Treize juin Le bruit du vent qui geint à l’extérieur ramène à la vie le type qui s’étire et ouvre les quinquets. Un coup d’œil suffit pour savoir que la nuit est morte, ensevelie sous une pluie battante et un ciel si gris qu’un canard… tout le monde connait la suite. La douche remet en forme un Gaétan qui s’agace de ce qui lui arrive. C’est trop con, cette envie de la mère de son défunt pote. Mais, dans ce genre de truc, comme souvent, c’est le corps qui commande plus que la cervelle. Une fois de plus, il y a en préambule, le fumet. Celui du café et du pain grillé, mais aussi du parfum que Maryse porte. Elle traine encore en nuisette, sans avoir pris la peine de la couvrir de la robe de chambre. Et les pupilles du gars se dilatent sous la vision terrible de la poitrine qui s’imprime en filigrane sous l’aérien tissu du déshabillé. Les pointes tendent l’étoffe et les mamelons sombres entourés de leurs aréoles grosses comme des pièces de deux euros sont là qui semblent le narguer. Puisque son accoutrement attire les regards, au moindre geste, ceux du garçon se tendent vers ce centre d’elle qu’un minuscule triangle noir laisse apparaitre par transparence. C’est mille fois plus affolant que si elle se tenait nue à ses côtés. Et le pouvoir de suggestion du cerveau masculin fait son travail de sape. Il ne faut guère plus de deux minutes pour que l’imagination débordante envoie des ondes positives à ce membre incontrôlable. Ça devient plus glauque encore lorsque sans qu’il s’y attende, Maryse s’approche de lui et penchée sur le dossier de sa chaise, elle l’entoure de deux bras dont les mains se rabattent sur sa poitrine. Comme elle est debout et lui assis… il est évident que l’avancée mammaire se love contre la nuque de Gaétan qui n’avait pas besoin de cela pour que son sexe réagisse. Alors, involontairement il fait contrepoids en expédiant ses propres pattes vers l’arrière de la chaise. Celles-ci viennent tout bêtement au-devant de cette « maman » qui s’y trouve et rencontrent… deux cuisses vierges de tout vêtement. C’est chaud, c’est… fou ! Les longues quilles ne bougent pas, et instinctivement les doigts se serrent à cette peau lisse et délicate. Elles entreprennent une reptation des plus périlleuses. Sans seulement que le jeune homme détourne la tête, juste à l’aveugle, il laisse trainer ces doigts qui insensiblement rampent vers le bas de la nuisette. Maryse ne cherche pas à reculer. — Oh ! Mon chéri… comme je me sens merveilleusement bien. Profitons de ces jours qui nous restent à passer ensemble. Je suis… comblée.— … Maryse…— Oui ? Mon Cœur ? Tu veux me dire quelque chose ?— Je ne suis pas…— Ne crains rien ! Dis-moi ce que tu désires, ce qui te ferait plaisir. Ne te gêne pas, je suis prête à tout entendre, à tout comprendre…— Humm ! Je ne sais pas vraiment si…— Oui mon chéri ? Si quoi, allons tu en as trop dit ou pas assez…— Si... tu serais enchantée par ce que je pense ou par mes envies !— Comme tu te tais, je ne saurai pas quoi te répondre…— Ben… je pense, j’ai envie de… toucher !— Toucher ? Mais toucher quoi mon amour ? Pourquoi ne dis-tu que la moitié des phrases ? Ne sois pas aussi timide… toucher quoi, dis-moi !— Ça… ça Maryse ! Ça… — …
Il ne dit pas le mot, mais une de ses mains est suffisamment explicite pour qu’elle sache de quoi il retourne. Les doigts ont allégrement franchi la barrière de frous-frous et sont à la lisière de ce qui semble être un string au toucher du jeune homme. Elle ne bouge toujours pas, comme attentive à la suite des évènements. Lui n’ose plus, tétanisé par tant d’audace. Il ne donne plus cette animation qui permettrait à son index d’écarter le tissu de la peau. Non ! Il reste coi. Elle ne dit mot, ne fait pas ce mouvement de recul qui lui montrerait son refus. Elle se contente de le serrer plus fort contre sa poitrine, toujours arc-boutée sur le dossier du siège. — Je t’aime Mathis ! Mon dieu… quel calvaire que cette trop longue séparation !— Maryse… je ne suis pas votre fils.— Oh que si ! Une mère ne peut pas se tromper, je ne peux pas faire erreur. Tu es bien mon enfant.— Non… Je vous en supplie, faites un effort. Elle se redresse et relâche son étreinte. Sans voix elle revient vers son plan de travail, ouvre le robinet, lave le bol qu’elle a déposé dans l’évier. Elle lui tourne le dos et les quinquets de Gaétan ne quittent plus ces deux fesses roses voilées de mousseline brune. Rien ne vient en ternir la vue. La ficelle du triangle n’est apparente qu’à la taille de la femme. Il bande comme un âne et se traite de cinglé. Il s’en veut de n’avoir pas… essayé… d’être passé à côté d’un moment de félicité… ou d’une gifle qui sait. Tout serait préférable à cet insupportable désir qui lui tend la queue. Cette fois, mu par un mécanisme dont il ne gère rien, il s’est remis également debout. Pour se donner une contenance, il se saisit de son bol, de ses couverts. Trois enjambées le séparent de la place où elle opère. Elles se réalisent dans un nuage de ouate. Un brouillard qui lui donne le tournis. Il faut, il doit le faire, tout est mieux que de rester dans une incertitude malheureuse. Elle est là, si proche…
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Pas d’échappatoire possible pour elle, puisqu’elle se trouve coincée entre les éléments de cuisine et le garçon. Le souffle mâle court sur sa nuque découverte par la position de son minois penché sur son ouvrage. Lui est désormais contre elle, son corps épouse le sien. Elle ne peut ignorer ce renflement au niveau de ses fesses. C’est une vraie femme et elle sait de quoi il s’agit. Lui se moque maintenant des risques encourus. Une baffe ou faire l’amour, c’est aussi bête que cela. Alors… Il se presse contre cette croupe incendiaire qui ne remue plus. Les mains féminines continuent imperturbables, leur travail. Laver le bol, frotter les cuillères, avec un aplomb qui frise l’inconscience. Elle sait, sent ce qu’il veut, ce dont il a besoin. Mais elle n’est pas du tout sur cette longueur d’onde. Les deux tentacules de Gaétan cerclent le corps au niveau de la poitrine, empaumant bien sûr celle-ci. Elle rejette d’un coup sa chevelure en arrière dans un geste d’impatience. — Arrête… ce ne serait pas raisonnable ! Je ne peux pas, ne dois pas te donner ce que tu espères. La morale… ce n’est pas convenable, pas concevable.— … C’est pire qu’une claque sur le visage, une blessure d’amour-propre pour ce loustic qui commençait par croire en sa bonne fortune. Elle vient d’une phrase, de ruiner ses espoirs, balayer ses rêves. Bien sûr qu’il recule. Il s’agit bien d’une fin de non-recevoir. Et se sentant délivrée, Maryse se retourne lentement. — Ce n’est pas l’envie qui m’en manque, tu dois le comprendre. Tu es celui que j’aime le plus au monde, mon chéri… je ne veux que ton bien et ce genre d’amour ne se partage pas entre un fils et sa mère.— Maryse… je ne suis pas votre gamin, pas votre enfant. Je n’ai jamais séjourné dans ce ventre là… réveillez-vous bon sang. — Pourquoi es-tu aussi mordant avec moi d’un seul coup ? Je ne mérite pas ta colère… je t’aime et tu devrais bien en être conscient depuis toutes ses années. Je t’ai tout donné… mais ça… ça, c’est au-dessus de mes forces ! Ça dépasse largement mon entendement. Je… j’ai mal de dire ces mots… je ne peux pas coucher avec toi !— Même en sachant que je suis Gaétan le meilleur ami de Mathis ?— … chut ! Ne te fais pas plus de mal encore, mon cœur. D’un index raide, elle clôt les lèvres, stoppe le flot de paroles qui va sortir de sa gorge. Lui ne sait plus quelle attitude adopter. C’est comme s’il se heurtait à un mur. Incompréhension, impossibilité de communiquer, elle dans un univers perdu, lui dans la réalité, comment opérer une jonction entre ces deux mondes diamétralement opposés ? Quitter cette maison s’impose comme l’unique solution ? La chambre d’ami pour y reprendre ses affaires ; c’est bien là qu’elle vient le relancer. Son ton est toujours agréable, comme si l’incident de l’après-petit-déjeuner n’avait jamais eu lieu. — Qu’est-ce que tu fais ? Pourquoi tu prépares une valise ? Je te croyais en vacances pour encore presque quatre ou cinq semaines ?— Je… je suis confus de ce qui est arrivé et je ne crois pas que j’ai ma place chez vous, Maryse ?— Qu’est-ce que tu me chantes là ? Pourquoi veux-tu fuir… à la moindre contrariété ? C’est bien tous les hommes ça ! Ils n’obtiennent pas ce qu’ils veulent, alors ils s’envolent.— Mais non ! Mais je ne peux pas supporter que vous mélangiez réalité et songe. Vous semblez vivre dans ou sur une autre planète, je ne me sens pas à ma place dans votre… existence ou votre passé !— Je t’en supplie… ne pars pas, ne me quitte pas une seconde fois. Je ne pourrais pas m’en sortir. Avançons doucement tous les deux… Ne me quitte pas, je t’en conjure.— Je ne peux pas, Maryse, vous regarder vous détruire sans rien dire ni faire. Je ne suis pas votre Mathis. Je ne saurai jamais le remplacer, c’était une erreur de venir vous rendre visite et bien plus grande encore d’avoir accepté de vivre sous votre toit.— Ne… ne me laisse pas, je t’en supplie…— … C’est trop difficile pour moi. Vous n’avez pas l’air de revenir à la raison et au présent.— Pourquoi t’acharnes-tu à me faire mal ? Ne pars pas, c’est ma seule prière. Dilemme cruel ! Rester et de nouveau affronter ses vieux démons, ses désirs fatalement refoulés. Partir et la savoir dans la peine, c’est un débat qui fait rage dans le crâne de Gaétan. Elle a les yeux embués de larmes. Comment réagir à cela ? Sa patte, celle qui tient deux caleçons propres sagement pliés, sa main tremble et elle le sait bien. Joue-t-elle de ces pleurs ? Il n’en jurerait pas. Finalement elle a gain de cause et en dépit de toute logique, il perd la partie. C’est elle qui remet sur les étagères de l’armoire ses slips et maillots. Suivre des quinquets la femme, la mère qui avec une élégance rare dépose un à un les vêtements, a quelque chose d’irréel, de dément. Bien sûr qu’il devrait prendre ses jambes à son cou, qu’il devrait claquer la porte et filer. Mais c’est bien l’inverse qu’il fait. Elle va doucement, très souriante de nouveau. Comment peut-elle être si éloignée de ce présent qu’il représente ? Puis c’est toujours ensemble qu’ils vont faire quelques courses. La grâce personnifiée qui parcourt les allées d’une grande surface fait tourner bien des têtes. Et il est indéniable que les autres prennent ce jeune type pour le fils de la nana qui déambule dans les voies bordées d’aliments. La caissière aussi jette un coup d’œil amusé, au « gamin » de cette jolie cliente qui règle ses achats. Est-ce un atout de n’être pas vu comme le jeune amant de celle qui a l’air heureuse ? Pour le repas du soir, Maryse réchauffe au four deux pizzas rapportées de leur sortie. Un bref arrêt à la camionnette qui séjourne une fois par semaine devant l’église et hop, le tour est joué. La télévision sert de trait d’union à ce couple qui campe sur le canapé. Le jeune homme prétexte rapidement un besoin urgent de dormir pour réintégrer sa piaule et souffler un peu. Histoire sans doute de laisser reposer sa verge qui s’emballe toujours autant ! Quatorze juin Minuit vient de sonner au clocher du village. La pluie a fait un retour remarqué et le vent amplifie les bruits extérieurs. Le sommeil n’est pas au rendez-vous pour le gaillard couché dans le pieu de la chambre mise à sa disposition. Maryse vient de traverser le couloir. Ses pas sur le sol le font savoir au jeune encore éveillé. Maintenant l’eau de sa douche perturbe le silence de la maisonnée et fait se recroqueviller dans sa couche le corps du bonhomme. Instantanément, les images diffuses de la nudité de l’hôtesse remontent à la surface. Comment et pourquoi se relève-t-il ? Pourquoi pousse-t-il le panneau qui le sépare de la vue de la maitresse de céans ? La vénus est là, splendeur mouillée qui comme la veille lui tourne le dos. Le gel fait son office et couvre l’ensemble du corps de millions de bulles irisées. La cataracte d’eau jaillissant par la pomme de douche fait suffisamment de bruit pour que la présence du visiteur non désiré ne soit pas détectée. Il observe, la bouche remplie de salive, cette fascinante aspersion sous laquelle se coule Maryse. Lui non plus ne porte rien sur lui. Et il n’est pas nécessaire de sortir de HEC pour comprendre que sa bite est raide comme un piquet. Il lui semble qu’elle fredonne une chanson, effet de l’imagination du type ou réel air qu’elle entonne ? Le doute subsiste alors qu’elle ploie sur ses deux longues quilles. Un des bras féminins, armé d’une fleur de nylon passe par le pont ainsi créé par cette position singulière. Gaétan peut admirer les fesses écartées qui livrent le passage à ce gant chargé de nettoyer les moindres recoins. L’eau glisse sur la paroi de verre de l’endroit où la femme se lave. Ce qui rend moins nets les contours de ses formes formidablement attrayantes. Le quart de tour qu’elle s’autorise fait savoir au visiteur indélicat qu’il est temps de se replier vers sa turne. Il court presque vers son lit, sa bite toujours en érection. Le drap ne peut rien pour soulager son envie pressante. Reste donc à s’alléger par une masturbation rapide. Ce qu’il s’empresse de réaliser dans une obscurité totale. Mais ses mains sont soudain interrompues par un raclement indéfinissable. Qu’est-ce que c’est que ce son à peine audible qui perturbe l’astiquage balbutiant ? Le vent d’air frais qu’il ressent n’est dû qu’au drap qui se soulève, comme aspiré vers le plafond. Cette fois, il saisit que quelqu’un arrive dans son lit. Ils ne sont de toute manière que deux dans la maison, donc… la conclusion est simple. Il reste allongé sans faire un mouvement. Le corps encore humide qui vient de se glisser près du sien est affolant. Puis plus rien ne bouge. Dans l’obscurité protectrice de la chambre, il peut tout à loisir jouer l’endormi. Très doucement, la longue jambe qui le frôle se colle davantage contre la sienne. Une hanche douce appuie sur son flanc et il ne cherche pas à éloigner son épiderme de celui qui arrive. Puis dans le noir, une minuscule menotte se pose sur son torse. Un léger murmure fait écho à la reprise de la respiration masculine. — Tu dors ? Tu dors vraiment ?— … Pas de réponse de sa part. Juste une attente qui lui parait semblable à une éternité. La paume qui lui transmet une sorte de chaleur se déplace en remontant vers ses seins. Bien entendu, l’un de ses mini tétons est très vite sous les doigts. Ceux-là titillent délicieusement les bouts et pour un peu il jouirait bêtement de cet attouchement sibyllin. A-t-elle ressenti ce tressaillement qui lui a fait remuer le corps ? Ou bien est-elle trop affairée à sa caresse pour s’en rendre compte ? Il s’en fiche de toute façon puisqu’elle a fait le premier pas. Les doigts ne stationnent qu’un court instant sur l’espace qui mène à son cou. Il n’y a rien d’érotique ou de mal intentionné dans la démarche entreprise par le bras féminin. Arrivée sur le visage, cette main en suit le profil. Enfin, le jeune homme sent l’ensemble du corps de Maryse qui se soulève un peu. Un courant d’air signale qu’elle approche ses lèvres de la joue et un bisou remet un peu de calme dans tout cela. Ensuite, la femme se recroqueville contre le corps du garçon alors que son bras se met à la recherche de celui de Gaétan. Une fois la main calée dans la sienne, il perçoit le relâchement total de ce petit être fragile qui ne bouge plus. Lui reste de longues minutes dans une position où elle a posé sa tête contre son épaule. Ne pas faire un mouvement, la laisser se reposer, attendre. C’est la seule solution. Au bout d’il ne sait combien de temps, sa respiration est rythmée, elle s’est endormie. Sur le ventre du type allongé, le serpent garde toujours une forme olympique. Quel supplice de la savoir si proche, si présente et de chercher un moyen de dériver son esprit pour oublier son érection ? Les minutes deviennent des heures et finalement, sans trop savoir comment, il finit lui aussi par s’enfoncer dans une nuit peuplée de rêves spéciaux. Les hommes bandent souvent au réveil pour bien des raisons. Là, pas besoin de chercher midi à quatorze heures. Ce qui le met dans un pareil état a la peau très douce et garde une chaleur communicative. De plus, son bras qui dérive en travers du corps de la femme approche le dessous d’un sein qui ne demande qu’une caresse. Il se retient pour la énième fois et se tourne pour éviter qu’elle ne ressente trop cette barre qui frôle ses fesses. Il se tourne, se pousse, de manière à ne plus la toucher. Mais elle aussi s’ébroue et sort lentement du néant. Elle se soulève de nouveau, et un bisou aussi délicat que celui donné avant de s’endormir claque sur la joue de Gaétan. Puis sans se préoccuper plus de lui, elle quitte le lit. Le glissement de ses petons sur le sol lui indique qu’elle arrive déjà dans le couloir. Il ferme les yeux, se demandant s’il a seulement rêvé cette situation improbable. Comme pour les levers précédents, les arômes d’un café frais viennent rapidement titiller ses narines.
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Quinze juin L’incroyable propension à faire abstraction de tout ce qui se passe autour d’elle est un refuge pour Maryse. C’est du moins ce à quoi songe en cet instant le jeune gars qui se lève et suit la silhouette fine qui trottine dans sa cuisine. Elle sert le petit-déjeuner sans une once de trouble. Il est là, elle aussi et tout parait « normal ». Chacun doit trouver sa place dans l’espace de vie de cette maison. Sait-elle que ce jeune loup qui dévore avec une faim grandissante ses tartines si maternellement préparées n’est pas son fils ? Lui rabâcher reste vain. Elle se mure dans un refus de comprendre que Gaétan n’arrive pas à contourner. Ce qui en revanche est certain, c’est qu’elle agit bien comme si celui qui est face à elle était bien son Mathis chéri. Se comportait-elle de la sorte avec son gamin ? Une curieuse question qui fait des nœuds sans la tête de l’étudiant qui se demande si elle venait dans le lit de son môme également. Et d’image en image comment ne pas retomber dans ce qui lui taraude l’esprit et le fait bander ? Les propos de cette femme restent bien dans une banalité d’une journée entre un fils et sa mère. Elle veut savoir ce qu’il désire pour le déjeuner, ce qu’il a envie de faire de sa journée. Des échanges qui sont bel et bien ceux des gens partageant un quotidien familial « ordinaire ». Jamais elle ne voit le mal, pas une seule seconde elle ne semble entrevoir que sa nuisette qui suggère tout sans rien montrer réellement lui profère aux yeux de son invité, un statut tout particulier. — Je crois que je vais passer du temps dans ma chambre. J’ai des révisions à faire, je dois bosser. — Des pommes de terre farcies… tu aimes ça, hein ? Je vais t’en préparer pour midi.— Ne vous tracassez pas pour moi… Vous avez besoin d’un coup de main pour la vaisselle ? Et puis… tout me va, vous êtes une bonne cuisinière.— Je hais ce temps qui passe ! Il va bientôt te ravir à moi et je tiens à profiter de chacun des instants que nous avons à passer réunis.— … ! Si vous saviez comme c’est mon souhait le plus cher aussi… ! Deux prunelles bleues se sont levées vers ce garnement qui va quitter la pièce. Il a du boulot… mais au moins est-il présent. Comme il a grandi, comme il est devenu fort ! Un homme sort de la cuisine. Une force tranquille qui va réviser dans sa chambre. Elle rentre dans sa coquille, revenant sans cesse sur les années où le gosse avait tellement besoin d’elle. Mais aussi elle de lui, pour surmonter une solitude qui va refaire surface. Elle mesure l’arrivée d’une vieillesse précoce à l’aune de son envol. Elle voit cette silhouette qui se faufile vers le corridor, la regarde disparaitre dans les profondeurs de la maison. Mathis… il a tout de ce papa, Daniel, qu’elle veut haïr. Lui aussi lui a manqué toute sa vie depuis son départ. Mais les traits de ce fils trop ressemblant, les mains à la douceur oubliée, jusqu’à sa respiration dans le noir de la nuit, tout la ramène à des jours perdus. Alors non, ce jeune homme ne peut pas la laisser dans sa misérable existence d’ermite. Reste la brulure lancinante du passage des doigts qui n’ont franchi la barrière de l’interdit qu’un si bref instant. Elle se consume de n’être que mère le temps de vacances, de savoir qu’il va bientôt retourner auprès de ses amis. Un feu malsain couve en elle, qui la grille lentement de l’intérieur. Pourquoi mélange-t-elle son ex-mari et les images devenues si floues de Mathis ? Puis ce fantôme qui rôde dans la maison, quel amour lui donner ? Elle passe un long moment sous la douche, savourant bizarrement l’instant magique de ses pattes qui enduisent son corps d’un gel odorant. Ce bien si personnel que plus rien ne vient ensemencer depuis… que Daniel l’a quitté pour sa rousse. Songer à l’amour revient à la faire sursauter. Saurait-elle toujours étreindre ? À force d’oubli, son ventre ne s’est-il pas hermétiquement clos à toute activité de ce style ? Bizarre ces folles pensées en ce petit matin triste. Daniel, Mathis, même sang, même amour ? Pas si sûr qu’elle veuille y croire. Dans sa folie ordinaire de trop de chagrin, des lueurs de lucidité qui lui rappellent que certains gestes sont interdits. Mais comment faire la différence lorsque le corps et le cœur sont presque morts, qu’il ne survit que des souvenirs pour la tenir debout ? Puis ce jeune homme, pourquoi son visage se superpose-t-il à celui de son Mathis absent depuis trop longtemps ? La fleur de nylon qui virevolte sur son épiderme la renvoie vers des moments profondément enfouis en elle. La serviette fait son office et la sèche de la tête aux pieds. Pourquoi dans la buée de la paroi de verre de la douche lui semble-t-il qu’une ombre s’est enfuie ? Son esprit embrumé ne parvient plus à dissocier le vrai du réel ? Pourquoi son fils réclame-t-il sans le dire ce qu’elle a tellement donné à son père ? Se peut-il que les enfants suivent les traces de leurs parents jusque dans ce souci du détail ? Il est un mot qui danse là, au fond d’elle, qui s’il est de blanc vêtu la révolte, et de noir habillé lui donne le tournis. Inceste ! La maison est d’un coup si calme. Mathis étudie encore ? Elle passe des vêtements propres. Culotte, soutien-gorge se perdent sous un chandail et une jupe. Un trait rouge cerise vient rehausser l’éclat d’un visage trop pâle. Et puis elle rêve de chaleur, de cet intense bonheur à jamais perdu. La chambre est entrouverte, il travaille, le nez dans son bouquin. Le minois frais aux yeux pétillants de fièvre s’encadre dans le chambranle de la porte. — Ça va mon chéri ? Je peux entrer ?— Mais oui ! Vous êtes chez vous ici aussi, Maryse.— Je sais que j’ai l’air un peu… déboussolée depuis un moment. C’est que je n’arrive pas à m’y faire, je ne veux pas y croire combien tu as grandi. Tu es devenu un homme, le portrait craché de ton père, tu sais.— Vous ne le connaissez pas.— Mais si ! On ne fait pas un enfant toute seule voyons. Nous nous sommes aimés lui et moi jusqu’à ce que cette…— Vous vous faites du mal Maryse. Pourquoi ressasser ces douloureux épisodes de votre existence ? Vous êtes belle, vous pouvez encore plaire à bien des hommes, je vous l’assure.— Plaire ? Que voici un mot que je n’aime plus. Si plaire se limite à ce que je sais des hommes… qu’ils sont en érection pour la première chienne coiffée d’une casquette qui passe… alors non ! Je ne veux plus jamais plaire à ce genre d’individu.— Mais… on peut avoir envie de vous sans pour autant que ce soit mal.— Tu ne peux, ne dois pas penser cela. Je suis bien lorsque tu es là, heureuse serait même le vocable le plus juste. Mais ne parlons plus de rien. Vivons ces jours, ces heures qui nous séparent de ton retour à tes études. Je te veux pour moi seule… rien qu’à moi !— Si vous saviez la résonnance de vos paroles en moi. Elles y trouvent un écho si profond… mais je suppose que pour vous, les mots n’ont pas une signification analogue à mes réflexions…— Je t’aime Mathis, j’ai aimé aussi ton papa, lui ne m’a pas rendu cet amour… est-ce une raison pour le reporter sur toi, de cette manière ?— Maryse, je ne suis pas votre fils.— Comment peux-tu me marteler cela à tout bout de champ ? Elle a reculé comme sous l’effet d’une gifle. Au coin de ses yeux, une larme qui perle déjà. Gaétan se sent tout triste. Il se lève de ce qui lui sert de bureau. — Non ! Non, pardon, je ne voulais pas vous faire pleurer. Il s’approche d’elle et ouvre les bras. Elle vient caler sa petite tête brune au creux de cette cage qu’il écarte. C’est doux, enivrant, tourbillon de vertige dans cette étreinte hors norme. Cette femme, étrangère à ses yeux qui se ment sans malice. Elle n’est pas de son sang et rien ne saurait être interdit ou contre nature, sauf dans sa caboche à elle. Et c’est bien là que le bât blesse. Jouer de l’inconscience de Maryse, n’est-ce pas un peu la tromper, d’une manière dégoutante ? Elle ne mérite aucunement d’être ainsi bafouée. Il y a ce doute persistant. Ce mélange qui caractérise l’abandon, la différence entre la femme et la maman. Ces gestes, que lui ressent comme attirant sont le fruit de l’amour d’une mère pour un fils. Et le décalage trop grand fait aussi vaciller la raison de ce jeune homme qui ne sait plus où se situer dans cet espace si fin entre le bien et le mal. La caresser équivaut pour elle à un inceste, alors que pour lui, en son for intérieur, il en est tout autrement. Ce n’est que l’appel de la chair pour une des plus jolies femmes qui lui ait été donné de croiser. Une partie de son corps ne s’y méprend absolument pas et entre en transe à l’odeur de son si délicat parfum. La sentir frémissante et incroyablement alanguie contre son torse, c’est de la torture morale. Bien entendu qu’elle ne doit pas réaliser à quel point il est tendu… à tous les sens du terme. Encore qu’en y réfléchissant bien, sa si particulière manière d’être lovée contre son poitrail, ne peut que lui faire sentir son sexe qui s’allonge. Puisque Gaétan sent bien lui, le haut de la cuisse féminine qui compresse ce qui est en effervescence dans son pantalon, Maryse doit le savoir également. Il tente désespérément de penser à autre chose, une engueulade entre ses parents, un truc pas marrant, mais dans un coin de sa tête persiste cette idée qu’elle est là, qu’elle est douce et son envie de la tripoter se renforce. Impossible de calmer cette ardeur qui le démange de plus en plus. Surtout qu’en levant le menton, la belle dame vient poser ses lèvres sur sa joue. — Tu piques mon chéri. Tu ne te rases pas tous les jours ? Je me souviens que ton père non plus ne le faisait pas et que souvent je lui en faisais la remarque.—… Je vous promets que j’y veillerai dès ma prochaine douche.— Oh ! Ce n’est pas un reproche ! Les filles, les femmes ont la peau fragile et les barbes naissantes, ou celles d’un jour ou deux sont irritantes pour notre épiderme.— Oh, Maryse… cette fois c’est vous qui me tourmentez.— Pourquoi mon chéri ? Tu sais je profite de ta présence pour me sentir bien et tu sais parfaitement combien je suis heureuse de te retrouver après tout ce temps passé à tes études. Nécessaires il est vrai, mais que je maudis presque de te voler à moi.— Vous ne voulez pas me regarder dans les yeux ? S’il vous plait, faites un effort pour vous sortir cette idée du crâne ! Je ne suis pas, ne serai jamais votre Mathis. Je ne suis que son ami, Gaétan et ça me fait si mal de vous induire en erreur.—… ? Il vient de lui prendre, entre pouce et index le menton, obligeant son visage à se redresser. Elle ne semble pas croire ou seulement entendre ce qu’il lui rabâche depuis le début de son séjour chez elle. Une sorte de sourire vient de naitre sur les lippes colorées. Cette bouche entrouverte, ce petit bout de langue rose qui devient d’un coup si visible, un appel, une invitation. Le garçon baisse sa frimousse. Maryse s’y attend elle ? Il ne sait pas, ne sait plus. Il tente le tout pour le tout et alors qu’il s’imagine déjà que sa main va s’abattre sur sa joue, il est le premier surpris. La réaction est toute différente de celle escomptée. Les lèvres du jeune homme se portent au-devant de la rosace souriante. Elles se pressent sur celles de la femme et curieusement, c’est bien la pointe de la langue de Maryse qui vient flirter avec le palais de Gaétan. Le charme divin de cette belle poupée le fait vaciller sur ses bases. Ce baiser est d’une extrême délicatesse. Il apprend de celui-là, toute la douceur d’embrasser. Les paluches mâles se serrent sur elle, pour la garder le plus possible au contact de son corps, alors que les minuscules doigts de cette maman séduite s’accrochent au dos de l’invité. Il fait durer le bonheur de ce palot tellement espéré, de peur que jamais il ne se renouvelle. Mais alors qu’il s’attend à ce qu’elle se mette à crier, hurler, c’est la femme qui refait le mouvement pour un second moment de félicité. Il tremble et ne sait plus vraiment ce qui est vrai ou faux. Elle s’est désormais suffisamment tournée pour que son ventre se frotte à l’endroit qui chez lui a pris un tel volume qu’il est impossible de l’ignorer. Comment ne pas se hasarder à aller plus loin, plus vite aussi ? Battre le fer pendant qu’il est chaud, un leitmotiv que l’esprit de Gaétan lui insuffle telle une fièvre incroyable. Et les pattes s’envolent pour un terrain de jeux terriblement excitant. De plus, la poitrine contre son torse a l’air de vouloir crever le tissu qui la cache. Fatalement les pattes masculines remontent sous les vêtements et parviennent à la limite de l’extase. Les fesses sont fermes, chaudes et de plus en plus accessibles. Tout va de plus en plus vite, trop peut-être et entre deux baisers, il faut bien reprendre un second souffle, Maryse caresse le visage, le cou, n’osant guère s’aventurer plus aventureusement sur ce qui reste chez lui, d’une dureté de pierre. Tout s’enclenche avec une facilité déconcertante. Enfin Gaétan entrevoit une issue heureuse à ses caresses ciblées. C’est sans compter sur un clin d’œil du destin, ou un grain de sable dans cette machinerie bien huilée. Alors que pour la énième fois elle repose sa bouche sur celle plus virile du garçon, à la seconde même où les lèvres s’entrouvrent toutes, elle psalmodie quelques mots… — Oh… Daniel… Daniel mon chéri… tu es enfin revenu ?—… ! C’en est trop pour l’amour propre du garçon. Faire l’amour à cette femme oui ! Mais pas sous les traits d’un autre. Pas question d’abuser de sa confiance et c’est bien là le drame. Qu’elle le considère comme son fils lui interdisait d’aller plus loin, ce n’est pas plus sain qu’elle pense en cet instant qu’il est son ex-mari. Alors, gentiment, mais fermement, malgré tout son désir et son érection, il la repousse le plus délicatement du monde. — Non Maryse ! Non ! Je ne suis ni votre fils Mathis et encore moins votre mari.—… mais !— Chut ! Restons-en là, vous voulez bien. Je ne veux pas que vous ayez à regretter un choix dicté par votre inconscient. Que vous reveniez à la raison avec la sensation que je vous ai flouée, trompée. Vous êtes belle, vous êtes merveilleuse, mais vous n’êtes pas non plus vous-même. Je crois que vous devez au plus vite consulter un médecin… vous en avez un qui vous suit ?—… Daniel ! Tu veux me faire passer pour folle ? Salaud ! Encore un coup de ta rouquine.— Calmez-vous, s’il vous plait !
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Six décembre — Bonjour Maryse ! Ça va ce matin ?— Bonjour monsieur ! Vous êtes un ami de mon Mathis ?— Oui Maryse, son meilleur ami.— Vous pourriez lui demander de passer me voir ? Je n’ai guère de visite depuis que je suis ici. J’aimerais qu’il vienne me chercher pour les fêtes de fin d’année. Merci pour les gâteaux… j’adore, je suis gourmande et les religieuses au café, humm ! Vous êtes un ange. Gaétan est assis près de la femme perdue dans un monde dans lequel son esprit s’est réfugié, il y a déjà quelques mois. Elle est toujours aussi belle, mais dans les infirmières, il en est une dont le jeune homme recherche le sourire. Du reste une petite femme brune qui passe dans la salle lui fait de grands gestes. Elle arrive vers le couple ainsi formé par la patiente et son visiteur. — Ah, Monsieur Gaétan vous venez voir notre Maryse ? Elle est gentille…— Oui ? Je pourrais voir le médecin qui s’occupe de la maman de mon ami ?— Je vais lui demander, il est dans son bureau. Vous ne prendriez pas un café en ma compagnie ?— Bien sûr que si. Mais parler au professeur me parait… urgent.— Je vais lui demander s’il peut vous recevoir.— Merci… merci Annick ! La jeune femme se retourne et lui sourit. Une idylle peut naitre de la rencontre de cette Demoiselle et du jeune homme. Une affaire de temps, une histoire de patience ou d’atomes crochus, sans aucun doute. Ces deux-là s’apprécient, ne sont pas encore amants, mais ils sont bien d’une essence de bois servant à les fabriquer… Maryse quant à elle se remet lentement de trop de peine et les attentions de tous s’activent à la remettre sur les bons rails. Le garçon s’il a encore parfois envie de son corps, se félicite de n’être pas un salaud et il sait que le seul mot qui peut qualifier son refus de ce jour-là, s’appelle… respect ! Et c’est bien ce qui résonne dans sa tête alors qu’il se rend au bureau du docteur qui soigne la maman de son malheureux ami. La vie est moche parfois et il faut si peu de chose pour que tout bascule…