mon âge est monté gare d’Austerlitz et s’est plongé depuis dans un bouquin. Encore une année après celle qui se termine et j’en aurai fini de ces voyages entre chez mes parents et la ville de mes cours. Le train… un moyen sympa de faire le chemin, le moins onéreux aussi pour les étudiants. Je suis dans mon petit monde et la porte qui sépare notre wagon du précèdent chuinte en livrant passage au contrôleur.
Un type, quarantaine incertaine dans un uniforme « SNCF », qui s’arrête à chaque rangée de sièges. Je l’ai entendu arriver et il me sourit alors que je lui tends mon billet. Aimable le bonhomme, un poil d’années de trop pour me draguer. De toute façon, je ne suis pas vraiment réceptive et je récupère mon titre de transport marqué de l’empreinte de sa pince. Face à moi, le jeune homme, lecteur forcené a comme un sursaut, alors qu’il fouille fébrilement ses poches. À sa mine, je sens de suite qu’il se passe un truc pas net.
— Monsieur ! Votre billet, s’il vous plait ! — Je le cherche, monsieur. Je ne sais pas trop où je l’ai fourré.—… !— Je vous prie de m’excuser, mais je vous assure que j’ai bien acheté un ticket.— Ne vous prenez pas la tête ! Je vais finir ma tournée et je reviens vers vous ! Ça va vous laisser un peu de temps pour le retrouver, d’accord ?— Oui ! C’est gentil, monsieur.— À tout de suite… de toute manière vous ne pouvez pas quitter le train, nous allons directement à Nantes. A tout de suite donc !— Merci…
Le jeune homme qui a posé son livre semble totalement déboussolé. Il transpire à grosses gouttes. Et comme il sait que je viens d’assister à la scène avec le contrôleur, il me jette de fréquents coups d’œil. Une sorte de SOS muet. Mais je ne suis pas en mesure de lui être d’un quelconque secours. Il se lève et avec des gestes trop brusques pour être normaux, il fouille son sac. De nouveau, il passe en revue ses poches et la peur panique s’empare de ce pauvre gars. Bien sûr, que je le dévisage n’arrange en rien ses affaires.
Il se retourne vers moi, hausse les épaules et sans vraiment s’adresser à moi envoie quelques mots au hasard.
— C’est quand même un monde ça ! Où ce foutu bout de papier a-t-il bien pu se cacher ?
Il me regarde avec une sorte de désespoir dans les quinquets. Évidemment que je ne détiens pas la réponse à cette question qu’il pose plus à lui-même qu’à moi. Alors je détourne le regard, pensant à juste titre ne pas le gêner plus. Et c’est sur son livre que mes yeux atterrissent. Ouvert à plat sur le siège du gars, de la couverture déborde simplement quelques millimètres d’un rectangle qui ressemble à s’y méprendre à celui que notre contrôleur a composté lorsque je lui ai remis. Le garçon panique visiblement de ne pas parvenir à se souvenir de ce qu’il a fait de son sésame pour voyager. Dans son énervement, le zig qui se démène dans tous les sens ne pense sans doute pas au seul endroit où il l’a collé.
Enfin, après maintes gesticulations, il se rassoit et son livre se referme sur son précieux sésame, sans qu’il ait l’idée d’y jeter un coup d’œil. Le gus chargé de relever les infractions va revenir et le gaillard face à moi rentre la tête dans ses épaules. Il attend le retour de l’employé du train avec une moue qui en dit long sur son pessimisme. Combien de temps dure cet état d’abattement chez lui ? Je me trouve un peu « vache » aussi de ne pas lui faire remarquer de suite que son billet est planqué dans son « Alberto Moravia ». Et pour le coup, « l’ennui » n’est plus seulement dans la lecture, mais bien dans le reflet des prunelles du malheureux.
Le brave poinçonneur, pas vraiment « des lilas » est de nouveau dans mon champ de vision et le jeune homme ne l’a pas encore aperçu, mais ça ne saurait tarder. Et toujours souriant l’inspecteur du rail est planté devant mon voisin d’en face. Je me marre sournoisement.
— Alors jeune homme ! Ce billet perdu ?— Je… franchement, je ne sais pas où il est passé… mais je vous assure que j’ai bien un titre de transport en règle…— Et… je dois vous croire sur parole ? Vraiment vous ne savez pas où vous l’avez mis ? C’est regrettable ça…— Je vous jure… si je vous donne mon nom… peut-être pourriez-vous le retrouver. Je l’ai pris par le biais d’internet.— Peut-être monsieur, mais vous devez le présenter à toutes réquisitions… Vous vous imaginez… si je dois rechercher chaque personne du train nominativement ? Je vais devoir vous mettre une amende forfaitaire…— Et… je vais devoir payer…— Comment voulez-vous que je fasse ? Je n’ai guère le choix.— C’est… elle va être chère cette amende…— Ben… salée, oui… pour le coup, le prix d’un billet plus un supplément conséquent…
Le gars est totalement chamboulé et dans ses yeux, je lis la panique qui commence à lui serrer le ventre. Je ne vais pas attendre plus longtemps. Il est temps de mettre un terme à mon amusement ferroviaire. Nonchalamment, comme si de rien n’était, je m’adresse au pauvre type qui fait de l’huile.
— Monsieur… monsieur !
Le naufragé du wagon écarquille les mirettes et sa bouche cherche de l’air. Enfin plus prosaïquement il tente désespérément de faire sortir un son de sa gorge. Quant à l’employé, lui tient déjà dans sa main un carnet à souches et un stylo. Il tourne son visage vers moi.
— C’est… c’est à moi que vous parlez, mademoiselle ?— Non ! Non, monsieur le contrôleur. C’est à ce jeune homme que je voudrais dire qu’il a omis de vérifier son livre… souvent c’est là que je pose mon billet pour le sortir plus rapidement à votre demande…— Mon… livre ? Ah ! Mon Dieu que je suis bête… C’est là que je l’ai placé sur le quai, avant de monter dans le wagon…— Parfait… ça m’aurait ennuyé de vous verbaliser… enfin vérifiez tout de même qu’il s’y trouve et montrez-le-moi… je dois le composter…— Merci… merci, mademoiselle, vous venez de sauver mon mois d’étudiant. Je me voyais déjà payer le prix fort pour une amende pas très justifiée.— Je ne fais que mon travail, jeune homme… merci.
Le lecteur récupère son bon de transport et l’employé quitte la rangée de sièges où nous sommes installés, pour rejoindre l’avant du convoi. Le jeune lui a un sourire radieux. Il ne me quitte plus des mirettes.
— Merci… sans vous j’allais la sentir passer. Mais je l’aurais eue mauvaise… — Le contrôleur a raison, c’est difficile de trier le bon grain de l’ivraie. Et puis ça vous fera un bon souvenir…— Oui… je serai plus prudent à l’avenir. Je m’appelle Denis et vous ? — Moi ! Carole…— Eh bien, enchanté, Carole ! Mon Dieu, je vous dois une fière chandelle. Sans vous…— Vous êtes donc étudiant ? — Oui en prépa véto… à Nantes. Et vous… vous vous rendez aussi à Nantes pour vos cours ?— Je suis à l’université… sciences humaines et sociales…— Ah ouais… le haut du panier, je vois ! Moi, ce sont les animaux qui m’ont toujours branché… depuis que je suis tout petit…
— xxXXxx —

Avec la chaine, tous ces souvenirs qui déferlent sur moi, une marée de moments si personnels. Bon sang de cœur brisé, comme ce pendentif prévu pour se partager. Et c’était bien ce que nous avions fait Denis et moi. Nous nous étions revus, puis de fil en aiguille les choses entre lui et moi avaient évolué, vers des liens bien plus étroits. Oui ! Nos sentiments s’étaient entremêlés, jusqu’à ce que nos corps fassent de même. Mince alors, ma vue se brouille en revisitant malgré moi ces jours-là. Un enchantement de tous les instants, comment expliquer cette complicité qui en avait découlé ?
Nos corps ! C’était arrivé sans que je m’en rende compte. Un soir, oui, c’était un soir ! Nous nous étions donné rendez-vous rue Corneille, devant l’entrée du « Katorza ». Le film qui passait ce soir-là ? Je n’en ai qu’une vague souvenance, mais Denis m’avait pris la main et une drôle de chaleur avait alors envahi tout mon être. Un feu violent et doux à la fois. Et sa bouille qui s’était approchée de la mienne, je ne l’avais pas refusé. Le premier baiser… pas d’enthousiasme particulier, juste une sensation très spéciale. Celle de cette langue qui entrait dans ma bouche.
Pas désagréable, non ! Agréable non plus, je ne crois pas ! Juste un sentiment étrange de me dire que je passais dans un monde autre. Pas pour cette pelle qui ne m’avait pas emballée, sans doute parce que je n’étais pas assez réceptive. Le second baiser m’avait plus plu. Pourquoi ? Était-il si différent de son prédécesseur ? Je ne m’en souviens pas. Ce dont je suis certaine, c’est que c’est bien ce second bécot qui m’a donné des frissons. À moins que ce ne soit parce que les mains de Denis ne s’étaient pas contentées d’être sages.
Sur le siège que j’occupais, sa bouche mangeait la mienne et ses doigts frôlaient ma poitrine. Oh ! Celle-là restait chastement emmaillotée dans un corsage assorti à ma jupe. Pas non plus très courte puisqu’elle ne découvrait pas mes genoux. Mais ce diable de garçon arrivait à me transmettre des émotions inconnues alors que sa paume se frottait sur le tissu, lequel contenait mon soutien-gorge. Entre baisers et caresses furtives, mon esprit basculait dans un rêve trop grand pour ma compréhension. Mon manteau… pourquoi Denis venait-il de le déposer en travers de nos cuisses ?
Dans la position assise que nous occupions, les deux bas de nos corps étaient ainsi isolés des regards possibles de nos voisins de rangée… Nos lèvres revenaient sans cesse se coller les unes aux autres avec une sorte de faim impérieuse. Les yeux… oui, les yeux de ce jeune homme qui m’embrassait, ils flottent encore là, derrière le rideau de mon crâne. Les images sont si nettes, et pourtant… si lointaines déjà. Quand avais-je compris que quelques boutons de mon fichu corsage venaient de céder aux caprices de cette patte qui les triturait ? Ce qui me touchait le haut d’un sein, juste à la lisière du balconnet de dentelle, ce n’était plus un songe.
Puis, entre flashs dus aux lumières changeantes du film et les mots qui crevaient l’écran, j’étais perdue dans un univers très spécial.
— Carole… je t’aime !—…
Lequel des personnages de cette saga cinématographique pouvait bien posséder un identique prénom au mien ? Une nouvelle et énième embrassade, puis entre deux décollages des babines pour respirer, ce leitmotiv récurrent.
— Carole, je t’aime !
Mais cette fois, les mots ne sortaient plus de la gorge d’un personnage sous l’œil d’une quelconque caméra. Ils coulaient dans mon oreille. La plus proche du visage qui se tenait tout contre le mien. Plus possible d’ignorer que ces mots… ils m’étaient destinés. J’avais alors levé le menton sans répondre. Et le doigt ne se contentait plus de l’orée du bonnet, il furetait sous le voile qui masquait ma poitrine. Avec cette arrivée, une chaleur de plus en plus sourde qui me cernait de partout. Pas moyen de faire un mouvement de recul. Surtout aucune réelle envie que ça s’arrête de suite. Mes mains… crispées pour l’une sur l’accoudoir de mon fauteuil, se rabattaient pour la seconde sur la nuque de Denis.
Bercée par la musique qui remplissait la salle, mes paupières closes, je ne tentais rien pour freiner la hardiesse de la paluche qui venait de quitter mon téton pour glisser sous mon manteau protecteur. Incrédule peut-être, naïve non ! J’avais de suite compris où cette fois Denis voulait balader ses doigts. Pas vraiment surprise donc par cette escalade. Ne l’avais-je pas, sinon provoquée, au moins appelée de tous mes vœux ? Là, au milieu des gradins moelleux, engoncée dans un siège profond, centimètre par centimètre l’ourlet de ma jupe remontait sous l’effet pervers d’une patte qui m’ensorcelait.
Sur ma joue, de petits bisous prenaient le pouls de mon attention. Lentement, la reptation portait ses fruits. Et un couloir se dégageait entre mes deux cuisses que le bras de mon compagnon s’efforçait de maintenir écartées. Pas une seule fois, je n’avais tenté d’échapper à cette montée délicieuse de l’aventurière qui me faisait soupirer. Le temps restait suspendu à cette arrivée aux abords de ce rempart extrême qui me couvrait les fesses… Fatalement, une limite franchie, les visiteurs abordaient le dernier triangle d’une résistance toute symbolique. Il n’y avait pas eu un seul geste pour leur interdire l’accès.
Et encore dans un souffle, un murmure.
— Carole… je t’aime et j’ai envie de toi…
— xxXXxx —

Le fin bijou se balance mollement au bout de mon poignet. Quelques gouttes de rosée noient mes yeux pour dégringoler le long de ma joue. Un instant elles restent à la pointe de mon menton, dans un équilibre fragile. Puis chassées par d’autres, tout aussi pressées, elles finissent par choir forcément sur la moquette, un mètre soixante-dix ou douze plus bas. Elles s’accompagnent de cette crispation de ma poitrine qui m’oppresse, faisant naitre de ma gorge un profond soupir. Scotchée par les anneaux d’or et ce demi-cœur brillant, bien plus que mon état en cet instant, je ressens la gifle d’un passé récent. Elle me désarçonne.
Un flot d’images qui se bouscule au portillon de mon cerveau rempli de ces instants perdus. Surprenant comme les bons moments, mais parfois également les mauvais sont de retour au premier plan de ce qui me raccroche à Denis. J’ai presque froid et mes frissons ne changent rien au problème qui m’étreint. Le bijou… coupé en deux tel cet accroche-cœur dont l’autre pièce est restée entre ses mains, je devrais le ranger. Quelle force, quel maléfice m’interdisent ce simple geste de le refourrer sous la pile de vêtements qui le masquait à ma vue ?
Avec lui, c’est quinze ans de ma vie qui refont surface. Une plage faite de quotidien entaché d’extraordinaire. Oui ! Des moments d’une banalité sublimés par un sourire, une caresse de celui avec qui on partage l’instant présent. Des minutes qu’on aimerait renouveler à l’infini. Et l’éternité terrestre a aussi ses limites qui nous sont imposées par une main invisible. Les éclats d’un soleil trop violent qui frappent la petite merveille dorée me ramènent à la magie de clichés passés. Une main douce sur la joue, un mot qui calme ! Tout est là, si vivant avec cependant déjà une sorte de flou dans les contours, voire l’obligation de fermer les yeux pour réentendre le son d’une voix.
— xxXXxx —

Mes doigts se serraient contre ton bras, qui sans bouger accentuait ses allers et venues dans le fond de ma culotte pas seulement retirée. Et chacun de ces passages, attirait un soupir plus prolongé que le précèdent. Pincer les lèvres pour ne pas crier, oui ! Ne rien laisser transparaitre à ses voisins qui suivaient les acteurs sur l’écran. Un bon film dont je ne garderais le souvenir que de tes caresses terriblement excitantes. Il avait pris fin dans une sorte de brouillard et j’en voulais au réalisateur de ne pas l’avoir fait durer quelques minutes de plus… celles nécessaires à une délivrance de tous mes délires.
Nous avions remonté la rue ensuite, vers la chambre que j’occupais chez Marthe, la sœur de mon père ! Nous nous étions faufilés à l’étage où je dormais, sans bruit, de peur d’éveiller cette vieille tante. Cette fois, sur ma couche, malgré ma peur, nous avions repris les attouchements interrompus par la fin du film. Bien d’autres s’étaient déroulés là sur mon lit. Avais-je seulement conscience que je m’engageais dans un corps à corps d’où je ne sortirais pas indemne ? Pas vraiment, mais le vertige des câlins de Denis y était pour beaucoup. Doux et surtout efficaces, ciblés sans précipitations, ses tripotages restaient dans la droite ligne de ceux entrepris sur le fauteuil du cinéma.
La phrase magique qui berçait mes oreilles de ses mots faits pour me préparer à un abandon plus total revenait plusieurs fois. Galvanisée par cet élan sorti droit du gosier de mon Denis, grisée par sa teneur, je me laissais porter par un vent de folie.
— Oh ! Ma Carole… je t’aime tant !—…
Incapable de dire un mot, de résister au séisme provoqué par des pattes adroites, j’avais vu pour la première fois s’approcher de mon visage un monstre. Cette chose dont toutes les jeunes filles ou presque rêvent et qui une fois présente n’est plus tout à fait telle qu’elle l’imaginait. Un monstre dont la main de Denis en m’attirant le poignet me faisait deviner les contours. Puis se contorsionnant sans bruit, la bête là, devant mes yeux qui s’avançait vers mon visage. Une caresse très spéciale, des baisers d’une autre forme, qui tombaient sous le sens. Et… comment expliquer que je n’avais pas trouvé à redire à cela ?
Avant le contact, enivrée par une fragrance si particulière, et surtout… emportée par un câlin du même style accompli sur un endroit situé chez moi au même emplacement que chez lui, j’avais osé. Drôle ce souvenir ! Celui d’une odeur, mais aussi d’une texture si… étrangement aphrodisiaque. Et comment résister, alors que Denis plongeait dans ce qui nous différenciait bougrement ? Mon esprit aussi s’était mis en route et je songeais que ce qu’il touchait désormais du museau avait été trituré toute la soirée sur un siège de cinéma… mais là… les sensations changeaient et me forçaient à sursauter.
Je glissais dans une sorte de délire brumeux, et j’affrontais donc l’éperon qui flirtait avec mes lèvres. Dans un énième soubresaut, tout mon corps vibrant me faisait chercher de l’air. C’était bien en cet instant que ce morceau de Denis avait trouvé sa voie. Rien à voir avec c que j’avais imaginé jusque-là des choses de l’amour… de l’amour ou du sexe ? Curieux l’amalgame entre l’un et l’autre. Je plongeais alors dans une vraie bataille. Celle de donner tout en recevant, une forme nouvelle de plaisir. Et je m’absorbais dans une tâche si douce, abandonnant tout état d’âme pour embrasser ce qui s’embrasait sous ma langue.
Lui aussi soufflait et grognait. Il suivait le tempo, tout en insistant sur un point trop précis pour être fortuit. Je savais, je le voulais, cette nuit serait la nôtre. Celle qui au petit matin me laisserait déniaisée et plus femme que fille. Quand avions-nous négligé la présence de ma tante dans la maison ? Sans doute lorsque couchée sur le dos, Denis était venu s’étendre sur moi. Il m’embrassait ! Et nos lèvres collées n’avaient pas su retenir mon cri alors que… oui ! Le monstre se frayait un chemin, une déchirure avant de ne plus bouger. Une longue trêve ! Subtile attente du garçon pour que se calment mes peurs et surtout cette brulure inconnue.
— xxXXxx —

— Carole… tu diras à ton amoureux d’être plus discret.—…— Allons ce n’est pas aux vieilles guenons que tu vas apprendre ce qu’est la vie. Nous n’en reparlerons plus ! Mais sache que je n’approuve pas.— Mais tatie… je suis désolée !— Je n’ai pas à te faire de reproche ! Moi aussi j’ai été jeune. Mais t’es-tu protégée au moins ? Non seulement tu pourrais tomber enceinte, mais de nos jours, les maladies…— Je… comment sait-on que l’on est amoureux Tante Marthe ?— Curieux que tu te poses cette question après que… Elle aurait dû intervenir avant, ne crois-tu pas ? Lui ? Il est amoureux ?— Il me le dit sans arrêt, en tout cas !— À la bonne heure !
La conversation n’avait pas repris sur le sujet. Elle savait et je savais qu’elle était au courant. Denis avec son accord passait de plus en plus de temps en ma compagnie sous son toit. Toutes les occasions étaient bonnes pour refaire avec une infinie tendresse des gestes, tous empreints d’une immense patience. Un amour infini nous liait, lui et moi, avec la complicité de ma tante. Nos études touchaient à leur fin et tout naturellement, mes parents également mis au courant avaient donné leur aval à une union qui me ravissait.
La salle de la mairie où nous nous étions dit « oui », l’église ensuite pour formaliser devant tous, le signe de notre appartenance l’un à l’autre et nous nous lancions dans une autre aventure. Celle d’un couple avec son quotidien pas toujours rose. Mais ni noir ni blanc non plus ! Toutes nos réconciliations sur l’oreiller enrichissaient cependant ces heures que nous voulions intenses. Les années avaient passé, sans souvent que l’on y prenne garde. Et les images du temps d’un bonheur aujourd’hui perdu sont là. Cette chaine, ce cœur brillent devant mes yeux, comme pour me rappeler que mes souvenirs ne sont pas de simples chimères.
Pierre après pierre notre maison avait pris forme. De vie point d’autre ! Parce que par les hasards ou les facéties de la vie, devant lesquels les hommes restent impuissants, mon ventre s’était toujours obstiné à rester vide. Combien de nuits, m’avait-il consolé de la misère morale engendrée par le désaveu de ce bidon irrémédiablement stérile ? « Tout pour être heureux », disaient mes parents et amis, mais nous manquait l’essentiel… Un sourire sur un visage enfantin, des babillements pour porter aux nues nos deux cœurs enlacés. Rien ! Rien ne se profilait à l’horizon de nos belles années, d’une union trop polissée.
— xxXXxx —

Si je n’y prends garde, les perles qui mouillent mes quinquets vont encore jaillir, malgré tout le temps passé à chercher l’oubli. Chaque jour qui passe floute le visage, brouille un peu plus l’image de ses sourires. Restent pourtant quelques grammes d’or qui se bercent au bout de mes doigts. Première Saint-Valentin ! C’était… hier, c’était beau, bien et nous avions la vie devant nous. Le diner dans le restaurant de notre amie Juliette. Elle qui venait de décrocher une étoile. Pas celle d’un ciel d’été, non ! Mais une des plus prestigieuses pour son métier. Une cheffe étoilée qui nous avait concocté une mise en bouche audacieuse.
Nos doigts emmêlés sur une nappe immaculée, entourés par d’autres couples qui fêtaient le même évènement. Cette soirée dédiée aux amoureux de tous poils, de tous crins, de tous genres, de tous bords. L’écrin rouge sur la draperie blanche, une tache de sang qui m’en rappelait une autre, à la sortie d’un cinéma, sur les draps de tante Marthe celle-ci. Et le paquet poussé vers ma place, mes tremblements en ouvrant le cadeau, ivresse d’une éternité d’amour. Un collier de mailles fines, un seul cœur sécable en guise de médaillon.
— Tiens ! Tiens ma chérie… je t’offre mon cœur. —… oh ! Denis… je… je t’aime !
Il venait de se lever. Combien de visages avaient alors convergé vers notre table ? L’espace d’un vrai baiser, le temps de se prouver que tout était réel, vrai, solide. Le retour à la maison avec une envie au creux des reins. Celle de refaire encore et encore l’amour. Énième tentative pour rêver de cet enfant qui se refusait toujours et encore à venir arrondir mon gentil bidon. Et dans cette demeure où tout était trop bien rangé, trop en ordre, bien sûr que nous avions ensemble rejoué la scène, les gestes, les mouvements destinés à me rendre mère. Peine perdue, annoncée funeste par l’arrivée de règles pénibles.
Quelle heure était-il ? Vingt et une ou vingt-deux heures ce soir-là ! Pourquoi diable avais-tu besoin de sonner à la porte puisque tu possédais les clés pour entrer ? L’insistance particulière de l’appel sonore m’avait obligé à passer une robe de chambre pour quitter notre salon. La trogne des deux types dans l’encadrement de la porte. Un inconnu et le maire ! Déranger les gens à une heure aussi tardive, ça me paraissait saugrenu, idiot même. La voix du maire, un ami de mon père, avait mis un temps infini pour se frayer un chemin jusqu’à mon cerveau.
— Carole… je suis avec le commandant Brillat de la gendarmerie de…—… ?
Gendarmerie ? Le maire… que me voulaient ces deux types avec des mines aussi austères ? Les mots… incompréhensibles, aiguisés tels des couteaux qui d’un coup me livraient une cruelle vérité. Non ! J’avais mal compris, ils ne s’étaient pas bien exprimés. Enfin j’allais me réveiller de ce cauchemar qui me collait des frissons. Pourquoi n’étais-tu pas avec ces gens-là ? La terre allait m’engloutir. Impossible que ce que mon esprit captait soit la réalité. Pas moyen de croire, d’essayer seulement d’y penser. Non ! Tu allais rentrer et te moquer gentiment de ma crédulité. Nous referions l’amour encore et encore.
J’y mettrais tout mon cœur, toutes mes forces, tu verrais comme je t’aimais. Mes jambes aussi avaient soudain oublié de me supporter. Le ciel s’était assombri et tu me souriais, j’en étais si certaine. Quelle farce ! Portée sur le canapé et le maire qui appelait mes proches, alors que détachée de tout, il me semblait que tout cela n’était qu’un cauchemar. Un petit nuage sur lequel je flottais, et la chaleur envahissante qui me gardait loin de ces mots impossibles à comprendre. Maman, papa qui m’entouraient d’une affection trop attentionnée, que se passait-il dans mon entourage ?
Les jours suivants, tel un automate, j’avais suivi le rythme d’évènements desquels je me sentais totalement étrangère. Mais par réflexe, le maire et le gendarme ayant mis sur la crédence ta chaine et le second cœur, ramassés je ne sais où, j’avais replacé ceux-là entre tes deux mains jointes. Toi si froid, si loin de moi ! Avec mille pourquoi, mille envies de te dire… sans jamais qu’aucun mot ne parviennent plus à franchir la barrière de ma gorge serrée. Salaud qui m’abandonnait, avec un trop-plein d’amour et un vrai besoin de toi, de tes baisers ! Puisque tu partais, je ne voulais plus rien garder de ton amour.
Comme ça, avec juste un zeste de lucidité, mes doigts décrochaient de mon cou le pendentif qui nous reliait, qui nous attachait pour la vie. Et camouflé sous une pile de sous-vêtements, ceux que tu aimais tellement prendre le temps de retirer de mon corps, hors de ma vue, j’enterrais notre vie commune. Le froid communicatif de tes mains, de ta peau lors d’un dernier bisou et l’irréalité de ce qui se déroulait pourtant si près de moi, tout me passait bien par-dessus la tête, loin de mon entendement. Une autre cérémonie plus sombre que celle que nous avions vécue ensemble dans l’église où nos familles étaient réunies m’enfonçait davantage dans mon refus de croire.
— xxXXxx —

— Carole… mon Dieu si je m’attendais… comment tu vas ?— Oh ! Juliette… Ça va ! Tu sais, je ne sors plus beaucoup ! — Je suis heureuse de te revoir… trois ans au moins que tu n’es plus revenue chez moi.— Je ne compte pas… les jours défilent, mais je ne les vois plus passer.— Allons ! Tu dois avancer et aller de l’avant. La vie continue et puis je suis certaine que Denis ne voudrait pas te savoir malheureuse…— Peut-être que oui, ou que non ! Je ne sais pas. Je ne suis pas prête encore à revivre normalement. Je… je voudrais juste te réserver cette table-là pour le quatorze février… pour être encore un peu près de lui… juste le temps d’un repas.—… ? Tu es sûre que c’est une bonne idée ?— Bonne ou pas, je veux exorciser mes vieux démons. Et c’est cette table-là que je désire réserver… — Comme tu veux alors ! Mais tu vas venir seule ?— Non ! Nous serons deux… parce que je suis certaine que ce soir-là, sa main sera dans la mienne…—… ? Je…— Chut ! Je ne suis pas folle, si c’est que tu imagines. Je veux cette table, ce soir-là, juste pour lui dire merci. Merci de tout ce qu’il m’a apporté et lui signifier aussi que c’est ici que nous allons nous dire adieu… d’accord ? Après, mon deuil sera enfin accompli et j’essaierai de revivre.—… tu…— Tout va bien… il me reste le plus long à faire. Ce bout de chemin inachevé que je dois assumer seule… et c’est bien chez toi Juliette, là où il y a bien longtemps, nous nous étions fait un vrai serment. Celui de nous aimer toujours ! C’est juste que ce soit donc chez toi qu’il sache que je vais reprendre le cours d’une vie stoppée net par son départ… Je veux lui dire à cette table, tu comprends Juliette ?— Mais… si tu crois que ça va t’aider… — Alors tu me la gardes cette table ou non ?
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