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Un histoire, un regard...

Chapitre 5

Erotique
Je voulais tellement savoir. Mais là, Mark m’avait encore une fois totalement échappé. Et ce n’était pas le sommeil qui me l’avait repris. Ce n’était pas le jour, non plus. C’était cette partie obscure de lui-même. Il était là. Allongé tout près de moi... Et si lointain, pourtant... Il s’endormit. Moi, je n’y arrivais pas. Je ne pouvais et ne voulais pas sombrer dans le sommeil. Me détacher de lui ; trouver une position confortable pour laisser la fatigue prendre le dessus... Non. Je voulais rester là, comme ça, l’enlaçant ; ses fesses contre mon pubis et sur mes genoux, les jambes repliées, ses pieds contre mes tibias... Je pouvais facilement trouver une meilleure position pour détendre mes membres. Mais je voulais encore profiter de sa chaleur ; voler au temps tout ce que je pouvais prendre ; la moindre seconde, le moindre souffle... Oui : voler. J’avais l’impression de voler. Comme si je n’avais pas été destinée à vivre tout ça ; comme si la vie s’était trompée. Je l’avais déjà eue, cette impression ; et elle ne cessait de grandir. Tout ça était passager ; éphémère. Tout ça allait finir. Bientôt. D’une façon ou d’une autre.
Je passai de longs instants à embrasser et à caresser son dos musclé. Ça ne le réveilla pas. « Je voudrais que tu le sentes... » pensais-je « Dans ton sommeil... Je voudrais que tu sentes à quel point j’aimerais pouvoir être avec toi ; te rendre heureux... Est-ce que tu le sens ? A travers ces bisous, ces caresses ; à travers ton sommeil ? Est-ce que tu le sens ? Est-ce que tu sens ce que je n’arrive pas à dire ?... » Je me persuadais qu’il pouvait percevoir mes pensées. Que je pouvais lui communiquer ça. Qu’il allait se réveiller avec le sentiment d’être aimé. Un sentiment qu’il ne devait pas bien connaître. Pas de famille... et tous ces vautours autour de lui...
Je luttais de toutes mes forces contre mes paupières qui devenaient de plus en plus lourdes. Il fallait que je reste éveillée, il le fallait... La chanson d’Aerosmith s’imposa d’un seul coup en moi. Avec une force et une fidélité surprenantes ; j’avais l’impression de l’entendre jouer dans ma tête... La musique, la voix... Ces paroles. Comme une prière que je faisais... I don’t wanna miss a thing. Je perdis mon combat. Le sommeil finit par m’arracher à cette conscience d’avoir Mark à mes côtés, au moins cette nuit encore...
Ses bras m’enlacent... Des caresses et des baisers de feu... On roule l’un sur l’autre... Comme au ralenti... Ses yeux rivés sur les miens... Il me murmure de l’embrasser... Et je l’embrasse... Nos langues sont brûlantes, elles aussi, assoiffées l’une de l’autre... Le lit ; les murs... La chambre entière, imprégnée de notre amour, semble soupirer. Elle vibre à notre rythme. Le tic-tac de l’horloge. Les mains de Mark montant et descendant le long de mon corps. Puis rencontrant les miennes. On enlace nos doigts. On s’embrasse encore. Encore et encore...
Il soupire. La chambre soupire. Je le serre fort contre moi...
Je me réveillai dans un sursaut, avec l’impression de chuter ; à l’infini... Comme si je tombais d’une falaise... Cette expérience de fin de sommeil qu’on a tous connus, un jour où l’autre. Qui nous tire du sommeil à coup sur, nous faisant nous agripper aux couvertures.
Un rêve. La réalité ? Non. Oui : bel et bien un rêve. Mark était toujours profondément assoupi. Il avait basculé sur le dos. Moi, j’étais tout contre lui, mais je ne l’enlaçais plus. Quel rêve étrange... Moi qui n’avais pas voulu m’endormir, à présent je regrettais amèrement de m’être réveillée ; d’avoir laissé échapper ce rêve... Comme si le sort ou quelqu’un, quelque chose dans l’au-delà, avait eu pitié de moi et m’avait accordé ce rêve en guise de consolation... Je me demandai vaguement si j’avais parlé ; émis des sons pendant ces merveilleux moments oniriques. Si c’était possible, et si Mark m’avait entendue... Mais non ; il dormait... Je n’avais pas à m’inquiéter. Trahir en dormant ce que je me refusais de dire... « Je t’aime »... Il ne fallait pas.
Je tournai le dos à Mark, me blottissant contre la couette. Il remua, sa main atterrit sur ma cuisse, et un drôle de soupir lui échappa. Comme un soupir de soulagement. ’Tu es réveillé ?’ demandai-je, sans m’attendre à une réponse. ’Je te cherchais...’ marmonna-t-il, semi-conscient. Je me retournai donc vers lui pour le prendre dans mes bras. Il m’enlaça lui aussi, un léger sourire flottant sur ses lèvres. Je m’endormis de nouveau. Je me réveillai plusieurs fois durant la nuit, et pour de bon à 8H30. Machinalement, je tendis le bras pour enlacer Mark, mais il n’était pas à mes côtés. J’ouvris immédiatement les yeux, tournant la tête vers l’endroit où il aurait dû être, inquiète. Aurait-il osé repartir comme ça, sans rien dire ?...
Il était toujours là. Assis un peu plus bas dans le lit, les cheveux emmêlés, se frottant le visage avec ses mains, tentant de reprendre ses esprits, de toute évidence. Il avait remis sa chemise et son boxer. Je m’avançai vers lui à quatre pattes et l’enlaçai tendrement, posant ma tête sur son épaule. Il tressaillit légèrement, puis reposa sa tête sur la mienne. ’Ça va ?’ demandai-je. ’Très bien, et toi ? Bien dormi ?’ ’Très.’ ’Pareil’, fit-il. ’Mais je...’ ’Tu dois y aller’, terminai-je à sa place. Sans amertume. ’Je sais.’
J’avais pas mal réfléchi à tout ça, durant la nuit... Compris pas mal de choses.
’De toute façon je dois être chez une amie, d’ici une heure et demi’, lui glissai-je à l’oreille.
Je ne le lâchai pas pour autant. Je voulais faire durer ce moment. Je le serrai encore plus fort contre moi, déposant un bisou sur sa nuque, qu’il m’exposait. Il eut ce léger soupir que j’avais appris à reconnaître. De nouveau, je fis glisser mes lèvres sur son cou. Il se laissa aller en arrière dans mes bras, tout contre moi. J’embrassais et caressais ses cheveux et ses joues, massais son torse ; plongeant mes mains sous sa chemise... Des moments de tendresse que j’aurais tellement voulu prolonger, faire durer éternellement. Je souhaitais tellement me retrouver quelques heures en arrière ; pouvoir m’allonger et l’attirer encore à moi ; recommencer ce qu’on avait fait cette nuit ; aller plus loin encore. Evidemment, je ne pouvais rien faire, si ce n’était gagner quelques minutes.
’On se reverra quand ?’ demandai-je. ’J’organise une petite fête chez moi, samedi. Tu peux venir.’ ’Tu fêtes quoi ?’ ’L’anniv d’un pote. Il a une trop petite piaule pour inviter du monde, alors on fait ça chez moi.’ ’D’accord... Quelle heure ?’ ’Je ne sais pas. Dans la soirée, quoi.’
Evidemment...
Pourquoi n’arrivais-je pas à lui poser cette question toute simple, qui ne me laissait pas tranquille ? Pourquoi n’arrivais-je pas à la formuler, alors qu’elle s’imposait quand-même, de mon point de vue ?... Avais-je trop peur de savoir ? Refusais-je d’avoir la confirmation de ce que je supposais ? Ou alors, était-ce tout simplement la peur de le perdre ?
Le perdre... Quelque chose en moi ria jaune. Avait-il jamais été à moi ?
’Je viendrai, alors’, assurai-je. Je l’embrassai de nouveau. Il me rendit un rapide baiser, puis, doucement mais sûrement, il se libéra de mon étreinte.
Oui : il devait y aller. Moi aussi. ’J’en reviens pas !’ Léa me regardait, décontenancée. ’Et tu acceptes ça ?’ Nous étions posées chez elle, devant des tasses de café fumantes. Léa avait aussi sorti des petits gâteaux, mais, depuis que je lui avais raconté toute l’histoire concernant Mark, elle n’y avait plus touché. Moi, en revanche, je grignotais comme si ma vie en dépendait. C’était nerveux. ’Tu crois que j’ai le choix ?’ Elle bondit comme si je venais de lui filer un coup de jus : ’Mais bien sûr que tu as le choix ! Laisse-le s’en aller ; c’est pas un mec pour toi ; tu mérites mieux !’ ’Je te remercie de ta compréhension’, bougonnai-je. Elle soupira et me pressa l’épaule : ’Hé ; je te comprends ! Mais je pense que tu fais fausse route, c’est tout. Il ne va pas changer. Et le pire, c’est que tu le sais ; tu l’as dit toi-même !’
C’était vrai. Je lui avais fait le bilan de mes conclusions nocturnes. Que je ne me voyais pas du tout faire ma vie avec Mark. Que je ne nous voyais pas rester ensemble. Parce que la réalité, c’était qu’on ne sortait ensemble qu’en soirées... quand il était libre. Je ne savais pas ce qu’il faisait de ses journées. Nous étions comme des inconnus quand il y avait du monde autour de nous. C’était un peu comme si on se voyait en secret ; un peu comme s’il était seulement un amant que je devais cacher... Qu’était-il de plus, au fond ? Je souhaitais mieux le connaître. Qu’on fasse des choses ensemble, le jour. Comme des gens normaux. Qu’on puisse parler, comme des gens normaux, aussi. Mais lui, il fuyait les vrais dialogues. Sauf quand ça en arrivait à l’extrême, comme avec cette histoire de... non. Je ne voulais pas penser à ce mot. En tout cas, j’avais bien compris, il n’était ni un petit ami officiel, ni un petit ami tout court... Le garçon avec lequel on va s’éclater à la piscine, qu’on emmène faire des courses, avec lequel on va au cinéma... Il semblait à mille lieues de ce mode de vie. Toujours en train de courir, préoccupé par des choses qui m’échappaient... des pensées bien à lui. Un passé bien à lui aussi, qui avait fait que...
Mais voilà... Il avait éveillé en moi des choses insoupçonnées ; je n’en avais rien à faire, des autres garçons. C’était avec lui que je voulais découvrir toutes les choses de l’amour ; c’était lui que je désirais. Même si je n’étais pas tout à fait prête, encore... Mais ces instants qu’il m’offrait, sans aucun engagement, je voulais en profiter. Les prendre. Son corps à défaut de son cœur. Pourquoi pas, après tout ? Combien d’histoire d’amour avais-je lu, dans lesquelles les héroïnes savaient se contenter d’une seule nuit avec l’homme aimé ?...
Non, la vie ce n’était pas un conte de fées. « Et ils vécurent heureux, se marièrent et eurent beaucoup de petits enfants »... Foutaises.
’Je sais qu’il ne changera pas’, soupirai-je. ’Mais j’ai besoin de lui. Et lui, il a besoin de moi.’ Léa me regarda, perplexe : ’Tu crois ça ?’ ’J’en suis convaincue.’ ’Besoin de toi... pourquoi ? Quand il a... Excuse-moi, mais s’il te respectait, il arrêterait de suite ce genre de vie. Ou alors, il te laisserait partir.’ ’Il me laisserait... ? Mais il ne m’empêche pas de...’ ’En revenant te voir, si. Il maintient un lien. Et moi, je pense que c’est pas bon pour toi ; pas bon du tout. Tu... Je t’ai connue rêveuse, pleine d’espoir et tout... Et, depuis que ce mec est entré dans ta vie, tu es blasée ; tu parles comme si tu avais cent ans !... Tu crois que c’est ça, l’amour ? Pour moi, ça ressemble davantage à de la résignation !’ Je réfléchis un peu à ses paroles, puis secouai la tête : ’Tu peux penser ce que tu veux, Léa... et je sais que ça part d’une bonne intention... mais oui : je l’aime. J’en suis convaincue. Je n’ai encore jamais aimé si fort. Et je sais que ce n’est pas l’homme idéal ; je ne peux même pas l’idéaliser... Mais je l’accepte comme il est...’ ’Ça, j’ai bien compris’, fit Léa avec une moue de désapprobation. ’Mais, puisque tu dis toi-même que tu ne feras pas ta vie avec... La fin, tu l’envisages comment ?’ ’Je n’en sais rien’, avouai-je. ’J’attendrai qu’il parte, je suppose...’ Ma meilleure amie me regarda avec énormément de tristesse : ’Moi, je pense qu’au fond, malgré ce que te dit ton bon sens, tu espères que tu arriveras à le changer. Qu’avec le temps, il va s’attacher à toi et... que ça finira bien. Mais d’après tout ce que tu m’as dit, Caro... je n’y crois pas un seul instant. Et j’ai bien peur que ça te détruise.’ Je m’efforçai de rire : ’Pas de risque ! Y a pas plus solide que moi ; je saurai encaisser et me défendre !’
Mais un signal d’alarme s’enclencha en moi...Samedi, je me pointai chez Mark avec un sentiment de résignation que je ne parvenais pas vraiment à comprendre. J’avais même été tentée de faire demi-tour en cours de route, sans savoir pourquoi. J’avais appelé Mark dans la journée, pour savoir s’il fallait que j’apporte quelque chose. Il m’avait conseillé de passer vers 21H30-22H, et, aussi, de prendre de l’alcool. Ainsi j’étais allée acheter, sans grand enthousiasme, une bouteille de vin.
Sur le pas de la porte, je tombai sur Sam. Il portait une belle chemise noire et un jean délavé de la même couleur, ainsi que des tennis bordeaux. Style à moitié élégant ; à moitié décontracté. Ça lui allait vraiment bien. Je me sentis très gênée en le découvrant là, mais lui, il assura, faisant comme si de rien n’était ; me saluant avec désinvolture, amicalement. Il mit tout en œuvre pour que je sois à l’aise avec lui, mais, malgré ses efforts, je ne réussis pas à me débarrasser d’un vague sentiment de culpabilité vis-à-vis de lui. Je me sentais comme si je m’étais incrustée dans sa vie, dans son groupe d’amis... et tout chamboulé. Mais comment pouvais-je faire autrement si je voulais voir Mark ? En dehors de ces soirées, il était insaisissable...
La porte nous fut ouverte par un grand dadais aux cheveux roux et au visage parsemé de taches de rousseur. Il déclara que Mark était sorti, et il nous fit entrer dans l’appartement, rempli de gens. Beaucoup de garçons, beaucoup de filles... Et très peu de place. ’Il est ou, Mark ?’ me devança Sam. Le roux fit un tour sur lui-même à la Michael Jackson, pour nous refaire face : ’Parti avec ma caisse, chercher des potes à lui. Il va pas tarder. En attendant, c’est moi qui gère la baraque !’ Il s’essuya la main sur son pantalon, et la tendit à Sam, puis à moi : ’Moi c’est Stéphane ; Steph.’ ’Sam.’ ’Caroline. C’est ton anniversaire ?’ ’Exact !’ Je sortis la bouteille de vin et la lui donnai. Il la prit avec un sourire ravi : ’Merci ma belle ! Je sens que ça va être une sacrée murge, se soir !’ Je regardai autour de moi. Je le sentais aussi. Il n’était même pas 22H et les gens étaient déjà bien alcoolisés, pour la plupart. Je reconnus pas mal de visages. Le monde était petit. ’Hé ! ça va mieux, depuis la dernière fois, miss !’ me lança une fille. Je reconnus la blonde que j’avais connue chez Sam. Elle me fit signe de me joindre à elle et à son groupe d’amis. Je le rejoignis avec la satisfaction de n’avoir marché sur personne au passage (ce qui n’avait pas été gagné !). De son côté, Sam alla se poser avec d’autres gens.
On me passa une canette de bière. Je déclinai l’offre, poliment. Je n’aimais pas trop l’alcool déjà à la base, et la mésaventure de la dernière fois ne m’incitait guère à en reprendre. Je demandai du jus d’orange et on m’en passa un peu. Le reste allait finir mélangé à de l’alcool, m’apprit quelqu’un.
L’ambiance était animée, mais plutôt bon enfant. Certains dansaient, d’autres discutaient joyeusement tout en buvant... La blonde ; Célia, me fit faire la connaissance d’une bonne dizaine de personnes très sympathiques. Une seule d’entre elles ne me fit pas bonne impression : une fille très élégante et élancée, aux longs cheveux de jais et au regard de braise. Elle avait une façon exaspérante de regarder autour d’elle en se mordillant ses lèvres, bien charnues et maquillées avec un rouge à lèvres vraiment... rouge. Je n’étais pas de nature jalouse, en général, mais elle, je ne la sentais vraiment pas. Ce fut d’ailleurs la seule dont je retenus le prénom : Linda.
Qui était-elle ? Une amie de Stéphane, ou alors de Mark ?... Mark devait la trouver très jolie, en tout cas. Elle l’était, oui. De façon vraiment exaspérante... C’était terrible ; elle ne m’avait rien fait, mais elle m’insupportait au plus haut point. Mauvais pressentiment ? Il en met du temps, à revenir, le Marco !’ déclara Célia après son troisième verre de whisky-coca. ’J’avais bien dit que c’était pas une bonne idée qu’il parte en voiture dans son état’, répondit le gars assis à côté de moi. Ça se trouve, il a défoncé un poteau ou je ne sais quoi...’ ’Dans quel état ?’ demandai-je, le ventre noué, d’un seul coup. ’Il avait un peu picolé avant, mais il a assuré pouvoir conduire’, m’éclaira Célia. ’De toute façon, Steph ne lui aurait pas prêté sa voiture si ça n’avait pas été le cas’, affirma Linda, sûre d’elle. ’Je sais pas s’il était très lucide pour en juger, lui aussi !’ mon voisin dit le fond de ma pensée. ’Mark conduit très bien’, persista Linda. Je l’aurais bien étranglée. Elle ne semblait pas le moins du monde s’inquiéter pour Mark. Tandis que moi, même sans avoir vu dans quel état exactement il avait pris le volant, je sentais l’angoisse me tordre les entrailles. A ce moment, j’aurais donné tout ce que j’avais pour pouvoir avoir la certitude qu’il allait bien ; qu’il n’avait pas eu d’accident... ’Laissez-tomber’, conseilla un autre garçon. ’Il est peut-être passé chez une amie à lui... et il a du mal à ressortir !’ Pendant que les autres riaient bêtement, je fronçai les sourcils. Linda en fit autant, ce qui fut loin de me rassurer. ’Il est avec quelqu’un, en ce moment ?’ demanda-t-elle. ’Bah ; il est toujours entouré de filles, alors va savoir !’
Je cessai de les écouter. Dans ma tête, leurs voix se mélangèrent en un brouhaha infernal. Je tendis la main pour prendre un verre sur la table basse qui me faisait face. Je me versai un peu de bière. ’Bah tu vois !...’ me fit quelqu’un en me donnant une petite tape dans le dos ; tape qui faillit me faire renverser mon verre.
On sonna à ce moment précis. Je levai les yeux vers la porte, pleine d’espoir. Passai un pacte avec Dieu : si c’était Mark, sain et sauf, je n’allais pas boire ce verre. Rester sage... C’était bel et bien Mark. Il déboula avec deux types et une fille, qu’il tenait par la taille. Il la lâcha très rapidement lorsqu’il fut à portée de vue de tous, mais pas assez pour que je ne vois pas son geste. Mais je décidai de l’ignorer. Il était en un seul morceau. Et, effectivement, vu sa tête, il y avait de quoi remercier le ciel. Il semblait en avoir ingurgité, de l’alcool, avant mon arrivée... Il me ne me vit pas ; il se posa vraiment loin, et son premier geste une fois assis fut de s’emparer de la bouteille de vodka qui reposait sur la table. Il en but un peu au goulot. Pure... ’Salut, mec !’ Sam lui donna une tape sur l’épaule. Mark le chercha du regard et lui serra la main : ’Hey ! Tu vas bien ?’ ’Nickel !’ ’Caroline est là ?’ Je détournai immédiatement les yeux, faisant semblant d’être à fond dans l’échange entre Célia et une autre fille. Je m’étais sentie un peu irritée par la question ; pourquoi il demandait ça à Sam ?... Mark m’appela, je tournai les yeux vers lui ; faussement surprise. ’Coucou Caroline ! Je ne t’avais pas vue ! Tu vas bien ?’ Je hochai la tête avec un sourire chaleureux, m’attendant à ce qu’il vienne me saluer. Il ne se déplaça pas. Et fit un autre coucou à... Linda. Avec une voix toute douce, qui m’irrita tout comme m’avait irritée la beauté de cette fille. Le sourire angélique qu’elle lui adressa me donna vraiment envie de reprendre ce verre de bière. C’était définitif : j’étais jalouse.Sam avait laissé entendre que Mark avait des soucis avec l’alcool. Je pouvais le constater. Il n’arrêtait pas de boire. Je regardais les gens autour de moi, espérant que quelqu’un lui dise de ralentir un peu sa consommation. Mais tout le monde s’en fichait, et moi, j’étais trop loin. Je ne pouvais quand-même pas me permettre de lui crier au-travers de la pièce de boire moins... Et pourtant, c’était évident qu’il était grand temps pour lui d’arrêter. Son regard devenait de plus en plus fatigué ; ses yeux se fermaient tous seuls. Il était avachi sur son fauteuil comme s’il allait en tomber, les mains pendantes. Un sourire niais scotché aux lèvres. Un sourire qui voulait dire : « je passe une bonne soirée », mais qui ne me trompait pas, moi.
De temps à autre, des gens lui adressaient la parole. Bizarrement, il arrivait à leur répondre ; à tenir une conversation. De toute évidence, il était moins ivre qu’il n’en avait l’air. Moi, au lieu de m’amuser, je ne cessais de lorgner vers lui, soucieuse de son état. Mais j’aurais tout aussi bien pu ne pas être là ; il ne me prêtait pas la moindre attention. Interpellée de temps à autre par mes nouveaux copains et copines, j’avais du mal à prendre une décision. A chaque fois que je me sentais à peu près prête à me lever pour aller le voir, quelqu’un me posait une question ou me tapotait l’épaule ou le genou pour attirer mon attention.
’Faut que j’aille aux toilettes’, nous informa d’un seul coup Linda. Je la regardai, étonnée par l’annonce, avant de réaliser qu’ainsi, elle nous demandait de la laisser passer. Nous nous tassâmes de sortes à lui ouvrir le passage. Ayant un peu bu, elle eut un peu de mal à nous contourner sans nous accrocher. Machinalement, je la suivis du regard. Son pantalon, très moulant — trop moulant ! — accentuait ses formes parfaites, quoi qu’un peu pulpeuses. Son petit pull blanc s’arrêtait pile à la « bonne » hauteur pour que les regards convergent sur ses fesses. C’était voulu, je n’en doutais pas. Lorsqu’elle passa près de Mark, il la retint un peu par le bras, et lorsqu’il la relâcha, ce fut avec une petite tape sur son derrière. Il la suivit des yeux, lui aussi.
C’était comme si le verre avait sauté tout seul dans ma main, et son contenu tout seul dans ma gorge. Vengeance. Je le vis comme ça. J’allais me venger en buvant. Mais me venger de quoi ? De qui ? Pourquoi ? C’était insensé.
Lorsque Linda repassa devant lui, Mark l’arrêta de nouveau et l’invita à s’asseoir près de lui, sur le bras du fauteuil. Elle le fit avec un sourire éclatant, et posa une main possessive sur son épaule. J’en eus presque la nausée. Je le regardai se pencher vers elle, lui parler à voix basse ; effleurer son genou...
’T’es pas d’accord, Caro ?’ ’Si, si !’ répondis-je à Célia distraitement, en espérant qu’elle n’avait pas dit une grosse bêtise juste avant.
Mais comment pouvait-il la regarder de cet air amouraché ? Comment osait-il, me sachant là, dans la même pièce ?... L’alcool ne pouvait pas justifier tout ; il ne pouvait pas justifier ça... « Quelle salope ! » pensai-je, bien malgré moi. « Ou alors, ’victime suivante’ ! », railla mon cœur, blessé.
Qu’attendais-je pour partir d’ici ? La réponse était simple. J’étais venue dans l’espoir de rester là, cette nuit. Une fois que tous les invités seraient partis... Mais là, ce n’était plus seulement bien compromis. C’était hors de question.
Ils n’étaient pas assis tout près, mais, en me concentrant sur eux, je parvins à entendre un petit échange qui me fit bien mal. ’Tu as quelqu’un dans ta vie, en ce moment ?’ demanda Linda. Il secoua lentement la tête : ’Non. Je suis toujours célibataire. Pourquoi ? Tu es intéressée ?’ Elle lui donna une petite tape sur la tête. Se la jouant vexée. Pitoyable actrice... Ce petit sourire en coin... ’Je peux être un bon coup, tu sais’, balbutia Mark en affichant très bien, et malgré tout ce qu’il avait bu, un air mystérieux.
Je me retins de lancer un sarcasme. Comme c’était étrange, insensé, que même à un moment pareil, alors que je me sentais encore pire que s’il m’avait giflée, je craignais de le blesser ! Comme c’était idiot ! Etait-ce parce que je voulais croire qu’il n’était pas parfaitement conscient de ce qu’il faisait et disait ? Etait-ce par égard vis-à-vis de son passé difficile ? Etait-ce parce que je l’aimais trop ?... en le haïssant un peu à la fois ? Difficile à dire. Dans tous les cas de figure, j’avais perdu toute estime de moi-même. Parce que, toujours, un fond de moi me suggérait d’attendre le départ de Linda... qui pourrait rapprocher Mark de moi. Ce ne fut pas facile, mais je choisis quand-même de partir. J’avais eu du mal à m’y résoudre, dans la mesure où le laisser totalement défoncé, parmi des gens qui s’en fichaient royalement, ça m’inquiétait un peu. Voire beaucoup. Mais je m’étais convaincue que ma présence n’y changerait rien, de toute façon, et puis, il était dans son appartement à lui, donc pas de soucis à me faire quant à la façon dont il pourrait rentrer. Enfin, je ne tenais pas particulièrement à me faire subir cette torture de voir Mark draguer cette Linda-la-pimbêche sans le moindre respect pour moi. Je ne méritais pas ça.
’Tu t’en vas ?’ Mark sembla surpris en me voyant enfiler ma veste. Je haussai les épaules, m’efforçant à ce que mon regard ne dérive pas sur Linda. Elle était si près de lui que ce ne fut vraiment pas simple, comme défi. ’Oui ; je rentre. Je suis fatiguée.’ ’D’accord’, fit-il, tout simplement.
L’espace d’une seconde, j’eus envie de le secouer, cirer : « Mais qui es-tu ?! » Ce n’était pas le Mark que j’avais serré dans mes bras et embrassé ; ce n’était pas le Mark qui me réclamait des bisous et des caresses ; ce n’était pas... Puis l’envie de pleurer. Celle de claquer Linda, aussi. Heureusement, je les réprimai toutes, affichant un masque d’indifférence totale.
’Attends, Caro ! Je te raccompagne !’ me lança Sam. Je me frayais déjà le passage jusqu’au hall, pour remettre mes chaussures. ’Ce n’est pas la peine !’ lançai-je par-dessus mon épaule. ’Pas question que tu repartes toute seule en pleine nuit’, protesta-t-il en me suivant. ’J’ai ma voiture.’
Il ne me laissa guère le choix. Ne voulant pas faire de scène, je me résignai à accepter sa proposition, dans un « Bon ; merci ; c’est sympa. » résigné. Mark ne nous dit même pas au revoir.
Sam me tint la portière, puis il contourna sa voiture et s’y engouffra à son tour. Je bouclai ma ceinture, le regard figé droit devant moi. Il démarra, sans dire un mot, respectant mon silence. Ce ne fut qu’au bout de quelques minutes qu’il se décida à parler : ’Je suis encore désolé pour toi.’ ’Il ne faut pas.’ Ma voix était froide, calme. Je la reconnus à peine. ’Il a trop bu, Caro’, fit-il. ’Je sais.’ ’Mais ça... Tu sais, il est comme ça avec toutes les filles.’ J’eus un rire des plus amers : ’Non sans blague ?’ Sam soupira : ’Ce que je veux te dire, c’est que... ça ne veut pas forcément dire ce que tu penses... Je réfléchis quelques instants, puis lâchai : ’Quelle importance ?’ Il détacha le regard de la route et me regarda longuement. Mais sans rien dire. Réalisant sans doute que les mots ne serviraient à rien. ’Je peux lui en parler, si tu veux’, déclara Sam en se garant devant la porte d’entrée de mon immeuble, pile sur la surface interdite au stationnement. ’Non. Surtout pas’, ma voix le supplia. Je défis la ceinture. ’Merci beaucoup, Sam.’ ’Je suis là, si tu as besoin de moi.’ ’Je le sais.’ J’avançai mon visage vers lui pour lui faire la bise. Ses lèvres restèrent en contact avec mes joues un peu plus longtemps qu’il ne l’aurait fallu, mais pas assez longtemps pour que je trouve ça déplacé. ’Dors bien, Caro. Et fais bien attention à toi.’ ’Merci. Toi aussi.’
Je sortis de la voiture. Claquai la portière. Sam ne redémarra qu’une fois que je fus à l’intérieur de mon immeuble. Seule.
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