Le site de l'histoire érotique
  • Histoire érotique écrite par
  • Fantasme
  • Publié le
  • Lue {{{NB_VUES}}} fois
  • 42 J'aime
  • 1 Commentaire

La Corotte de Tchotchon

Chapitre 3

L'envol de la coccinelle

Inceste
Un milieu de semaine ordinaire, un de ces mercredis où le ciel gardait un air de tristesse. Partagé entre un petit coin de bleu et de gros nuages gris, il annonçait un automne qui ne voulait pas encore donner son tempo à une forêt frémissante sous la bise. Au bout du chemin tout neuf que le nouveau maire du village venait de faire goudronner, une camionnette avançait cahin-caha, essoufflée par la raideur de la montée. Mon esprit assimilait cette grosse caisse à roulette ondulée à la voiture du marchand de bestiaux. Celui-ci était venu chercher les veaux en fin de printemps et je ne comprenais pas pourquoi, il remontait à la maison.
Quand enfin le véhicule s’arrêtait devant la grange, le garçon qui en descendait n’avait rien de la boule de graisse qu’était le maquignon. Non, celui qui venait avait l’air d’un gosse. Il ne devait guère avoir plus que mon âge et à sa tête qu’il secouait de haut en bas, je sentais confusément qu’il était perdu. Depuis le départ de Louis pour la ferme qu’il avait repris avec sa dulcinée, j’étais de nouveau seule avec papa. Et pour l’heure, mon homme se trouvait occupé à planter des piquets pour sécuriser notre parc à vaches. Zébra notre taureau l’avait mis à mal un jour où il avait senti que l’une de ses femelles était en chaleur.
Je poussais donc la porte pour demander à l’intrus ce qu’il voulait. Le jeune homme avait les yeux d’un bleu fascinant. En me voyant, il avait repris un peu de couleur.
— Je cherche la ferme de Louis…— Louis ? C’est mon frère ! Mais vous êtes allé trop loin ! Au premier carrefour à la sortie du village, vous auriez dû tourner à gauche et non pas à droite.— Ah merde… il y a beaucoup de chemin encore après le croisement ? Foutu pays où il n’y a rien d’indiqué.— Non, mais comme vous devez repartir dans l’autre sens, ça risque de vous prendre encore une petite demi-heure. Mais avec un engin comme celui-ci… c’est normalement vite fait.— Oh oui ! Vos routes ne sont pas trop mauvaises, on voit qu’elles ont été refaites il n’y a pas longtemps.— Oui le maire… a des sous à dépenser. Nous n’avons pas d’automobile nous ! Alors…— Il a raison de penser à des gens comme moi qui passent leur temps sur les chemins…— On peut dire que vous avez une place assise vous alors…
L’autre me regardait avec une sorte de sourire.
— Vous lui amenez quoi à mon frère ?— Du grain et des planches qu’il a commandés en ville et puis… la camionnette elle aussi est pour lui— Eh ben ! Louis aussi a des sous à jeter par les fenêtres, on dirait !— … vous êtes bonne vous ! Sacrément près des cordons de votre bourse à ce que je vois… je dois gagner ma vie. Bon, je dois y aller, il doit m’attendre pour me raccompagner au train. Je vous souhaite une bonne journée, Madame !
La guimbarde repartait dans un bruit de moteur qui troublait le calme de ce début d’après-midi. Louis s’était marié fin mars avec une fille que j’avais du mal à imaginer dans les champs ou à la lessive. Brune, fine pour ne pas dire maigre, elle avait un joli visage bien maquillé le jour de leurs noces. Puis avec papa, ils étaient restés longtemps tous les deux à discuter pendant que sa femme dansait avec moi. Elle se montrait gentille et courtoise, avec son petit ventre sacrément rond, mais je ne la sentais guère taillée pour une vie rude comme celle de nos campagnes.
Enfin, ils avaient choisi et n’étaient restés avec nous que le temps de trouver la ferme du père Labaut qui vendait ses terres. Je ne savais pas comment Louis avait trouvé l’argent pour cette acquisition. Et franchement, je m’en fichais. Papa et moi avions repris nos petites habitudes et puisque nous étions à nouveau seuls, j’avais une fois encore transbahuté mes hardes dans sa chambre. Durant les trois jours de noces, nous nous étions abstenus de ces rapprochements corporels qui me manquaient autant qu’à lui. De plus, Louis avait fait miauler sa mijaurée assez longuement, suffisamment pour nous prouver qu’elle était bien sa femme.

Dès son retour, celui que je devais bien considérer comme mon homme, rentré pour le diner, avait appris de ma bouche la visite que j’avais eue.
— Ah bon ? Louis a acheté une camionnette ? C’est bien ça ! Pour nous aussi. Il viendra nous voir plus souvent et puis pour aller au marché ou à la messe du dimanche…— Il est bien riche mon frère pour se payer des trucs pareils. À moins que sa belle n’ait eu une grosse dote !— Tu sais Caroline, il faudra que l’on se parle un de ces soirs… je t’apprendrai deux ou trois choses sur notre famille…— Mais je connais tout de notre famille, non ? — Tu te souviens de ma grand-mère, Maria ? — Ben non.— C’est normal, quand elle est morte, tu n’avais que deux ans. Un coup de pied d’une vache malveillante pendant la traite du soir. Elle a trainé huit jours la malheureuse avant de rendre son âme à Dieu.— Personne ne m’en a jamais dit un mot. — Il y a des trucs qu’il vaut mieux oublier… en attendant, mémère Maria était riche, comme crésus même.— Ah bon ! Alors pourquoi on se traine une pareille misère ? C’est drôle ça.— Il faut toujours garder une poire pour la soif… mais Louis a eu sa part de cet héritage. Tu auras aussi la tienne. Et il serait peut-être bon que toi aussi, tu passes le permis de conduire une automobile. Pour moi, il est trop tard.— Moi ? Mais… je ne sais pas trop…
La discussion s’était interrompue là, sur cette idée lancée en l’air. Depuis son mariage, Louis avait vu le ventre d’Isabelle de plus en plus arrondi, jusqu’à ce qu’elle lui ponde un bébé que je jugeais moche. Mais l’enfant prenait vite du poids et s’avérait devenir une jolie gamine que les heureux parents voulaient prénommer Léa. Ce dimanche matin, à la sortie de l’office, Isabelle, accompagnée de ses parents, de mon frère et de la minuscule Léa, avaient tous été invités à prendre le vin de noix pour l’apéritif chez nous. La découverte de mon frère au volant de sa camionnette flambant neuve me surprenait.
Pour remonter à la ferme, ça nous avait pris vingt fois moins de temps que faire le chemin à pied. Belle invention ma foi ! Lors de cet apéro assez sympa où tout le monde discutait en même temps, j’avais appris que le mari d’Isabelle voulait se lancer dans l’élevage et le commerce de cochons. Les planches de la livraison étaient destinées à fabriquer de petites cabanes pour abriter les porcs. Papa trouvait l’idée géniale et surtout rentable. Alors il promit notre aide au couple nouveau. C’était alors que Louis m’avait coincée dans la cave, pendant que j’allais y chercher une autre bouteille d’apéro.
Il avait eu les mains baladeuses, mais je l’avais sèchement repoussé. Pas question qu’il recommençât ses attouchements, surtout avec sa femme et sa fille dans la cuisine. Et c’était bien là, entre les bocaux de conserve et les confitures sur les étagères, qu’il m’avait fait une demande surprenante.
— Allons ne fait pas l’enfant Caroline. Ce n’était que pour te taquiner. J’ai ce qu’il me faut à la maison, et puis tu vois bien que ma femme me rend heureux. Je voulais te demander en privé…— Il te faut me parler dans la cave ? J’imagine le caractère privé de ta requête…— Ben… nous aimerions, Isabelle et moi que tu sois la marraine de notre petite Léa ! Il faut qu’elle soit baptisée, donc nous avons pensé que ce serait bien que tu sois celle qui veillerait sur notre fille… en cas de malheur.— Et qui sera le parrain ?— Le fils de la tante d’Isabelle. Tu ne dois pas le connaitre. Il s’appelle Gustave et est un peu plus âgé que nous. Célibataire, il est un peu artiste…— Et il fait quoi ? Artiste… ça ne veut rien dire.— Il peint et d’après Josiane ses toiles valent déjà des fortunes.— En parlant de fortune, papa m’a parlé d’un partage des biens de notre arrière-grand-mère Maria… — C’est bien qu’il l’ait fait. Tu y as droit aussi. Je te donnerai l’adresse de l’acheteur pour les Louis et les Napoléons. Ça nous a permis de nous lancer dans l’élevage des cochons… tu devrais passer le permis pour acheter une petite voiture…— … !
Je n’avais rien à rétorquer à cela. Qu’est-ce que c’était que cette manie de vouloir tous me voir passer un permis pour rouler en automobile ? Cette idée, si elle me terrorisait, me fascinait également. Je me bornais donc à lui donner mon accord pour devenir la marraine de ma nièce. Lorsque nous avions débouché dans la cuisine par les escaliers de la cave, les mirettes d’Isabelle étaient rivées sur moi. Interrogative, mais muette, elle semblait attendre anxieusement ce que j’avais dit à son mari. L’impression qu’un soupir éclatait comme une bulle hors de son gosier, alors qu’elle levait comme tous son verre pour trinquer en ce beau dimanche plein de promesses.
— oooOOooo —

Par un novembre embrumé, tout le village assistait à la messe de ce dimanche frisquet. L’attraction du bled c’était le baptême de la petite Léa. Les hommes avaient tous passés costume et cravate. Quant aux femmes, toutes s’étaient endimanchées, plus encore que pour une messe ordinaire. La fillette pour qui je portais le cierge de la lumière divine n’avait pas même eu un sursaut lorsque notre bon père abbé lui avait fait couler l’eau bénite sur le sommet du crâne. Un grand type tenant également une bougie dansait d’un pied sur l’autre à deux pas de moi. On aurait dit qu’il avait la bougeotte.
Ensemble, le prêtre nous invitait à signer les registres de l’église. Puis ce serait l’heure de la fête et celle-ci avait lieu chez mon frère. C’était encore un voyage en camionnette qui nous y menait. À mes côtés, papa et ce fameux parrain de la petite Léa, et mon idée première restait que ces deux-là ne devaient guère être éloignés en âge. Une paire de lunettes rondes donnait à ce parrain, l’air plus vieux que ce qu’il l’était en réalité ? Ma déception de ne pas trouver en cet homme les traits quelconques que j’espérais voir chez un artiste peintre devait se lire sur mon visage. Et dire qu’il ne me lâchait plus les basques alors qu’en compagnie d’une partie des invités, Louis nous faisait visiter son univers.
Notre père n’avait pas voulu venir, il avait suffisamment contribué à la fabrication de ses baraquements qui abriteraient dans les jours à venir les bestioles roses. Il suivait néanmoins de loin le parcours de tous ces gens qui se promenaient dans l’immense espace de liberté qui serait le nouvel habitat des jambons sur pattes. Et le manège du toutou qui me flairait plus que la normale ne lui échappait pas. Alors que je prenais place à table, il m’avait discrètement interpellé.
— Je crois que tu as fait une touche ma belle. Peut-être qu’il est temps pour toi de revenir à une vie plus… saine.— Quoi ?— Chut ! Nous en reparlerons ce soir à la maison. Tu as bien vu que ta belle-sœur t’a placé aux côtés de son cousin… ce n’est pas pour rien.— Elle peut toujours se brosser… si elle croit que je vais plonger dans les bras de ce type.— Allons ne parle pas si fort. Et puis ça ne peut que t’être salutaire de t’ouvrir au monde. Je ne suis que la solution de rechange, temporaire en quelque sorte.— Tu veux donc me mettre à la porte ?— Comme tu y vas ! Bon ! Je ne pense pas que ce soit le lieu et le moment pour discuter de cela. Ne rejette pas trop vite ce prétendant qui me semble fort intéressé par la belle femme que tu es. Je me fais vieux…— N’importe quoi ! Tu as raison, on en reparle chez nous !
Tout au long de ce repas de fête, j’avais dû faire bonne figure. Me montrer souriante avec ce gars qui ne m’inspirait aucune sympathie particulière. De plus il ne me paraissait pas avoir inventé l’eau chaude. Ses yeux, planqués sous des verres aussi épais que des culs de bouteille ne manquaient aucune occasion pour s’appesantir sur les formes de mon corps que je ne pouvais guère dissimuler. Ma poitrine avait l’heur de lui plaire tout particulièrement. Comment me dépêtrer de ce pot de colle qui ne me quittait pas d’une semelle ?
Pour un peu il m’aurait même suivie aux cabinets alors que j’avais un besoin pressant à assouvir. Le sourire énigmatique de papa, qui en bout de tablée, proche de la belle-mère de Louis s’amusait de la situation, m’énervait de plus en plus. Dans la grange où les convives étaient installés, la température montait, contrastant avec l’air froid de l’extérieur. Puis vint le moment où la musique remplaça les paroles. Et quand le lourdaud se penchait vers moi, je me doutais bien de ce qu’il allait me demander.
— Vous savez danser Caroline ? Vous voulez bien être ma cavalière pour quelques pas sur cet air entraînant ?
Une valse aux accents doux enveloppait les invités de ses notes suaves. Je n’avais guère d’autre choix que de secouer le menton de haut en bas. La curieuse impression que des dizaines de paires d’yeux suivaient soudain les deux idiots qui se secouaient le corps sur les accords du disque qui tournait sur le phonographe. Papa avait-il perçu mon malaise ? Je le voyais qui se levait, accrochant au passage, la main de la femme du contremaitre. Josiane et lui aussi venaient de nous rejoindre sur le parquet improvisé. Ensuite, Isabelle et Louis, emportaient dans la ronde, des tas d’autres couples. Je me sentais bien mieux, noyée dans la masse.
Mon cavalier sentait bon ! Jamais je n’avais senti un tel parfum. Puis c’était un bon danseur et je devais faire pâle figure, moi qui connaissais tout juste les pas de la valse. Il me guidait, restant à bonne distance, ne tentant à aucun moment de me serrer contre son torse. Curieusement, ce type ne m’indisposait plus, pire, je me sentais protéger par cet énergumène. À quoi peuvent parfois tenir ou survenir les sentiments ? Après quelques tours de piste, nous nous étions éloignés de cette masse grouillante et rigolarde pour reprendre nos sièges respectifs.
Et dans le tumulte de la musique, des rires et des tas de bruits insolites, il avait courbé sa tête amenant sa bouche proche de mon oreille.
— Vous êtes une créature merveilleuse. Sans doute la plus belle de cette assemblée !— …— Vous savez que je suis peintre… je fais des portraits et votre visage, vos traits, tout chez vous mérite que l’on s’y attache.— … Je… qu’est-ce que vous voulez me faire passer comme message ?— Seulement que vous êtes belle, que j’aimerais immortaliser votre beauté sur une ou plusieurs toiles. — En voilà une de drôle d’idée. Qu’est-ce que vous entendez par là ?— Qu’un visage, un corps comme le vôtre méritent la lumière et l’admiration de tous. Mais c’est à vous de décider si cela vous plairait d’être mon modèle.
Perplexe, j’écartais de cette bouche trop mielleuse mon esgourde attentive. Trop belle cette voix pour être totalement honnête, sans doute ! Alors méfiance ma fille ! Ce type, avec sa peinture, me draguait d’une manière inhabituelle, comme personne ne l’avait jamais fait. Mais cela, ce n’était que parce que c’était surement aussi le premier à me complimenter. Il n’esquissait pas le moindre mouvement pour garder ma caboche proche de la sienne. Il en résultait que d’un coup, j’étais prise à un piège inconnu. Ce type m’intriguait pour de bon.
Nouvelle tentative aussi couronnée de succès pour une autre série de danses… musique langoureuse à laquelle je n’avais pas résisté. Comme les pas s’y prêtaient, nous nous étions un peu plus collés. Et j’avais su rapidement que ce type bandait. Je m’étais retrouvée submergée par des émotions ignorées. Un mec inconnu avait la gaule pour la femme que j’étais. Je ne cherchais pas à éviter ce qui, contre mon flanc, battait la mesure. Isabelle, au passage me faisait un clin d’œil. Avait-elle saisi que l’autre là avait un petit béguin ? Ou un gros coup de chaleur ?
En tous cas, on ne pouvait pas justifier ce qui arrivait par un excès de pinard. Nous n’avions bu qu’un verre depuis l’apéritif et encore le mien n’était qu’à demi vide. Nous étions de retour à notre table et curieusement, j’attendais bêtement qu’il me redemandât de poser pour lui. Le dialogue était orienté par moi dans cette espérance.
— Alors comme ça vous peignez ? Et on peut les voir où, vos fameuses… toiles ?— Pour cela, il vous suffit de venir chez moi. La plupart sont sur commande, mais parfois lorsqu’un modèle me plait, je garde déraisonnablement son portrait le plus longtemps possible.— Vous les vendez cher vos tableaux ?— … ça dépend de qui me l’achète… enfin parfois oui, une petite fortune.— Je vois… c’est à la tête du client quoi… ou plus surement de la cliente. Mais vous ne faites que des portraits ?— Essentiellement, mais, j’avoue que certains sujets peuvent devenir plus… intéressants.— Dites-moi… vous me peindriez comment si j’acceptais votre offre de poser pour vous ?— C’est simple. Couchée tout simplement sur un lit de mousse près d’un joli torrent ! Il n’en manque pas dans la région.— Vous voulez dire… nue ? Il vous arrive souvent de faire se dévêtir vos… celles que vous dessinez ?— Non ! Vous faites figure d’exception, mais vous n’étiez, tout à l’heure, pas très emballée, si j’ai tout bien suivi notre conversation.
Pourquoi l’idiote du village que je devais lui paraitre alors, balançait-elle une énormité, un pavé dans une mare calme ?
— Peut-être que vous avez des arguments qui m’ont fait réfléchir !
Bien entendu ce Gustave avait saisi la balle au bond et me titillait doucement, me poussant dans mes derniers retranchements, histoire de s’assurer qu’il avait bel et bien marqué mon esprit.
— Alors lesquels, charmante dame ? Vous en avez trop dit ou pas assez. — Ben… lorsque nous dansions… j’ai cru imaginer que…— Ah oui ! Vous voulez parler du manche de mon couteau… j’en suis désolé… d’ordinaire, il sait se faire plus discret.— … !— C’est bien la preuve flagrante que le courant passe entre vous et moi, jolie madame !
Le garçon m’avait pris par la main et m’invitait à me relever de mon siège. Je pensais qu’il me conduisait sur le parquet pour guincher. Mais il m’entraînait vers la porte de sortie. Dehors l’air avait encore fraichi davantage. Et lorsque le gaillard après suffisamment de pas pour s’assurer que personne ne nous verrait, m’avait enlacé, pourquoi aurais-je dû résister ? Le baiser échangé avait quelque de chose de magique. En ouvrant les yeux pour jeter un regard sur le visage de mon embrasseur, je crus distinguer une ombre qui se noyait dans un recoin.
Papa ? Louis ? Un homme ou une femme qui était au repas de baptême ? Gustave ne me laissait pas le temps de me poser trop de questions. Ses lèvres entrouvertes envoyaient une fois encore sa langue chercher un refuge confortable dans ma bouche. Je me pâmais dans les bras de cet homme que j’aurais bien juré ne pas encaisser au début du déjeuner. Allez savoir comment ces trucs-là arrivaient vraiment. Depuis la porte de grange entrebâillée, la frimousse d’Isabelle fouillait les alentours. Me cherchait-elle ?
Quand elle m’aperçut, nous nous étions déjà, mon cavalier et moi, sortis des bras l’un de l’autre. Alors la petite voix fluette nous haranguait avec un gloussement qui en disait long sur ce qu’elle pensait.
— Bon ! Les tourtereaux, le dessert va être servi, alors vous vous raconterez vos rêves un peu plus tard.
Nous étions rentrés, sans rien montrer. Il n’y avait pas grand-chose de toute façon à cacher. Et ma belle-sœur me souriait, alors qu’elle s’effaçait pour nous laisser pénétrer dans la salle improvisée. Mais son murmure n’était pas tombé dans l’oreille d’une sourde.
— Il te plait mon cousin Gustave, hein, Caroline ? Tu as raison, il est grand temps que tu trouves ton chemin. Ce n’est pas une vie de vivre une existence de vieille fille avec son père.
Pourquoi aurais-je dû me justifier ? Ça ne la regardait nullement, et puis ce n’était pas le jour à faire des embrouilles. Au fond de moi, il se préparait un grand bouleversement. Je n’imaginais même pas l’ampleur de ce qui me tombait dessus. Sans doute que pour la première fois, mon cœur battait pour un homme autre que ceux de ma famille, et j’en étais complètement chamboulée. À la cuisine où je me précipitais pour me passer de l’eau sur la figure, la femme de mon frère s’installait tranquillement, près du poêle.
Devant mes yeux écarquillés, elle m’offrait soudain un des plus beaux spectacles qu’il m’ait été donné de suivre. Elle venait d’ouvrir son caraco, en avait extirpé une mamelle qui me paraissait disproportionnée par rapport à son buste si frêle. La fraise brune exagérément enflée était happée par la bouche minuscule de ma filleule. Allez savoir pourquoi cette scène, bien normale à la campagne, venait de m’envoyer dans le ventre comme des spasmes incompréhensibles. Et Léa tétait goulument ce nichon blanc qui m’hypnotisait pour de bon !
Après la fête, papa ne m’avait pas desserré les dents pendant trois jours. Il fallait dire aussi que je n’allais pas forcément au contact. Gustave restait accroché comme un lumignon au fond de mon crâne. Les nuits dans notre chambre commune avaient été passées « à l’hôtel du cul tourné ». Je n’aurais pas voulu qu’il me tripote, et j’attendais qu’il soit endormi pour monter me coucher. Au matin du jeudi, il était arrivé de je ne sais où avec dans les mains une sorte de grosse cassette. D’un tiroir du bahut, une clé était apparue et la serrure s’ouvrait sur le contenu de ce petit coffret. Je n’en revenais pas ! Dans la tirelire, on ne pouvait que l’appeler comme ça, des centaines de pièces jaunes et quelques lingots. Sans un mot, papa avait alors extirpé une pile de pièces. Puis une seconde et deux lingots.
— Ça Carole, c’est exactement la part que j’ai donnée à ton frère pour son mariage et son affaire. Toi tu vas donc recevoir la même somme. Un peu plus, un bonus aussi, parce que tu as toujours fait du bon ouvrage ici et que j’ai toujours pu compter sur toi…— Mais… c’est quoi ces sous-là ? — Ceux que m’a légués ma grand-mère… Maria était rapiat comme pas possible. Mais elle a bien fait. Et puis nous n’avons jamais dépensé ta mère et moi. Je le regrette, elle aurait pu profiter un peu de tout ceci quand elle était encore de ce monde.— Et ça, c’est quoi comme pièces ? Elles ont beaucoup de valeur ?— Celles-ci, ce sont des Napoléons en or. Celles-là, des Louis d’or. Et il y a là deux lingots d’un kilo chacun pour ta dote.— Ma dote ? C’est quand on se marie que l’on a une dote, non ?— Oh, depuis le baptême c’est sur les rails non ? Il t’a touché au cœur le Gustave, je pense ! Même si toi tu ne le sais pas encore, je l’ai compris dès que je vous ai repéré en train de danser… ou de vous bécoter.— Bécoter… tu nous as suivis ? — Pas vraiment ! J’avais envie de pisser et je n’ai pas pu m’empêcher de… regarder ce que vous tramiez. Puis il y a ton comportement de ses dernières nuits… tu ne trompes personne, alors ne sois pas aussi triste.— C’est que je n’ai guère envie de quitter cette maison…— Un jour ou l’autre il le faudra bien. Il n’est pas bon pour une fille de donner à son père ce qui revient à son amoureux. J’aurai de toute manière eu le meilleur… et puis qui sait, tu reviendras peut-être de temps en temps me voir. — Et toi avec la Josiane… son Claude n’a rien vu ?— Il n’y avait rien à voir non plus. Je ne dis pas qu’elle n’est pas gentille, mais franchement, si elle n’avait pas de mari… je n’en voudrais pas non plus. Une bécasse…— C’est juste pour le jeu alors ?— Il ne s’est rien passé entre elle et moi et ça doit rester en l’état. Le beau-père de ton frère est un brave type. Il ne portera pas de cornes… de ma part du moins !
Mes mains se nouaient autour du cou de cet homme avec qui je passais le plus clair de mon temps depuis ma naissance. Il se montrait bon et généreux une fois encore. Pour lui j’étais prête à me donner, mais il me repoussait simplement.
— Non ! C’est fini ma jolie ! Tu appartiens à cet autre déjà ma Caroline. Tu ne le comprends peut-être pas encore, j’en suis parfaitement conscient moi et nous devons nous préparer à ton départ. Ce sera douloureux pour moi, je dois pourtant m’y faire et me résoudre à te voir quitter la maison.— Oh papa ! — Ne pleure pas ma fille. Je suis heureux et fier. Tout ce que tu sais de la vie te vient de moi. J’en ai bien profité, c’est au tour de celui que tu choisiras de faire ton éducation. Et ça peut être très différent de ce que tu crois. Alors, garde précieusement tes sous. Personne ne sait jamais à l’avance, de quoi demain sera fait.— Papa… pourquoi tu me racontes toutes ces bêtises ? Je veux rester chez nous moi.— Je ne te chasse pas ma fille. Mais tu dois vivre seule ou alors avec un homme qui te donnera de beaux enfants. Ton ventre est fait pour être labouré, tout comme celui de notre Isabelle que ton frère a déjà semaillé une fois. Vous êtes deux belles coquines et il n’y a pas à revenir sur ce que je viens de te dire. Maintenant, tu peux habiter ici tout le temps que tu voudras. Rien ne presse, mais il te faudra suivre un mari, bientôt. Alors, sors, amuse-toi encore quelque temps… ensuite, tu appartiendras à ta nouvelle famille.
Malgré une dernière tentative pour m’accrocher à son cou, mon père-amant me plantait dans la cuisine. Je savais qu’il avait mal au cœur, aux tripes autant que moi, et pourtant, il m’offrait le choix de vivre autrement. À vingt-quatre ans, j’avais encore toute une vie devant moi. Inutile de dire que cette nuit-là, je ruminais longuement, cherchant un sens à tout ce que ce père aimant m’avait raconté. L’aube toute neuve qui voyait le soleil prendre son essor dans un ciel pas très clair gardait sa part de mystère.
— oooOOooo —

Je venais de pousser la baie vitrée d’une école d’un nouveau genre. Un exploit pour la jeune paysanne que je restais. Louis était allé en ville la semaine précédente et il avait changé pour moi à la Banque de France deux des pièces de mon magot. Avec les billets ainsi récupérés, j’avais de quoi m’offrir ce fameux permis de conduire une automobile. Une femme aux tifs peints en rouge m’avait tendu une fiche pour une inscription dont je devais encore remplir chaque ligne. Une certaine somme d’argent déposée, la fausse rousse m’avait remis un reçu. Voilà ! J’étais une élève de cette auto-école !
Le Code de la route, un livre épais de deux centimètres, bardé de panneaux et d’articles, il me faudrait les connaitre sur le bout des doigts. Mais Louis avait promis aussi de m’aider et de me laisser le volant de son tacot sur les petites routes près de chez nous. Alors, pourquoi aurais-je dû me faire du mouron ? Par contre, je ne raconterai jamais à personne comment dans la caisse de son van, là où sur la paille sèche, il transportait les gorets pour ses clients, il m’avait fait l’amour.
C’était juste ainsi, sans fioriture, sur le bas-côté d’une route, celle qui nous ramenait dans nos collines, et personne n’avait à être au courant. J’avais de toute manière très envie de cela puisque mon autre amant me repoussait toujours depuis… des semaines. Trois mois plus tard, un examinateur, après m’avoir questionné durant une demi-heure, montré quelques panneaux et des images d’intersections avec pour tâche de lui rendre compte de qui devait passer en priorité, me faisait faire quelques kilomètres sur la route et dans les rues de la ville.
Un joli sésame couleur rose venait se ranger précieusement dans mon portefeuille. Cette fois, j’avais l’autorisation de conduire toute sorte de voitures motorisées. Et il était plus que temps que je me paie cette « deudeuche » qui me faisait de l’œil au garage du père Piopo. Pour tous, ce n’était qu’une deux-chevaux, mais c’était un air de liberté que cette voiture représentait pour moi. Et je connaissais un peintre qui se languissait de faire un portrait de cette paysanne paumée que je resterais toute ma vie… même avec une auto et quelques sous…
Il me fallait tout de même voir ma belle-sœur, pour connaitre l’adresse de ce cousin artiste. Le pot que j’offrais pour fêter mon permis et ma « Citron » me permettait de poser la question sans en avoir l’air. Isabelle et Louis n’étaient sans doute dupes de rien. Aucun des deux cependant ne faisait d’allusion désobligeante quant à ma requête. Papa lui, fier comme Artaban avait tenu à ce que nous fassions le tour de notre village à petite vitesse. Histoire de bien montrer à ces villageois que les péquenots de la « Corotte de Tchotchon » entraient eux aussi dans une aire résolument moderne.
Et pour bien le faire savoir, chez « Leduc » le marchand de meubles nous allions tous les deux commander ce qui pour nous devait être le synonyme de réussite, le luxe suprême… un poste de télévision. Le commerçant se ferait un plaisir de le livrer quinze jours plus tard et poserait l’antenne qui assurerait la réception des images… des trois chaines du poste. L’or de mémère Maria avait aussi du bon !
À suivre…
Diffuse en direct !
Regarder son live