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Un jour de chance en Enfer !

Chapitre 19

À l'origine du mal !

Erotique
— Bonsoir, Conrad ! Je suis heureux que tu te sois, finalement, décidé à te joindre à nous. Je t’avoue que je le redoutais autant que je l’espérais. Je présume que tu dois t’en douter, n’est-ce pas ? Comment vas-tu ?
L’homme qui me regardait était un ami. Enfin, du moins, c’est ce que j’osais croire. Car malgré ses mensonges, ses manipulations et ses cachotteries, je restais persuadé, au fond de moi, qu’il restait mon ami, mon bienfaiteur et celui avec lequel je partageais une peine immortelle.
 - Bonsoir, Henri ! Vous devez vous doutez que je ne suis pas au mieux de ma forme, n’est-ce pas ? - Oui ! C’est plutôt normal ! Me dit-il en baissant un peu les yeux dans un geste de contrition qui ne correspondait pourtant pas à la stature et au pouvoir de cet homme.   
Sous son masque, je lisais un sentiment contradictoire. Sa prestance restait intimidante mais son regard était troublé par une forme de fatigue et de tristesse dont je ne pus déterminé l’origine.  
 - Tu es, véritablement, un homme à part, Conrad ! Tu gardes ton sang-froid malgré tout ce que je t’ai fait vivre et tout ce que je mets sur tes épaules depuis plusieurs années, même si tu ne le sais pas encore. Tu fais ma fierté, fils, et je suis heureux que ma défunte fille soit tombé amoureuse de toi. Viens ! Viens avec moi. Il y a des gens qui meurent d’impatience de te rencontrer et de te parler. Tu sauras tout, ce soir !
Il mit son bras autour de mon épaule et, dans un geste paternel dénoué de toute forme de supériorité, m’emmena avec lui dans la pièce de laquelle j’avais été refoulé.  
 - Je t’ai vu, tenté d’entrer à notre suite et te faire refouler par Gabriel, mon garde du corps personnel. J’espérais bien que tu viendrais. Mais je ne pensais pas que tu te jetterais, directement, dans la gueule du loup. Je pensais que tu attendrais quelques instants, découvrant un peu les tenants et les aboutissants de cette soirée, des gens qui s’y trouvent ainsi que ce que nous faisons, plutôt que de venir directement me demander les comptes auxquels tu as parfaitement droit. - Je ne comprends rien, Henri ! Qui sont ces gens ? Qu’est-ce que c’est que cet endroit ? Et, par tous les saints du Paradis, que fait Arwen ici ?    - Les réponses vont venir, Conrad. Ne t’inquiète pas ! Concernant l’une de tes questions, sache que tu es chez moi ! Ce palais m’appartient et appartient à ma famille depuis plusieurs générations. Il est le centre de la fortune familiale. C’est, aussi, l’une de tes qualités, tu n’es pas curieux et tu n’as jamais posé de questions concernant mes activités ou l’origine de ma fortune. Ta discrétion m’a permis de comprendre, très vite, que tu possèdes ces qualités que nous recherchons et qui font de toi cet homme à part.     - Cela ne me regarde pas ! Votre argent n’est pas le mien et je n’ai aucun droit dessus.    - Plus que tu ne crois, fils ! Vois-tu, j’ai des origines italiennes. Ma famille est l’une des plus anciennes de cette ville que nous avons, au fil des générations, aidé à faire prospérer. Je suis chez moi, dans cet endroit.    - Mon Dieu !   
Ce fut la seule réponse qui me vint à l’esprit tant je découvrais cela. Jamais sa fille, ma défunte épouse, lui-même ou sa propre femme n’en avait jamais fait mention devant moi. J’étais en terrain inconnu avec une personne que je pensais connaître. Cela me rappela ma situation et le fait qu’Arwen, aussi, possédait cette caractéristique de cloisonner son existence, même si j’en découvrais, petit à petit, les fondements et les détours.
 - Laisse-le où il est pour l’instant, Conrad ! Dieu ne te servira à rien dans cet endroit qui lui est plutôt étranger. Écoute-moi, car cela te concerne au premier plan.    - Moi ?    - Oui ! Mais laisse-moi le temps. Tu dois sacrifier à une obligation protocolaire contre laquelle je ne peux rien faire au prix de me faire émasculer par une tenaille chauffée à blanc, dit-il en riant.   
 - Hein ?    - Conrad ? Mon chéri !
J’étais entré dans la grande pièce décorée avec un luxe inouï. Les tentures ornant les fenêtres étaient brodées de fil d’or. Les fauteuils, gigantesques, accueillaient une multitude que, par la faute des masques, je ne pouvais reconnaître. Plusieurs serveurs, en livrées digne des plus hautes heures de l’histoire de la Cité lagunaire, passaient avec dextérité entre les convives, proposant champagnes et petits-fours. 
Je reconnus immédiatement la voix de celle qui venait de m’apostropher et je ne pus retenir un sourire, toujours caché par mon masque. Si elle était là, tout irait bien. Je savais que je ne risquais plus rien.  
 - Inès ? - Mon chéri, comme je suis heureux de te revoir. Il y a si longtemps que tu ne nous as rendu visite, vilain garnement.    - Je suis impardonnable de négliger ainsi ma belle-mère préférée, dis-je en la serrant dans mes bras comme je le pouvais malgré sa robe à cerceaux et son masque.    - Oh mon chéri, comment vas-tu ?    - Comme je viens de le dire à Henri, un peu déboussolé et inquiet.    - Inquiet ? Mais...de quoi ?    - Inès, c’est si difficile à comprendre ? - Conrad ! Tu es chez nous, tu es chez toi ! Cette maison est autant la tienne qu’elle était la sienne. Je préfère mourir que de te savoir inquiet d’être parmi nous. En l’épousant, tu es devenu mon fils. Et jamais mon fils ne sera pas bien accueilli chez lui, suis-je claire ? Me dit-elle en posant sa main sur la joue de mon masque, dans un geste qui me rappela celui qu’une autre avait adopté avec moi.   
Mais ce fut cette déclaration, plus que tout le reste, qui me fit craquer.
Je m’assis dans un fauteuil proche et, retirant mon masque, je levais des yeux embrumés en face de ma belle-mère.  
Dans un geste, d’une élégance rare, elle retira, à son tour, son masque pour s’asseoir à mes côtés et me prendre les mains.  
 - Mon chéri ? Mais qu’avons-nous fait, Henri ? Comment est-il possible que Conrad soit dans cet état par notre faute ? Non, non ! Dit-elle en se tournant vers son imposant mari. Ce n’est pas ce qui était prévu, ce n’est pas ce que nous voulions. Cela ne doit pas, cela ne peut pas, se passer ainsi ! Fais quelque chose !
Ils étaient tellement différents, physiquement.  Henri était un homme à la carrure et la prestance indéniables. Lorsqu’il entrait dans un pièce, tout le monde le savait. Son regard perçant pouvait terrasser en un coup d’oeil, celui qui ne savait pas que sous cette carapace se cachait un coeur d’or. Ses épaules étaient larges et son cou impressionnant.  Tout semblait énorme chez lui. Paradoxalement, son épouse était petite et douce. Autant la voix d’Henri était forte, autant celle d’Inès était menue et un peu fluette. Mais c’était mal les connaître que de penser qu’elle était soumise à son ours de mari.  
Inès était le centre de son univers. Depuis que je les avais rencontrés, quelques années auparavant, j’avais été frappé, après avoir apprivoisé l’homme qu’il était déjà, par la complicité qui unissait ces deux êtres totalement différents. Henri était fou amoureux de sa femme et celle-ci le lui rendait bien. Un amour tel qu’il en devint rapidement celui que je voulais pour mon couple. Mais que le Destin arrêta cruellement.
Mais je me demandais, à présent, si je les connaissais vraiment ?
Car entendre ces paroles étaient aussi réconfortant qu’apaisant pour mes sens mis en alerte maximum mais ne m’avaient pas enlevé mon intelligence et ma réflexion.  
Unis en amour comme dans la vie mais ordonnateurs d’une soirée libertine dans leur propre demeure.  
Ces deux-là me cachaient donc bien une partie de la vérité et, je le savais, l’heure des révélations arrivaient.  
Inès se retourna vers moi et, me prenant les mains, elle me dit
 - Je vais tout te dire, Conrad ! Je ne peux supporter de savoir l’amour de ma fille si démunit et si malheureux par ma faute. - NON !   
Henri venait de parler. Inès sursauta et plusieurs convives, installés non loin, se retournèrent vers nous, étonné de cette sortie semble-t-il inhabituelle. Je n’avais jamais, de mon côté, entendu Henri élevé la voix. Il n’en avait absolument pas besoin pour se faire entendre et encore moins, pour se faire respecter.  
 - Pardon, ma chérie ! Je veux dire que je vais m’en charger, comme elle nous l’avait demandé. - Tu me le promets ? - Je te le promets, ma chérie ! Dit-il en lui prenant galamment la main et en l’effleurant de ses lèvres.    - Bien ! Je te fais confiance, comme toujours. Mais ne tarde pas, tu as bien compris Henri ? Je ne supporte plus de le voir dans cet état. Conrad, mon chéri, tu vas apprendre plusieurs éléments, ce soir. Sache que c’était sa volonté, à elle, que cela se passe ainsi. Elle aurait aimé se trouver à notre place, mais elle nous en avait fait la demande en cas de malheur. Ce soir, nous allons réparer cette erreur et tout te révéler sur ce qui aurait dû être aussi ton secret. Et tu choisiras alors, en connaissance de cause, si tu veux le partager avec nous ou en rester là. Sache que, quelque soit ta décision, tu resteras toujours comme mon fils et jamais je ne t’en voudrais si tu décidais d’y renoncer. Et Henri partage mon point de vue.   
Je me tournais vers lui et il répondit
 - J’approuve ce que mon épouse vient de dire. Tu resteras éternellement l’égal d’un fils pour moi.
J’eus du mal à conserver mon sang-froid face à une telle déclaration de la part des parents de ma défunte épouse. Je savais que ces deux personnes étaient exceptionnelles pour avoir engendré une fille aussi merveilleuse. J’avais, à présent sous les yeux et dans les oreilles, la preuve que ma confiance avait été bien placée. Je ne pus que répondre
 - Je ne sais pas quoi vous dire exactement ? Vous avez toujours été parfaits avec moi. Avec elle. Mais ce soir, j’ai l’impression que je ne vous connais pas et cela me fait un peu peur. Mais, après ces déclarations, je ne peux que continuer à vous faire une confiance absolue, comme je l’aurai fait pour elle. Merci de me considérer de la sorte, vous n’imaginez pas à quel point cela me touche. - Je le vois, Conrad ! Ta sincérité est l’une de tes plus grandes qualités. Je te demanderai, juste, de garder l’esprit ouvert durant cette soirée. Sans cela, il te sera certainement impossible de comprendre ce que je veux te faire passer comme message. Tu comprends ? - Je comprends, Henri !    - Bien ! Viens avec moi ! Ma chérie ? À tout à l’heure ? Passe une bonne soirée. Je te retrouverai lorsque j’aurai terminé avec notre beau-fils.    - À tout à l’heure, mon amour ! Conrad ? Reviens me voir lorsque tout sera dit ! J’aurai encore besoin de te parler.    - Promis, Inès !   
Henri s’éloigna, non sans prendre deux coupes de champagnes qu’un serveur, posté à deux mètres de lui, tenait à bout de bras sur un plateau en argent.  
 - Merci, Luigi !
Le dénommé Luigi s’inclina légèrement pour répondre
 - Avec plaisir, Doge !
Je m’éloignais en suivant Henri tout en me retournant vers le dénommé Luigi, sans être certain d’avoir pleinement compris le mot qu’il avait utilisé. Aussi, je rattrapais Henri pour lui demander une explication qu’il devança
 - Ce n’est qu’un titre honorifique, Conrad ! Ma famille a donné plusieurs Doges à Venise durant l’histoire et le mot est resté. Tu l’entendras souvent, ce soir, mais sache qu’il ne me monte pas à la tête. Je ne suis ni le maire de Venise, et encore moins son Doge. Ce n’est qu’une marque de respect que les vénitiens m’octroient souvent en référence à un passé trop lointain pour lui donner une quelconque importance. - Ce n’est pas un titre si anodin que cela, pourtant, si l’on se réfère au pouvoir de ces personnages ayant marqué l’Histoire.    - Je sais que tu es féru d’Histoire, Conrad ! Ton métier, ta passion font de toi un être à part qui comprendras, j’en suis certain, ce que je vais te montrer.   
Nous marchions vers un escalier monumental qui allait m’entraîner vers les secrets de cette famille et d’Arwen. Car elle n’était pas sortie de mon esprit et il me tardait, à présent, de la confronter.  
Nous passâmes juste à côté d’un grand fauteuil dans lequel deux couples se livraient à une baise acrobatique. Une jeune femme, ne portant plus que des bas, ses escarpins et un serre-taille était couchée tête au sol et jambes en l’air tandis qu’un homme, debout sur les coussins, tenaient les chevilles de sa partenaire écartées pour faire pénétrer plus facilement sa queue dans la chatte offerte aux yeux de tous. La jeune femme soupirait bruyamment en caressant sa poitrine que je devinais, hélas, refaite entièrement. Á ses côtés, une autre femme suçait avec une forme de délectation évidente, le sexe tendu de son partenaire. Sexe d’une taille impressionnante qui semblait vouloir écarteler les joues de la malheureuse qui, pourtant, léchait et embouchait ce mât avec un plaisir évident tout en se masturbant et se pénétrant de deux doigts.  
 - Je vois que ce spectacle semble te plaire, Conrad ? - Ce n’est pas que cela me plaise ou non qui m’inquiète, Henri ! - Qu’est-ce donc alors ? Me demanda-t-il en s’arrêtant pour me toiser avec un regard curieux et pétillant de malice, comme s’il devinait déjà le sens de ma question.    - C’est l’endroit où cela se passe ! - Un canapé ? Demanda-t-il joueur. - Votre demeure !
Il sourit, et retirant enfin son masque, me permit enfin de voir l’entièreté de son visage.  
 - C’est le centre du secret, Conrad. Le centre de tout ce que je vais te révéler. Ne t’attends pas à apprendre qu’il existe un ordre mondial prêt à tout pour conserver le pouvoir ou d’autres fariboles de ce genre. C’est bien moins grave et bien plus agréable. Ce n’est que le plaisir qui nous anime. - Je vous écoute ! - D’abord, tu vas cesser ce vouvoiement qui me dérange de ta part.    - Mais... - Chut ! Tu me tutoies dorénavant, Conrad. Que chacun sache en quelle estime je te porte, d’accord ?    - Bien, Henri ! - Ensuite, je vais te raconter une histoire.   
Il se remit à marcher et monta lentement l’escalier monumental.  
 - Que connais-tu de Venise, Conrad ? - La lagune, son histoire, le Carnaval, les masques, l’Opéra, les canaux, le pont des Soupirs,... - Les classiques du genre, donc ! - Oui ! Mais votre fille m’a emmené souvent dans cette ville et m’en a fait découvrir quelques secrets.    - À ma demande, Conrad ! - Pardon ? - C’est moi qui lui ai demandé de t’initier progressivement à Venise. Mais elle n’a, malheureusement, pas pu achever son oeuvre. Pour l’instant ! - Que voulez-vous...Pardon ! Que veux-tu dire ? - Quelle est l’origine du Carnaval, Conrad ? - L’anonymat, la fête, la transgression sociale, ... - Exactement ! La transgression. C’est ce qui a construit Venise, Conrad. C’est exactement ce que sont les vénitiens. Des gens pour qui la transgression des règles est permise. Depuis que le Carnaval de Venise existe, il a permis de briser les tabous et de rendre la société plus juste. Le pauvre pouvait se moquer du riche et le riche prendre la place du pauvre durant le moment du Carnaval. Depuis le Moyen-Âge et surtout le Renaissance, il a été codifié et prit en charge par l’aristocratie de Venise. Ma famille, notamment, a joué un rôle crucial dans la liberté qu’elle voulait octroyer aux vénitiens. Jamais un titre, Conrad, ne pourra mettre un homme au-dessus des autres. Ce sont ses actes qui font de lui un homme exceptionnel. Aussi, ma famille s’est employée à libérer également les mœurs et les contraintes imposés par les diktats de l’Église ou de toute forme de religion. Je fais partie d’une généalogie qui a toujours combattu le fanatisme, Conrad. De quelques bords qu’il apparaisse.    - Wouaw !    - Merci ! Je prends cela comme un compliment, me dit-il en riant.   
Puis, s’asseyant dans un grand fauteuil en cuir noir disposé dans un bureau dans lequel il venait de me faire entrer, il continua
 - Ainsi, au fil du temps, nous avons développé une tendance de plus en plus libertine de la vie. Tu en as eu un aperçu avec ma fille qui t’a, m’a-t-elle dit, initiée aux plaisirs de l’échangisme avec tes amis. - Oui ! Je vois qu’elle a bien fait ses devoirs, dis-je un peu amère de savoir ma vie privée dévoilée ainsi, fût-ce envers un membre de sa famille.    - Je t’ai demandé de garder l’esprit ouvert, Conrad ! Sache qu’elle l’a fait à ma demande puisqu’elle a été éduquée dans cette volonté farouche de rester libre de ses actes. De tous ses actes, mais dans le respect de chacun. Ce que je t’ai déjà dit plusieurs fois est vrai. Je t’ai aimé dès notre première rencontre. J’ai de suite compris ce que ma fille m’avait dit à ton sujet et je l’ai crue en te rencontrant. - Et qu’était-ce ? - Elle m’avait dit avoir trouvé son Doge.   
Ma respiration se coupa et je suis certain que mon coeur eut un nouveau raté en l’entendant énoncé ce terme. Il sourit en me regardant et m’expliqua
 - Ce terme, dans sa bouche, signifiait qu’elle avait trouvé celui qu’elle estimait digne de me succéder lorsque je disparaîtrai. Tu sais que ma fille était mon univers, mon trésor absolu. Celle pour qui j’aurai fait n’importe quoi. Je voulais qu’elle me succède mais elle ne pensait pas avoir les épaules assez solides pour supporter le poids de la charge. J’étais persuadé du contraire mais elle a su me convaincre. Elle s’est, alors, mise en chasse d’un homme capable de l’aider. Et c’est en France qu’elle l’a trouvé, par un hasard que seul la Fortune peut nous concocter. Elle t’a choisi, Conrad, lorsqu’elle est tombée amoureuse de toi. Et elle a très vite été certaine de son choix. - Mais... - Tu seras mon hériter, Conrad. Je n’ai, de toute façon, plus que toi. Ma famille l’acceptera.    - Pourquoi acceptera ? Ce n’est donc pas certain ? - Parce qu’il te reste à les convaincre, tout simplement.    - Moi ? Mais je ne veux pas être votre héritier ! Dis-je soudain apeuré par la teneur de ce que cela signifiait.    - Bien sûr que si ! Mais tu en le sais pas encore. Laisse-moi continuer mon histoire. Ainsi, ma famille a usé de son influence pour tenter de rendre Venise immortelle dans les coeurs comme dans les âmes. Le Carnaval que tu connais n’est pas celui des Palais. En dehors de ces murs, tu te grimes, tu te déguises pour te faire passer, le temps d’une fête, pour un autre, en totale liberté. Dans ce palais, tu vis de cette façon toute l’année. Tu as remarqué que mes invités de ce soir sont des libertins accomplis qui baisent sans retenue. Ils font partie d’un groupe de personnes triées sur le volet après une enquête particulièrement rigoureuse.    - Des riches qui baisent ensemble, banal donc ! On se croirait dans un mauvais roman érotique, dis-je un peu caustique. - Non, c’est là que tu te trompes. Il y a, parmi mes invités, des boulangers, des maçons, des chauffeurs, des aristocrates aussi, des hommes et des femmes politiques. Toutes les couches de la société civile sont représentées ce soir, Conrad !    - Alors là ! Dis-je un peu ébahi. - Oui ! Je te l’ai dit, rendre Venise immortelle dans les coeurs et les âmes. Mais qui fait de Venise ce qu’elle est si ce ne sont les vénitiens ?    - Je commence à comprendre.    - Bien !    - Mais il reste une inconnue que vous n’avez pas encore mentionné. - Arwen ! - Arwen ! Quel est son rôle ? - C’est la fille de mon meilleur ami, Conrad. Tout simplement. - Pardon ? - C’est la fille de celui qui porte, actuellement, le titre de Duc de Bretagne. C’était l’une des amies les plus proches de ma fille. Mais du côté de son existence que tu ignorais encore. Ainsi, elle t’était inconnue. Elle devait t’être présentée prochainement mais le Destin en a voulu autrement. - Comment s’est-elle retrouvée en face de moi, dans ce cas ? - Je pense que le mieux, c’est de le lui demander, tu ne penses pas ? Dit-il en tournant le regard vers l’embrasure de la porte dans laquelle se dessinait les contours d’une femme que je connaissais.   
 Elle ne portait plus qu’une lingerie haut de gamme fait d’un corset en dentelles rouges possédant des jarretelles retenant des bas de soie. Sa poitrine semblait irréelle de rondeurs et de voluptés. Ses talons hauts, d’une finesse qui me fit peur pour ses chevilles, la rendait plus grande que d’habitudes. Seul son masque trahissait encore un peu sa personnalité et lui conservait un anonymat délicieusement scandaleux.     
Arwen s’avança lentement, dans un démarche d’une sensualité digne des plus grands cabarets parisiens. Elle s’approcha lentement et, d’une voix timide, dit
 - Bonsoir, Conrad ! Je suis heureuse d’enfin pouvoir tout te dire. - Bonsoir, Arwen ! Cela signifie donc que tu me mens depuis toujours ?
Le ton de ma voix était sans équivoque.  Car malgré tout ce que j’avais déjà appris et malgré ma promesse de rester calme et ouvert d’esprit, la voir ainsi devant moi, comme si elle allait me parler de la pluie et du beau temps, me rendait fou de rage.  
Comment avait-elle pu, en déclarant m’aimer, me mentir à ce point ?  
J’avais l’impression de ne plus rien connaître d’elle. En fait, j’avais en face de moi une parfaite inconnue qui s’était jouée de moi durant tout ce temps. Arwen n’était pas du tout ce qu’elle prétendait être et je n’étais plus certain d’aimer celle qui était en face de moi.  
J’étais tombé amoureux d’une enseignante un peu coquine, jouant admirablement de ses charmes pour me rendre fou tandis que je le lui rendais du mieux que je pouvais, dans une vie banale et répétitive. J’avais essayé d’accepter de sa part une activité sortant déjà de l’ordinaire de tout un chacun mais nous dépassions, à présent, tout ce que l’imagination humaine peut se faire comme films à propos de quelques cachotteries que nous avons tous envers nos conjoints et nos amis.
Aujourd’hui, je n’étais plus certain d’aimer la femme qui se présentait à moi. C’était une étrangère et non plus celle que j’aimais.  
J’avais l’impression, en la regardant, de devoir tout recommencer depuis le début.  
Je me revis, dans un étrange flash-back, quelques semaines plus tôt, déboussolé et amère, assis dans la salle des professeurs de mon lycée. Une jeune femme entrant et me parlant, faisant exploser les murs de la forteresse que j’avais construite autour de mon coeur pour s’en emparer avec une facilité déconcertante pour me ramener à une vie que j’avais tellement appris à aimer auprès de celle qui restait mon grand amour.  
La jeune femme qui était responsable de cet état était une menteuse et une manipulatrice. Une femme que je fuyais habituellement uniquement parce que ce sont des personnes toxiques qui n’ont rien à faire dans votre existence.  
Toutes ces considérations défilèrent dans mon esprit en une seconde.  
J’avais l’impression qu’un étau serrait ma poitrine et que j’allais m’évanouir de rancoeur et de haine pour elle.  
Tandis qu’elle s’approchait encore et allait me répondre, elle tendit le bras vers moi pour me toucher le biceps dans un geste d’apaisement.  
C’est ma réaction qui les surprit tous les deux.
Car, si mon esprit se demandait encore comment réagir, mon corps parla pour moi.  
Je me reculais pour éviter tout contact physique entre nous, comme si je la prenais pour une pestiférée.  
Le visage d’Henri changea.  Il venait de comprendre que la stratégie qu’il avait mise en place ne se déroulait, finalement, pas comme prévu. Mon assentiment n’était pas gagné par ses promesses et ses révélations.  
Mais c’est Arwen qui fut la plus choquée.  
Je pus voir, dans ses yeux sous son masque, une incompréhension totale. Elle pensait certainement pouvoir continuer à me manipuler de la sorte, tel un pantin dans leur carnaval grotesque ? Elle allait, à présent, payer le prix de sa duplicité et de ses mensonges.  
Je m’étais toujours considéré comme un homme doux et compréhensif, respectueux et ouvert d’esprit.  
Mais une part sombre dormait en moi.  
Et ils venaient, sans encore vraiment le savoir, de la réveiller.
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