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La lectrice

Chapitre 3

Un amour de camionneur

Divers
Je ne suis, en fin de compte, rentrée chez moi qu’au milieu de l’après-midi. Ce qui s’est passé en huis clos n’a de l’importance que pour Gilles et moi. C’était savoureux, toujours bien amené et ludique à certains points de vue. Le jour suivant, ma lecture n’a guère avancé. Bien qu’assise sur mon banc préféré, j’ai plus regardé les gamins jouer sur le toboggan et aux alentours que poursuivis les écrits de mon Guillaume (Musso) préféré. Puis il me reste les images de ce qui s’est passé. J’arrive à me persuader que j’ai un peu enjolivé les choses, que j’étais trop ivre pour avoir vraiment osé vivre cette aventure.
Mes reins en compote peuvent-ils à ce point me mentir ? Je ne suis pas restée plus de deux heures à suivre les évolutions des bambins rigolards qui piaillent sur l’aire de jeu. Deux après-midi de suite, je suis revenue à la même place, comme si le fait de ne pas voir le papa et sa petite me manquait. Je n’arrive pas à comprendre ce qui se passe dans ma caboche. Il me serait facile de retourner voir Gilles. Mais ce serait lui donner l’impression que je viens pour... me faire sauter. Ce qui en soi pourrait bien être une dure réalité. Il existe une autre raison, plus profonde, plus mystérieuse celle-là.
La peur, oui, ça s’appelle la peur ! Ouais, la grosse trouille de tomber amoureuse de ce type. Avec son béret et son look de vieux français patriote, il me donne la curieuse impression d’être attachant au possible. Et ma foutue liberté, j’y tiens comme à la prunelle de mes quinquets. Pourquoi tenter le diable ? Pas de Maxime durant les derniers jours de la semaine et mon bouquin n’a pas vu la lecture de plus de deux pages durant chacune de mes attentes au parc. Pas moyen de le trouver intéressant plus que ça. La motivation est ailleurs bien sûr.
Ce n’est que le samedi vers quinze heures que de ma position assise, je visualise le couple formé d’Emma et de son père. Elle court devant lui, chassant un « grand porte-queue » ça ne s’invente pas. Le lépidoptère ne se laisse pas facilement attraper. La gamine part dans tous les sens, au gré des zigzags du Machaon qui se moque bien de cet être humain qui veut jouer. Son père reste dans l’allée, exhortant Emma à revenir près de lui.
— Vient ici Emma ! Tu vois bien que ton papillon est plus malin que toi. Tu veux bien écouter un peu ce que je te dis.—...
La seule réponse à ces appels c’est des rires de gorge, de l’enfant qui s’amuse comme une folle. La bestiole ailée fait un virage aérien surprenant et fonce droit vers mon banc. Au moment où le visage d’Emma aperçoit le mien, celui de Maxime aussi vient de me découvrir. Il s’empresse de foncer vers l’endroit d’où je ne bouge pas.
— Bonjour...— Bonjour Maxime.— Je vois avec plaisir que vous vous souvenez de mon prénom. Je n’ai pas cette chance, par contre !— Ah bon ? Mémoire courte alors ? À moins que j’aie omis de vous le dire ?
Une fois encore j’éclate de rire et le grand escogriffe baisse la tête. Mais c’est encore Emma qui se rappelle à son bon souvenir. Elle arrive tel un feu follet près de mon banc. Elle m’a bien reconnu et se souvient par ailleurs du paquet de gaufrettes. C’est donc directement sur mon sac que fond l’oiselle. Maxime la rattrape au vol en riant.
— Hep là viens par ici toi ! Tu ne vas pas aussi devenir voleuse. Quel manque d’éducation, vraiment !
J’écoute en songeant qu’elle ne peut avoir que celle que ses parents lui donnent. Après tout nous avons tous été éduqués de la même manière et reproduisons bien souvent seulement ce qui nous a été montré. J’interviens donc avec une certaine célérité.
— C’est un gâteau que tu veux ? J’en ai bien, mais ils sont au chocolat et là, tu dois avoir l’autorisation de ton papa. Si d’aventure tu n’y avais pas droit, ou si une allergie...
— Oh, rassurez-vous ! Sa mère est bien loin de toutes vos considérations et lui donne bien trop de sucreries. Je la soupçonne d’acheter sa paix sociale et familiale à l’aide de bonbons et autres douceurs.— Sa mère... mais l’éducation n’est elle pas faite par les deux parents ? Enfin j’ai toujours cru qu’il devait en être ainsi.— Pour tout vous dire, Madame l’inconnue, la maman d’Emma et moi sommes séparés depuis un an et je ne l’ai que les week-ends. Ça permet sans doute à la Dame de sortir ou de recevoir ses amis. Lors des séjours de la petite chez moi, j’ai bien du mal pour lui redonner des bases équilibrées.— Je vois...— Je suis certain que non ! Vous savez c’est difficile de ne pas être un monstre aux yeux d’une fillette qui durant toute la semaine à tout ce qu’elle veut d’un côté, à savoir chez sa mère et de se trouver plus ou moins sevrée lors de ses séjours chez l’autre. En l’occurrence, l’autre c’est moi.—... humm ! Vous peignez un tableau plutôt sombre d’une situation complexe ! Je peux concevoir que ce n’est pas simple, en effet.— J’ai aimé ma femme, mais elle a trouvé mieux que moi. Un garçon plus disponible, plus présent. Mais je devais faire bouillir la marmite et c’est vrai que j’ai sans doute des torts dans notre séparation.— Vous l’aimez encore ?— Dire non serait mentir. C’est simplement différent et... il y a notre petite Emma. Cette gamine c’est un vrai cadeau du ciel. Je sens son absence tous les jours de chaque semaine et suis si content lorsqu’arrive le week-end.— Emma est adorable, et elle n’est en rien responsable de la mésentente de ses parents. Vous avez mille fois raison ! C’est elle l’essentiel dans cette affaire. Tiens ma belle !
J’ai sorti les biscuits et la menotte se referme sur les palets dorés entrelacés de chocolat que je lui tends. Puis elle repart sans autres soucis vers le gazon qui nous sépare, son père et moi du long rectangle de sable. D’autres gosses se disputent les marches d’escalier pour accéder aux glissades. J’admire un instant cette forme minuscule qui fonce vers les nains rieurs qui ne se posent aucune question et pactisent immédiatement. À cet âge-là, tout est si simple. Son papa lui, ne fait pas mine de quitter l’endroit où il prend racine.
Puis sans rien dire, il opte pour une approche plus singulière. Il fait à reculons deux pas qui amènent ses fesses sur l’assise de bois. Je me pousse légèrement vers le bord du banc, presque instinctivement. Il tourne enfin la tête vers moi avec une sorte de sourire.
— Vous permettez ? —...
De toute façon, il est déjà posé. Pourquoi demander puisque c’est fait ? Et surtout pourquoi lui dire non, maintenant qu’il est le cul près de moi ! J’analyse inconsciemment plusieurs petits trucs. Tout d’abord, il sent bon. Un parfum ? Un après-rasage ? Je ne sais pas trop, mais l’odeur est épicée, agréable à mes narines. Sa coupe de tif est nette, propre, ses vêtements sans être chics sont pourtant pratiquement neufs. Des détails qui sont autant pour moi de signaux. Il est là à loucher sans en avoir l’air vers moi. Silencieux, il se plonge dans la contemplation de mon « Musso » qui sépare nos deux corps sur l’assise.— La jeune fille et la nuit... titre intéressant ! Vous aimez ce genre de bouquin ?— Pas vous ? Et puis chacun ses goûts, non ?— Oui, oui bien sûr ! Ce n’est pas une critique. Je ne saurais me le permettre, moi qui ne lis que très peu.— Parce que vous n’aimez pas ou parce que vous ne savez pas ?— Pan ! Prends ça dans la tête mon petit Maxime ! Mais vous avez raison, je ne l’ai pas volé cette réflexion. Je vois bien que je vous dérange.— Pour le moment pas vraiment. Je n’arrive pas à accrocher à ce livre... allez savoir pourquoi !— Vous avez l’air un peu triste...— Triste ? Comment ça triste ?— Ben... on dirait que... regarder les gosses jouer vous fait réfléchir et si j’ai bien saisi ce que vous m’avez dit la dernière fois... enfin la première fois en fait, vous n’avez pas d’enfants.— Ah ! C’est vrai ! Mais je ne suis pas vraiment triste au sens strict du mot. Un peu de vague à l’âme sans doute. Il sera vite oublié et puis... j’aime bien voir ces petits êtres qui sont si naturels.— Naturels ? Ça veut dire quoi pour vous ?— Il suffit de les suivre des yeux. Pas de problème de communication, pas de temps morts. À peine arrivée dans un groupe, Emma, votre fille s’est immédiatement insérée aux autres. Nous les adultes, prétendument sages, aurions bien des leçons à prendre de ces petits... ne croyez-vous pas ?— Peut-être. C’est vrai que c’est complexe les relations entre les individus. Tenez par exemple si je vous avais dit d’emblée que vous me plaisiez, vous auriez soit décampé en courant, soit vous m’auriez collé une baffe !— Je ne suis pas violente, mais vous avez vu juste, j’aurais sans doute pris mes jambes à mon cou.— Et pourtant... je suis assis près de vous et ne vais pas vous dévorer toute crue. Pas encore du moins...— Bien entendu ! Mais le fait que vous ayez une fillette est déjà un trait d’union peut-être. Et je ne vous vois pas me sauter dessus avec toutes ces mamans ou nounous qui sont dans le square. — Une élégante manière de ne pas répondre ?— Quelle était la question ?— Je viens de vous avouer que vous me plaisez...— J’ai l’âge d’être votre mère peut-être. Alors cette pensée ne devrait pas vous effleurer l’esprit.— Vous ne l’êtes pas et je vous trouve jolie, attirante.— Vous comptez me draguer ouvertement là, à deux pas des gosses qui jouent ? C’est votre technique et votre terrain de chasse, le parc des enfants ? Remarquez que c’est vrai également qu’il y a ici une majorité de jeunes femmes.— Mais elles ne m’intéressent pas. Je ne me sens aucune affinité avec l’une d’entre elles.— Alors, pourquoi choisir celle qui est la plus « vieille » et surtout la seule dans le coin qui n’a pas mis au monde un bébé ?—... Je n’ai pas choisi ! Je me sens attiré c’est aussi bête que cela. Vous parliez de cette facilité à communiquer chez les gamins... essayons de les imiter.
Il est droit comme un I sur le bout du banc, mais ses quinquets sont placés idéalement pour suivre les mouvements de ma poitrine qui bouge au rythme de ma respiration. Quelque part, il a dû s’apercevoir que les petites pointes de celle-ci, sans protection autre que celle de mon teeshirt, tendaient le tissu. Il se tord le cou à chercher vainement à deviner les contours de mes seins. À moins que ce soit moi qui me fasse un film, ce qui pourrait être aussi vrai. Pour occuper ses grandes pattes, il s’empare de mon bouquin... fait mine d’en lire une ligne ou deux.
C’est à mon tour de le détailler plus attentivement. Outre son parfum assez bon, il est bien rasé. Sa chevelure brune et courte brille, signe d’un shampooing récent. Il est vêtu d’un jean repassé et c’est de moins en moins courant chez les jeunes. Une chemisette ouverte complète l’ensemble et lui donne un air sportif. Il me jette de fréquents coups d’œil, visiblement mon auteur préféré ne le branche guère.
— Alors vous me disiez que vous étiez séparé ? Que faites-vous donc comme travail, qui vous ai tenu si éloigné de votre foyer que votre amie s’en est lassée ?— Je suis chauffeur routier à l’international. Je suis parfois parti une semaine complète et vous savez que nous avons des heures de conduite à respecter... ça ne facilite pas vraiment notre tâche.— J’imagine bien ! Après, c’est vrai qu’une femme seule avec un mari toujours sur quatre chemins peut vite se lasser... — Deux ans ! C’est juste le temps que ça lui a pris pour se trouver un autre amant. Et même si ça fait mal, je dois reconnaitre que pour la vie de famille, ce boulot n’est pas... la panacée. Mais il faut bien aussi que l’argent rentre, les factures à payer, la petite à élever...— Du coup, vous vivez cela comment ?— Du mieux que je le peux. La semaine je suis toujours sur la route... mais les week-ends Emma est tout mon univers. Vous voyez aussi pourquoi je ne la gronde pas trop pour ses frasques. Ce n’est pas si simple d’être un bon papa.— Une bonne maman non plus, sans doute... enfin... la vie est ainsi faite qu’elle n’est pas toujours rose. L’important c’est de vivre ce qui est possible de l’être avec passion.— Oui ! Vous êtes sage... Vous... vous avez un mari, vous ?—...
Je le regarde avec une sorte d’envie de sourire que je retiens. Je ne veux pas le vexer. Et c’est sans hésiter que je laisse tomber doucement :
— Non et je n’en cherche pas non plus ! Je suis bien dans ma petite vie bien rangée. Pas de dérangements, pas de cris, pas de scènes de ménage.— Oui ? Mais une existence trop parfaite doit être monotone... non ? Vous devez vous ennuyer.
Cette fois je ris franchement. Un garçon qui a l’âge d’être mon fils qui me fait la morale. Il reste coi sur le bout de notre banc. Puis il revient sur son idée.
— Alors vous êtes donc libre comme l’air. À moins que vous aussi ayez un boulot prenant.—... ? Oh non, rassurez-vous ! C’est sur mon PC que je travaille, avec des horaires relativement souples. Pas vraiment de contraintes de ce côté-là non plus...— Si j’osais... je vous proposerais bien...— Oui ? Dites toujours ! On ne sait jamais... ça pourrait être intéressant d’entendre votre point de vue !— Ben... si le cœur vous en dit, lundi je pars pour l’Espagne. Je vais livrer du papier dans une imprimerie et au retour je chargerai une cargaison de meubles dans la banlieue de Madrid... des canapés convertibles. Alors, une semaine sur la route, en ma compagnie, si le cœur vous en dit !— Et votre patron serait d’accord ?— Il n’a pas besoin d’être au courant, et dans mon camion, je suis seul maître à bord.— Comme un capitaine de bateau donc ?— C’est aussi simple que cela. Je pars lundi vers treize heures. Je pourrais vous prendre devant ce square... à quatorze heures. C’est mon itinéraire pour rejoindre l’autoroute... ma foi, à vous de voir si... — Votre camion a une chambre seulement n’est-ce pas ?— Une cabine spacieuse oui et on y tient largement à deux, vous savez. Pour les douches et autres besoins urgents... je m’arrête dans des stations que je connais. On finit par avoir ses habitudes dans ce métier.— Ce qui veut dire que nous serions dans la même couchette chaque soir ?— Pas le soir. Je roule et respecte la réglementation en vigueur ce qui fait que je travaille aussi la nuit, dans les créneaux autorisés par le Code de la route. Vous pourriez vous avoir la couchette pour vous seule lors de ces moments-là.— C’est à réfléchir... comment vous faites pour vos vêtements ? — Oh, une petite valise suffit... j’y colle caleçons et chaussettes, une ou deux tenues de rechange également, c’est plutôt sommaire...— Je vois...— Alors je passerai ce lundi devant la porte du square en face de nous. Si vous êtes là, je vous embarque... à vous de voir si une virée de ce style pourrait vous convenir...— Vous êtes un drôle de type vous ! Vous faites souvent ce genre de proposition à des inconnues ?— Pas vraiment ! Je vous avoue que c’est la première fois et que ça m’est venu comme ça, spontanément... mais rien ne vous oblige à accepter.— Évidemment... je vous promets d’y réfléchir, pour de bon. Je crois que votre petite vous appelle.
Emma au bout du toboggan crie en direction de son papa. Une querelle entre petits monstres sans doute ? Et finalement, chez les enfants aussi les incidents peuvent donc survenir, assassinant d’un coup la vision idyllique de l’entente parfaite entre les gamins. Maxime s’est levé et rejoint presque en courant la blondinette. Je profite de ce moment de solitude pour récupérer mon livre et je me carapate sans trop savoir ce qui me fait fuir ainsi. Le projet du jeune homme me trotte déjà dans la caboche. Mais à mon avis, il a lui aussi une idée bien précise du déroulement de ce voyage.
C’est vrai que mon cœur et ma tête se livrent déjà une guerre sans merci pour décider si après-demain je serai à ce rendez-vous avec cet inconnu. Maxime a réussi le tour de force de me faire hésiter, entre envie de connaître ce genre de balade et peur de me retrouver seule avec un homme si jeune. Quelque chose chez lui m’attire depuis le moment où j’ai croisé son regard et j’ai du mal de faire la part des choses. De là à oser un pareil périple, il y a de la marge. Mais c’est sans compter sur ce fichu cerveau qui me joue des tours. Et toute ma soirée se passe à peser le pour et le contre. Il souffle tantôt le chaud avec des visions d’aventures pleines d’imprévus, pour l’instant suivant, me rappeler que ça pourrait s’avérer dangereux.
Surtout si ce Maxime n’est pas aussi respectueux qu’il le prétend. La nuit porte conseil dit-on ! Eh bien, la mienne ne me laisse que des doutes. Tout le dimanche, je suis tiraillée entre refus et acceptation. Mais en milieu de matinée du lundi, allez savoir pourquoi, j’entasse dans un sac de voyage petites culottes et autres frusques pouvant êtes portées dans toutes les situations. Jeans, chemisiers, et quelques sous-vêtements s’empilent dans l’espace réduit du cuir fauve. Et je suis presque heureuse de savoir que je suis prête à partir. Incroyable, petite femme respectable qui fantasme sur le beau camionneur, ça ne me ressemble pas du tout et pourtant !
Ma trousse de toilette, celle qui sert lors de mes déplacements est toujours en attente d’un départ et se trouve elle aussi fourrée dans ma musette. Et c’est donc bien une folle qui fait le pied de grue sur le trottoir proche de l’entrée du parc un peu avant quatorze heures. Maxime n’a que quelques minutes d’avance sur l’horaire énoncé. Les appels de phares qui me sont destinés me font lever la main alors qu’un énorme semi-remorque vient se garer près de moi. La portière s’entrouvre et je monte les marches, assez hautes du reste, avant d’atterrir sur une banquette confortable. Là commence notre voyage.
D’abord nous discutons de tout, de rien, mon chauffeur pestant comme tous les routiers du monde contre les « mauvais » automobilistes qui roulent « n’importe comment ». C’est de bonne guerre. Puis une fois sur l’autoroute, le gros-cul prend une vitesse de croisière et se stabilise sur celle-ci. Équipé d’un régulateur de vitesse, l’engin ne déborde pas des limitations. Du coin de l’œil, j’inspecte ce qui va devenir « ma chambre » pour ce périple roulant. De l’autre côté du rideau qui se situe derrière le dossier des sièges, la fameuse cabine du routier.
Le long ruban d’asphalte se déroule sous les roues et la première pause est pour un pipi du conducteur. Sur une aire d’autoroute, alors stationné sur les places réservées, le camion est parmi d’autres poids lourds. Je descends donc et je remarque de suite que des tas de mecs que je juge déjà plutôt louches traînent dans maints recoins de ce parking. Certains me font même des clins d’œil que je trouve plutôt déplacés. Je commence à avoir une petite idée toute différente de ce voyage. Ils me prennent peut-être pour une pute en maraude comme il s’en voit dans ces endroits. Ça fait rire Maxime quand je lui fais remarquer ces œillades troubles.
— Il faut les comprendre aussi ces pauvres bougres. Ils sont, pour certains, à des centaines de kilomètres de leur famille, maison. Et une jolie femme fait toujours plaisir à regarder.— Oui ? Eh bien ! C’est assez dégradant d’être prise pour une poule.— Alors de luxe la poule, non ?— Quoi ? C’est ainsi que vous me jugez ?— Mais non bon sang. Je voudrais juste d’une part vous faire sourire et en second lieu que vous compreniez que vous êtes réellement... très belle.— Ça m’oblige à répondre à ces types qui me matent les fesses comme si j’étais la seule femme qu’ils voyaient depuis un siècle ?— Pas vraiment. Mais vous êtes pour eux, un rayon de soleil, vous illuminez leur journée d’un éclat tout particulier... la mienne aussi du reste. Et je vous avoue que depuis que vous êtes montée dans ma cabine, je vous admire.— C’est nouveau ? Vous ne m’aviez jamais vu avant non plus ?— Si bien sûr ! Mais il faut avoir un certain cran pour partir à l’aventure avec un mec qui fait la route. Nous n’avons pas très bonne réputation, nous autres les routiers. La seule preuve c’est que de suite vous faites allusion « aux putes » dont nous userions sur les aires de stationnement. Je ne nie pas que ça doit arriver, mais c’est simplement anecdotique.— Pourquoi ces regards alors ? Ceux de ces chauffeurs qui attendent quoi là ?— La même chose que moi... le Code de la route nous interdit de faire plus d’heures et nous sommes bien contents de trouver des endroits, tel celui-ci pour attendre la fin de la coupure obligatoire. — Vous voulez dire que c’est la loi qui vous impose cet arrêt ?— Celui-ci non ! C’est pour mon... notre confort, si vous voyez ce que je veux dire.— Parfaitement... appelez un chat un chat. Vous avez juste envie de pisser quoi !— C’est exactement ça ! Vous préfèreriez que je pisse, comme vous dites, dans une bouteille pour la balancer ensuite sur le bord de l’autoroute ? Vous savez aussi bien que moi que ça aussi ça se pratique de nos jours. Mais c’est encore une minorité qui jette l’opprobre sur tout le reste de la profession.
Je me tais et fais aussi un tour aux toilettes. Un peu d’eau sur le visage, un trait de rouge sur les lèvres et je repars en sa compagnie, vers son véhicule. Puis nous reprenons la route avec le soleil pour témoin. Au bout d’un laps de temps indéfini, je somnole et Maxime chantonne. Il chante juste le bougre. Lorsque je reprends pied dans la réalité, le bahut est de nouveau à l’arrêt. Il s’est passé quelques heures durant lesquelles je me suis assoupie vraiment.
— J’ai dormi longtemps ?— Assez pour que je vous envie de pouvoir le faire. Mais il est l’heure d’aller dîner. Vous n’avez rien contre un steak-frites ? C’est un menu passe-partout dans nos routiers.
Je me contente de hausser les épaules. Et la dinette comme l’arrêt pipi se fait sous des regards lourds, envieux sans doute des autres dineurs. Maxime lui ne perd rien de son sourire et de sa verve.
— Vous trouvez cela à votre goût ?— Pardon ?— Le repas... il vous convient ?— Ah ! Oui, oui naturellement. Et puis des frites, je n’en fais pas si souvent à la maison.— Je vois ! L’odeur de l’huile de friture, j’ai souvent été bercé par ce refrain... pendant mon mariage.—... ! Je vous trouve bien amer d’un coup, pour ne pas dire acerbe.— Mais non ! C’est juste pour vous faire sourire et c’est raté. Je tape souvent à côté avec vous.— Le programme après ce repas ?— Vous allez dormir dans la couchette et moi, je veillerai sur vous depuis mon siège. En étendant mes jambes sur les places des passagers, on est aussi à l’aise.— Je croyais que vous aviez dit que la couchette était assez spacieuse pour deux.— Vous... je veux dire que je ne suis pas certain de vouloir m’étendre près de vous.— Ah bon ? Il faudrait savoir ce que vous voulez. Une fois je suis super jolie et à un autre moment vous ne savez pas si...— Cherchez l’erreur ! Je ne suis qu’un pauvre homme, et le fait de me coucher à côté d’une jolie femme peut provoquer des bugs.— Que vous êtes compliqué !
De combien de zigs avons-nous croisé le chemin en revenant du restaurant ? Des hommes seuls qui louvoient dès que nous passons, se cachant dans cette forêt de poids lourds. Et Maxime qui me donne la main joue quelque part les amoureux. Ce n’est pas pour me déplaire cette espèce de complicité qui s’instaure entre lui et moi. Mais dès que nous franchissons les portes de sa semi, la distance redevient palpable. Finalement la couchette a vraiment de quoi nous contenir tous les deux, mais c’est bien toute seule que je me couche.
Lui, je l’entends derrière le rideau qui bâille et il met de la musique en sourdine. Dans cet espace qui convient pour s’aliter, je me dévêts sans faire de grands gestes. Il fait bon, la nuit est calme bien que le bruit des véhicules qui circulent sur l’axe principal soit perceptible. Enfin, étendue entre deux draps frais, je me tourne et retourne cherchant un sommeil qui ne vient pas. Nue avec seulement ma culotte et mon soutien-gorge, je cale mon corps, face tournée vers la cloison métallique.
Depuis combien de temps suis-je installée de la sorte ? Je n’en sais rien, dans le noir la notion de temps est difficile à évaluer. C’est la chanson distillée par la console radio qui me donne l’impression que le son vient d’être monté. Puis une lueur parcourt l’habitacle où je cherche à dormir. Je viens de comprendre. Maxime a entrouvert la séparation de tissu qui fait office de mur entre les sièges de la cabine et le coin couchette.
Je sens sur mes formes allongées ses regards. Je ne bouge plus. Va-t-il oser poser ses pattes sur moi ? L’incident dure un long moment durant lequel il ne se passe strictement rien. Le coco est donc clean. Il ne fait rien pour venir à la rencontre de mon corps alangui. Je respire ou essaye de le faire normalement. Comme il ne voit pas mon visage, il ne peut absolument pas être sûr que je roupille. Pourtant je l’entends qui bredouille quelques mots.
— Vous dormez ?—...
Seul un silence répond à sa question. Alors sans que je fasse quoi que ce soit, j’ai la sensation que d’une main il soulève le drap qui me recouvre. À nouveau, il murmure. Oh ! Pas très fort, mais suffisamment pour que je perçoive le seul mot qu’il lance.
— Merde...
Puis l’étoffe blanche retombe sur moi et le rideau se referme aussi discrètement qu’il s’est entrouvert. C’est le bruit du moteur qui se lance qui me réveille. J’entrouvre la draperie et passe mon museau dans la cabine de pilotage.
— Ça y est ? La pause est finie ? Vous avez bien dormi ?— Pas vraiment.
En me jetant cette phrase, il hausse les épaules, fataliste au possible ! En roulant, je remets mon jean et mon chemisier. Pas facile de se fringuer alors que le camion file à la vitesse permise. Quelques instants après, je suis de nouveau les fesses sur la banquette, près de Maxime.
— Ça va ? On est où là, exactement ?— On passera la frontière espagnole dans quelques heures si tout va bien. Le voyage est instructif ?— Pour vous ou pour moi ?— Comment ça pour moi ? Je l’ai déjà fait des centaines de fois cette route.— Je ne parle pas de la route pour le coup. Ne me prenez pas pour une bille, voulez-vous. J’ai bien dormi, mais pas tout le temps.—...
Je sens que le garçon a un sursaut. Il n’ose plus me regarder. Mais ne l’a-t-il pas suffisamment fait alors que je me trouvais en position horizontale ? J’enfonce le clou, histoire de lui montrer que je ne suis pas dupe.
— Les occasions perdues ne se rattrapent jamais, vous le savez.—... bien reçu le message. Tant pis pour moi alors.— Bof ! Allez savoir, nous avons encore quelques escales de prévues non ? Et puis il y a le retour, alors...— C’est une proposition ?— Prenez cela comme il vous plaira. Il faut parfois oser dans la vie mon petit bonhomme. Mais j’apprécie que vous teniez votre parole. J’aime les gens qui s’attachent à ce qu’ils disent.— À m’en donner quelques regrets du coup !— Il vaut mieux ne plus y penser. Il manque juste un peu de café.— Mais non ! Tenez, il y a une bouteille thermos dans un sac juste là...
De l’index il m’indique un point entre les sièges. Alors je me penche et mes seins sont nettement visibles alors que je récupère le précieux nectar.
— Vous en voulez une tasse ?— Oui ! Mais il n’y en a qu’une pour deux ?— Ça vous dérange de boire derrière moi, dans le même récipient ?— Pas du tout !— Tant mieux, il parait qu’on peut lire dans les pensées de l’autre en sirotant dans un verre unique...
Il me sourit. Cette conversation est pleine de promesses non dites. Le bitume qui s’étire sous nos roues doit lui paraitre long jusqu’à la prochaine halte. J’ai une pensée pour Emma. Je ne serai jamais sa mère, je ne serais jamais maman, mais je peux être l’amante de son papa et l’avenir proche va nous le dire. Et dans ma tête, je me traite de tous les noms d’oiseaux. Comment puis-je avoir de telles idées...
Et puis après tout, je ne vivrai qu’une seule fois et si je n’en profite pas maintenant, quand le ferais-je ? Alors... mais c’est déjà une autre histoire...

Fin (provisoire)
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