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Doctor in love

Chapitre 1

Lesbienne
Bastogne. Vendredi 13 avril 2012, 19 heures.
Ffff ! Je soupirai et pestai dans la salle d’attente ; personne n’était arrivé après moi, j’étais donc la dernière patiente, et je… m’impatientais. Quand j’étais arrivée une heure plus tôt, il y avait quatre personnes qui attendaient. Tout d’un coup la salle me paraissait plus grande, maintenant que j’étais seule. Je lorgnai le gros bloc blanc du climatiseur sous la fenêtre, la petite bibliothèque suspendue à côté. Assez gai, ma foi, et sentant le neuf. N’empêche que j’en ai assez, moi, d’attendre !
Et parmi les patients, même pas un couple qui m’aurait fait gagner du temps ! Alors j’ai feuilleté des magazines féminins, avec leurs horoscopes frelatés, leurs recettes de cuisine fraîcheur, leurs régimes minceur, leurs collections de mode, leurs grilles de mots croisés entamés… Un grand soupir ; la dernière patiente était entrée depuis presque vingt minutes et mon tour n’allait sûrement plus tarder.
Ma démangeaison péri-pubienne se rappelait à mon bon souvenir et je fis la grimace ; pas douloureuse, mais omniprésente. J’avais peu dormi la nuit dernière et m’étais décidée à venir consulter un médecin pas très loin de mon meublé, un cabinet situé dans une vieille maison de petites briques claires à la toiture de tuiles rouges. Un petit rond vert sur le côté indiquait « ouvert » ; j’avais poussé la porte d’entrée, une jolie porte en bois exotique, pour accéder à cette fichue salle d’attente.
Moi, c’est Julie Delatour, parisienne d’adoption mais travaillant pour trois mois en CDD à Bastogne, dans les Ardennes belges, comme technicienne informatique dans une petite société de transport routier et ferroviaire. Vingt-deux ans, blonde et jolie, célibataire et déprimée ; séparée depuis peu d’un connard qui ne pensait qu’à baiser. Tant que c’était avec moi, je trouvais ça génial ; mais je me suis rendu compte qu’il avait un terrain de chasse plus étendu que mon joli petit cul. En fait, tout ce qui portait jupe. Et sur Paris, vous imaginez…
Alors je l’ai largué en pleurant parce que je l’aimais, moi. Et j’ai trouvé ce job en Belgique, loin de lui, loin de tout. Depuis presque quinze jours je logeais dans un studio tout pimpant du centre-ville, ayant quitté le stress de la vie parisienne pour une petite ville de province belge. Je courais tous les jours sur la chaussée Romaine, le chemin du bois de Hasie ou dans le parc Elisabeth, seule au début mais parfois je rencontrais des groupes de joggeurs qui m’accueillaient. J’avais même trouvé une petite salle de sport sympa non loin de mon studio. Le seul hic était le prix, toujours prohibitif ; comme on était en avril et que les beaux jours pointaient le bout de leur nez, je limitais ma fréquentation au strict nécessaire, pour mon plaisir.
Et maintenant cette saloperie de prurit, en plus mal placé. Me déshabiller devant un médecin inconnu, ça me gênait ; mais là c’était une femme, ce qui me rassérénait. Justement, la porte du cabinet s’est ouverte et je me suis levée, serrant mon sac à main contre mon ventre. Je suis passée à côté de la toubib et j’ai examiné rapidement les lieux. Son cabinet était agréable et lumineux, dans l’exacte continuité de la salle d’attente ; agréable, avec ses murs coquille d’œuf, son placard mural vert pâle, son carrelage clair ; ce malgré son ameublement médical typique : pèse-personne, lavabo, tabouret, vitrine, petits meubles de rangement de la couleur des murs, sempiternelles planches d’écorchés, le tout rehaussé par le grand bureau ovale jaune vif et un dessin du chat de Géluck.— Bonjour ; vous êtes la dernière, je vois.— Bonjour, Docteur.
Je me tournai vers elle pour lui adresser un petit sourire et m’aperçus qu’elle me jaugeait ; je l’examinai donc à mon tour : elle était en tenue professionnelle avec blouse blanche marquée du caducée portée sur un jean noir et des escarpins de même couleur. C’était une toute jeune doctoresse, pas plus de trente ans, plus grande que moi ; ses cheveux noirs ramenés en chignon sur la nuque brillaient sous l’éclairage au néon de son cabinet. Ils tentaient de lui donner un air sévère, mais sans succès : tout en elle respirait la tendresse. Si j’avais dû la définir à cet instant, j’aurais mis en avant compétence, intelligence, ténacité – il en faut pour réussir ses études de médecine –, mais aussi gentillesse, douceur, bonté.
Ses yeux bruns chaleureux m’enveloppèrent et glissèrent sur mon corps de haut en bas puis de bas en haut pour s’arrêter sur mes yeux bleu-vert. Elle me gratifia d’un large sourire qui illumina son visage à l’ovale parfait. Et me fit sourire en retour sans que je m’en rende compte immédiatement.— Mademoiselle, vous êtes très jolie.— Merci ; venant de vous, c’est un sacré compliment : vous êtes belle à tomber.
Si elle fut interloquée, ce fut l’espace d’un instant car elle partit d’un rire cristallin pendant quelques secondes avant de retrouver son sérieux.
— Pardonnez-moi, mais la journée a été longue et difficile. Il est temps que je décompresse.
— Ne vous en faites pas, je comprends tout à fait ; et puis des compliments, c’est toujours bon à entendre.— Bien. Alors, que me vaut le plaisir de votre visite ?— Une démangeaison persistante au niveau de l’aine et du pubis.— Beaucoup de stress ces temps-ci ? Des contrariétés, des changements de vie ? Il y a souvent des causes psychosomatiques.— Ouh là ! Mon copain m’a trompée, je l’ai largué, j’ai quitté mon travail et Paris, j’ai le moral dans les chaussettes, j’habite à côté d’ici maintenant. Vous croyez que ça suffit comme changements ?— Faites pas la maligne, vous savez bien que oui… Allez, je reprends mon sérieux ! Montrez-moi ça.
Je portais une robe noire en coton cintrée à la taille ; j’ai dégrafé le côté et l’ai enlevée, apparaissant en sous-vêtements noirs en dentelle. Mon péché mignon, la lingerie ! J’ai fait glisser mon string sur mes cuisses, exposant mon pubis entièrement épilé, une lubie de mon ex. Une bande rouge ceinturait mon abdomen du pubis au rein droit. La doctoresse m’a demandé de m’allonger sur la couchette en skaï brun clair recouverte de papier blanc puis, l’air sérieux soudain, elle s’est penchée sur mon ventre et a examiné, palpé mon aine avec des gants de chirurgie avant de relever la tête et de faire la moue.
— On dirait tellement que c’est un zona que ce doit en être un. Félicitations à votre petit ami : il vous a offert un bon pour un traitement onéreux mais efficace. Pas de ganglions, pas de grosse infection, mais il faut commencer immédiatement le traitement ; avec les zonas, il vaut mieux réagir vite si vous ne voulez pas avoir une vilaine marque sur votre joli épiderme, et souffrir de douleurs névralgiques toute votre vie. Vous pouvez vous rhabiller.
Elle chaussa de petites lunettes d’écaille pour rédiger une ordonnance, je me suis assise en face d’elle une fois vêtue. J’étais fascinée par ses mains fines aux longs doigts souples, aux ongles naturels soigneusement taillés ; elle regarda l’heure et décrocha son téléphone.— Olga ? Bonjour, c’est Chloé. Ne ferme pas tout de suite s’il te plaît, je vais passer avec une cliente pour un zona ; sors déjà du Valaciclovir, je ne te retiendrai pas trop longtemps ; à toute !
Elle raccrocha, me tendit l’ordonnance avec un grand sourire qui dévoila une jolie rangée de quenottes blanches et régulières. Je remplis les papiers pour la Sécu, payai par carte Visa et me levai. — Je vais vous accompagner, ce n’est pas loin, mais Olga préfèrera. Je ferme tout de suite.— C’est cool, je vous remercie.
La pharmacie était à une centaine de mètres et nous avons discuté de Charleroi, sa vie nocturne que je ne connaissais pas.— Dites, il est presque huit heures ; vous acceptez que je vous invite au restaurant pour fêter mon dernier client de la semaine ? Oui, je ne travaille pas le samedi.— Mmm... Je veux bien, mais un truc tout simple, d’accord ?— Parfait, alors.
La dénommée Olga nous attendait avec le Valaciclovir et un grand sourire ; sous sa tignasse brune toute bouclée, son visage rond aux yeux bleus respirait la joie de vivre. Quand nous somme parties, elle baissait le rideau de fer de protection de la pharmacie.
— Bien, tu m’appelles Chloé ; en plus ça tombe bien, c’est mon prénom.— J’aime bien Chloé ; moi c’est Julie, mais tu peux même m’appeler Ju. Plus court, c’est pas possible.— J’aime mieux Julie ; je t’emmène dans mon restaurant préféré, catégorie traditionnel et bon enfant. J’espère que tu te tiens bien à table ; tu n’es pas de ces filles anorexiques qui mangent une feuille de salade par jour !— Non ! Je suis une ogresse ! Je mange un agneau entier tous les jours !— Moi, ce serait plutôt une agnelle ; mais je la fais durer sur au moins un week-end, voire plus si affinités.
Je m’arrêtai de marcher pour la regarder avant d’éclater de rire. Elle était directe, et j’aimais sa franchise et son humour. Je glissai mon bras sous le sien et nous sommes reparties bras dessus bras dessous, nos épaules se touchant au gré de la marche.— Tu es lesbienne ? J’ai vu que tu n’as pas d’alliance.— En Belgique, les mariages entre personnes du même sexe sont autorisés, tu sais. Mais oui, je le suis. Et toi non, bien sûr.— Tu m’aurais demandé ça il y a un mois, je t’aurais répondu que je n’aime que les hommes, les vrais. Maintenant, j’ai eu tellement mal avec mon connard d’ex que je suis perdue, en quête de repères. — Mmm... Je me sens un peu dans le rôle de la laissée pour compte, là !
Je la regardai, horrifiée, avant de me rendre compte qu’elle se fichait gentiment de moi.— Pas du tout, je te jure ; tu es si belle, si sûre de toi…— Sûre de moi ? Ce n’est qu’une apparence ; à l’intérieur il y a un cœur qui bat, des incertitudes, des craintes. Des espoirs aussi.— Putain, j’ai pas trop chaud, moi. Ça caille vite ici, j’ai du mal à m’y faire.— Tiens, prends ça, je ne suis pas frileuse.
Chloé avait enlevé sa veste de cuir pour la déposer sur mes épaules ; je frissonnai et lui adressai un sourire de gratitude avant de me serrer contre elle, qui plongea le visage dans ma chevelure libre, son nez se glissant derrière mon oreille.
— Tu sens bon, jolie blonde, quel parfum ? Je le connais, mais là…— Eau de parfum Shalimar de Guerlain. Et toi ? Je ne le connais pas.— Coco Mademoiselle de Chanel ; je l’adore.— Si tu veux, on est presque devant chez moi ; je monte chercher une veste.— Et si je monte avec toi, on va rater le restaurant. Ce serait dommage, le Jan Thaï fait un potage épicé aux crevettes absolument dé-li-cieux. J’y pense, tout près de chez toi il y a l’Adriatique, ses lasagnes, ses pizzas…— Va pour l’Adriatique, si c’est à côté ; je crois voir où il est mais je n’y ai pas encore mangé ; toute seule, ça me déprime d’aller au restaurant. Et ne crois pas que tu vas me faire oublier.
Mon meublé, un studio refait à neuf, tout petit mais cosy, était au premier ; Chloé a regardé autour d’elle et hoché la tête. Par chance, j’avais tiré la couette sur le lit et enlevé toutes les petites culottes sales qui jonchaient le sol le matin même. Comme je sortais ma doudoune rouge JOTT (just over the top), Chloé m’a demandé :— Tu peux enlever ton soutien-gorge, s’il te plaît ? J’aimerais que ta poitrine soit libre. Pour moi.— Ah ! Si tu veux, pas de souci ; tu m’as déjà vue à poil, alors...— Je viens t’aider...
Je lui tournai le dos comme j’enlevai ma robe une deuxième fois en sa présence, et elle dégrafa habilement mon soutien-gorge ; comme je le déposai sur une chaise, ses douces mains ont glissé sous mes bras pour envelopper mes seins ; je couinai parce que ses mains étaient un peu froides.— Hé ! Tu es gelée, Chloé !— Shh ! Pourquoi tu crois que je fais ça ? Je me suis gelée à cause de toi ; maintenant, tu me réchauffes.
Je retins un gémissement d’excitation car la coquine avait saisi en même temps mes deux mamelons entre pouce et index ; elle les fit rouler, les pinçant légèrement, puis de plus en plus fort. Le souffle court, je restais immobile, les épaules frissonnant sous le souffle de ma toubib préférée.— Tu aimes ça, quand je tords tes jolis pis de chèvre ?— Mmm… Oui…
J’avais chuchoté ; dans la pièce silencieuse, elle avait parfaitement entendu, mais elle me fit répéter.— Tu aimes quand je tords comme ça ?— Oui, j’aime, continue. Aïe ! Tu me fais mal, là.— Et tu veux que j’arrête ?
La garce ! Elle chuchotait à mon oreille et soufflait sur ma nuque offerte, me faisant trembler de plus belle ; je posai les mains sur l’étagère située à hauteur de mes yeux pour signifier ma capitulation sans conditions. À mon désarroi, Chloé libéra mes tétons gonflés et durs et embrassa ma nuque avant de se reculer.— Allez, tu t’habilles et on y va ! J’ai grand faim.
Le rouge aux joues, j’ai prestement enfilé ma robe et l’ai lissée avant de me retourner vers Chloé ; imperturbable, elle me toisa et parut satisfaite de ce qu’elle voyait. Elle m’adressa alors son sourire « Déesse numéro un », celui qui illumine ses yeux et irradie, celui qui fait se prosterner les foules à ses jolis pieds. Mon cœur marqua le pas et j’allai me blottir dans ses bras accueillants qui se refermèrent sur mes reins. Comme j’étais plus petite qu’elle, je posai la tête sur son épaule et me mis à ronronner de plaisir.— Allez, jolie patiente, il faut y aller ; et tu dois prendre ton Valaciclovir aussi.— Je sais, mais je suis si bien…
Le restaurant, une trattoria chaude et accueillante, était tenu par un italo-belge volumineux et volubile, comme il se doit. Il salua amicalement Chloé et nous guida jusqu’à une table isolée ; non pas que la salle fut bruyante, il n’y avait que quelques couples de clients disséminés dans la vaste salle.— Tu veux un apéritif, ou alors on prend une bouteille de vin italien pour le repas ?— Je ne sais pas. Je suis vite pompette, moi.
Chloé commanda un vin rouge plein d’arômes qui me plut beaucoup, beaucoup trop ; tellement que si je me souviens avoir mangé des tagliatelles au thon, aux câpres et à la tomate, je ne me rappelle pas de leur saveur, ni du dessert. Je me souviens par contre avoir eu de terribles crampes d’estomac en me levant de table. Je pensais que l’air frais allait me ragaillardir, mais ce fut pire encore, et je me pliai soudain pour vomir dans le caniveau, sur mes chaussures aussi ; mon repas du soir, mon Valaciclotruc et tout ce que pouvait bien contenir mon estomac, et même plus.
Chloé me soutenait et s’excusait de m’avoir fait boire plus que de raison, surtout avec le médicament. Pourtant, je n’avais bu que trois verres de vin, mais voilà… J’étais désolée du triste spectacle offert à Chloé ; elle m’aida à nettoyer mon visage larmoyant et à m’éloigner de la zone sinistrée, puis me dit :
— Je ne vais pas te laisser comme ça ; tu viens chez moi, on passe au cabinet.— J’ai la honte, Chloé, je sais que je tiens pas l’alcool, mais quand même !— Shh ! Ce n’est pas l’alcool. Ce n’est pas « que » l’alcool, en tout cas ; tu as fait une mauvaise réaction entre alcool, médicament, coup de froid et je ne sais quoi d’autre. Tu as déjà fait de la moto ?— Non, jamais.— J’ai ma VFR à côté du cabinet, un casque qui devrait t’aller, un pantalon de pluie aussi si tu veux.
Elle me serra contre elle et nous sommes revenues au cabinet ; le temps pour Chloé de se changer et enfiler sa combinaison moto en cuir blanc, ses bottes, deux paires de gants et deux casques, de nous équiper, et elle démarrait sa moto. Une Honda 1200 rutilante, blanc iceberg ; je me suis installée derrière Chloé, pas trop rassurée quand même, serrant les poignées latérales. Nous avons roulé dix minutes maximum à vive allure ; Chloé maîtrisait parfaitement son bolide et avait l’air de se régaler, comme me le confirma son visage épanoui quand elle enleva son casque. Moi, ça allait un peu mieux globalement ; je n’avais pas eu le temps de me refroidir, protégée du vent que j’étais, collée au dos de Chloé. Elle poussa sa Honda sous un abri et m’ouvrit la porte de sa maison.
— Bienvenue, Julie ; tu vas prendre une douche brûlante, et aussi te laver les dents trois fois ; ça va mieux ?— D’abord les toilettes, s’il te plaît ! Et vite, si possible…
Plus tard, après avoir avalé deux comprimés poussés par un verre d’eau et m’être conformée aux prescriptions de ma toubib, je suis allée la rejoindre dans le séjour spacieux et décoré avec goût ; je portais un grand peignoir de bain en coton blanc à rayures rouges qui sentait un peu le parfum de Chloé et son odeur intime. Elle avait préparé une infusion et sirotait une tasse, assise dans le coin d’un grand canapé de cuir marron.
— Alors, comment tu te sens ?— Maintenant, bien mieux. Quelle galère ! Je suis désolée, Chloé, de t’avoir infligé ça.— Hé ! Je suis médecin, ne l’oublie pas. Comment se porte ton zona ? Pas douloureux ?
J’étais debout juste devant elle ; avec un sourire mutin, j’ai dénoué la ceinture du peignoir et largement écarté les pans, exposant mon ventre nu. Elle a souri à son tour, mais son visage était grave.
— Je ne veux pas que tu aies l’impression, plus tard, que je t’ai forcé la main, tu sais.— Chloé, j’ai vingt-deux ans !— Oui, et tu es déprimée ; vulnérable aussi.— Fais-moi l’amour, Chloé.
Ce fut ma première nuit d’amour avec une femme ; une femme sublime et sensuelle ; perverse et tendre. Avec elle j’ai retrouvé le goût de vivre, la joie du partage. Une nuit, elle m’a procuré plus d’orgasmes que je n’en avais eus depuis ma naissance. Avec ses doigts, avec sa langue, avec des objets absolument pas destinés à cet usage. Bien sûr, elle m’a appris à lui rendre ces attentions, et j’y mettais une application qui l’a comblée souvent.
Nous roulions la nuit sur sa moto dans des courses folles, je me blottissais contre son dos en encerclant sa taille de mes mains. Puis après deux heures à brûler la gomme sur l’asphalte, nous rentrions et nous nous faisions l’amour jusqu’au petit matin, où nous nous endormions, épuisées par des dizaines d’orgasmes partagés.
En vérité, j’aurais pu rester, poser mes bagages et vivre le restant de ma vie à ses côtés ; mais même si je l’aimais, il me semble que je cherchais désespérément autre chose.
J’aime les femmes, mais j’ai un besoin viscéral des hommes. Un ex petit ami m’avait contacté et se proposait de m’héberger à Paris, de m’aider à trouver du travail, et aussi de renouer une relation qui avait été torride à l’aube mes dix-sept ans. J’étais trop jeune sans doute et nous nous étions perdus.
J’ai quitté la Belgique fin août pour reprendre un travail sur Paris. Chloé pleurait, je pleurais dans son cabinet. Quand j’ai réussi à me détacher des tendres bras de mon amour de toubib et à ouvrir la porte donnant sur le hall d’entrée, je suis tombée nez à nez avec une jeune femme de mon âge.
Un peu plus grande que moi, de longs cheveux châtain clair sagement peignés comme une collégienne avec la raie bien droite sur le côté, de grands yeux bleus pour l’heure inquiets, elle était belle comme un cœur. Et toute sage dans sa petite robe blanche qui mettait en valeur les courbes avantageuses de son juvénile corps. Le sourire un peu factice qu’elle arborait quand j’avais ouvert avait disparu, remplacé par une vraie expression d’inquiétude et de tristesse.
Je ne devais pas être belle à voir en passant à côté d’elle avec un Kleenex sur le nez ; j’ai couru jusqu’à la porte alors que la jeune femme demandait :
— Docteur, ça ne va pas ? La pauvre… Je suis Adèle, l’agence m’envoie pour un travail de secrétariat.— C’est vrai… Excusez-nous, mais c’est trop dur de laisser partir quelqu’un qu’on aime. Entrez, je vous prie.

Un grand merci à la précieuse Adeline, documentaliste et correctrice, sans laquelle cette histoire serait fade, sans saveur et sans fond. Et sans titre.Je n’oublie pas Serge, correcteur dévoué.Ni surtout Catherine, à qui je dédie ce texte.
Depuis, le temps a passé, Catherine et Adeline s’en sont allées. Paix à leurs âmes qui se sont retrouvées.
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