Samedi, six heures du matin. Le réveil sonne, j’émerge doucement de mon sommeil et tâtonne pour le faire taire. J’ai oublié de le désactiver. Après avoir marmonné quelques jurons, j’allume la lampe de chevet puis tourne le dos à la lumière qui m’éblouit. Les minutes passent, mes paupières se décollent, ma vision s’éclaircit, je suis seul dans mon lit. Vêtu d’un boxer, j’abandonne le matelas en m’étirant et me dirige vers la cuisine. J’ai besoin de caféine. La carafe est vide, mais pas de panique : le filtre rempli de café moulu est installé et il y a de l’eau dans le réservoir. J’allume la cafetière avant de piocher deux morceaux de sucre dans la boîte posée juste à côté pour les mettre dans le mug sur l’évier. La machine crépite, un mince filet de caoua se met à couler. J’en profite pour aller devant le miroir de la salle de bains, histoire de voir la tête que j’ai. J’ouvre le robinet, me passe un peu d’eau froide sur le visage et pense à ma rencontre d’hier soir avec mes nouvelles voisines. J’avais un carton de déménagement dans les mains quand je les ai vues monter les dernières marches de l’escalier, deux corps élancés dans des robes d’été. Souriantes, elles m’ont salué avant de se présenter. D’abord Éva, brune aux yeux marron qui habite en face de chez moi. Puis Valérie, rousse avec des yeux bleus, locataire de l’appartement situé au-dessus de mon quarante mètres carrés. Après m’avoir proposé d’organiser une pendaison de crémaillère, elles se sont embrassées sur les lèvres, m’ont souhaité une bonne nuit et se sont séparées. Retour à l’instant présent. Je baisse la tête pour constater que ce souvenir de la veille me fait bander. J’ai accepté leur invitation, mon emménagement dans cet immeuble qui ne compte que trois logements sera célébré ce soir chez ma voisine de palier. En attendant, j’enlève mon sous-vêtement et m’introduis dans la cabine de douche. Je cherche l’équilibre thermique, fais mes ablutions en les imaginant me rejoindre afin de jouer à tour de rôle avec ma queue décalottée, récolter des caresses, des baisers... Trois coups de marteau intermittents, à peine audibles, interrompent brusquement mes pensées. — Ce n’est pas une heure raisonnable pour bricoler, me dis-je à voix haute avant de réaliser que je suis en train de me tromper. Précipitamment, j’attrape une serviette, l’enroule autour de mes hanches, et sors de la pièce en trottinant pour aller ouvrir la porte de mon appartement sans prendre le temps de regarder à travers le judas optique. Cheveux ébouriffés, vêtue d’une nuisette à fines bretelles, Éva me déshabille du regard. — Bonjour, désolée de te déranger. J’ai vu de la lumière sous ta porte, alors j’en ai déduit que tu étais déjà levé et que tu pourrais peut-être me dépanner.— Salut, de quoi as-tu besoin ?— D’un peu de lait pour mon petit-déjeuner, s’il te plaît.— Aucun problème, un instant, je vais le chercher. L’eau dégoulinante, qui menace à tout moment de me faire glisser, m’oblige à faire prudemment l’aller-retour. Revenu devant la moitié de mon fantasme, je sens la serviette se défaire et tomber sur mes pieds.
