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Comme une bouteille à la mer un soir de Noël. (concours pour Noël)

Chapitre 1

Tout commence à la fin avec Delphine.

Erotique
Comme une bouteille à la mer un soir de Noël.

(Concours pour un conte de Noël)

Chapitre un - Tout commence à la fin avec Delphine.


25 décembre 2010 5h45

— Il était une fois...

Non ! Ce n’est pas le début d’un conte pour enfant, juste une chanson du groupe qu’écoutait encore hier Delphine en arrivant à l’hôpital. C’est son histoire et celle de son amour que je vais vous conter, bien que triste, elle fait partie des choses de la vie. Il y a des Noëls gais, heureux, festifs, tout comme il y en a des miséreux et sombres. Cependant, s’agissant d’une histoire inventée pour cette période de fêtes, j’ai souhaité une fin qui ne laissera pas, je l’espère, indifférents celles et ceux qui auront le courage de lire jusqu’au bout.

En ce matin d’hiver frileux, le jour n’est pas encore levé et une pluie diluvienne s’abat depuis plusieurs heures sur la ville. Il est tôt, très tôt, trop tôt sans doute pour que le balai incessant des voitures des visiteurs commencent leur longue recherche de place de stationnement sur les parkings de l’hôpital continuellement pleins à l’heure des visites. Tout au plus, quelques phares qui déambulent, ceux des véhicules du personnel prenant la relève ou des ambulances qui quittent les urgences.

L’établissement est implanté à l’extérieur de la ville, ce qui limite les sons stridents des sirènes de pompiers ou d’ambulances dans la noirceur de la nuit pour les locaux. Il est vrai que de nuit, les sirènes sont stressantes pour le commun des mortels. Les lampadaires d’un ton blafard empêchent que les parkings soient plongés dans la nuit été comme hiver, même l’immense sapin dressé et illuminé au centre ne change rien à l’aspect tristounet des lieux.

A l’étage des soins intensifs, le médecin de garde déclare d’un ton neutre :
"heure du décès : cinq heures quarante cinq" !

Une infirmière relève le drap sur le visage du défunt, débranche les appareils, lance un regard à la jeune femme présente, les yeux rougis par le chagrin. Le "bip-bip" insupportable vient enfin de s’arrêter et l’écran de contrôle est noir.

"Là où il se trouve, il est en paix et il ne souffre plus, vous savez, il n’y avait plus aucun espoir".
Des paroles réconfortantes ou, du moins, qu’elle voudrait réconfortantes mais des paroles banales en de telles circonstances.
"Je vous laisse avec le défunt, si vous voulez le veiller encore un peu avant l’arrivée des pompes funèbres... Ils ne devraient pas tarder ! Vous verrez, ils sont à l’écoute et très disponibles".

La jeune femme ne réagit pas. Il n’y a pas si longtemps, l’homme qui repose sous le drap n’était encore pour elle qu’un illustre inconnu, un individu un peu "à l’Ouest" comme on dit, un gars hors norme. Elle n’aurait jamais pensé que sa disparition lui cause un aussi profond chagrin et encore moins qu’elle en tomberait amoureuse, follement amoureuse si rapidement et avec le peu de temps qu’ils avaient pour être heureux, ensemble.

"Oui, je veux bien... Je vais rester un moment de toutes les façons il n’a pas de famille, du moins pas que je sache".
"Je vous laisse la lumière ou vous préférez restez dans la pénombre" ?
"Non merci, vous pouvez éteindre les néons" !
A pas feutrés, l’infirmière quitte la chambre après avoir éteint les lumières. Seules les veilleuses restent allumées, elles offrent une clarté encore plus macabre à cette chambre aux murs blancs et froids d’où une vie vient de rejoindre les étoiles dans un dernier râle, comme un soulagement. Bien étrange clarté funeste alors qu’au moment du départ, l’homme allongé sans vie sur le lit, avait un sourire doux accroché aux lèvres et un visage en paix, en paix avec lui même sans doute et avec les dernières personnes qui ont sublimé les ultimes semaines de son existence.

Dans le couloir, quelques décorations de Noël rappellent que c’est la nuit de la nativité. Delphine ne pensait pas passer cette fameuse nuit dans un cadre aussi triste et le cœur aussi lourd. Secrètement, elle avait espéré, elle avait même prié, pour que Jean puisse encore rester quelques temps ici-bas, quelques jours pour profiter, pour s’aimer encore et encore... mais l’avenir est souvent insondable.

De son fauteuil, Delphine a relevé un petit pan du drap mortuaire. Elle a pris la main de l’homme et a serré très fort ces doigts qui l’ont caressée, qui lui ont donné tant et tant de plaisirs, et les souvenirs remontent à la surface, les siens et ceux de celui qui repose à présent, délivré de tout mal, de toute douleur, de toute tristesse, ceux qu’il lui a confié selon ses envies.

C’était il y a tout juste deux mois... Un message étrange sur un site de rencontre, des mots, des phrases qui ne l’avaient pas laissée indifférente.
"La vie n’est pas un long fleuve tranquille, non... loin s’en faut pourtant c’est bien à regret que nous la quittons, tôt ou tard. Je ne recherche pas d’aventures ouvrant sur une relation durable, je n’en ai pas le temps et je ne peux, contre mon gré, promettre un avenir heureux à deux. Je lance comme une bouteille à la mer ce petit message en espérant que quelques unes des lectrices y prêteront attention, qu’une ou plusieurs, entreront en contact avec moi. Le chemin qu’il me reste à parcourir est court, et malgré mon âge, j’ai l’impression d’être passé à côté de bien des choses, bien des rencontres, bien des expériences. Tout ce temps perdu, je souhaite le rattraper en quelques sortes pour ne pas quitter ce monde avec ce vide qui m’habite depuis trop longtemps. Je fournirai plus d’explications en message privé si l’une d’entre vous me répond... Prenez ceci comme une bouteille à la mer et n’hésitez pas à découvrir ce qu’elle détient, je compte énormément sur vous" !

Ce texte elle l’a lu, relu et encore relu. des dizaines de fois elle a parcouru ces lignes, intriguée, et elle n’est pas restée indifférente à la présentation du type faite sur le site :

— Homme, mûr, entièrement libre, la cinquantaine un peu passée, sérieux, que la vie n’a pas épargné mais qui désire rire, aimer et profiter. Brun, type caucasien et d’une certaine élégance ou d’une élégance certaine. 1m75, signe particulier, absence de graisse (je plaisante j’ai mes petits bourrelés, certaines aiment cela)... bref un homme comme tant d’autres qui n’attend que vous pour le rejoindre dans le sud où il réside pour le moment et pour y partager de doux instants.

Elle avait apprécié l’humour qui semblait se dégager de cette courte présentation mais aussi, ou surtout, le désespoir qui transpirait de son annonce. Delphine qui était seule, malgré ses vingt-cinq printemps, se demandait, bien malgré elle, ce qu’elle pouvait lui apporter à ce type perdu et qui semblait être sans avenir joyeux, presque sans espoir. Elle fréquentait le site depuis quelques mois déjà, par simple curiosité et parce que des copines lui en parlaient de temps à autres. Elle n’avait jamais répondu à une annonce, mais là, l’envie commençait à naître en elle... après tout, que pouvait-elle bien risquer à lui adresser un "MP".
Laissant de côté ses souvenirs, Delphine lâche la main de Jean. Elle prend le téléphone personnel du quinquagénaire... C’est un accord passé entre elle et lui.

— Après mon départ, je te demande de contacter ces trois autres femmes. Beaucoup moins que toi, mais elles m’ont donné de la joie, du plaisir et fait vivre des expériences magnifiques. Je ... Enfin... Nous nous devons de les avertir que pour moi, c’est fini et les remercier d’avoir fait un petit bout de chemin avec moi ! Tu le feras hein?

Oui Delphine va le faire. Les numéros sont enregistrés. Elle rédige vite fait un message qu’elle ne tarde pas à adresser aux quatre femmes.
"Bonjour ! Vous ne me connaissez pas,
je suis la dernière compagne de Jean.
  Il vient de nous quitter.
  Il repose en paix à présent et m’a prié
  de vous remercier pour les instants de
  bonheur que vous lui avez donné au cours
  de ces derniers mois. Merci pour lui
Delphine"
Trois petites manipulations et voilà l’envoi fait à Charline, Myriam et Claude. Elle regrette de ne pas en avoir dit plus... mais était-ce bien nécessaire ? D’après ce que Jean lui a rapporté, ces trois jeunes femmes connaissaient son état comme elles connaissaient l’issue. Au final, en repensant à tout ce qu’il lui a raconté, il aura eu les deux derniers mois les plus beaux de sa vie.

Au dehors, la nuit a laissé place à de gros flocons de neige, ce sera un Noël blanc, triste ironie du sort.

***


septembre 2010

Il y a quelques mois de cela, Jean quitte sa société tôt dans l’après-midi. Une sourde douleur au ventre l’empêche d’honorer ses engagements, des engagements pris depuis longtemps et qui étaient annonciateurs de belles opérations pour l’entreprise. A peine arrivé chez lui, des nausées le saisissent, la douleur se fait plus vive. Il téléphone à son médecin, Yves, un copain de jeunesse avec lequel il a fait tourner en bourrique les profs.

"Salut Yves ! Je ne vais pas fort depuis ce midi, j’ai des douleurs abdominales fortes, et des nausées depuis peu... Est-ce que tu peux me prendre rapidement" ?
"Salut Jean ! Oui, pas de souci. Viens demain matin en consultation avant huit heures, je te prendrai en premier. Après ce n’est sans doute pas grave... indigestion ou coup de froid... On voit ça demain. Je ne peux pas te parler plus longtemps j’ai un patient dans mon bureau. Alors je te dit à demain, couche toi tôt et repose toi, cela fait des mois que tu n’as pas pris une journée pour toi" !

"Merci Yves, alors à demain, vraiment merci, tchao" !
Sa nuit est mauvaise... Du coup, bien que souffrant il passe en revue le film de sa vie. Des parents fortunés et aimants à la tête d’une grosse entreprise... Ils sont décédés trop tôt et lui ont laissé à vingt quatre ans la charge de faire fructifier l’affaire qui n’est plus vraiment familiale mais internationale. Il a réussi mais à quel prix ? Un mariage raté sans descendance, une vie de malade passée entre deux avions et le siège de la société, les succursales en Inde, Polynésie, États-Unis... Peu de distractions si ce n’est quelques sorties au cinéma, seul, désespérément seul... et quelques rencontres d’un soir avec des cover-girls.

Au petit matin, il n’a quasiment pas fermé l’œil. En se regardant dans le miroir au moment de se raser il se trouve un teint jaune ou gris, il ne saurait le définir... mais il sait que là, il a vraiment une sale gueule.

"Bon ben c’est pas la grande forme ! Yves a raison, il faut que je prenne des vacances" !
Toilette faite, il se rend au cabinet d’Yves. Le médecin l’attend déjà.
"Salut Jean... oups... quelle tête tu as" !
"Salut Yves, oui... j’ai passé une très mauvaise nuit" !
"Il y a longtemps que ça t’a pris" ?
"Heu... si on entrait... il ne fait pas chaud là" !
"Oui, tu as raison, viens suis moi".
Les deux hommes passent l’accueil, et se dirigent vers le cabinet de consultation du médecin.
"Tiens, mets toi à l’aise, et viens t’installer sur la table".
Il montre la table d’auscultation du doigt. Jean s’exécute, se met torse nu, enlève ses chaussures...
"Merde, mes chaussettes sont dépareillées" ! Il en rigole tout seul, il n’a jamais été très à cheval sur ça, mais là, il a fait fort.
"J’arrive Jean... deux petites minutes je consulte ton dossier... Mais bon, il y a bien longtemps que tu n’as pas consulté, ce n’est pas très sérieux camarade" !
"Je ne tombe jamais malade, je ne vais pas te consulter pour le plaisir" !
"Non, mais bon, des petites visites de contrôle de temps en temps y a pas mort d’homme. Là je n’ai vraiment rien de plus qu’il y a cinq ans quand tu es venu pour ta grippe".
"Non, à part des coups de fatigue qui me tombent dessus soudainement, j’avoue n’avoir rien eu de très très grave depuis longtemps. Mais là, je vois qu’il y a quelque chose qui ne va pas, ces douleurs abdominales deviennent de plus en plus fréquentes et vraiment parfois douloureuses, ça plus les nausées"...

"OK, bon on va voir tout ça".
Yves quitte son ordinateur, s’approche de Jean.
"On va commencer par les constantes... tension, cœur, poids".
Une fois les constantes prises, Yves reprend :
"Le cœur est régulier, la tension un peu élevée mais rien de méchant, pour le poids, vu ta taille, c’est correcte. Je vais te palper le ventre, dis moi si je te fais mal" !
Le médecin palpe le foie, l’estomac, tapote, écoute... Jean n’a senti aucune douleur précise, plus quelque chose comme une gêne.
"Je ne vois rien d’anormal, explique moi depuis quand ça dure et ce que tu as comme sensations" !
"Comme je t’ai dit, des coups de fatigue, des nausées, surtout mal à l’abdomen depuis quelques temps... Je bosse trop ça doit venir de là, je ne sais pas m’arrêter" !
"Oui, peut-être, mais bon on va te faire un bilan complet pour être totalement rassurés. En attendant, il faut prendre un peu de recul avec le boulot et te reposer. Je vais te donner un truc pour l’estomac et je te prends tes rendez-vous pour la prise de sang. L’infirmière passera chez toi demain ou après demain, je vais lui dire que ça urge" !

Jean a quitté le cabinet, il se sent presque mieux, comme soulagé alors que ce n’était qu’une consultation.
"Tout est dans la tête... Mais bon, je vais appeler le bureau, faut décaler tous mes rendez-vous et remettre ça à la semaine prochaine".
Jean rentre chez lui, enfile un jogging, passe quelques coups de fil pour le travail puis se prépare un petit déjeuner de roi, la cuisinière étant en repos. Comme prévu, le lendemain, une infirmière vient de bonne heure à domicile et lui pratique une prise de sang.

"Voilà ! Vous n’avez rien senti "?
"Non rien du tout, vous avez des doigts de fée".
Il remercie. L’infirmière est partie, souriante. Quelques heures après, pris de nausée il est allé dans la salle de bain et a rendu. L’inquiétude est revenue, les maux de ventre aussi.
"Bon j’espère que j’aurai vite les résultats, ça commence à m’angoisser".
Deux jours ont passé, c’est Yves qui appelle son camarade.
"Salut Jean... Tu as deux minutes" ?
"Oui, je me suis permis un repos de quelques jours ! Tu as des nouvelles" ?
"Heu, oui. Je vais être franc, passe à mon cabinet, quand tu veux, je te prendrai entre deux patients. Il faut qu’on voit ensemble les résultats de tes analyses" !
"Ah, ils ne sont pas bons" ?
"Viens, aujourd’hui si tu peux, je t’expliquerai" !
Jean s’est senti mal à l’aise en écoutant la voix blanche de son ami. Il n’a pas traîné, s’est préparé, et est allé au cabinet d’Yves. L’attente lui a paru interminable, elle n’a pourtant duré que dix minutes.

"Ah, Jean... Suis moi ! Pardon messieurs dames, une urgence" !
Jean est entré dans le cabinet, s’est assis, Yves l’a rejoint. Jean a écouté.
"Bon, je ne vais pas te mentir, les analyses sont mauvaises. Tes transaminases sont explosées et ta vitesse de sédimentation est bien trop élevée... Il faut faire des examens complets en milieu hospitalier, si tu veux, je peux t’avoir un rendez-vous rapidement à la clinique d’un collègue, mais il ne faut pas tarder, je n’aime pas trop cela" !

Jean n’a rien dit, il s’est affaissé sur son siège.
"Cela peut-être une inflammation du foie, dans ce cas rien de bien méchant, mais il faut chercher. Si tu es d’accord, je pense que le collègue pourra te faire passer avant la fin du mois, peut-être même avant... " !

"Fais pour le mieux Yves ! J’avais prévu de reprendre lundi, je vais à nouveau décaler mes rendez-vous, mes directeurs savent ce qu’ils ont à faire... Mais... si ce n’est pas une inflammation... qu’est-ce que ça peut-être" ?

"Je ne peux rien dire pour le moment, il me faut un scanner et probablement une écho et une biopsie... à partir des résultats nous en saurons plus" !
"Mais c’est grave" ?
"Je te dis, on ne peut rien dire pour le moment... Je m’occupe de tes rendez-vous, en attendant ne te fais pas trop de soucis, repos total et alimentation saine" !
Trois jours plus tard, Jean est à l’hôpital pour une batterie d’examens, de nouvelles prises de sang et le lendemain soir Yves l’appelle.
"Jean, passe me voir avant la fermeture, je t’expliquerai tout".
Coup de fil bref, stressant... aucune indication. Jean est retourné au cabinet sans perdre de temps.
Il a entendu ce qu’il ne voulait pas entendre... Cancer du pancréas avec métastases au foie et au poumon droit.
"Cancer foudroyant Jean... pour le moment nous n’avons aucun traitement, mais avec la chimio, on peut ralentir le mal".
Blanc comme un linge, les idées se sont mélangées dans la tête de Jean avant qu’il ne puisse poser la question.
"Combien de temps" ?
A cette question, Yves baisse la tête, se frotte le menton. Il a tout de celui qui, bien que connaissant la réponse, ne se sent pas disposé à y répondre directement. Il trifouille quelques papiers sur son bureau avant de prendre la parole.

"On se connaît depuis plus de trente cinq ans Jean. Tu te rends compte ? Trente cinq ans, ça ne date pas d’hier. Alors, je ne vais pas te mentir, quelques semaines, quelques mois tout au plus si le traitement a de l’effet. Rien ne sera simple, même avec le traitement, tu auras des périodes de mieux, des périodes plus mauvaises, il ne faudra pas hésiter à te faire assister. Tu ne dois pas rester seul, je veux dire, qu’il te faut une épaule sur laquelle t’appuyer. Après, il faut garder espoir, ce type de cancer bien que particulièrement agressif peut cesser sa progression durant quelques temps. Si cela arrive, on pourra traiter en premier lieu les tumeurs au poumon et régénérer ton foie... Tu seras contraint de suivre un régime stricte... Il faut bannir l’alcool et les cigarettes, t’aérer un maximum et reprendre une petite activité sportive. Faut maintenir ton cœur. Pour le pancréas hélas, enfin... tu connais cette maladie. Difficile de se prononcer.

Je suis vraiment désolé, j’aurais tant aimer t’annoncer de meilleures nouvelles, mais je suis là, si besoin tu n’hésites pas, tu sais que tu peux compter sur moi" !

Les mots du médecin tournent en boucle dans l’esprit de Jean... Quelques semaines... quelques mois tout au plus... Et merde, la vie c’est vraiment trop con. En rentrant chez lui, il trouve l’immense appartement vide, vide comme l’a été sa vie depuis tant d’années. Il s’affale dans le canapé, se sert un scotch allume une cigarette en essuyant une larme qui coule dans le coin de ses yeux. Sa solitude lui apparaît alors comme une évidence, comme un poids. Il se moque bien des conseils de son ami... Pour le moment, il faut organiser sa mise en retrait de la société, il n’y a pas de temps à perdre.

***


25 décembre 2010 8h20

Delphine s’est assoupie dans le fauteuil, le portable posé sur ses genoux. La nuit a été éprouvante, elle se sent épuisée et a du mal à ouvrir les yeux lorsque le téléphone vibre sur son jean.
Un SMS... tant bien que mal, elle parcourt le message.

"Bonjour Delphine ! Merci de m’avoir prévenue. Quelle tristesse. C’était un type formidable n’est-ce pas. J’espère qu’il n’a pas souffert. Merci de me donner la date des obsèques, j’y serai présente. Courage à vous.

Charline"
Ah Charline ! Jean lui a parlé d’elle. La première à avoir répondu à son annonce sur le site. Il en avait parlé avec beaucoup d’émotion dans la voix, sans doute parce qu’il commençait son long chemin vers un futur funeste.

Il avait commencé à l’évoquer en précisant qu’étant la première à avoir répondu, il s’était senti un peu bête dans sa réponse. En "MP" il avait juste précisé :
"Bonsoir, merci d’avoir lu et répondu à ma petite annonce qui a dû vous surprendre et vous laisser pas mal de questions en suspend. Pour faire court, je vais quitter ma région et aller m’installer pour quelques semaines dans le Sud de la France. Je suis divorcé depuis bien des années, le travail a occupé toute ma vie, une vie qui, d’après le corps médical, ne tient plus qu’à un fil. Je ne peux donc rien promettre, je souhaite juste passer du bon temps et connaître certaines choses, j’espère ne pas vous choquer. Encore merci, et si l’aventure vous tente, n’hésitez pas à me recontacter".

Il n’avait pas eu longtemps à attendre, quelques instants après l’envoi de son "MP", une réponse s’affichait sur son écran.
"Bonsoir l’inconnu de la toile... J’ai bien compris entre les lignes que votre avenir ne se présente pas sous les meilleurs hospices. Je suis moi-même célibataire, libre et de plus, je suis infirmière libérale. J’ai besoin de vacances, j’ai besoin aussi de me sentir utile pour quelqu’un. Si cela vous tente, je suis disposée à vous suivre une semaine dans votre ... disons retraite forcée. Je suis brune, sportive, pas très grande mais très vive. J’aime lire, écouter de la musique et me blottir dans les bras d’un partenaire délicat. On dit de moi qu’avec mes trente années je suis resplendissante, j’espère l’être à vos yeux lorsque vous regarderez la photo que je me permets de vous joindre. Bien à vous".

Charline avait effectivement joint une photo sur laquelle elle apparaissait en maillot de bain deux pièces. Un corps magnifique, des yeux d’un vert inimaginable et une chevelure brune ondulante sur ses épaules musclées aux dires de Jean.

Jean avait raconté tout cela dans le détail, ne prenant pas garde qu’il pouvait blesser Delphine.
"Heureusement que je n’étais pas encore amoureuse quand il m’a raconté tout cela"... Elle en sourit presque malgré ses yeux rougis de chagrin. "Surtout qu’il est entré dans les détails après le vilain"...

En effet, après plusieurs échanges, Jean avait précisé ses objectifs, de façon courtoise certes, mais suffisamment claire pour qu’il ne puisse y avoir aucune confusion :
"Lorsque j’ai divorcé j’étais encore jeune, Charline, par la suite je n’ai eu que quelques rares aventures sans lendemain, aventures pour lesquelles je déboursais de jolies petites sommes. Mais sans sentiments, cela ne m’a jamais plu. Je cherche donc à combler ce manque avant le grand saut, si vous voyez ce que je veux dire... Une relation courte, je n’ai pas d’autre choix, mais sincère et avec une attirance réciproque. Votre photo ne m’a pas laissé indifférent, je me permets donc de vous joindre ici la mienne. A vous de voir si, la douceur du Sud en automne et l’homme qui vous y invite, seront à votre convenance".

Une fois encore la réponse ne s’était pas faite attendre. Il est vrai que sur la photo, Jean était à son avantage, jean, basket, torse nu avec un très léger système pileux, et un bronzage à faire pâlir de jalousie pas mal de types de son âge. La photo avait été prise à Wallis et Futuna à l’occasion de l’un de ses nombreux déplacements.

"Cher Jean... permettez que je vous appelle "Cher", même si nous ne nous connaissons pas encore. La photo est ravissante et votre profil attirant... Aussi, si nous parvenons à nous accorder sur les dates, ce sera vraiment avec plaisir que je vous accompagnerai en Provence. Comme je vous l’ai dit, moi-même je ne dispose que d’une petite semaine de vacances alors répondez moi vite, j’ai hâte de vous lire. Amicalement bises... P.S : On peut se dire tu non ?".

Les échanges s’étaient poursuivis une bonne partie de la soirée, juste pour parler, il fallait déjà que Jean mette de l’ordre dans ses affaires.
En repensant à tout cela et après la nuit écoulée et la disparition de Jean au petit matin, Delphine ne se sent pas très bien. elle se dit qu’il faudra qu’elle en parle à l’infirmière, ou au médecin, si il repasse, quand son téléphone vibre à nouveau. Un message s’affiche... message d’outre tombe car il vient de Jean.

Elle ne comprend pas tout de suite, hésite même à ouvrir le message puis se décide enfin.
"Bonjour ma puce, et désolé... si tu lis ce message le matin de Noël comme prévu, c’est qu’en ce qui me concerne, j’ai déjà rejoint les étoiles sans pouvoir te parler en ce merveilleux jour, et te le dire de vive voix. Ne sois pas triste mon amour, pense à nos instants passés ensemble, comme toi, j’aurais voulu qu’ils ne s’arrêtent jamais ou que cela dure bien plus longtemps, mais nous connaissions l’issue... Laisse cela derrière toi mon cœur, quand tu rentreras chez toi tu trouveras sans aucun doute un courrier de mon notaire et, plus tard, tu en recevras la visite. Le bonheur que tu m’as donné j’aurais aimé te le rendre durant des années, cela m’étant impossible, je t’offre quelque chose qui, si ça n’efface pas la peine sur l’instant, te permettra de te préparer un avenir heureux.

  Je sais combien tu aimes peindre, je pense que, à présent, tu n’auras plus aucune difficulté pour monter ta propre galerie et exposer ton talent, oui, tu as du talent, ne rougis pas... je ne t’en dis pas plus, je te souhaite simplement d’être heureuse et de ne jamais m’oublier totalement. Garde de moi une belle image, celle d’un homme qui t’a aimée avec une telle passion que même si cela fut bref, cela fut merveilleux. Souviens toi que je veux être incinéré et que mes cendres soient jetées en mer au large du Finistère... j’ai toujours aimé cet endroit tout comme j’ai toujours aimé l’océan. Sois forte, mais surtout, pour toi, pour moi, pour nous, SOIS HEUREUSE à présent. Je t’aime".

A la lecture du message, Delphine laisse s’écouler un flot de larmes. Elle se moque bien du notaire, ce sont les mots d’amour qui lui brisent le cœur. "Si seulement il avait su combien je l’aimais ! Je regretterai toujours de ne pas lui avoir assez dit".

***


début octobre 2010

Jean a bien du mal à toucher terre en cette fin du mois de septembre. Le coup de massue qu’il a reçu à l’annonce du pronostic l’a fait terriblement vaciller. Que faire, comment s’y prendre ? Continuer à bosser comme un malade, rattraper le temps perdu, jouir des dernières semaines ? Il a mis du temps à trancher et puis, début octobre il a taillé dans le vif.

"Si je n’ai que quelques mois, voire quelques semaines devant moi, je me dois de réaliser mes rêves, mes désirs et mes fantasmes... je vais convoquer le conseil d’administration, mettre mes parts en vente et quitter cette boîte qui m’a bouffé la vie. Après ça je me tire dans le Sud et j’y resterai jusqu’à... enfin, j’y resterai".

Il s’est tenu à ses promesses faites à lui-même. Un conseil d’administration expéditif, sans donner de précisions... La Société est fiable et est l’une des plus importante sur le marché international, il n’a pas eu à tenir un long discours. Juste quelques mots pour dire qu’il en avait fait le tour, qu’il laissait entre de bonnes mains ce que ses parents puis lui-même avaient construit. Pas de pot d’adieux, pas un mot sur sa maladie... un départ sans tambour ni trompette, discret comme il a toujours vécu.

Une secrétaire et un ami de longue date lui ont préparé ses cartons. L’ami a bien tenté d’en savoir plus sur les raisons de ce départ précipité mais sans résultat.
Début octobre, c’est à dire quelques jours plus tard, libéré de toutes ses obligations, Jean cherche une location longue durée dans le Sud. Il ne tient pas à regarder à la dépense, l’argent n’a jamais vraiment compté pour lui et de toutes les façons, avec ce qu’il détient en comptes et en liquidité, il ne se fait aucun souci quant à son niveau de vie et à ce qu’il pourra offrir.

Il a prévu de mettre son appartement aussi en location avec le personnel au service du ou des futurs occupants. Ce soir, il est entièrement libre. Il se met sur l’ordinateur, pour lancer son annonce. Cela fait plusieurs jours qu’elle lui trottait dans la tête... Il a choisi et s’est inscrit sur un site au hasard, a recherché son avatar et rédigé sa présentation et sa première et dernière annonce. Devant l’écran bleu, il attend.

Le soir même Charline répond, ils se présentent respectivement et succinctement et il a tilté sur le profil et la photo de la jeune femme.
  Au petit matin, il confirme la location pour le Sud près de Cassis, met en vrac quelques affaires, prend un billet d’avion et l’après-midi même il est à Marseille à la gare Saint Charles. De là, il prend une location de voiture et se rend à l’agence immobilière pour signer le contrat.

  En fin d’après-midi tout est réglé, il a les clefs et il se rend au mas sur la route des crêtes, une route sinueuse, magnifique, telle qu’il avait imaginé l’endroit. Quant au mas, l’aspect extérieur démontre la conscience professionnelle de l’agence "Du Bord de Mer" auprès de laquelle il a signé le contrat, un contrat à 4250 € la semaine.

Le portail d’entrée déjà est surprenant, sur l’énorme trousseau de clefs remis à l’agence, il avait bien remarqué cette clef d’un autre temps, il comprend à présent son utilisation. Le portail d’un vert ancien est en fer forgé, quasiment infranchissable. Il s’ouvre sur une allée gravillonnée en blanc, tranchant avec les massifs floraux de toutes les couleurs qui la bordent. Un puits trône au centre d’une immense cour elle aussi gravillonnée, une glycine flétrie garnit le mur d’une immense bâtisse comportant sept chambres, une salle à manger grandiose et une cuisine de Chef.

L’endroit est vraiment remarquable et Jean ne regrette en rien cette petite folie. Sa cuisinière et sa "dame de compagnie" doivent le rejoindre le lendemain. Il leur a accordé ce privilège, n’y connaissant rien en cuisine et en lingerie, elles sont pour lui indispensables. Tous frais payés, elles seront hébergées et gracieusement rémunérées pour les semaines à venir, elles ont accepté sans rechigner l’offre de leur patron sans même poser de question.

Sur l’arrière, surplombant l’immensité de la mer, une piscine olympique occupe la moitié du parc où vieux cèdres et vieux oliviers semblent faire bon ménage. Elle semble ensuite plonger sous l’infrastructure de la maison.
Usé par le voyage et une forme d’excitation qu’il ne parvenait pas à comprendre, il s’est installé sur la grande terrasse, ouvre son ordinateur portable et envoie un message à Charline.
"Salut... C’est Jean... Bon je suis sur place, tu peux me rejoindre dès que possible, tu verras, tu ne vas pas regretter, enfin... du moins le cadre... Après j’espère que tu ne regretteras pas non plus ta décision de m’accompagner durant cette semaine. Je te promets qu’elle te restera inoubliable. Bises et à très vite" !

N’ayant rien d’autre à faire à l’instant, il en profite pour répondre à une deuxième candidate. Myriam vingt ans, a elle aussi était sensible à son annonce.
"Bonjour Myriam. Je vois que mon petit message a attiré votre attention. N’hésitez pas à me contacter en "MP" si vous désirez plus de renseignements. Soyez certaine que vous recevrez une réponse rapide. Bien à vous - Jean" !

Il est dix-huit heures, l’écran reste vierge. Jean décide de se dégourdir les jambes. Quelques pas le long de la falaise ne lui feront pas de mal et Yves lui a dit de se remettre un peu au sport. Il s’apprête à allumer une cigarette, mais les mots de son médecin stoppent net son geste... "Arrête le tabac et l’alcool"...

"Et puis merde, si je n’ai que si peu de temps devant moi je ne vois pas pourquoi j’arrêterai".
Tout en se disant cela, il range cependant la cigarette dans son étui doré. Devant lui, la mer s’étend à perte de vue en contrebas de la falaise. Les mouettes semblent se battre contre le vent dans un balai vertigineux. L’air iodé lui fait du bien, il pense à Charline qui sera certainement là très vite et à Myriam dont il sait qu’il aura probablement un retour dans la soirée. Heureusement, les douleurs ont repris sans doute à cause de la fatigue de la journée. Être devant l’ordinateur l’aidera peut-être à évacuer le stress qui accompagne son état.

***


25 décembre 2010 9h30

Delphine somnole après cette triste nuit dans le fauteuil, toujours aux côtés de Jean. Elle a eu tout le temps de repenser à ce que lui avait dit son "amant" concernant ce qui devrait advenir de son corps après son décès. Elle avait aimé sa métaphore :

"Je t’ai dit que je voulais que mes cendres aillent à la mer... il y a une raison à cela. La mer c’est un peu comme les souvenirs. A marée haute ils sont là nombreux, remuant, ils se fracassent contre les rochers de la mémoire. Puis vient l’heure de l’étale, lorsque le courant est nul. Les souvenirs sont présents, ils se laissent porter. Enfin la marée baisse, mais l’océan ne disparaît pas, il devient juste un peu plus lointain. C’est comme cela que je veux que tu te souviennes de moi. Au début je serai très présent à ton esprit, puis petit à petit, comme la marée, je m’éloignerai pour te laisser une plage de sable doré où tu pourras repartir apaisée, certaine que, par instant, je reviendrai et ce sont les plus doux moments qui resteront gravés. Il avait ajouter comme pour lui-même, Ne ferme jamais la porte au passé, laisse le entrer pour qu’il puisse s’en aller ensuite pour faire place à l’avenir".

  La porte s’ouvre, un homme vêtu de noir entre après avoir tapé du bout d’un doigt sur la vitre.
"Bonjour Madame. Je suis le directeur de l’agence des pompes funèbres. Je voulais vous prévenir que nous allons procédé au déplacement du corps du défunt dans quelques minutes. Il sera installé dans la chambre mortuaire. Je vais vous demander d’attendre quelques instants dans la salle d’accueil de l’étage. Je reviendrai vers vous lorsque nous aurons terminé et je vous conduirai, si vous le désirez, là où le corps aura été déposé en attendant la suite pour l’organisation des funérailles. Si vous voulez bien me suivre".

Delphine se lève, fébrile, blanche.
"Bonjour Monsieur, bien sûr, je comprends. Oui je vous attendrai à l’accueil".
D’un pas mal assuré, Delphine quitte la pièce, le mouchoir à la main, son sac dans l’autre. En passant le couloir, elle aperçoit par la vitre du fond que la neige tombe toujours à gros flocons. Elle s’en approche, non pour la regarder tomber, mais parce que la machine à café est à cet emplacement. Elle sort de son sac une pièce d’un euro, choisit un café court sucré. La machine fait un bruit phénoménal qui retentit dans tout le couloir. Elle en est presque gênée. Elle prend le gobelet et va s’asseoir à l’accueil lorsque son téléphone vibre à nouveau. C’est Claude qui tente de la joindre.

"Bonjour Delphine ! Quelle tristesse. C’était un homme charmant. Je souhaiterais vous en parler de vive voix, puis-je vous appeler si cela ne vous gêne pas ?
Bien à vous
Claude"
Bien que l’envie lui manque, Delphine prend l’initiative de descendre au rez-de-chaussée et de sortir sur le parking. Elle appelle Claude dont le numéro s’est affiché. Claude décroche tout de suite.
"Allô ! Delphine" ?
"Oui... Bonjour ! Vous connaissez mon prénom" ?
"Ah oui, pardon... Jean m’a parlé de vous, brièvement, mais il m’a bien fait comprendre que vous étiez la dernière à lui avoir répondu. J’en ai déduit que ça ne pouvait être que vous".
"D’accord, pas de souci, d’ailleurs c’est mieux de s’appeler par nos prénoms".
"Je ne vais pas vous tenir longtemps. Je pense que Jean vous a parlé de moi et de ma relation avec lui" ?
"Oui en effet" !
"Alors vous savez qu’il ne s’est rien passé entre lui et moi ? Je n’ai répondu à son annonce que pour me rendre utile à un moment difficile de ma vie, pour me changer les idées en quelques sortes. Nous nous étions mis d’accord sur la toile il savait que je ne voulais rien faire avec lui, simplement parler, rire, et parler encore... Lui comme moi nous avions notre sac à vider".

"Oui il m’a dit tout cela, et je peux t’assurer, ça ne te dérange pas si je te dis tu" ?
"Non, non" !
"Ok merci, oui, je peux t’assurer que tu lui as été d’un grand réconfort. Il n’a jamais regretté cette relation homme-femme, sans espérer autre chose que d’être écouter lui aussi" !
"Merci, je voulais juste que ce soit bien clair entre nous car je vais assister aux obsèques lorsque la date et le lieu seront fixés. Je ne voulais pas qu’il y ait un malaise entre nous".
"Il n’y en aurait pas eu... Mais quand t’a t-il parlé de moi" ?
"Il y a une quinzaine de jours... En fait, il m’a remercié d’une façon inattendue..."
"Ah et comment ça" ?
"Il m’a téléphoné, m’a dit d’ouvrir ma fenêtre et de regarder dans la rue... C’est ce que j’ai fait".
"Et alors" ?
"Alors, il y avait un superbe SUV neuf garé en bas de chez moi avec un énorme ruban rose" !
"Ah oui... c’est bien Jean ça"
"Tu le verras, je viendrai avec. Il avait fait déposer les clefs dans ma boîte aux lettres. En raccrochant il m’a dit qu’il était heureux, qu’il avait rencontré enfin la femme de sa vie, il pleurait... cette femme c’était toi".

"Pardonne moi... je dois raccrocher".
Delphine n’en peut plus. C’en est trop. Trop de bonheur si vite effacé par cette disparition et ce vide immense à présent. Elle aussi avait trouvé l’amour de sa vie.
Elle regagne l’accueil et croise l’infirmière.
"Vous êtes bien pâle, quelque chose ne va pas ? Vous avez besoin de vous reposer" ?
"Non, j’ai quelques vertiges passagers depuis ce matin. Je dois être fatiguée mais je vais rester encore un peu".
"Vous désirez quelque chose ? Je peux vous faire apporter un plateau du petit déjeuner, il en reste toujours" ?
"Oui, volontiers, c’est vraiment gentil de votre part".
"D’accord, allez vous asseoir, je reviens".
Après avoir regagné sa chaise, Delphine s’effondre en larmes. Elle en a connu des chagrins d’amour, des déceptions, des ruptures difficiles, mais là, aimer follement un être et le perdre aussi vite, cela lui est insupportable.

Lorsque l’infirmière revient avec son plateau, elle découvre la jeune femme avachie, complètement perdue.
"Vous devriez quand même vous reposer... Vous êtes épuisée et pour ce matin il n’y a plus grand chose à faire, si ce n’est attendre"...
Delphine ne relève pas... Mais attendre quoi ? Il n’a plus de famille proche, alors si ce ne sont que quelques amis et collaborateurs qui vont apprendre la nouvelle, personne ne viendra à ses côtés en ce jour de Noël.

"Nous avons une salle de repos et de recueillement pour les familles... Même si ... enfin, même si vous n’en faites pas partie, vous étiez probablement une intime pour lui. Vous pouvez donc aller vous reposer quelques heures, le temps que les démarches administratives s’effectuent, je vous y conduirai lorsque vous aurez fini votre plateau petit déjeuner".

Delphine accepte de la tête et parvient à faire apparaître un faible sourire sur ses lèvres blanches. Dormir ne serait-ce qu’une heure ou deux ça ne lui ferait pas de mal. Pour les pompes funèbres, elle trouvera bien au secrétariat le moyen de les contacter et au pire, l’administration saura lui dire où repose Jean.

***

Samedi 9 octobre 2010 - 7h30

Jean a passé une nuit affreuse, sa tête en est une preuve irréfutable. Cernes, teint gris, mal rasé ou plus exactement, pas encore rasé, il s’en veut. Il voulait être le plus présentable possible pour l’arrivée de Charline... c’est loupé.

"Monsieur, votre petit déjeuner est prêt" !
"Merci Louise... je n’ai pas très faim mais je vais me forcer ! Pour ce midi, préparez quelque chose de léger, genre poulet haricots verts... je ne pense pas manger beaucoup. Ce soir j’emmène notre visiteuse au restaurant autant ne pas avoir le ventre trop plein. Et prenez votre après-midi, profitez de votre soirée aussi" !

La cuisinière est aux anges. Jean, lui, a tout prévu. Charline doit arriver dans la matinée, après lui avoir fait faire le tour du propriétaire, il la conduira sur la falaise et ils se promèneront pour pouvoir échanger et apprendre à se connaître tranquillement. Vu la silhouette sportive de la jeune femme, cela devrait lui convenir. L’appétit vient en mangeant dit-on... effectivement, il engloutit son petit déjeuner sans même s’en rendre compte. A peine fini, il file sous la douche, Charline ne devrait pas tarder.

En effet, à bord de sa Fiat 500 elle est en approche. Comment la définir ? Charline est à la fois une bombe sexuelle et un garçon manqué. Ses cheveux mi-longs sur les épaules, sa silhouette aux formes impeccables, ses cuisses musclées et ses fesses bien remplies font d’elle la femme qu’elle est. Sa tenue est l’inverse, celle du garçon manqué qu’elle a dû être durant sa jeunesse. Chemise et pantalon en jean, baskets blanches, un regard vert qui dit tout de sa détermination, comme ses pommettes hautes et son menton volontaire. Elle sait qu’elle plaît aux hommes, un atout de plus pour elle même si elle n’est pas de celles qui profitent de leurs formes.

La voiture se gare dans l’allée gravillonnée, presque silencieuse. Jean n’attend pas pour l’accueillir sur le perron. Il guettait son arrivée depuis quelques minutes déjà.
"Salut Charline" !
"Bonjour Jean" !
Un échange simple, l’un et l’autre se toise. Jean n’est pas déçu. Elle est formidablement belle. Charline elle, avec son regard professionnel, remarque tout de suite les traits tirés de son hôte, les cernes qu’il a sous les yeux et ce teint... déjà cireux.

"Tu as fait bonne route" ?
Jean prend la valise que Charline a sorti. Puis il l’entraîne à l’intérieur en passant son bras sous le sien.
"Ne restons pas dehors, je vais te faire voir ta chambre... si tu veux ! Ensuite, si tu souhaites te rafraîchir tu as le temps. Après je te ferai visiter la propriété".
Charline suit Jean. Elle reste silencieuse pour le moment, observe ce gars à qui elle a eu l’audace, elle n’en revient toujours pas, de dire oui pour une semaine étrange, une semaine durant laquelle elle sait qu’il y aura un rapprochement physique. Mais Jean est loin d’être laid, c’est même un très beau gars malgré son visage fatigué. Cela l’aurait rassurée si elle en avait eu besoin mais c’est consciemment qu’elle s’est lancée dans cette aventure. Alors... Aléa Jacta est après tout, devenir l’amante pour quelques jours d’un type aussi charmant ce n’est que du plaisir et qu’importe ce que pourrait en penser certains...

Lorsque Charline pénètre dans la chambre, le charme agit à l’instant. Une grande et belle pièce lumineuse, décoration impeccable, super grand lit, miroirs en face, salle de bains individuelle attenante... et... un bouquet de roses fraîches déposé sur le lit. Délicate attention de Jean.

"Comment tu trouves ta chambre" ?
"Superbe, et encore, le mot est faible. Merci pour les fleurs, c’est aimable à toi et cela me touche" !
Charline se rapproche de Jean et fait claquer un baiser sur sa joue.
"On ne s’est même pas fait la bise quand je suis arrivée... Il était temps d’y remédier non" ?
"Oui, en fait, je n’ai pas osé... j’aime prendre mon temps même si il est compté, pour faire connaissance. Je te laisse te rafraîchir et je t’attends en bas" !
Jean a déposé la valise aux pieds du lit. Charline fait le tour de la chambre, écarte les rideaux de l’immense fenêtre pour laisser passer encore plus le pâle soleil d’automne.
La salle de bains est tout aussi belle que la chambre. Elle se décide pour une douche malgré la baignoire à l’ancienne qui occupe une belle partie de la pièce. Sans perdre de temps elle se retrouve nue sous la douche. L’eau qui ruisselle lui procure un bien-être fou. Elle a de jolis seins en forme de poire aux auréoles brunes, pas très larges. Un miroir embué lui renvoie son image, elle se trouve jolie elle sait déjà qu’elle plaît à son hôte.

En bas, Jean attend, un peu impatient. Il a hâte de faire découvrir la propriété à son invitée, hâte de faire plus ample connaissance. Il en a presque oublié le mal qui le ronge et l’entraîne inexorablement vers la fin du voyage.

Charline rejoint enfin Jean. Elle a opté pour un jean moulant et un chemisier blanc, ample, léger, qui laisse deviner que, dessous, rien ne retient ses seins. Un gilet gris perle termine cette tenue plus qu’excitante pour Jean qui ne parvient pas à quitter des yeux la poitrine alléchante de la charmante jeune femme. Charline n’est pas sans le remarquer...

"On dirait que je te plais ainsi" ?
Jean rougit légèrement ce qui donne à son teint meilleure allure.
"Oui, beaucoup... Tu es très jolie... On visite" ?
"Comment, tu veux déjà visiter... tu es un rapide" ! (rires)
Charline a bien compris que Jean lui parle de visiter la propriété, mais elle s’amuse des joues cette fois bien rouges de son hôte qui lui n’a pas compris ce petit trait d’humour.
"Allons... fais moi donc visiter ton domaine, je rigolais ne t’affole pas" !

***

25 décembre 2010 10h00

Delphine s’est installée comme le lui a proposé l’infirmière dans la salle de repos. Étendue elle ressasse les deniers jours, surtout le mercredi 22 décembre. Ce jour là, Jean n’était pas bien, il avait dû faire un véritable effort pour l’accompagner faire les courses de Noël.

Elle le revoit le teint cireux, les yeux rougis par l’absence de sommeil. Il n’avait quasiment pas dormi, les douleurs étaient telles qu’il était resté vautré dans le canapé. Delphine était restée à ses côtés.

"Mon chéri, si tu veux nous irons demain, il sera toujours temps" !
Il avait refusé, tendrement en lui répondant :
"Tu sais que ce sera le dernier réveillon ! Je veux être à tes côtés pour les achats. Nous n’en aurons pas pour longtemps, je me reposerai au retour... Ça va déjà mieux maintenant mais je vais quand même te laisser conduire" !

Il avait menti, ça n’allait pas mieux du tout et elle le savait. Pourtant elle n’avait rien trouver à objecter. Ils étaient partis tôt, dès l’ouverture des commerce. Une dinde, des châtaignes, des huîtres, une bûche glacée... non il n’y en aurait pas pour longtemps. Mais restait-il assez de temps à Jean ?

Au retour des courses, il était allé s’allonger. Elle avait mis le tout au frigo, s’était fait couler un café, un expresso plus exactement... et un pour Jean même s’il le digérait de plus en plus mal. Delphine lui avait porté dans la chambre aux fenêtres légèrement ouvertes pour laisser entrer l’air frais. Elle avait trouvé Jean encore plus blanc, un filet de sang coulant à la commissure des lèvres. Il n’avait pas répondu à ses appels, et, prise de panique, elle avait composé le "18".

"Venez vite, mon compagnon ne va pas bien du tout, il saigne" !
"Bonjour, dites m’en plus, tout d’abord qui êtes vous, où habitez vous" ?
"Je suis la compagne de Jean........."
Elle avait donné le nom de Jean, l’adresse, les observations qu’elle avait pu faire... énervée elle avait répondu que non, il n’était pas conscient, que oui, il respirait encore, qu’il avait un traitement pour un cancer en phase terminale... elle avait attendu encore et encore, le temps semblait interminable, une autre personne lui avait parlé dans le combiné.

"Les secours sont en route, restez à ses côtés, même s’il n’est pas conscient, parlez lui, tenez lui la main, rassurez le. Le SAMU ne devrait pas être long laissez la porte ouverte" !
Elle avait fait ce qu’on lui demandait. Et puis tout était allé très vite au final. L’ambulance devant la porte, les courants d’air, le deux-tons, les gens qui s’arrêtent pour épier, observer, papoter...

Et puis, le sommeil prend enfin le dessus. Delphine laisse derrière elle ces mauvais souvenirs, elle s’endort cette fois profondément.
... à suivre
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