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Deux frangines singulièrement différentes

Chapitre 1

Une sortie à Center Parcs, c'était l'idée de départ

Trash
Des mois de jachère sociale à déserter les lieux iconiques de notre divertissement m’avaient poussé à approuver l’idée d’une sortie à Center Parcs. En cette période de grand froid, l’envie de voir à nouveau la gent féminine dans son plus simple appareil avec, en fond, la nostalgie des jeux d’eau et des attractions aquatiques avait emporté mon enthousiasme. Sans véritablement forcer son talent, Léa, ma petite amie, était ainsi parvenue à nous convaincre – sa famille et moi-même – du bien-fondé de cette escapade ludique. Les détails de son organisation se réglèrent pratiquement d’eux-mêmes.
Au départ d’une route qui s’annonçait – heureusement – courte, nous étions donc serrés, tous les six, dans un monospace bordeaux que les périodes répétées de confinement avaient laissé dans un état anormalement propre.
Léa, s’occupant au milieu de son petit frère, Théo, de huit ans, en fit ironiquement la remarque. Saisissant la balle au rebond, ses parents entamèrent une énième discussion sur les raisons de telles mesures gouvernementales. Il était question d’état de droit, de relance économique, de service public et de bien d’autres sujets aujourd’hui devenus les lieux communs d’une série de générations traumatisées.
Quant à moi, j’étais terré à l’arrière, à côté de la petite sœur à peine majeure de ma copine, Héloïse. Cette dernière avait décidé, par une nonchalance effrontée, de poser ses jambes sur mes genoux.
— C’est cool que tu viennes avec nous, minauda-t-elle timidement.
Elle appuyait très légèrement, au point que j’en doutasse, ses mollets contre mon entrejambe. Tout au long du trajet, je crus rêver les yeux coquets et rieurs avec lesquels elle m’observait.
Les formalités d’entrée au centre ne furent pas bien longues, sauf à noter l’éternel jeu auquel se livrait en public Héloïse lorsqu’il s’agissait de déterminer sa majorité (et, on l’espère, son accès à l’espace de balnéothérapie). En une année de relation avec sa grande sœur, j’avais toujours été fasciné par la manière dont Héloïse façonnait son paraître pour duper son monde. Elle usait habilement de sa beauté innocente d’adolescente, en ajoutant çà et là les traits équivoques d’une séductrice aguerrie.
Concrètement, le réceptionniste avait en face de lui, comme indices de l’âge d’Héloïse : un trench noir brillant, ouvert de manière éhontée, découvrant un crop top grenadine largement échancré ; une paire de baskets assortie au nœud ornant une queue-de-cheval châtain clair bien haute ; une moue boudeuse et discrètement maquillée mâchouillant une sucette à la fraise. Pour achever la perplexité de notre interlocuteur, Héloïse feignait, tout en tenant ma manche, de s’absorber dans le dessin animé destiné aux enfants dans la file d’attente.
Le résultat dut lui paraître satisfaisant, car elle lui adressa un sourire en coin lorsqu’il bafouilla pour lui demander une pièce d’identité. Elle quitta fièrement le guichet, ses yeux bleu pâle empreints d’une indéniable vivacité d’esprit.
Je regardai Léa, perchée sur ses talons épais et carrés, qui semblait passablement agacée du manège de sa sœur. Je le remarquai à sa manière de jouer nerveusement avec les rares mèches qui s’échappaient de son chignon sombre. A vingt-deux ans, ma copine portait déjà, avec son manteau long en coupe droite, tous les signes du poids de la maturité, ces mêmes traces que, à l’inverse, Héloïse s’employait à fuir. Une ligne de front s’était peu à peu dressée entre elles, chacune agissant pour l’autre comme d’un repoussoir évident.
Mon amour pour Léa tenait essentiellement d’une rencontre d’esprit à esprit sur les bancs de l’université. Elle représentait en quelque sorte la partenaire de pensée que j’avais toujours voulu trouver, le soutien et la motivation intellectuels dont je m’étais longtemps ennuyés. Nous n’étions pas à proprement parler des bêtes de sexe, l’activité en question étant principalement pour nous un moyen de décompresser. Le genre de notre romance affective nous convenait assez bien comme cela. Enfin, c’était la conclusion vers laquelle je m’étais laissé glisser, sans y réfléchir outre mesure.
Je considérais en outre trop Léa et ce qu’elle symbolisait pour oser lui faire part de mes fantasmes les plus hard. J’avais conscience que ces derniers provenaient tout droit d’une culture de société, fétichiste du corps et de la perfection, hypocrite du monde de la pornographie qu’elle parodiait pourtant à l’excès. Je ne tenais donc pas à ce qu’elle me jugeât pour tel accès de faiblesse, pour ce manque flagrant d’esprit critique envers les clichés que la toile véhicule.
Je fus le dernier à sortir des cabines. Pour cause, deux facteurs vestimentaires pour le moins problématiques.
D’une part, une inattention dans le choix de ma tenue de bain. Les shorts étaient strictement interdits au sein de l’établissement. Or, j’avais pensé en porter un.D’autre part, une malchance que cette journée de mauvais temps avait décidé de forcer. Devant trouver un maillot « hygiénique » selon les critères du centre, je dus me résoudre à acheter un caleçon de bain premier prix au distributeur, lequel ne proposait plus que les tailles XS, S et XL. Si je n’étais pas une armoire à glace, j’entretenais tout de même une agréable musculature, en particulier au niveau des membres inférieurs, qui, couplée à la taille imposante de mon sexe, me laissait paraître, ainsi compressé par mon nouvel achat, dans une forme que d’aucuns pourraient qualifier de gênante, voire de prétentieuse.
Si les filles le notèrent à mon arrivée, elles ne me le firent guère remarquer. Marchant côte à côte quelques pas devant moi, je crus cependant discerner quelques regards en coin à mon égard. Je me demandais d’ailleurs bien quel pouvait être le sujet de discussion entre deux esprits dont le fonctionnement différait si radicalement.
Sur le chemin des grands toboggans, je laissai mes yeux vagabonder, les pieds pataugeant sur un sol détrempé, le vacarme ambiant embrumant mon esprit de ses sonorités diffuses. Des cris de bambins découvrant les jeux d’eau, des plongeons sonores d’enfants s’essayant aux acrobaties, des voix fortes de parents les y encourageant, agrémentèrent mon parcours.
Mon regard se posa d’abord sur un corps que je ne connaissais que trop bien, celui de ma copine, une silhouette élancée, mince, habillée d’un maillot de bain une pièce, sobre. Je pouvais deviner ses fossettes dans le creux de son dos.
Je n’étais pas lasse de cette vue, je ne l’espérais pas, mais mon regard fut attiré par une autre vision, empreinte d’un goût de nouveauté et d’interdit, les jambes sveltes et musclées d’Héloïse qui s’accordaient dans une démarche féline et mesurée, par des mouvements souples et calculés sur la pointe des pieds, avec une innocence de gymnaste admirablement bien jouée. Leur mouvement cadencé détonnait dans cette foule grisonnante par les teintes plus chaudes que mon imagination voulait bien lui prêter.
Contrairement à sa sœur, Héloïse avait à cœur d’exhiber son anatomie dont elle était très fière. C’est à se demander comment une quantité aussi ridicule de tissu pouvait valablement constituer un maillot de bain. Le blanc cassé de sa culotte paraissait presque transparent sur sa peau hâlée. L’arrière de l’ensemble, d’ailleurs relié à l’avant par une simple ficelle, ne cachait presque rien. Un maître-nageur plus attentif aurait pu lui dénier l’entrée au bassin au motif qu’on ne porte pas de string dans un lieu public. Le résultat en était donc que l’on voyait parfaitement le roulement de ses fesses qui, à chaque foulée, frottaient délicieusement l’une contre l’autre.
Je voulus faire quelque chose de cette vision qui continuait d’imprimer mes pensées. Je ne pus m’y résoudre. Une vieille dame essayait déjà d’attirer mon attention sur ce revers de serviette pris dans les roues d’un transat. Évidemment, c’était la mienne. Je ne m’étais pas rendu compte que je m’étais arrêté. Elle était contente de m’avoir aidé. Cela se voyait. Je devais la remercier, et c’est ce que je fis, avant de reprendre mes esprits et de repartir.
La queue qui débordait des grands toboggans aurait dû nous dissuader. Elle grandissait à mesure que nous nous approchions. Rien qu’en estimant sa longueur, j’avais le sentiment d’avoir déjà perdu mon temps. Des parents aux mines découragés se faisaient inlassablement tirer par leurs enfants, pour lesquels la satisfaction « imminente » d’un caprice de glissade avait exacerbé toute notion de durée. Des grappes d’adolescents, abrutis par une attente qui ne passait pas, déboussolés par l’absence de réseaux sociaux, s’accrochaient désespérément aux barrières de l’attraction. La masse informe du reste essayait de garder une contenance malgré l’allure morose de l’ensemble.Je déplorais l’aplomb avec lequel Théo nous tirait prestement vers cet enfer immobile.
Dans la file d’attente, Héloïse ne me regardait pas. Elle n’en avait pas besoin. Elle savait que je l’observais. J’étais derrière elle, tenant la main de Léa qui discutait avec ses parents de l’autre côté de la rangée. Je scrutais un mouvement, une intention. Elle avait l’air de se retourner, oscillant entre deux poses, comme si elle n’avait pas encore choisi le profil qu’elle s’apprêtait à dévoiler. Je voyais dans l’indétermination de ses gestes les qualités éthérées d’un ballet classique.
Par un mouvement que je ne saisissais pas, elle se rapprochait de moi, subrepticement et inexorablement. Je me sentais partenaire de cette ballerine légère. Tout en surveillant la technique de mes pas, il me fallait fuir l’admiration de ses courbes sensuelles. Au milieu de cette file bruyante et stagnante, je devais danser en silence, la main de Léa me semblant bien fragile pour tenir le rythme complexe que m’imposait Héloïse.
Cette dernière fit mine de ne me remarquer que maintenant. Elle se décala lentement, ajustant la distance infâme qui séparait nos corps. Je fus désormais sur son ombre, à l’affût au-dehors, tendu au-dedans. Je me situais dans cette espace intime où tout corps étranger est immédiatement détecté, environ un mètre autour de soi, où chaque mouvement de l’autre est analysé ; ce moment où votre instinct de survie et votre faculté de séducteur ne font plus qu’un.
Théo trancha de son corps cette zone que j’imaginais hautement électrifiée, en s’accrochant à l’une de mes jambes :
— Moi, je veux faire le toboggan avec le Commandant Grégoire, s’écria-t-il en levant vers moi ses petits yeux implorants (un jeu entre nous, enfin surtout de mon côté, où je lui faisais miroiter une place dans mon extraordinaire légion de super-héros, en récompense de services rendus et de bravoure au front).
J’allais répondre par une voix imitant celle d’un officier décoré de l’armée, redouté autant qu’admiré par ses pairs, lorsque Léa me devança :
— Théo, tu n’es pas assez grand pour faire la descente pour adulte, même accompagné. Tu prendras le niveau juste en dessous, d’accord ? En plus, on glissera ensemble, lui répondit-elle en s’excusant muettement auprès de moi de ne pas pouvoir faire la descente blottie dans mes bras.— Moui, ronchonna-t-il, mais le Commandant, lui, il dit que c’est le bleu la couleur ultime des super-héros. Le toboggan là-bas, il est jaune et y a que des petits qui le font. Moi, j’suis pas un petit ! termina-t-il en s’indignant.
Léa soupira en me regardant, à moitié amusée, au souvenir de la ruse que j’avais dû déployer pour que Théo mit et prit grand soin de son uniforme scolaire – qui était donc bleu.Notre tour arriva. Je pris une mine apeurée au moment de gravir les marches pour atteindre le dernier niveau de toboggan, provoquant l’hilarité de Léa et Théo déjà installés dans une bouée quelques mètres en dessous.Héloïse s’apprêtait justement à prendre sa place lorsqu’un maître-nageur l’interrompit :
— Eh pas si vite, quelqu’un t’accompagne ? Tu as tout juste la taille requise pour pouvoir glisser seule.— Oui, mon grand frère est là derrière, il allait me prendre avec lui, répondit-elle le plus naturellement du monde.
Satisfait, l’agent me pria de m’installer rapidement et m’indiqua la position à prendre.
— Vous devez la tenir bien calée entre vos jambes, en la maintenant à l’intérieur de la bouée avec vos bras. Vous devez impérativement attendre que le voyant passe au vert pour sortir de la piste d’arrivée, récita-t-il en tenant un manuel imaginaire des consignes de sécurité.
Je me glissai donc, à moitié bouche bée par le surréalisme de la situation, dans le mince espace encore libre derrière Héloïse. Une fois installée, elle vint se lover contre moi, en remuant plusieurs fois ses épaules pour trouver une position confortable. Sa manœuvre troubla l’orientation de mes pensées.
Lorsque la bouée commença son ascension, Héloïse se retrouva plaquée contre moi. Je pouvais sentir la naissance de ses fesses tressauter sur mon entrejambe au rythme des roulements du câble de traction. Elle avait posé ses mains sur mes cuisses, en s’y agrippant. Quant aux miennes, je ne savais plus où les mettre. Je me résolus à les laisser sur ses hanches, bien que cette position me soit inconfortable.
Tout au long de la descente, j’essayais, en vain, de contenir mon érection provoquée par les frottements intimes de nos deux corps. Ce fut d’autant plus difficile qu’à chaque frisson provoqué par les cascades de l’attraction, Héloïse se pressait un peu plus contre moi. J’aurais pu jurer qu’elle remuait volontairement son bassin contre mon sexe.
A la sortie du toboggan, je lui proposai ma main, par prévenance évidemment, mais aussi par gêne afin de masquer mon excitation. Elle me la rendit d’une poigne douce, légèrement appuyée dans le creux de ma paume. Tout en regardant ostensiblement la bosse qui déformait sérieusement mon caleçon de bain, elle me susurra, jalouse :
— Elle en a de la chance ma sœur... Elle doit prendre son pied.
Je laissai échapper un rire nerveux qui devait sûrement jurer avec mon air bête de mâle flatté. J’étais perdu dans la pâleur abyssale de ce regard bleu que ses mèches châtain clair mettaient outrageusement en valeur. Je me ressaisis, et lui répondis sur le ton hypocrite d’une boutade qui se voulait aimable :
— Tu mérites tout autant.
Quelques secondes interminables passèrent avant qu’elle ne réagît enfin par un discret sourire mutin, accentuant encore davantage mon malaise. Elle avait réussi à me rendre coupable de l’avance effrontée dont elle était l’auteure.Très satisfaite de mon désarroi, elle lança à la volée, une fois que tout le monde fut regroupé et à portée de voix :
— Qui pour un bon hammam ?
Sa question anodine appela chez les autres un cri du cœur, rimant avec relaxation et détente. Elle provoqua chez le mien un pincement à la vue des potentialités dont préjugeait, de manière coupable, mon avenir proche avec Héloïse.Tandis que ses parents se dirigeaient déjà vers le jardin d’enfants – une merveilleuse invention – pour placer Théo sous bonne garde, Léa s’empressa de se blottir contre moi, accentuant l’égarement de ma conscience.
— J’ai très envie de transpirer avec toi, chuchota-t-elle à mon oreille.
Elle remarqua alors l’état de mon entrejambe. Le considérant sans doute comme le signe d’un engouement réciproque, elle me rendit un sourire mutin. Je l’embrassai sur le front en jetant un regard à la dérobée à Héloïse qui avait manifestement tout entendu, au son de son petit rire cristallin. Elle avait tout l’air de se livrer à la plus excitante des parties de séduction de sa vie.J’en étais à un point où mon cerveau avait fait grand ménage de toute pensée cohérente, réduisant mon rationalisme habituel à la simple satisfaction de pulsions primaires. Sur ce plan, Léa n’était pas en mesure de me combler. Héloïse l’avait parfaitement saisi.
A notre plus grande surprise (qui pour moi n’en était pas une, étant donnée la date de notre escapade, soit un samedi après-midi de vacances scolaires), l’espace de balnéothérapie était bondé : d’abord, de jeunes désireux d’échapper au brouhaha de l’îlot central ; ensuite, de parents fatigués venus chercher asile dans un espace interdit aux mineurs ; enfin, de retraités, les habitués du centre comme ils se disaient, criant famine, avec force de nostalgie, d’un temps passé dont on ne savait pas vraiment s’il avait bel et bien existé.
A la réception, on nous informa qu’il ne restait que quelques places éparses parmi les hammams ouverts. D’un commun accord sonnant presque comme un cri de détresse après ces heures d’étouffante survie, nous convînmes que nous n’allions certainement pas renouveler l’attente endurée pour les grands toboggans. Nous fûmes donc dispersés dans des cabines voisines. De toute manière, la visibilité à l’intérieur de celles-ci étant quasi nulle, il m’importait peu que l’on soit ou non réunis.
D’un pas allègre, je partis m’installer dans celle située au fond de l’allée. Je pris alors conscience que le respect des jauges sanitaires avait complètement bouleversé notre compréhension de l’adjectif « bondé ». Je me retrouvai ainsi dans une cabine pouvant, semblait-il, accueillir dix clients, et qui n’en contenait en l’espèce qu’une poignée, disséminée aux quatre coins.
Près de moi, un encens au bois d’aloès brûlait lentement, imprégnant l’air de l’étreinte boisée des forêts tropicales d’Asie du Sud-Est. Les mélismes sereins d’une discrète musique d’ambiance venaient rendre plus agréable la moiteur ambiante. Je sentais déjà l’humidité des lieux glisser sur mon corps, comme une langue recueillant le goût salé de ma peau frémissante.
D’un œil égaré, je scrutais les vapeurs du hammam, dont l’inertie hypnotique baignait mes sens d’un envoûtement délicieux. Le portrait aguicheur d’Héloïse passa fugacement dans cette brume trouble. Je désirais ardemment qu’elle vînt éteindre l’incendie qu’elle avait déclenché dans mes pensées. Le visage de Léa, quant à lui, s’abîmait en toile de fond, non loin du puits d’aération.
Alors que je tentais en vain de vider mon esprit de ces braises affolantes, la porte de la cabine claqua. Les ombres dessinèrent une silhouette vaporeuse, menue, gracieuse. Une nymphe terriblement sensuelle, drapée de brumes, s’approchait lascivement de moi, en retirant lentement son maillot.
Héloïse s’arrêta devant moi, entièrement nue dans ce brouillard épais, son ventre à quelques centimètres de mon visage. En levant les yeux, je pouvais apercevoir la délicate courbe de ses seins que ses tétons insolents terminaient en pointe. J’étais fasciné par cette nudité d’une impudente dépravation.
Une huile essentielle était mise à notre disposition, réputée agir, d’après l’étiquette détrempée, comme un baume apaisant. Héloïse prit soin de s’en enduire complètement, sous mon regard abêti. Elle me chevaucha. Sa peau, devenue grasse, souillait la mienne d’une insolence érotique. Elle passa ses doigts huileux derrière ma nuque, comme les griffes invisibles d’un désir prohibé pénétrant ma raison. Elle se cambra, écartant ses fesses sur mon entrejambe, et planta en moi des yeux de bête assoiffée. Mon esprit confus était à la merci de ce regard ensorcelant ; mon corps engourdi était à la recherche de cette lueur aphrodisiaque.
Je n’eus pas le temps de me questionner sur la réalité de la situation. Elle me submergeait, tel un nageur trop intrépide pris dans les vagues d’une excitation insatiable, ignorant les avertissements de sécurité envoyés par un phare absent.
Je ne pris pas le temps d’interroger la morale de la situation. Je l’écartais, telle une mauvaise réminiscence venant gâcher l’expérience d’un souvenir de vie par trop d’égards édulcorée.Héloïse me vola ce temps, pénétrant de sa langue mes lèvres timidement entrouvertes. Son baiser était incisif ; sa mâchoire, énergique. Alors que la ligne entre pensée consciente et représentation onirique s’estompait, je sentis ses mains s’emparer de mon sexe, le libérant de mon caleçon trop serré. Elle le masturbait doucement en y appliquant l’huile qu’elle avait recueillie dans sa paume. J’étais empreint de cette insidieuse convoitise qui pousse à la possession charnelle.
Le cocon de vapeurs qui nous entourait me parut soudain plus tiède, tout à fait agréable. Volontiers prisonnier de ces barreaux opaques, j’entendis Héloïse nouer un dialogue. Elle avait délaissé mes lèvres, son souffle chaud enveloppant mon cou.
— T’es allé jusqu’où avec elle ? susurra-t-elle au creux de mon oreille.
Saisissant parfaitement l’allusion à sa sœur, je mis quelques secondes à formuler une réponse qui me sembla supportable. La vérité s’imposait pourtant d’elle-même : nous menions, avec Léa, une vie au lit assez simple, routinière. Lui en voulais-je pour autant ? Je ne pus le dire. Il y avait en moi des pulsions sexuelles qui ne demandaient qu’à être obéies. Héloïse s’attelait à les réveiller.
— Je ne sais pas trop, finis-je par dire.— Tu vas jouir comme jamais tu n’as joui avec elle, me promit-elle.
Un frisson de plaisir me parcourut. Un frisson extatique. Un frisson prophétique.Elle n’attendit pas ma réponse qui tint à un cri d’impatience inaudible. Elle accentua ses caresses. Elle attrapa ma lèvre inférieure de ses dents. Elle me mordit férocement. La douleur m’étourdit, déchaînant le feu dévorant qui se diffusait dans mes veines. Alors que le goût du sang emplissait délicieusement mon palais, j’étais interloqué par la violence de mon propre désir.
Je sentis Héloïse agripper mon membre et le guider jusqu’à ce qu’il fût enveloppé de sa chair chaude, palpitante, brûlante. Un claquement de porte ponctua la symbiose sauvage de nos deux corps. Le monde extérieur fermait les yeux sur l’inconvenance de nos ébats.
Nous étions seuls, animés d’une passion boulimique.Elle prit alors mes mains pour les placer sur ses fesses, en m’ordonnant de les lui claquer avec force. Ce que je fis : d’abord de manière hésitante puis, en entendant les cris aigus de son plaisir décuplé, par des fessées franches. A chaque coup, je sentais son entrejambe remonter sur mes abdos. A chaque coup, j’en voulais plus.
Elle dut le sentir, car elle s’arrêta brutalement. Accrochant mon regard animal, elle se pencha pour lécher mes lèvres ensanglantées. Elle empoigna fermement mon sexe, comme on tire la laisse d’une bête avant la chasse. De son sourire écarlate, elle savoura l’état exsangue dans lequel elle me tenait.
— Je veux que tu t’occupes de mon p’tit cul. Maintenant ! Ne te retiens pas, assena-t-elle crûment en me regardant droit dans les yeux.
Sa déclaration transcendait tous mes fantasmes. Elle se positionna à quatre pattes, dans une gestuelle exagérément cambrée, à même le sol, en me jetant un sourire carnassier.Alors que je me levais, animé de pensées lubriques, une parcelle de raison me revint, l’espace d’un instant.
— Tu ne veux pas que je te prépare avant ? crus-je nécessaire de lui demander.— Mes préliminaires, c’était le toboggan. Je ne suis pas ma sœur. Défonce-moi.
Son ton était sec et sans appel. Je fus donc bref et concis.
— Très bien.
Ma sexualité prévenante et douce s’était enfuie, remplacée par la fougue bestiale d’un prédateur en rut.Je pris à peine le temps d’enduire mon sexe d’huile, laissant tomber sur sa rosette la bave qui s’était accumulée entre mes babines. Je maintins ses hanches d’une prise solide et commençai à m’insérer entre ses fesses. Les sensations étaient divines, un mélange entre le plaisir de dominer Héloïse, la reconnaissance qu’elle s’offre à moi de la sorte et la satisfaction d’un instinct longtemps réprimé. J’entamais une descente progressive en m’arrêtant à mi-longueur.Me jugeant trop lent, elle acheva elle-même la pénétration par un brusque mouvement du bassin.
— J’ai dit : DÉFONCE-MOI !, aboya-t-elle.
Les dernières pensées saines me quittèrent pour de bon. Je mis dans l’impulsion de mes gestes toute la frustration sexuelle qui avait bien pu me hanter. Je m’enfonçai en elle, forçant jusqu’à la garde, ignorant les jappements de la chienne que je pilonnais sans retenue. Je voyais mon pénis dans sa largeur déformer sa croupe ; je l’imaginais dans sa longueur déranger ses intestins. Persécutant un silence apeuré, des claquements secs et sourds dictaient le rythme dangereux que s’infligeaient mutuellement nos corps.
Quelques minutes de ce traitement intensif suffirent. Incapable de contenir ses cris, Héloïse s’était écroulée au sol, son corps tressautant à chacun de mes coups de butoir. Elle se mit d’un coup à convulser. Je tombai au fond d’elle, épuisé, incapable d’éjaculer. En transe, elle attrapa ma main et y enfonça ses dents pour étouffer un orgasme qui, manifestement, l’avait terrassée. Mon membre turgescent continuait de s’agiter erratiquement entre ses fesses, comme traumatisé par le déchaînement auquel il s’était livré en elle.
Nous nous allongeâmes contre le banc, l’un sur l’autre, reprenant nos esprits. L’air du hammam s’empourpra, témoin gênant et complice coupable d’un interdit passionnel, les preuves criantes de notre crime gisant ici et là, haletantes.
Après quelques minutes d’un silence euphorique, Héloïse se redressa entre mes jambes et lécha malicieusement l’intérieur de mes cuisses.
— Je compte bien honorer la promesse que je t’ai faite, me glissa-t-elle, espiègle.
Elle serra mon sexe à la base, en le décalottant au maximum. Ses lèvres déposèrent un baiser moqueur sur mon gland, d’une pression suffisante pour que je sentisse leur douceur, sans que je pusse en tirer pour autant une quelconque jouissance. Plongeant ses yeux rieurs dans les miens, elle me mit muettement au défi de rompre cette position extrêmement irritante pour moi.Ne pouvant plus résister, je saisis brusquement sa queue-de-cheval, d’une main, et plaçai l’autre derrière son crâne. D’une étreinte assurée, je l’obligeai à prendre mon sexe en bouche.
— Je n’ai jamais douté de ton engagement, lançai-je d’un ton très satisfait.
Sans comprendre sa réponse que, de toute façon, je n’attendais pas, je poussai mon pénis au fond de sa gorge. Elle salivait abondamment. Je prolongeai quelques secondes son étranglement, puis lui fis redresser la tête pour que, reprenant son souffle, elle sentît l’emprise que j’avais sur elle. Je recommençai d’une inlassable patience, en l’étouffant toujours plus longtemps.Ce n’était, toutefois, pas assez. Elle encaissait sans broncher, en gardant le regard effronté d’une allumeuse inaccessible. Sa respiration, d’un calme arrogant, hurlait à ma figure l’irritante résilience de ses chairs malmenées.Elle changea elle-même sa posture, s’allongeant sur le dos d’une nonchalance agaçante, laissant impudemment retomber sa chevelure depuis le rebord du banc. Son cou ainsi exposé formait une courbe provocante qu’il me tardait de déformer. Ses lèvres me toisaient d’une suffisance insupportable.Elle me lança une ultime bravade :
— Je ne comprends pas pourquoi tu continues de me ménager. J’ai dit...
Je n’en pouvais plus, exténué comme je l’étais de toute émotion raisonnable. Je la fis taire d’une insertion directe de mon sexe dans sa trachée. Je forçai cette fois sans ménagement la frêle résistance de sa luette. J’étais saisi d’une frénésie aveugle, enchaînant les va-et-vient rapides et violents. Je sentais, sur mon gland, comme les tremblantes caresses d’une drogue altérant mes sens, les spasmes qui la secouaient.
Alors qu’elle se contorsionnait pour expulser le liquide bloqué dans sa gorge, j’éjaculai comme jamais je n’avais pu le faire auparavant avec Léa. Un torrent de plaisir inonda, en une crue subite, le cours de mes pensées. Je laissai mes premiers jets de sperme atterrir dans sa bouche, puis la libérai de mon sexe pour venir asperger son visage. Elle se retrouva le visage hagard, pendant dans le vide, recouverte d’un mélange jaunâtre de semence, de salive et de vomissures qu’elle était enfin parvenue à régurgiter.
J’essuyai fièrement mon entrejambe dans ses cheveux souillés. Alors qu’elle déglutissait péniblement, je lui collai une gifle bien appuyée.
— Je te rappelle que je suis amoureux de ta sœur. Ne recommence plus jamais, déclarai-je d’une voix sèche, en la laissant telle quelle.
En refermant la porte de la cabine, je priai intérieurement pour qu’une autre occasion se présente de renouveler cette expérience entièrement neuve pour moi. En l’espace de quelques heures, Héloïse avait transfiguré le visage que je prêtais à ma sexualité. Il ne s’agissait pas d’une métamorphose de mon cœur à proprement parler, mes sentiments pour Léa demeurant intacts et exclusifs. Il s’agissait plutôt du réveil attendu de mes sens de prédateur sexuel, mes rapports avec Héloïse ayant à cet égard revêtu l’acuité limpide d’une prémisse singulière. Je percevais déjà dans l’horizon de cette relation interdite la satisfaction plausible des fantasmes de mon impertinence.
A la sortie du centre, marchant main dans la main avec moi, Léa me fit remarquer l’allure anormale d’Héloïse. Elle s’enquit de son état.
— Ça va Hélo ? lui demanda-t-elle d’une voix inquiète.
Il est vrai qu’à y regarder de plus près, on pouvait remarquer le discret boitillement de cette dernière qui devait, pour marcher, écarter plus que nécessaire ses pieds.
— Impec’, sœurette, lui répondit-elle d’une voix enrouée.
Léa me chuchota tout bas :
— En même temps, avec le « maillot » qu’elle portait, mimant les guillemets avec ses doigts, cela ne m’étonnerait pas qu’elle ait attrapé froid. Sans compter les irritations dues aux frottements dans les toboggans.— Je suis d’accord, elle devrait faire plus attention, affirmai-je en m’efforçant d’adopter le ton neutre d’un observateur tiers.
J’éprouvais une indéniable fierté d’être l’auteur de cette dégradation physique. Comme en réponse à mes pensées, Héloïse me décocha son plus beau sourire de courtisane irrévérencieuse, rehaussé d’un regard appuyé en direction de mon entrejambe. L’euphorie me gagna complètement : je compris que le cannibalisme sexuel de cet après-midi ne resterait pas l’occurrence isolée de notre conduite déviante.Remarquant ma mine particulièrement heureuse, Léa m’annonça ravie :
— Je suis contente que notre sortie t’ait plu. Tu sais, tu devrais un peu plus sortir le nez de tes bouquins... On part camper la semaine prochaine avec des copines dans les Vosges. Elles emmèneront toutes leur copain. J’aimerais vraiment qu’on vive cette aventure ensemble. Ce ne sera l’affaire que de quelques jours, s’empressa-t-elle d’ajouter.
Avant que je ne puisse répondre, Héloïse s’interposa discrètement, mais sûrement.
— Oh ! Moi aussi je peux venir ? nous interpella-t-elle.— Tu ne vas pas t’ennuyer ? Il n’y aura que des personnes de notre âge, précisa sa grande sœur, essayant de l’en dissuader.— Mais non, ne t’inquiète pas, assura-t-elle confiante, Alice est toujours super cool avec moi et j’ai plein de questions à poser à Julie sur la biologie. Et puis, dans le pire des cas, Greggy sera là pour prendre soin de moi, ajouta-t-elle d’une voix mielleuse.
Léa tiqua sur la dernière phrase – elle ne réagissait déjà plus au surnom affectueux dont Héloïse m’avait affublé – et s’apprêtait probablement à remettre sa frangine à sa place, lorsque je répondis plutôt :
— Ce sera avec plaisir, Héloïse.
Comme s’il était nécessaire d’enfoncer le clou, leur mère se joignit à la conversation :
— Cela me ferait grand plaisir de voir mes deux petites filles passer du bon temps ensemble. En plus, Héloïse est une grande sportive, elle encaisse très bien les efforts intenses.
Cette dernière remarque élargit encore davantage mon sourire. Léa, quant à elle, ne pipa mot. Aurait-elle pu seulement se douter de quoi que ce soit ?
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