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Deux frangines singulièrement différentes

Chapitre 2

Une sortie camping avec la frangine, ce n'était pas l'idée de départ

Trash
Le départ pour le camping était prévu le week-end prochain, soit une semaine après notre escapade à Center Parcs, ce qui raccourcissait de fait le temps dédié aux préparatifs du voyage.
Connaissant mon aversion pour les grandes chaînes de prêt-à-porter et les comportements qu’elles engendraient, encore plus pour celles qui nous faisaient croire que le sport se résumait à une question d’équipement, Léa avait littéralement dû m’intercepter avant un cours du soir, pour aller acheter l’attirail du parfait campeur. L’argument financier était cependant imparable : une série d’offres de promotion sur les équipements de camping se terminait précisément ce mercredi soir. Il n’était pas question de dépenser des sommes indécentes pour une activité qui m’occuperait, au mieux, une fois par an.
Arrivé au magasin, j’entrepris de distinguer mentalement ce qui était absolument nécessaire de ce qui l’était simplement. La liste que j’avais dressée corroborait, quelques minutes de discussion aidant, celle de Léa. Là-dessus, nous étions sur la même longueur d’onde. Deux esprits pragmatiques insensibles à la communication commerciale envahissante des grands groupes.
Une trentaine de minutes d’essayage plus tard, multipliant à chaque sortie de cabine les postures suggestives, au plaisir – entre autres – de mes yeux, Léa n’arrivait toujours pas à départager deux ensembles qui avaient retenu son attention. Elle s’enquit de mon avis :
— Tu penses que je devrai prendre lequel ?
Je connaissais déjà ce manège. Sa question était en réalité tout autre : oserait-elle prendre l’ensemble qui paraissait le plus ostensiblement sexy ? Je mis du cœur à argumenter en espérant la convaincre :
— L’ensemble fuchsia me semble suffisamment chaud. Le lycra est un tissu conçu pour l’effort, ce sera comme une seconde peau pour toi, épousant chacun de tes mouvements.
Elle me retourna une moue dubitative, pour déclarer finalement :
— Je pense que je vais prendre l’ensemble gris, d’autant qu’un bonnet est offert avec.
La réponse était donc négative.
Je souris devant sa justification. Je ne pouvais pas lui en tenir rigueur. Elle percevait son corps d’une manière radicalement différente de la manière dont je l’appréciais. Après un an de relation, je n’étais toujours pas parvenu à lui faire prendre conscience de sa beauté.
Ce constat affligeant me ramena quelques jours en arrière, dans ma contemplation du corps d’Héloïse qui ne souffrait d’aucune comparaison. Il s’agissait moins d’une question d’atout physique, sauf à considérer la pratique de la musculation comme un référentiel pertinent de différenciation, que de celle d’une attitude de séductrice, d’une envie de faire tourner la tête aux passants, d’une volonté d’écraser toute concurrence. Dans ce domaine, Héloïse excellait, et pour cause, elle y consacrait l’essentiel de son temps et de son énergie, sans doute au détriment de son futur baccalauréat.
J’avais le sentiment d’être sa nouvelle quête. Pour combien de temps ? Je n’en avais aucune idée. Avait-elle pris au sérieux notre aventure à Center Parcs ? Je n’étais sûr de rien. Une ignorance dont je m’accommodais en fin de compte volontiers, en me remémorant une énième fois nos ébats si particuliers du week-end dernier dans le hammam.

L’organisation de notre trajet procédait d’une démarche militaire. L’heure du départ avait été fixée, le vendredi, à seize heures, pour un trajet en voiture d’environ trois heures. Arrivée prévue sur les lieux à dix-neuf heures, synchronisée – au moins en théorie – avec celle des amies de Léa, accompagnées de leur copain.
A la fin d’un cours magistral de droit administratif que nous avions en commun, Léa et moi, nous passâmes prendre Héloïse devant les grilles du gymnase.
Elle n’était pas seule.
Aussi surprise que moi, Léa apostropha sa frangine en ignorant superbement l’inconnu qui lui tenait pourtant la main – un beau black, assez jeune, look négligé, survêtement et sweat-shirt de rigueur, présentant déjà à son âge la taille réglementaire d’un basketteur, d’ailleurs sans doute pratiquant assidu de ce sport.
Sans ambages, elle lâcha :
— C’est qui lui ?— C’est mon petit copain. Tu emmènes bien le tien. Pourquoi je ne pourrais pas emmener le mien ? rétorqua-t-elle d’un ton insolent.
L’inconnu et moi-même échangeâmes un regard complice sur notre réduction commune à l’état d’objet de propriété. Il avait le visage plat de la simplicité. L’assemblement de ses traits réguliers, emprunt d’une indéniable bonhommie, lui conférait une imbécillité joyeuse. Il s’était – à mon sens, involontairement – grimé en benêt extasié devant les charmes d’Héloïse.
Il s’empressa de faire les présentations :
— Salut m’dame, moi, c’est Driss, votre sœur m’a beaucoup parlé de vous.
Outre son phrasé approximatif, Léa s’agaça de ses manières superficielles qui la vieillissaient plus que nécessaire.
— Tu n’as pas besoin de me vouvoyer. Je ne suis pas sa mère, lâcha-t-elle.
Elle marqua une pause. Je la vis réfléchir à la formulation de son propos. Elle avait probablement conclu à la même impression qui m’avait semblé émaner de Driss.
— Tu m’as l’air de quelqu’un de très gentil, mais nous n’avons qu’une seule tente dans le coffre. Et elle est conçue pour n’accueillir que trois personnes. Vraiment navrée.
Elle avait débité ce flot de paroles d’une seule traite, comme pour dénier l’existence de toute alternative.
Étonnement, Driss ne se laissa pas démonter pour autant. Je mis cela sur le compte des discrets baisers dont Héloïse, sur la pointe des pieds, parsemait son cou. Ces derniers devaient agir comme autant d’encouragements prodigués sous perfusion – détail qui n’échappa pas à une Léa tutoyant déjà les limites de sa patience.
— Ne t’inquiète pas Léa, j’ai pris une tente dans mon sac, répondit Driss d’une voix franche.
Ce brusque changement de ton, une familiarité inconvenante remplaçant une politesse décalée, interloqua brièvement ma copine, je le lus sur son visage. Elle reprit cependant sa contenance affable.
J’observais, du coin de l’œil, l’attitude théâtrale d’Héloïse sur le trottoir. Telle une actrice de tragédie dont les paroles de Driss auraient pu donner la réplique, elle avait habilement contrefait sa posture de petite sœur implorante. Ses mains jointes et ses lèvres réunies paraient sa supplique silencieuse du plus bel effet dramatique. J’étais conquis, malgré moi, par cette mécanique de précision.
Léa, focalisée sur ce que venait de lui apprendre son interlocuteur, ne le semblait qu’indirectement. Après avoir évalué les avantages de cette nouvelle information, au premier rang desquelles figurait, je l’imaginai, la possibilité d’avoir une tente rien qu’à nous deux, elle finit par céder.
— Bon, j’imagine qu’Hélo t’a déjà briefé sur les détails du voyage. Voici mon copain, Grégoire.
Je lui adressai un bref signe de tête, qui se voulut amical.
Héloïse ajouta à l’intention de Driss :
— Tu n’as qu’à prendre sa place sur le siège passager. Tu auras plus de place pour étaler tes jambes. Moi, je vais dormir à l’arrière.
Se retournant vers Léa, elle poursuivit :
— Sœurette, j’espère que tu ne m’as pas menti sur la qualité d’oreiller de Greggy.
Ne réagissant pas à la pique déguisée d’Héloïse, se sachant ou se voulant – je ne saurais trop dire – au-dessus d’un tel enfantillage, Léa déverrouilla les portières pour qu’ils puissent monter. Je la savais exaspérée de ce qu’elle considérait comme une marque d’immaturité de sa frangine. De mon côté, je percevais clairement le signe d’une rivalité assumée, ce qui m’amusait sans doute un peu plus que cela ne l’aurait dû.
Driss me lança un regard entendu que je ne compris pas sur le moment. Quelques kilomètres suffirent à ce qu’il s’endorme, malgré les tentatives polies de ma copine pour lui faire la conversation. Lors d’une pause-café, Léa me confia qu’elle trouvait ce Driss d’une vivacité d’esprit pour le moins atterrante. N’ayant pas encore eu le privilège de converser avec lui, je répondis d’un simple hochement de tête.
Quant à moi, j’essayais d’étudier tant bien que mal, avec une Héloïse vautrée sur mes cuisses qui, la plupart du temps, dormait sagement, mais qui, quand elle se réveillait, s’amusait à me déconcentrer, comme par exemple en mordillant mon jean à l’endroit de mon entrejambe. Je tâchai de garder l’air sérieux d’un lecteur concentré pour sauver les apparences et ne pas agacer inutilement Léa.
Cette dernière semblait absorbée par les bornes signalétiques qu’elle avalait à vive allure. Comme agrément de conduite, elle avait jeté son dévolu sur l’une de ses playlists de musique classique favorites, en prenant soin de déplacer la balance audio à l’avant de la voiture. Elle tenait à ne pas me déranger. Cette petite attention réchauffa agréablement mon cœur et tempéra, par la même occasion, mes ardeurs pour le danger sexuel étalé sur moi.
Je finis par somnoler, bercé par le ronronnement régulier du moteur et le concerto pour violon qui se jouait en arrière-plan, abruti par le regard bleu pâle du péché charnel couché sur mes cuisses. Le paysage défilait vaguement à la vitre. Je regardais sans voir ce flot d’images, déconnecté de toute impression sensible.
Vers les deux tiers du trajet, Héloïse changea bruyamment de position, me tirant de ma torpeur. Je dus cligner des yeux à plusieurs reprises. J’avais en effet, à ma droite immédiate, ses petites fesses dont le galbe parfait était remarquablement bien mis en valeur dans son leggings beige. Le but de cette manœuvre m’échappa jusqu’à ce que je remarque la bosse qui déformait le tissu ultra-moulant, au niveau de sa culotte.
En fait, elle n’en portait pas. En revanche, je pouvais clairement distinguer l’extrémité du plug anal, franchement imposant, qu’elle avait en elle. Elle remuait ce dernier contre ma cuisse, par des mouvements de hanches accentués à l’excès, en prenant innocemment appui sur le siège conducteur.
A ce stade, il aurait été déraisonnable de considérer le réveil de mon métabolisme comme la seule cause plausible de mon érection.
Je n’osai rien faire de compromettant, me contentant de deviner, à travers la faible épaisseur de son collant de sport, la déformation de son anus au gré des balancements de son bassin. Ma jambe était le support bienheureux d’un manège hypnotique. Je parvenais difficilement à établir la consistance de cette affriolante réalité, qui faisait délicieusement écho au coït anal brutal des jours passés. Le souvenir du hammam avec Héloïse estompait singulièrement mon expérience du temps présent.
Toute tentative pour me reconcentrer se soldant par un échec, je décidai de relayer Léa au volant pour le dernier tiers du trait. Héloïse se redressa sur son siège en prenant la moue contrite d’une enfant dont le jouet favori aurait été confisqué. A vrai dire, je me demandais parfois si je ne filais pas trop parfaitement cette comparaison, tel un pantin de bois manié de la main faussement ingénue d’une marionnettiste au désir insatiable.
Un baiser avec Léa m’offrit un réconfort hypocrite sur au moins un point : je restai maître d’une vérité, celle que je lui dissimulais ouvertement au sujet de mes rapports avec sa petite sœur. Je n’éprouvais aucune fierté. Je ne puis dire en revanche qu’il n’y avait pas là l’esquisse d’un plaisir hors-norme.
A la suite d’embouteillages imprévus (doux pléonasme qui traduisait le quotidien de mitage auquel nous étions coutumiers, nous banlieusards), notre petite troupe posa pied-à-terre avec plus d’une demi-heure de retard. Nous aurions peut-être dû prévoir l’habilité grotesque des citadins sur les serpents des routes alpines.
Julie et Alice, respectivement amie d’enfance et meilleure amie pour la vie de Léa, nous accueillirent chaleureusement. Elles n’étaient séparées que depuis quelques semaines, mais cela justifiait selon elles, malgré des appels téléphoniques journaliers, les retrouvailles en grande pompe qui se tenaient devant moi. J’y voyais là l’un des rares traits restants de l’enfance de ma copine. C’est pourquoi je trouvais ce spectacle de grandes embrassades et de cris perçants aussi outrageant que rassurant.
A cet instant, je me demandai encore comment trois personnalités aussi différentes pouvaient conduire à une telle scène d’amitié.
Les interactions sociales étant d’essence indicible, j’entrepris une schématisation grossière : Léa, étudiante en droit avec moi, silhouette mince et élancée, chevelure châtain clair systématiquement coiffée en un chignon haut et sévère, incarnait la rigueur et le sérieux, la frivolité étant plutôt l’exception que le principe ; Alice, la réciproque fausse de Léa, un petit gabarit d’un mètre soixante, une réserve inépuisable de bonne humeur et d’optimisme, un tant soit peu perdue dans la vie, alternant entre de petits boulots et une licence STAPS inachevée ; Julie, la contraposée crédible de Léa, étudiante en médecine, ayant décidé qu’après avoir sacrifié sa motivation en PACES, il était à présent temps de changer radicalement de mode de vie, ce qui passait selon elle par une inscription à des cours de pole dance pour réduire son embonpoint, par le port de lentilles de contact en lieu et place de ses traditionnelles lunettes noires pour paraître moins studieuse, par une teinture en blond platine pour ressembler à une certaine star du X, par des tenues très suggestives pour valoriser son « sex appeal » (sic), ainsi que par la fréquentation plus assidue de ces soirées iconiques des facultés de médecine.
Julie avait toujours eu un faible pour moi, l’inverse n’étant d’ailleurs pas complètement faux. Il m’arrivait de fantasmer sur son opulente poitrine qu’elle écrasait innocemment sur mon torse à chaque fois qu’elle me faisait la bise, surtout lorsqu’elle venait chez Léa faire du fitness, vêtue en haut d’une unique brassière de sport volontairement lâche. Cette dernière ne se doutait de rien. Je mettais cette ignorance sur le compte de leurs liens d’amitié qui brouillaient certainement l’idée que chacune se faisait de la position de l’autre. Julie pouvait par exemple se permettre de regarder un film au cinéma en posant sa tête sur mon épaule sans que cela ne gêne ma copine. Lors d’une soirée bien arrosée, Julie avait même défié Léa d’être celle des deux qui embrassait le mieux, ce qui m’avait valu de servir – pour mon plus grand plaisir – de cobaye de circonstance.
Nous nous mîmes en route vers l’emplacement que nous avions réservé. Le paysage qui s’offrait à nous, un hiver sans neige, des bourgeons floraux en éveil, quelques insectes téméraires, pleurait les signes d’une nature déréglée. L’air vif des reliefs sifflait entre les sapins la présence des hommes. Les branches pointaient de leurs épines les traces de nos sévices.
A mesure que nous montions, la forêt reprenait avidement ses droits, trop inquiète de perdre le peu qu’il lui restait. Malgré les déboires de ses voisins, elle s’efforçait de rester présentable, déclamant son espoir d’une cohabitation durable. Une brise fraîche tentait d’ailleurs de porter cet optimisme naïf en rosissant nos visages découverts d’inconscients.
Les discussions, à l’avant, entre Léa et ses amies, couvraient malheureusement de leurs intonations perçantes et irrégulières, le chant plus grave du bois qui se meurt.
Héloïse avançait plus en retrait, accrochée au bras de Driss. J’étais pratiquement sûr qu’elle me matait ouvertement devant son copain. Aussi m’efforçai-je de remuer discrètement mon fessier, en relevant les pans de mon manteau. Je souriais intérieurement de ce petit jeu puéril auquel je me livrais.
Je dus m’arrêter un instant pour refaire mes lacets, profitant de l’occasion pour apprécier à mon tour les trois paires de fesses qui avançaient en rythme non loin devant moi.
J’entendis des pas se rapprocher. Héloïse me doubla en me mettant, à la volée, une fessée sonore qui fit s’arrêter le trio de tête, intrigué par l’origine du bruit.
— Range tes yeux, me lança-t-elle rieuse.
Je lui répondis d’un ton suffisamment bas pour exclure les autres de notre dialogue :
— Tu regretteras bien assez vite cette maladresse, lâchai-je en prenant une voix faussement menaçante.— Je ne demande que ça, minauda-t-elle en battant ostensiblement des cils.
Une fois sur place, l’emplacement me plut d’emblée, ne serait-ce que par l’odeur musquée et la texture soyeuse du tapis d’humus dont il était constitué. Une petite clairière cherchait sa place au milieu d’une forêt de sapins noirs. Une palissade en bois décrépi cernait ce cercle de verdure dont le centre était marqué par une imposante souche. L’heure avancée de la journée rehaussait ce tableau bucolique aux couleurs froides, par les tonalités orange que jetaient çà et là les derniers rayons de soleil.
La voix inquiète de Thomas, qui semblait être le pendant masculin de sa copine Alice, interrompit ma contemplation et me projeta au milieu d’une discussion dont je pris alors conscience – j’avais sans doute aussi dû manquer les présentations officielles :
— On n’arrivera jamais à caser deux tentes supplémentaires. Il était prévu qu’on n’en installe que trois. Il y a déjà tout juste la place pour le feu de camp...
Benjamin, le copain de Julie, expert à l’entendre parler des expéditions en pleine nature, se perdait en conjectures pour trouver une configuration satisfaisante. Il avançait notamment l’idée de retirer les sardines pour accrocher les tentes entre elles. Sa manière de discourir ressemblait affreusement à celle de ces parlementaires en séance publique qui se décident à participer au débat, en prenant leur voix de sophiste, lorsqu’ils ont remarqué les caméras de quelques grandes chaînes nationales de télévision.
Toutefois, je n’aimais pas, ma formation de juriste obligeant, me satisfaire d’opinions formées à la va-vite sur le fondement d’a priori douteux – en l’espèce, quelques minutes de conversation. Hélas, mes premières impressions sur Benjamin se confirmèrent par la suite, ce dernier revêtant tous les traits les plus détestables de l’étudiant en école de commerce dont le seul mérite réside dans le chèque que son paternel a dû signer pour l’y faire entrer. Il était néanmoins bien bâti et plutôt séduisant avec sa coupe en brosse impeccablement lissée. C’était au moins ce que je pouvais lui accorder. Je me promis dès lors, outre d’interroger Julie sur le pourquoi du comment de ce petit copain, de limiter aux plus strictes formalités mes rapports avec ce dernier.
Je tâchai de récupérer le fil de la discussion. A un moment, Benjamin me prit à témoin quant à l’une des analyses qu’il proposait. Je n’en compris pas tous les détails. A un autre moment, l’une des filles – Alice, je crois – me demanda mon avis. Je pris donc l’air soucieux d’un géomètre en pleine mesure et répondis :
— Effectivement, vu comme ça, ça m’a l’air juste.
Benjamin hochait rigoureusement la tête, comme pour confirmer les résultats d’une étude, fruit de longs mois de recherche. Ignorant cette gestuelle qui ne semblait embarrasser que moi, je poursuivis en souriant :
— Au fond, ce n’est pas bien grave. Notre tente était faite pour trois personnes. Mais je suis sûr que deux couples qui se bécotent peuvent largement y dormir.
Ma boutade fit glousser les filles. Cependant, je ne me méprenais pas sur le sens respectif de leur réaction. Si le rire d’Alice et de Julie sonnait franc, celui d’Héloïse me paraissait un peu trop surjoué, là où celui de Léa prenait d’évidentes teintes jaunâtres.
C’est ainsi que je me retrouvai avec Driss pour monter la tente que nous allions partager avec les deux frangines. Alors que je déballais machinalement nos duvets et tapis de sol, ce dernier interrompit le cours de mes pensées – je tâchais alors de déterminer mentalement ma part de responsabilité dans ce qu’Héloïse faisait discrètement vivre à sa grande sœur.
— C’est moi ou Hélo est un peu bizarre avec Léa, avança-t-il.— Effectivement, j’ai dû mal à cerner ses intentions, mentis-je. En tout cas, sache qu’elle reste ta copine. Moi, je suis amoureux de Léa, m’empressai-je d’ajouter.
Je fus moi-même surpris de la sincérité de ma dernière phrase...
Driss me coupa une nouvelle fois dans ma réflexion, ignorant tout du dilemme qui rongeait ma conscience.
— Ah non, mais t’inquiète, on s’est rencontrés sur un site de date en ligne, ya quoi ? Deux semaines, à tout casser. Elle m’a parlé avant-hier de votre expédition camping, m’expliqua-t-il en riant de bon cœur.
Enregistrant ces précieuses informations, j’imitai du mieux que je pus son rire. Une part de moi fut presque soulagée d’apprendre qu’Héloïse n’avait pas de copain sérieux. Une autre part, plus oppressante, s’interrogeait sur le réel motif de la venue de ce Driss. Que pouvait bien manigancer Héloïse ? Je commençais à m’inquiéter pour Léa.
Je partis chercher le reste de nos affaires, mettant fin à la conversation.
Les plans pour la soirée, après cette journée de cours et de voyage, relevaient d’une simplicité bienfaisante : nettoyage en règle sous un délicieux jet d’eau chaude, repas frugal devant un bon feu de camp, nuit d’au moins dix heures.
A l’exception notable d’Héloïse qui était partie faire sa toilette avant que notre campement ne soit complètement finalisé, nous nous étions tous dirigés d’un même élan vers les douches du camping.
Ces dernières étaient pour le moins rudimentaires, ce qui correspondait en fin de compte au style d’ensemble de l’établissement qui se voulait au plus proche de la nature : deux bâtiments aux allures de containers en bois défraîchi, ravagés par l’humidité, juxtaposaient une tourelle tout aussi reluisante qui devait, à n’en pas douter, contenir le ballon d’eau chaude. Un panneau en bois, anormalement incliné, séparait deux entrées dépourvues de portes. Ses flèches, de couleurs bleue et rose, par ailleurs largement passées, devaient sans doute servir à répartir les clients selon leur sexe.
Je m’amusais à regarder en coin la mine déconfite des filles et de Benjamin devant la salubrité des lieux. Si l’espace ne paraissait effectivement pas briller par son luxe, je pouvais cependant noter, par les volutes de vapeur qui en sortaient çà et là, le parfait état de marche du système de chauffage. C’est tout ce qui comptait à mes yeux : une eau raisonnablement chaude en cette fraîche soirée d’hiver.
En franchissant le pas de la porte manifestement réservé aux hommes (Pourquoi le bleu est-elle la couleur de référence du sexe masculin ?), Thomas s’immobilisa, comme abasourdi par ce qu’il avait sous les yeux. Driss et Benjamin s’étaient eux aussi arrêtés sur le seuil d’entrée, tout aussi subjugués par le spectacle qui se jouait devant eux.
J’étais trop loin pour voir ce qu’il se tramait, tout comme les filles à côté de moi. Je m’apprêtais à rejoindre les trois spectateurs lorsque j’entendis Thomas se racler la gorge pour, manifestement, attirer l’attention de quelqu’un :
— Euh, Héloïse ? Je crois que l’espace filles est à côté.
Il avait parlé d’un ton gêné, s’excusant presque d’avoir surpris une frêle créature dans sa toilette.
— Ah oui... oups, s’esclaffa-t-elle. Excusez-moi les garçons, je m’en vais de ce pas, enchaîna-t-elle en se faufilant entre eux.
Lorsqu’elle sortit, je compris immédiatement la mine béate de mes nouveaux compagnons de camping. Héloïse n’avait pas pris la peine de se rhabiller. Elle ne s’était même pas efforcée de cacher sa nudité.
Jetant négligemment sa serviette sur son épaule, elle sautilla sur les pierres plates qui dessinaient le chemin, dévoilant le plus naturellement du monde, à chaque bond, son intimité parfaitement épilée. Ses tétons, durcis par la fraîcheur d’une délicate brise de forêt, accompagnaient en rythme ce mouvement hypnotique. Le vieux bâtiment projetait, par l’embrasure de ses portes, une lumière crue sur la peau immaculée d’Héloïse, agissant comme un projecteur de poursuite sur les planches d’un théâtre. Un ange passa au milieu de notre groupe, au sens propre comme au sens figuré.
Perchée sur la marche de l’entrée réservée aux femmes, Héloïse mima, parée d’un effet dramatique saisissant, la pose d’une vierge effarouchée.
— Bon bah maintenant, je ne ferai plus l’erreur, susurra-t-elle d’une voix légère en me fixant longuement de ses yeux de biche.
Ma réaction, partagée par tous les membres du sexe masculin, aurait aisément pu se résumer à la contemplation religieuse d’un phénomène biblique – le désir dont suintait la scène, mis à part évidemment. Au vu du petit sourire satisfait dont Héloïse ne parvint pas à se défaire tout au long de la soirée, j’imaginai qu’elle avait obtenu, de notre côté, le résultat escompté.
La réaction des filles était plus difficile à décrire, car plurielle. Julie me confia plus tard qu’elle avait à ce moment férocement envié l’audace d’Héloïse et l’extase qu’elle avait fait naître dans le regard de son petit ami. Alice s’était renfermée, jalousant certainement l’anatomie qu’il lui manquait, se demandant d’ailleurs sans doute comment une personne aussi éhontée pouvait entretenir un quelconque lien de filiation avec Léa. Quant à ma copine, je vis ses efforts pour rester de marbre. Elle n’avait rien manqué du regard que sa frangine m’avait décoché. Étonnamment, nous n’en reparlâmes pas, et c’est bien ce qui me préoccupa.
La première nuit se déroula sans incident majeur. Je n’avais pas l’envie suicidaire de tenter le diable, malgré la proximité insoutenable de mon corps avec celui d’Héloïse, Driss et Léa dormant respectivement aux extrémités de la tente.
En ouvrant les yeux, je m’aperçus cependant que le bras qu’avait passé Léa sur mes abdos dans son sommeil jouxtait dangereusement la main qu’Héloïse avait glissée dans mon caleçon en dormant. A vrai dire, en regardant attentivement la fermeture éclair de mon duvet, je doutai qu’Héloïse n’ait pu opérer sa manœuvre sans être parfaitement éveillée.
Mes soupçons se confirmèrent lorsque je la sentis s’agiter près de moi, actionnant sa main sur mon sexe bien dressé en cette heure matinale, tout en feignant une respiration censée concrétiser un état de somnolence, calée sur les ronflements sonores de Driss qui, lui, dormait vraiment à poings fermés.
Léa choisit ce moment précis pour se réveiller. Elle m’embrassa tendrement le coup, se lovant un peu plus au creux de mon épaule, et murmura :
— Coucou toi, bien dormi ? Héloïse et Driss sont déjà réveillés ?— Comme un bébé, et toi, mon amour ? Non, ils dorment encore, répondis-je, tâchant d’oublier la main qui s’affairait sur mon entrejambe.— Mmmh, j’ai terriblement bien dormi dans tes bras, ronronna-t-elle. Nous avons donc du temps devant nous avant de sortir de la tente, me glissa-t-elle malicieusement tout en descendant lentement sa main entre mes cuisses.
Elle avait adopté ce ton de séductrice aguerrie auquel elle s’essayait occasionnellement. Mais, comme à chaque fois, il y avait une note trop grave ou trop aiguë qui conférait à l’ensemble une dissonance certaine, à l’instar d’une danseuse, aveugle de sa propre volupté, incapable dès lors de s’en persuader pour transcender sa chorégraphie.
— Je crois bien, oui, répondis-je sur le même ton, m’empressant de me positionner sur le côté, déniant ainsi à Héloïse l’accès à mon sexe.
J’entrepris de dévêtir ma copine, cette dernière jouant du bout de ses doigts avec mon pénis déjà gorgé de sang sous l’effet des caresses d’Héloïse. Elle ne s’en étonna pas outre mesure :
— Je vois que tu es déjà au garde-à-vous, sentit-elle en se plaçant également sur le côté pour que je puisse la pénétrer en cuillère, sa position favorite.
J’aurais adoré laisser ma langue et mes lèvres parcourir son intimité. J’aurais aimé abandonner mes doigts entre ses cuisses. Je savais pourtant d’expérience qu’elle ne raffolait guère de ce genre d’attention. Les raisons variaient en fonction des circonstances : en rentrant des cours, elle se trouvait trop sale pour me donner à lécher son sexe ; le matin, elle avait peur d’uriner si je la doigtais trop longtemps ; le soir, elle peinait à faire abstraction des émotions de la journée pour se focaliser uniquement sur son plaisir ; et j’en passe. Récemment, je lui avais proposé que l’on médite ensemble, afin d’offrir à son esprit foisonnant une forme d’ataraxie. J’attendais encore qu’elle revienne vers moi...
J’oubliai donc l’idée de préliminaires pour m’emparer du tube de lubrifiant. C’était une pratique tacite entre nous. Je savais que le sexe matinal n’était pas son péché mignon (en avait-elle un d’ailleurs ?) et que, par conséquent, je devais ajouter un peu de lubrifiant pour faciliter la pénétration, mon engin étant à ses dires « beaucoup trop gros pour elle » (sic). Je savais que derrière ce compliment flatteur se cachait en réalité sa honte de ne pas aimer le sexe autant que moi, bien que je ne lui aie jamais fait ressentir une quelconque forme de pression. J’avais œuvré à désacraliser nos rapports sexuels, pour de maigres résultats.
J’enduis donc mon sexe du liquide providentiel, avant d’entamer une pénétration en douceur. Je m’affairai à embrasser et caresser chaque parcelle du corps de Léa, veillant par la même occasion à ce qu’elle n’attrape pas froid.
Au moment de ranger le lubrifiant, je sentis que l’on me le déroba. Ma curiosité prit le dessus, et je laissai Héloïse à son petit manège. Je sentis alors sa main revenir sous mon duvet au niveau de mes fesses, puis ses doigts trempés venir caresser mon anus.
Bien qu’il s’agisse de l’un de mes fantasmes les plus enfouis, je n’étais pas habitué à ce que l’on stimule cette partie de mon corps. J’avais pourtant pu discuter avec certains amis qui m’avaient fait l’éloge du fameux point P masculin. Encore une barrière que je m’étais idiotement dressée dans ma relation avec Léa. Je n’en saurais trop dire la raison... Sans doute une impression générale de non-correspondance avec les canons de sexualité de ma copine.
Alors que j’adoptais un rythme lent et régulier dans l’intimité de Léa, deux doigts habiles et fins déflorèrent ma rosette, prenant la forme d’un crochet, entamant de petits mouvements de haut en bas. Ils furent remplacés presque aussitôt par un gode de petite dimension qu’Héloïse faisait entrer et sortir par à-coups.
Ma respiration devenait plus saccadée ; mon souffle, plus bruyant. Léa me le fit remarquer.
— Chut, mon cœur, tu vas réveiller les autres, chuchota-t-elle.
Je grognai. Insatisfait de la position actuelle au regard du plaisir nouveau que me procurait en cachette Héloïse, je décidai d’allonger délicatement Léa sur le ventre, en lui tournant la tête vers l’extérieur d’un baiser bien placé au creux de son oreille opposée. Je me positionnai au-dessus de ses fesses, en écartant bien les cuisses et en me cambrant légèrement. Je repris ainsi ma pénétration sage et posée.
Je savais que Léa préférait les positions où nos corps étaient le plus proches l’un de l’autre, mais je voulais savoir jusqu’où irait Héloïse. Cette dernière avait bien saisi le sens de mon changement de place et répondit donc tout aussi muettement à mes prières intérieures en s’emparant d’un plug plus imposant.
Elle le laissa d’abord en moi quelques minutes pour que je m’habitue au diamètre puis, sans crier gare, accéléra franchement la cadence, le faisant ressortir complètement pour l’enfoncer à nouveau de toute sa longueur.
Le bruit de succion provoqué par cette pénétration inédite était couvert : d’abord, par les claquements discrets de mon corps contre les fesses de Léa ; ensuite, par les ronflements de Driss qui ne pouvait pas se douter de la scène insolite qui se déroulait à moins de deux mètres de lui ; enfin, par le martèlement de la pluie battante sur le tissu de notre tente.
Au milieu de cette harmonieuse cacophonie, Héloïse s’attelait à transfigurer mon plaisir. Je me retournais parfois pour partager avec elle, d’un regard profond, les sensations exquises auxquelles elle me permettait de goûter. Je me concentrai souvent pour saisir toutes les vibrations qui parcouraient pour la première fois mon corps.
Héloïse se pencha pour planter en moi un ultime regard de braise, puis déchaîna les mouvements de son poignet en une cadence effrénée qui me cloua au fond de l’intimité de ma copine. Je ne pus résister bien longtemps. L’orgasme me foudroya sur place.
Je me couchai sur Léa, étouffant l’exultation de mon plaisir dans sa chevelure lâchée, bercé par les douces flagrances de sa peau encore endormie. Elle sourit à la vue de mon état.
— Monsieur a pris du bon temps à ce que je vois, ricana-t-elle tout bas.— Oui, répondis-je, à moitié groggy, bloquant sur la formulation d’une phrase plus élaborée.
J’aurais pu m’enquérir de son plaisir... J’aurais dû le faire, quitte à essuyer un nouveau refus artificiel. Je n’avais cependant plus la force... Héloïse m’en avait tout simplement privée.
— Tu as été parfaite.
C’est tout ce que, finalement, je parvins à articuler, suffisamment fort pour qu’Héloïse m’entende, avant de glisser à nouveau dans mon duvet pour rejoindre le délicieux monde onirique que me réservait, j’en étais certain, le royaume de Morphée.
Lorsque j’ouvris à nouveau les yeux, les rayons du soleil ne s’étaient pas départis de leur timidité du matin, bien que la pluie ait, me semblait-il, signé une trêve de circonstance. Je déduisis des bruits de discussion au-dehors et de ma solitude dans la tente qu’il devait être au moins midi passé.
Je m’aperçus que j’avais expulsé, dans mon sommeil, le plug anal. Je pus apprécier l’objet de mes émois matinaux : de forme conique, dotée d’une prise marteau ; son diamètre me semblait tout à fait raisonnable, aux antipodes de ce que j’avais ressenti lorsqu’il s’agitait en moi ; sa couleur bleu pâle rappela à mon bon souvenir ces yeux si envoûtants avec lesquels Héloïse me retenait prisonnier.
La géométrie mentale de cette première dans mon répertoire sexuel ne fut pas évidente. Elle resta d’ailleurs longtemps incomplète. J’étais indécis. Se bousculaient dans ma tête à la fois le goût indicible de revenez-y qui enfumait la vision d’Héloïse et l’impression coupable de délaissement, voire de perte, qui entachait le portrait de Léa. L’édifice de ma conscience, s’il s’était libéré d’une chape de morale le week-end dernier, demeurait pour autant fragile, en proie à de fréquentes secousses. Je ne parvenais pas à décider de la place que devait occuper Héloïse dans ma vie avec Léa. Mon amour pour Léa ne faisait aucun doute. Le sexe avec Héloïse, non plus.
Une fois habillé et toiletté, je me joignis au groupe assis autour de la souche, en leur présentant mes excuses pour cette grasse matinée involontaire (je ne savais pas trop comment la qualifier) qui m’avait fait manquer un certain nombre de corvées.
Julie et Léa m’accueillirent d’un sourire entendu. Je compris alors que ma copine avait largement enjolivé, dans sa narration, notre rapport sexuel du matin. Elle avait certainement dû accentuer les traits de ma « performance physique », afin de justifier ma fatigue subséquente. Elle prenait plaisir à passer pour une femme conquise au lit auprès de ses copines. Quand je lui parlais de cette attitude, elle m’expliquait que c’était sa façon à elle de démonter les clichés grevant les couples d’intellos, ce que je ne pouvais évidemment pas lui reprocher.
Héloïse, quant à elle, jouait parfaitement la comédie de l’adolescente éperdument amoureuse, lovée comme elle l’était entre les jambes d’un Driss à moitié affalé dans l’herbe. Ce dernier m’apprit que le groupe course – Thomas, Benjamin et Alice – ne devait plus tarder à rentrer.
Un long sac de piquets, accompagné d’une bâche transparente, posé sur la souche, attira mon attention. Remarquant mon regard interrogateur, Julie m’expliqua que le camping mettait à la disposition de chaque emplacement une tonnelle en prévision des précipitations en hausse ce mois-ci. Léa ajouta que de fortes averses étaient annoncées pour cet après-midi, ce qui repoussait donc au lendemain notre projet de randonnée.
Je notai, avec un sourire amusé par l’habileté avec laquelle ma copine m’avait présenté les choses, ce qu’impliquait cette dernière précision : quelqu’un devait monter cette tonnelle. Je me dévouai donc à la tâche.
Au retour du groupe course, le groupe cuisine – Léa, Julie et moi – concocta un repas digne d’un concours gastronomique qui aurait été réalisé en milieu forestier, par une météo hostile, à l’aide d’un couteau émoussé et d’une louche, avec pour seule source de chaleur, un feu de camp capricieux, sans oublier des garçons affamés (je faisais partie du lot) qui chapardaient sans vergogne les divers ingrédients de la recette.
Nous avions donc sorti de nos fourneaux une côte de bœuf grillée au feu de bois, qui avait préalablement macéré dans une sauce à base de whisky, servie sur son lit de pommes de terre coupées en dés. La balance nutritionnelle de notre recette était médiocrement relevée par une entrée composée d’une salade de carottes. En fait, nous avions définitivement enterré l’idée d’un repas sain et équilibré, lorsque Alice était revenue de l’épicerie du coin, tout sourire, armée de plus d’un kilo de marshmallows soutenant, sans aucun contradicteur pour réfuter sa thèse, qu’on ne pouvait pas camper sans faire de marshmallows grillés. Il fallait alors voir comment cette évidence coulait d’une source parfaitement limpide dans son esprit. Tout le monde approuva.
Le temps ne s’améliorait pas. Ce constat me rendait de plus en pessimiste quant à la possibilité de faire autre chose que de papoter. Ou pour être tout à fait exact : quant à la possibilité de faire autre chose que d’écouter les filles s’échanger les derniers ragots.
Notre petit groupe se languissait avec un engouement sidérant. Il faut dire que, là où nous étions, au coin d’un feu crépitant, chatouillés par le discret fumet de nos grillades, bercés par le son et l’image de la pluie glissant le long de la tonnelle, sur fond sourd des bruits de la forêt, nous n’avions aucune raison de bouger. Seuls Alice et Thomas manquaient à ce chaleureux tableau, et pour cause : celui-ci restait au chevet de sa copine qui, selon lui, souffrait d’une indigestion passagère. Avait-il osé mettre en doute nos talents de cuisiniers ?
Devant cette atonie générale, Héloïse et Julie s’étaient mises en tête d’élaborer un jeu qui, à leurs dires, pimenterait notre après-midi. Elles nous avaient soigneusement caché les détails de leur invention, nous conseillant simplement, du fait de la tiédeur régnante, de troquer nos vêtements molletonnés de randonnée pour une tenue plus légère.
Nous, les gars, avions choisi le traditionnel jean / tee-shirt (pour ma part, avec un col en V) : indémodable, d’une simplicité déconcertante d’utilisation et surtout adapté à presque toutes les situations. Seul Driss était resté fidèle à son style de jogger négligé, paré de son éternel hoodie décousu.
L’arrivée progressive des filles fit nettement monter la température ambiante.
Léa, sur les conseils avisés de Julie (que je remerciai par la suite), avait opté pour l’élégant caraco rose que je lui avais offert pour la Saint-Valentin. Les délicates bretelles en dentelle du vêtement mettaient en valeur ses fines épaules dénudées. Vêtue d’un jean slim foncé, très légèrement satiné, en accord avec le discret maquillage bleu marine dont elle avait habillé ses yeux, ma copine était venue refermer ma bouche exagérément ouverte lorsque je l’avais vue entrer sous la tonnelle.
Julie, quant à elle, avait clairement souhaité marquer son statut de femme fatale : un bustier noir, dont l’imprimé cœur rappelait l’éclat de son rouge à lèvres écarlate, s’ajustait parfaitement à ses hanches grâce à une ceinture en simili cuire marron, ornée de deux boucles clinquantes en or, venant sublimer un short élastique en tissu synthétique également noir. Contrairement à Léa, elle portait son ensemble sans soutien-gorge, ce qui laissait plus que deviner son opulente poitrine.
Benjamin respirait de fierté à la vue de sa compagne. Trop, à mon avis. Son regard tenait moins de l’amoureux transi que du propriétaire satisfait de son achat. Sa posture tirait vers celle d’un être supérieur ayant trouvé, parmi une foule de miséreux, une créature qui ferait peut-être l’affaire. Ce n’était toutefois que des impressions, des fragments de réflexion inachevée projetés sur une réalité finie.
Tandis qu’il attrapait Julie par les hanches pour la serrer contre lui, je notai les petits coups d’œil furtifs qu’elle me lançait à la dérobée pour jauger l’effet qu’elle me faisait. Je n’avais pas à jouer la comédie : je la trouvais terriblement sexy.
Héloïse se démarqua par une arrivée décalée. Le désir bestial que fît naître en moi son visage me coupa le souffle : une coiffure sophistiquée, découvrant au-devant une large et unique frange latérale, venait encadrer un regard de braise, souligné par un maquillage smoky-eyes et des cils dressés en pattes d’araignée, l’ensemble se trouvant discrètement rehaussé par un teint nude et un rouge à lèvres carmin déposé selon un effet bouche mordue des plus renversants.
La tenue d’Héloïse m’atteignit directement à l’entrejambe : un body blanc comme neige, sur lequel était écrit en majuscules noires « SLAVE », moulant la moindre de ses courbes au point de rendre aisément distinguable la pointe de ses tétons, s’ouvrait largement sur les côtés au niveau de ses hanches ; un minishort en jean clair, ridiculement petit, dépourvu de poches, était déchiré ici et là – sans doute par ses soins – à des endroits stratégiques, ne faisant guère de doute sur l’absence de tout sous-vêtement en dehors de son body presque transparent ; un collier ras du coup en lacet noir, serré par une boucle métallique rutilante, complétait ce look d’allumeuse professionnelle.
Après une attente savamment calculée, Héloïse se dirigea droit vers Driss, qui se trouvait en face moi, en tournant plusieurs fois sur elle-même. J’étais en réalité le destinataire de ce défilé, dont j’étais aux premières loges. Elle me le fit bien comprendre en se baissant plusieurs fois, dos à moi, sous prétexte d’épousseter ses pieds, m’offrant une vue plongeante sur ses jambes parfaitement galbées. Elle prenait soin, chaque fois qu’elle se redressait, de remonter plus que nécessaire son minishort afin qu’il lui rentre dans la raie des fesses. Je tenais difficilement en place. Elle le savait pertinemment.
Alors que je feignais en vain un certain désintérêt pour le spectacle qui se déroulait sous mes yeux, Léa, perdant son sang froid, attrapa brusquement ma mâchoire, tournant mon visage vers le sien, pour écraser ses lèvres contre les miennes. Je fus autant surpris qu’excité par cette réaction soudaine. Elle envoyait un message clair à Héloïse : mon mec ne mate que moi.
Cette dernière ignora la manœuvre de Léa, qu’elle jugeait à l’évidence d’une puérilité affligeante, adoptant pour une fois l’expression mature d’un adulte désapprouvant l’attitude d’un enfant. L’ironie de la situation n’échappa à personne.
Consciente de la crise diplomatique qui menaçait d’éclater, Julie ramena l’attention de chacun sur les règles du jeu qu’elle et Héloïse avaient inventées. Elle prit la voix d’une maîtresse d’école (trop) séduisante.
— Pour faire simple, on a remanié le classique "action ou vérité". Je pense que tout le monde y a déjà joué..., commença-t-elle.
Nous gloussâmes bêtement au souvenir de ce jeu qui s’invitait systématiquement dans nos soirées d’adolescents. Le sexe était alors une contrée inexplorée qui suscitait autant la peur que l’excitation. Un simple baiser volé au détour d’une action bien réalisée suffisait à peupler pendant plusieurs nuits nos songes de jouvenceaux.
— Sauf que cette fois, il n’y aura pas de vérités qui tiennent, coupa Héloïse avec un regard de défi en direction de Léa.
Cette dernière répliqua, sans broncher :
— Ça me va très bien. Je n’aurais pas voulu t’afficher devant ton petit copain.
Léa se trompait manifestement sur le sens du ricanement qui suivit d’Héloïse. Je voyais bien qu’elle n’imaginait pas que Driss ne puisse être qu’une aventure de passage. Elle avait naïvement fait de notre couple le référentiel commun d’interprétation du réel affectif.
Quelques secondes électriques passèrent avant que Julie ne reprenne :
— Bien... Donc, chacun son tour, on devra tirer une action du tas ici présent.
Joignant le geste à la parole, elle désigna le paquet – assez mince, notai-je – posé sur la souche. Elle continua :
— Les actions sont triées par intensité, les plus soft se trouvant au début...— Et les plus hard, à la fin, enchaîna Héloïse en me lançant un regard fiévreux qui agaça ma copine.
Cette rivalité féminine m’excitait fortement. Je n’étais d’ailleurs pas le seul du groupe à avoir adopté ce sourire d’abruti en chaleur.
Julie termina son speech, très satisfaite du ton charmeur qu’elle avait jusque-là employé.
— Une fois la carte piochée, on fait tourner ceci pour déterminer le destinataire de l’action, expliqua-t-elle en désignant la bouteille de whisky au centre de notre cercle. Si personne n’a de questions, nous pouvons...
Elle fut interrompue par Héloïse qui mima, à la perfection, l’intervention en classe d’une petite fille timide :
— Si, moi j’en ai une... Comment on fait si une personne n’est pas capable d’exécuter une action ?
Elle termina sa phrase en décochant de biais un regard moqueur à Léa. Cette dernière répondit à la place de Julie, d’une voix tout aussi ingénue :
— Dans ce cas, cette personne sera éliminée et recevra un gage jusqu’à la fin du séjour.
Tout le monde semblait satisfait, les gars sans doute un peu trop au vu du voltage qui crépitait dans le regard d’Héloïse et Léa. Julie tentait tant bien que mal de faire valoir ses charmes au milieu de cette guerre ouverte entre frangines.
Les premières actions se déroulèrent sans encombre, les probabilités ayant décidé de débuter la partie en douceur. Je me retrouvai ainsi à mordiller l’une des jambes de Julie ; Benjamin à déposer un smack dans le cou d’Héloïse ; Julie à twerker pour Driss ; Léa à me mettre une fessée déculottée (ce qu’elle fit avec un peu trop de plaisir à mon goût) ; Driss à faire un suçon au bas du dos de Julie ; etc.
Les intempéries du dehors tranchaient singulièrement avec l’osmose charnelle qui nous reliait les uns aux autres sous la tonnelle. Nos regards portaient tous, selon une perspicacité variable, vers un horizon baigné d’une insaisissable ardeur sensuelle. Il suffisait, pour cela, d’observer cette étincelle de plaisir interdit qui dansait au fond de chacune de nos prunelles.
Au bout d’une heure de jeu, le paquet de cartes avait nettement diminué ; le niveau de la bouteille de Whisky également – je n’avais pas très bien suivi cette partie-là. Notre groupe s’était complètement déridé, bien que l’intensité générale du courant dans la pièce variait en fonction des bornes humaines entre lesquelles il transitait.
Dans mon esprit, il ne faisait aucun doute que ce fragile état de non-agression entre sœurs allait sauter à l’arrivée des actions plus hard. J’aurais préféré me tromper... En fait, non, je désirais ne pas me tromper. Je m’en voulais d’être gouverné de la sorte par des instincts aussi primaires. Mais mes états d’âme s’étiolaient d’eux-mêmes bien trop rapidement, sous le brûlant éclat dont se parait la beauté injurieuse d’Héloïse. Mes questionnements existentiels recevaient comme par magie des réponses d’une évidence trompeuse. Mon esprit était étourdi par l’adorable plaisir que prenait ma copine à se concentrer sur les enfantillages de sa petite sœur.
L’application avec laquelle Julie réalisa sa quatrième action aurait pu servir de repère, en ce début de soirée, pour identifier un basculement dans notre manière de jouer, passant des actions à caractère érotique qui n’engageaient que légèrement ses protagonistes, à celles qui prenaient une dimension franchement sexuelle, à la lisière de l’adultère.
Julie tira ainsi du paquet une action d’apparence inoffensive : « mimer une fellation/un cunni en utilisant les doigts de X pendant 1 min ». La bouteille s’arrêta sur moi, au plus grand plaisir de Julie qui ne prit pas la peine de dissimuler sa satisfaction :
— Tu vas voir c’que c’est une vraie bouche de suceuse, me lança-t-elle en avalant une grande quantité d’eau et en faisant signe de me relever.
Tombant à genoux devant moi, Julie attrapa mon poignet et se mit à lécher, puis à suçoter paresseusement, chacun de mes doigts. Elle faisait en sorte que ces derniers déforment délicatement ses lèvres à leur passage.
Rapidement toutefois, elle modifia l’angle de sa prise, resserrant mes cinq doigts entre eux pour mieux les insérer dans sa bouche. Elle planta en moi les yeux fiévreux d’une bête en chaleur, pour ensuite se laisser tomber sur ma main. Bien au chaud au fond de sa gorge, je pouvais toucher, du bout des doigts, sa luette.
Elle m’incita, en renversant complètement sa tête, à faire moi-même des va-et-vient de plus en plus rapides. A mesure que j’accélérais, je sentais remonter l’eau qu’elle venait de boire, accompagnée d’importants flots de salive. Elle ponctuait mes pénétrations buccales de petits gémissements.
Lorsque le minuteur sonna, Julie retira ma main, le sourire aux lèvres, et recracha tout le liquide qui était resté bloqué dans sa trachée. Prise d’une toux étranglée, elle finit par se relever à ma hauteur.
— Dommage que rien ne puisse sortir de ces jolis doigts, me susurra-t-elle, gourmande.
Lorsque je me rassis, troublé par cette nouvelle facette de Julie, Léa me fit remarquer, sans autre commentaire, que mon jean était souillé de vomissures. En m’en débarrassant, je me rendis compte à son demi-sourire équivoque qu’elle avait bien noté l’érection que j’essayai difficilement de cacher.
Ma copine paraissait à la fois intriguée et effrayée par une telle manière de prodiguer la fellation. Sur cette nuit tombante, son visage ressortait par un clair-obscur mystérieux. J’en voulus au soleil d’avoir retiré aussi lâchement ses derniers rayons de lumière, déjà bien timides sous cette pluie battante. Je me doutais néanmoins que Léa tâchait de ne pas paraître affectée outre mesure devant le regard inquisiteur d’Héloïse.
Ce fut mon tour de piocher une action : « enlever le bas de X uniquement avec ses dents en moins de soixante secondes », lus-je. La bouteille désigna une Héloïse ravie de pouvoir enfin marcher directement sur les plates-bandes de Léa.
J’adressai à cette dernière un regard muet d’excuses, qu’elle me rendit en mimant un « t’inquiète » avec sa bouche. Je m’autorisai la traduction suivante : tout ceci n’est qu’un jeu qui ne remet pas en cause notre amour. Dans mon esprit, nous étions donc d’accord sur ce point.
Héloïse se racla la gorge pour attirer mon attention. Elle avait adopté, les cuisses largement écartées, une posture exagérément cambrée contre la souche. Elle m’attendait, la tête légèrement inclinée sur le côté, les lèvres entrouvertes.
— Regarde, j’ai déjà enlevé le bouton, m’indiqua-t-elle d’un soupir innocent.
Ainsi installée, elle connaissait son public. Elle avait la science des effets outrageusement sexy, donnant fidèlement le change d’une femme qui s’apprêtait à recevoir le meilleur sexe oral de sa vie.
Lorsque mes dents s’attaquèrent à la fermeture éclair de son minishort, Héloïse passa ses mains dans mes cheveux en respirant bruyamment. J’aurais ardemment souhaité lui donner ce qu’elle mérite, mais je ne voulais pas énerver Léa qui nous observait d’un regard interdit. Je décidai donc d’en finir au plus vite.
Les gars applaudirent crânement mon record de vitesse. Ma copine semblait satisfaite que Héloïse n’ait pas pu autant en profiter. Julie me mangeait carrément du regard – je n’en connaissais pas la raison. Elle me confia par la suite qu’Héloïse n’avait pas un seul instant lâché Léa des yeux, prenant la mine hautaine de la séductrice tenant un homme à ses pieds.
Léa accueillit d’un ton enjoué l’annonce de son tour, lui offrant l’occasion de rendre à sa frangine la monnaie de sa pièce. Elle tira : « faire un lap dance à X pendant deux minutes en lui retirant son haut ». Bien que je susse que Driss n’était pas du tout le style de ma copine, cette dernière prit un sourire carnassier en découvrant le destinataire de son action.
Elle surestimait pourtant de loin l’importance que revêtait Driss aux yeux d’Héloïse. Mais ce détail, elle l’ignorait complètement.
A ma grande surprise, elle entama une danse lascive du plus bel effet, surtout sur l’entrejambe de Driss qui pointait avidement sous son jogging. Sur le torse de ce dernier, elle imprimait à son bassin des rotations d’une exquise sensualité que je ne lui connaissais pas.
Tout en regardant de manière éhontée Héloïse, Léa termina son numéro d’un baiser abusivement sonore sur le front de Driss, à l’évidence par pure provocation.
J’avais cependant déjà vu ce regard mi-amusé mi-impatient que lui rendit Héloïse : c’était celui d’une séductrice en totale maîtrise, qui maniait avec soin ce qu’elle laissait filtrer, les pions de son adversaire étant exactement là où elle les attendait. A mesure que la partie avançait, j’avais le sentiment de n’être que le jouet excitant qui devait berner suffisamment longtemps la proie pour laquelle Héloïse avait affûté ses lames.
La joueuse hors classe qui me fixait désormais avec intensité tira l’une des dernières cartes du paquet.
— masser l’entrejambe d’une personne du sexe opposé, pendant 2 minutes. Interdiction d’utiliser les mains ou la bouche, lut-elle surexcitée.
Souriant d’avance, elle fit tourner la bouteille qui – évidemment – s’arrêta sur moi. A l’extérieur, le vent ne s’était pas donné la peine de retenir son souffle.
Il n’y eut guère d’hésitations. Héloïse me prit par la main. Elle me guida vers la souche. Elle m’y adossa. Elle m’enjamba. Elle posa une main derrière ma nuque. Elle posa l’autre sur mon torse. Elle plaça les miennes sur ses cuisses. Elle se cambra. Elle vint plaquer son entrejambe contre la mienne. Elle m’adressa un petit sourire mutin.
— Je suis presque prête, minauda-t-elle à l’intention de Benjamin qui tenait le minuteur.
L’écoulement des minutes prit une lenteur paresseuse. Léa essayait manifestement d’assembler les informations qui bloquaient à l’entrée de sa rétine : sa petite sœur uniquement vêtue d’un body blanc ultra-moulant, son petit ami en caleçon gris élastique et une action extrêmement hot qui reproduisait fidèlement un rapport sexuel. Les autres nous dévoraient des yeux.
La fuite des secondes devint irrégulière. Héloïse, buvant au goulot d’une bouteille que je n’avais jusque-là pas aperçue, recracha, avec un étonnement parfaitement feint, une conséquente gorgée de ce qui se trouvait être de l’huile de cuisson. Son body, intégralement maculé au-devant, devint complètement transparent. Le liquide coula également sur mon caleçon. Le coulissement de nos corps n’en serait que plus aisé.
L’instant se suspendit complètement. Héloïse s’activa sur moi, par des balancements courts et rapides, resserrant sa prise derrière ma nuque, me gardant prisonnier de son regard incandescent. Sous la cadence des mouvements appuyés de son bassin le long de mon membre, son body se dégrafa, les lèvres de son sexe s’ouvrant sur le tissu humide de mon caleçon.
La notion de durée cessa tout simplement de faire sens. Héloïse m’avait enfermé dans sa bulle. Ses seins, parfaitement dessinés par son body trempé, régnaient sur mon champ de vision. Sa respiration saccadée et ses halètements monopolisaient mes facultés auditives. La chaleur de son sexe irradiait mon entrejambe. L’odeur de sa mouille envahissait mes narines. La puissance de son désir paralysait mes pensées.
L’orgasme d’Héloïse résonna avec l’alarme du minuteur, mettant fin à mon état second. Je peinais à reprendre mes esprits.
Héloïse se releva, en reine épanouie, et retourna à sa place, sans aucun regard pour une Léa qu’elle savait secouée. Elle ne put en revanche lire l’animosité qui brillait à présent dans les yeux de cette dernière.
Après un dernier regard vers mon caleçon maculé de traînées plus sombres, Léa se leva rageusement. Une colère sourde secondait sa démarche. Je le vis lorsqu’elle tira sa carte du paquet. Ses mouvements étaient fermes et déterminés.
En lisant l’action, elle tiqua néanmoins, avant de se ressaisir rapidement et de l’énoncer à voix haute :
— avaler les crachats de toutes les personnes du sexe opposé.
Benjamin, Driss et moi nous regardâmes, à la fois hésitants et impatients. Des gosses devant décider du sort d’un paquet de friandises tombé de l’étalage. L’action d’Héloïse les avait terriblement excités. Quant à moi, elle m’avait laissé au bord de l’orgasme. J’avais atteint ce point de non-retour où l’anormalité devient morale ; où l’immoralité devient banale ; où la réalité devient bestiale. Si j’essayais de concevoir un horizon raisonnable, les conséquences de mes actes s’estompaient dans un artifice lointain aux contours bienheureux. Je n’étais plus moi-même. J’étais un autre. Héloïse avait, une fois de plus, excellé.
Léa nous attendait à genoux, au centre, la tète fièrement relevée, la bouche grande ouverte. A la voir ainsi, mon érection n’en était que plus douloureuse.
Je fus le premier à m’élancer, laissant couler un mince filet de salive sur sa langue. Elle mit quelques secondes à avaler. Elle s’essuya et, après un bref regard satisfait vers Héloïse, reprit sa position.
Driss suivit et déposa un modeste crachat sur ses lèvres. Elle dut récupérer la substance visqueuse avec ses doigts, avant d’accepter le tout, non sans un discret mouvement de recul. Elle fixait, au loin, un point imaginaire.
La déglutition sonore qu’elle fit alors embrasa le désir qui consumait mon entrejambe. Ma vision se troubla. Ma focale se resserra. Ma conscience s’oublia.
Thomas nous rejoignant à ce moment sous la tonnelle, Héloïse tomba dans ses bras en lui susurrant à l’oreille quelques mots dont j’ignorais la teneur. Elle s’empressa de le pousser vers Léa.
Il cracha alors franchement dans la bouche de cette dernière, quelques postillons s’écrasant sur ses joues.
Elle prit de longues minutes à avaler. Elle n’osait pas bouger, incapable de se nettoyer, le regard braqué sur le sol.
— C’était le dernier là, non ? geignit-elle en grimaçant.
Une plainte grinçait dans le timbre de sa voix. J’y décelais un certain malaise. L’euphorie me quittait peu à peu...
— Non, lâcha Héloïse d’une voix forte.— C’est moi le dernier, ricana Benjamin en s’approchant.
Il porta sa bouche à quelques centimètres de la sienne. Dans un silence assourdissant, je l’entendis se racler la gorge. Plusieurs fois. Bruyamment. Il teint son visage à deux mains et libéra l’énorme mollard qu’il avait préparé tout du long.
Léa le reçut les larmes aux yeux. Éprouvant un dégoût manifeste, elle fut prise d’un haut-le-cœur qui n’échappa pas à un public pourtant muet.
— Allez, avale ! assena-t-il d’une voix autoritaire.
Le visage qu’elle leva alors péniblement vers moi frappa mon esprit engourdi. Son regard éteint, ses lèvres pâles, ses traits inertes, ses joues décolorées claquèrent sur mon cœur comme autant de coups de fouet glaçants.
C’en était trop. Léa ne retirait aucun plaisir de ce jeu qui n’en était plus un.
Retrouvant une cénesthésie fonctionnelle, je bondis auprès de ma bien-aimée, la serrant tout contre moi.
— Allez, recrache mon amour, lui soufflai-je en frottant tendrement son dos.— Eh, mais qu’est-ce que tu fous ? s’emporta Benjamin.
Il m’avait attrapé par l’épaule, me contraignant à relâcher Léa pour me relever. L’aveuglement malsain que je lus dans son regard de bête en rut me conféra un instant d’éprouvante lucidité : une poignée de secondes seulement nous séparait l’un de l’autre. Il avait laissé ses fantasmes le dévorer et avait choisi de persister dans cette direction. Je venais tout juste d’en prendre conscience et avait refusé que mon esprit ne devienne pareil curée.
Soucieux de l’état de Léa, je ne pris pas le temps de traduire en paroles l’éclairante vérité qui m’avait transcendé. Ma réponse fut donc exclusivement corporelle : je me dégageai de son emprise, utilisant l’inertie de son élan, d’une clé de poignet souple et efficace.
Sous la douleur, Benjamin s’écarta vivement. J’en profitai pour prendre Léa dans mes bras et filer dans la voiture.
J’eus l’impression de figer en pleine représentation les acteurs d’une piètre comédie de mœurs, chaque personnage refusant de secourir la souffrante ridiculisée pour un motif qui lui était propre : jalousie, fierté, domination, désir ou curiosité. Le genre humain me parut tout d’un coup bien pauvre.
Seule Héloïse m’intercepta à la sortie, débarrassée de ses habituels artifices. Hésitante ainsi mise à nue, elle chercha ses mots.
— Tu mérites mieux... une autre... qui soit une vraie femme, finit-elle par dire d’une voix sans fioritures, qui sonnait étrangement sincère.
Ma réponse se confina à un regard dur qui la troubla profondément, du moins pendant quelques secondes, avant que je ne la vois revêtir à nouveau son masque d’actrice inatteignable.
— Je me débrouillerai pour rentrer, lâcha-t-elle, notant que nous nous apprêtions à partir.
Je hochai la tête et partis rassembler nos affaires dans la voiture. J’allongeai délicatement Léa sur la banquette arrière, emmitouflée dans mon duvet, en lui murmurant des douceurs réconfortantes. Elle s’endormit dès que nous quittâmes l’enceinte du camping.
Contemplant le monochrome atone du bitume, je m’essayai à une introspection salvatrice. Mais chaque fois que je revivais les sentiments contradictoires qui m’avaient secoué sous cette tonnelle, le voile de la nuit faisait ressurgir, d’une lumière blafarde, l’expression vide d’une Léa pleurant à genoux. Cette image résonnait comme une fausse note dans ma mémoire de petit ami aimant. J’expirais douloureusement les relents de ma culpabilité.
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