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Les Veilleurs

Chapitre 1

Lucie

Hétéro
Novembre avait invité l’hiver à passer le week-end chez lui. Puis il avait tapé l’incruste ! Les sommets des tours du quartier s’entêtaient à accrocher le brouillard. Il marchait lentement, tirant de grandes bouffées sur sa cigarette. D’une pichenette de l’index, il envoya valdinguer le mégot qui atterrit en crépitant dans la fine pellicule blanche qui recouvrait le sol. La neige amortissait le bruit de ses pas sur le trottoir ; cela compensait le fait que sa silhouette noire se détachait plus facilement sur le décor urbain saupoudré de blanc. Il avait pour habitude de déambuler la nuit dans les rues de la ville où il se fondait dans l’environnement, toujours chaudement vêtu de son lourd manteau noir. Il portait en outre toujours un pantalon de la même couleur. Selon l’intensité de la fraîcheur, la panoplie se complétait d’un bonnet, d’une écharpe et de gants tout aussi obscurs.
Toujours il essayait de rester masqué dans l’obscurité qui lui permettait d’observer sans être vu. Ce n’était aucunement la crainte d’une mauvaise rencontre qui le motivait : sa carrure le mettait à l’abri de la plupart des mauvaises situations. Les rares fois où un individu avait eu l’intention de lui jouer un mauvais tour s’étaient soldées par un mouvement de retraite du pseudo-assaillant lorsque, en levant la tête, son regard devait parcourir les cent quatre-vingt quinze centimètres de muscles plantés devant lui. Certes, il n’était pas évident de cerner l’exacte quantité de cette musculature sous l’épais manteau, mais sa stature imposante et assurée ne laissait aucunement l’envie de venir vérifier, si bien que le quartier qu’il fréquentait le plus bénéficiait d’une relative sécurité. En quelque sorte, il ne faisait qu’exercer son métier à titre privé.
Il bossait de nuit pour une société de gardiennage, et pour ne pas perdre le rythme il se couchait rarement avant trois heures du matin lorsqu’il ne travaillait pas. Il avait parfois d’autres façons d’occuper ses nuits blanches mais il aimait se promener seul dans la ville la nuit. Parfois il lui arrivait de croiser une personne avec qui il échangeait quelques mots. Il avait la réputation dans le quartier d’être taciturne ; certains le considéraient comme un loup solitaire, d’autres l’appelaient « le chat noir ». Il y avait quelques surnoms tout aussi révélateurs : « le fantôme » et « le veilleur » étaient les plus courants. Malgré tout, peu de personnes parvenaient à comprendre la raison de ce mode de vie particulier. On lui attribuait un chagrin immense qu’il n’avait jamais réussi à surmonter, une froideur naturelle qui le faisait fuir ses semblables, une rigueur extrême qui l’obligeait à maintenir un semblant d’ordre implacable sur son environnement. D’autres, encore plus farfelus, entretenaient un début d’aura légendaire : on disait qu’il ne dormait jamais, qu’il se fondait dans l’ombre comme un spectre.
Il avait effectivement un peu de mal avec ses contemporains, qu’il considérait le plus souvent comme des individus lâches, sans caractère et en proie aux plus petites mesquineries. Il ne côtoyait pas les foules, même si on l’avait vu parler avec certaines personnes qui, automatiquement, se voyaient affublées d’une nouvelle aura. Ils devenaient ceux qui ont vu l’homme qui a vu l’ours ! Pourtant les témoignages qui étaient alors faits parlaient d’un homme paisible et agréable, prêtant attention aux personnes avec lesquelles il entrait en contact.
Paradoxalement, un des rares endroits où l’on avait une chance presque assurée de l’apercevoir était le pub aux boiseries antiques dans le vieux quartier aux ruelles tortueuses et pavées irrégulièrement : The Bloody Foreland. Le nom venait de cet endroit magnifique du Donegal, où les couchers de soleil teintaient de rouge la côte déchiquetée de ce comté sauvage et enclavé à l’ouest de l’Irlande du Nord. L’établissement était sur deux niveaux. Le premier, au rez-de-chaussée, était tout en boiseries sombres que les lumières tamisées baignaient d’une atmosphère intimiste. Quelques marches donnaient sur un palier intermédiaire en contrebas. De chaque côté d’un vieux puits maintenant à sec, les portes des toilettes faisaient de ce palier un point stratégique pour les consommateurs qui finissaient toujours par y venir, quelle que soit leur résistance à l’effet de la stout.
De ce palier on pouvait encore descendre. Vers l’antre du pub. Une cave voûtée soutenue par une rangée d’arcades. Combien de couples amoureux ces pierres avaient-elles pu voir s’embrasser ? Combien de chansons entonnées par des expatriés de l’île d’Émeraude ou par des étudiants bien locaux avaient-elles entendues ? Là, malgré ses cent quatre-vingt quinze centimètres, il se fondait dans la masse des gens venus communiquer leur bonheur ou noyer leurs malheurs. Il partageait volontiers et l’un et l’autre avec les habitués comme avec de parfaits inconnus. Puis il ressortait, aussi discrètement qu’il était entré et reprenait son parcours hiératique.
Il alluma une nouvelle cigarette. Il songea un instant qu’il ferait bien de réduire sa consommation de tabac, puis il tira une grande bouffée. Il reprit sa marche d’un pas lent et presque félin. Il tourna au coin de la rue, au bas de la pente, et se dirigea vers la boutique où il aimait se rendre. Il y achetait généralement ses disques, à de rares exceptions près. Il s’arrêta devant la vitrine, regarda les nouveautés qui trônaient dans la devanture.
Son oreille fut attirée par le claquement répété d’une paire de talons typiquement féminins. La fine couche de neige n’arrivait pas à en étouffer le bruit. Il se demanda qui pouvait bien marcher avec des chaussures à talons à cette heure-ci, par ce temps-ci. Le bruit était encore loin, mais le vide de la rue et son silence projetaient le son contre les façades qui l’amplifiaient. Ce son typiquement féminin lui fit penser qu’autrefois il avait eu une femme. Jusqu’à ce drame. L’avait-elle quitté, ou était-ce lui qui, ne supportant plus sa propre lâcheté, sa propre médiocrité, l’avait laissée s’enfuir ?
La neige grasse, chaude et pleine d’eau collait aux chaussures qui cliquetaient sur le trottoir. Il regarda passer la silhouette féminine dans le reflet de la vitrine. Il se demanda d’où elle sortait pour se promener aussi mal vêtue pour affronter la rigueur hivernale. Outre ses escarpins qui glissaient tous les deux pas à cause de cette mélasse neigeuse qui s’agglutinait sous la semelle, la jeune femme ne portait qu’un short en jean par-dessus un collant qui devait avoir toute la peine du monde à lui donner un peu de chaleur, une veste en toile kaki provenant certainement d’un surplus militaire et, heureusement, un pull dont les manches trop longues faisaient office de gants. Et quand la neige ne cherchait pas à la faire déraper, elle semblait avoir naturellement du mal à tenir l’équilibre, la faute à une soirée certainement trop arrosée. Elle portait la panoplie idéale de la victime parfaite et en avait visiblement travaillé également le rôle. Elle marchait sur le trottoir de l’autre côté de la rue et n’avait absolument pas capté sa présence, trop préoccupée par son équilibre et accaparée par un discours qu’elle tenait à elle seule et qu’elle ponctuait de reniflements. Les intonations allaient du découragement à la colère en passant par quelque chose qui devait être à mi-chemin de l’apitoiement et de la supplique.
Il la laissa passer et quitter la lumière blafarde du dernier réverbère. Elle s’enfonça dans cette rue sombre et il lui emboita le pas. La rue descendait tranquillement en une courbe qui s’achevait par un petit pont qui enjambait un cours d’eau tout bêtement nommé Le Courdo. Il laissa suffisamment de distance pour qu’elle ne remarque rien. Son ébriété facilitait bien la chose.
Elle poursuivait son chemin, et lui se demandait par quel miracle elle ne s’était point encore étalée sur le sol. Il sourit en pensant qu’elle traverserait finalement toute la ville sans embûche mais qu’elle se vautrerait chez elle en se prenant les pieds dans le tapis. La filature continuait. Elle bifurqua sur la gauche et il la perdit de vue. Il pressa le pas : la direction qu’elle avait prise menait à un embrouillamini de ruelles où elle pouvait le distancer aisément. Gauche ? Droite ? Il regarda les traces dans la neige et retrouva la bonne direction, mais les voies étroites avec les avancées de toits avaient empêché les flocons de recouvrir entièrement le pavement et il reperdit sa trace. Sans compter que sur certaines portions de voie, les arcades offraient un abri bienvenu à qui n’était pas équipé pour le froid. Il jura pour lui, s’arrêta et tendit l’oreille. Il entendit un claquement de talons sur la pierre des trottoirs, mais le bruit était diffus et l’écho provoqué par les façades ne facilitait pas la localisation.
Malgré son taux d’alcoolémie, elle avait repéré cette lourde silhouette noire qui la suivait. Elle en avait rajouté un peu, histoire de lui laisser croire qu’elle n’avait plus tous ses moyens. Cependant, dès qu’elle avait pu, elle s’était arrangée pour tenter de lui fausser compagnie. Ou plutôt éviter de se retrouver en sa compagnie. Une fois dans le dédale des venelles, elle s’était faufilée sous les arcades et s’était blottie dans un coin où la clarté de la lune ne parvenait pas à se répercuter. Accroupie dans l’angle d’un mur, elle craignait que le froid la fasse claquer des dents trop intensément au moment où il passerait à proximité et qu’elle trahisse ainsi sa présence. Elle s’était mise en boule, avait étiré son pull par-dessus ses jambes et plaqué sa bouche contre un de ses bras pour éviter qu’il n’entende sa respiration. Lorsqu’il était passé à quelques mètres, elle avait fermé les yeux, comme si cela la rendait moins visible, comme s’il pouvait entendre la peur dans son regard. Il se passa un long moment avant qu’elle n’ose ouvrir un œil – ou plutôt entrouvrir – et réévaluer ses chances.
Mais, durant le temps qu’elle avait passé les yeux fermés, elle avait revu ce qui l’avait amenée là. Quelle soirée de merde ! Elle avait rendez-vous avec son petit copain ; ils s’étaient retrouvés dans un bar avant de filer en boîte avec un de ses amis. Ils étaient passablement éméchés et son copain avait proposé de terminer la soirée à trois dans son appartement. Elle avait refusé aussi sec. Les deux amis s’étaient offusqués qu’elle fasse la mijaurée, elle si prompte habituellement à tester tous les plaisirs physiques qui s’offraient. Les insultes avaient fini par fuser. Et puisqu’elle ne voulait pas se montrer aussi salope qu’elle pouvait l’être, son copain l’avait envoyée se faire voir ; et puisqu’elle ne voulait pas sucer son pote, elle n’avait qu’à se débrouiller et rentrer par ses propres moyens. Ayant claqué tous ses billets lors de la soirée, elle n’avait plus qu’à faire le trajet à pied. Il était hors de question de faire machine arrière et d’accepter le chantage que lui faisait son futur ex-petit ami. Le mot « futur » était déjà de trop. Quel salaud il faisait !

Et elle se trouvait là, à se cacher d’un homme qui la suivait, elle, habillée comme une fille qui n’a pas froid aux yeux et qui pourtant avait froid partout. Peut-être aurait-elle dû accepter et rester au chaud, à se faire enfiler par le copain de son copain. Mais si elle avait cédé, peut-être y aurait-il eu encore plus de choses à accepter ensuite ? Elle se sentait prête à pleurer mais il fallait encore résister. Pleurer faisait du bruit, et ce bruit pouvait alarmer l’homme qui venait de passer. Elle n’avait pas encore le luxe de se laisser aller au désespoir.
Elle se redressa, jaugea ses chances et partit dans le sens opposé. Elle revint sur ses pas en espérant que l’homme en noir la chercherait longtemps, suffisamment longtemps dans le dédale des rues. Elle évitait de marcher sur les zones où ses talons auraient fait office d’alarme en claquant sur le sol. Elle reprit son chemin initial, se retournant de temps à autre pour s’assurer qu’il n’était plus sur ses traces. Elle avait les pieds glacés. Si seulement il y avait eu un bus ; elle serait montée, même en fraude, prête à payer une amende juste pour être au chaud, s’asseoir et se laisser aller.
Elle avait encore beaucoup de chemin à parcourir. Elle aperçut un abribus où deux hommes fumaient tranquillement, assis sur le banc. Elle avait envie d’une cigarette. Elle ne fumait pas beaucoup, mais c’était l’occasion de sentir un peu de chaleur. C’était peut-être aussi une erreur. Les deux hommes pouvaient tout autant profiter de la situation. Elle fouilla dans ses poches. Son paquet était resté chez l’autre enfoiré. Et si elle demandait une cibiche à ces deux-là ? Elle était plantée, se demandant quoi faire. Cette nuit, elle allait de Charybde en Scylla. De toute manière, les deux l’avaient repérée : il était trop tard pour faire demi-tour.
Elle passa devant eux en s’efforçant de ne pas paraître stressée. Elle répondit au « bonsoir » neutre des deux fumeurs, et comme rien n’arrivait elle pensa qu’elle pouvait leur demander une cigarette. Le premier lui tendit son paquet et l’autre son briquet.
   ─ Vous n’avez pas froid, comme ça ?   ─ Si, un peu, mais je suis presque arrivée, mentit-elle.
Elle tira une grande bouffée. Tant pour sentir la chaleur descendre dans sa gorge que pour se calmer, ne pas montrer son stress. Certes, les deux gars reluquaient ses jambes, et dès qu’elle aurait tourné le dos leur regard se porterait instantanément sur son cul, mais ils ne montraient aucune mauvaise intention. Ils échangèrent quelques banalités, et alors qu’elle s’apprêtait à poursuivre son chemin, un troisième larron déboula ; il venait de se soulager la vessie dans les buissons derrière l’arrêt de bus.
   ─ Hey ! Mais regardez-moi ça ! Matez-moi ce qui nous tombe sous la main.   ─ Euh… je dois y aller. Merci pour la cigarette.   ─ Mais tu ne vas pas nous laisser tomber comme ça ? Mes copains t’ont offert une tige ; la moindre des choses, ce serait que tu t’occupes de la leur ! Tu ne vas pas nous faire croire qu’une poupée comme toi, sapée de la sorte, traverse la ville juste pour faire un peu d’exercice ?
Elle fit mine de se dégager ; il serra son poignet et lui tordit le bras pour qu’elle se plie en deux. Il s’énerva et lui expliqua qu’ils n’étaient pas de mauvais bougres, que plus vite elle s’occuperait d’eux, plus vite elle serait au chaud chez elle. Elle se débattit. Il la frappa ; elle voulut lui balancer un coup de pied dans les couilles, mais au moment où elle envoyait un pied en arrière, l’autre glissa sur la neige et elle s’affala sur le sol. Il s’accroupit sur elle et lui attrapa les bras.
    ─ Un de vous deux me passe sa ceinture ; je vais l’empêcher de se débattre.
Il serra la ceinture autour de ses poignets pendant qu’un des deux autres la bâillonnait de son écharpe. Elle eut le temps de hurler deux fois avant qu’ils ne parviennent à la maîtriser. Allongée sur le sol froid, ses jambes trempaient dans la neige fondue par le sel dans le caniveau.
   ─ Mais regardez… elle est déjà toute mouillée ! parvint-il à dire entre deux éclats de rire.
Il l’entraîna dans les buissons sans ménagement. Il allait tirer son coup en premier pendant que les autres feraient le guet. Ensuite, ils iraient chacun leur tour se vider entre ses cuisses. Ils posèrent leur cul sur le banc, rigolant encore de la blague humide, mais ils furent interrompus par le fracas de la vitre de l’abri qui se brisait sous l’impact de leur ami qui traversait le trottoir suivant une trajectoire de haut vol. Ils se redressèrent en se demandant ce qui avait pu projeter leur ami avec une telle force ; c’est alors qu’ils virent arriver une masse noire qui avançait lentement, ce qui augmentait l’impression de force qui émanait d’elle.
   ─ Je vous laisse le bénéfice du doute. Embarquez ce salopard avant que je ne le massacre, et disparaissez !
Ils soulevèrent avec difficulté le voltigeur qui avait atterri dans une flaque. Ils le traînèrent plus qu’ils ne le soulevèrent jusqu’au trottoir d’en face.
   ─ Regardez-moi cette poule mouillée… on dirait qu’il s’est fait dessus ! cria l’homme en noir, ponctuant sa phrase d’un sourire narquois.
Le vitrier improvisé retrouvait lentement ses esprits ; il prit appui sur la carrosserie d’une voiture pour se redresser, puis les trois gars disparurent dans l’obscurité. L’homme au manteau noir se retourna vers les buissons, s’approcha de la jeune femme. Elle était en pleurs et toujours allongée sur le sol, incapable de sentir le froid. Il lui tendit une main, mais son visage reflétait encore la peur.
   ─ Debout, Mademoiselle ; vous n’avez pas une tenue adéquate pour faire du jardinage. Venez, vous êtes hors de danger.
Elle sourit tout en grelotant. Puis en claquant des dents. Le contrecoup. Elle sentait à présent la morsure violente du froid. Elle sourit encore en comprenant sa méprise. Elle avait eu peur de cet homme qui venait de la sauver. Elle le vit ôter son manteau et se demanda un instant ce qu’il allait faire, mais il lui tendit son vêtement qu’elle l’enfila. Ils éclatèrent de rire en constatant que le manteau traînait sur le sol. Il changea d’option : il reprit son manteau et elle vint se blottir contre lui. Ils marchèrent ainsi le temps de faire connaissance. Elle habitait vraiment loin. Trop loin. Elle s’était quelque peu trompée dans la direction à prendre. Il lui proposa de venir chez lui. Elle pourrait se sécher, se réchauffer, puis il appellerait un taxi.
Ils arrivèrent devant son immeuble, un vieux bâtiment qui ne payait pas de mine dans une petite rue étroite. Ils s’engouffrèrent dans la cage d’escaliers qui sentait le vieux bois ciré. Chaque marche craquait comme si sa fin arrivait. La chaleur revenait au bout de ses doigts, ses joues reprenaient quelques couleurs. Elle se précipita aux toilettes, posa les coudes sur ses genoux, et ses mains vinrent soutenir son visage tout comme Atlas supportait le monde. Elle faillit craquer, mais elle tint bon. Presque.
Dans la chambre, il fouillait dans son armoire. Il en sortit une vieille chemise en coton épais qui deviendrait quasiment une robe pour elle, un chandail qui lui donnerait presque une carrure d’ours et une paire de chaussettes en laine. Il déposa les vêtements sur le lit et quitta la pièce, son peignoir et une serviette sur un bras. Ils se croisèrent, tous deux fermant leur porte comme s’ils étaient synchronisés. Il lui montra le coin douche, s’excusant qu’il n’avait rien d’une vraie salle de bain selon les critères féminins. Il lui conseilla de ne pas s’éterniser sous l’eau chaude, au risque de se retrouver sous une chute de neige liquide.
Il fit chauffer de l’eau. Parce qu’une fille qui a eu froid ne boit que de l’eau chaude. Parfois avec un petit sachet de thé dedans. Cinq minutes suffirent pour la douche. Elle sortit emmitouflée dans le peignoir immense qui semblait la dévorer. Seuls ses yeux bleus – couleur neige foncée – et quelques mèches blondes et bouclées émergeaient de la masse de tissu rouge. Il était à deux doigts de laisser tomber la théière et sa mâchoire inférieure. Il posa l’ustensile en métal sur la table et fonça dans sa direction. Elle le regarda d’un air totalement sidéré. Il passa à côté d’elle et fit mine de chercher quelque chose dans la douche. Elle était totalement interdite. Il se retourna en se grattant la tête, comme s’il avait perdu quelque chose.
   ─ Où est passée la fille qui est entrée dans la douche il y a cinq minutes ?   ─ Ai-je donc tant changé que ça ?
Elle lui décocha un sourire de petit chaperon rouge, et il la regarda avec une faim de loup. Il se détourna. Qui le ferait valser à travers l’abribus si elle continuait à le regarder ainsi, à lui sourire ainsi ?
   ─ Je t’ai mis des vêtements chauds sur le lit. En attendant que les tiens soient secs, tu seras mieux que dans un peignoir humide. Veux-tu manger quelque chose ?   ─ Non, merci. Le thé sera amplement suffisant.
Elle avait perçu son trouble ; il lui envoya un petit sourire tout en retenue alors qu’elle entrait dans la chambre. Un sourire qui signifiait qu’elle avait confiance, sa conviction qu’il ne se jetterait pas sur elle comme ce mort de faim. La chambre était froide. Comme une chambre d’ours qui n’a aucunement besoin de chauffage. Oui, elle le voyait comme un ours. Pas un ours des cavernes que devaient affronter les hommes des mêmes cavernes. Un ours. Le roi de son territoire. Qui maintenait l’équilibre dans son environnement.
Elle enfila la chemise et sourit. Encore une fois. Depuis une heure environ, elle n’avait qu’une seule envie : sourire ! La chemise faisait office de robe : elle lui arrivait juste au-dessus des genoux. Le tissu était rêche mais pas totalement désagréable. Lorsqu’elle eut enfilé les chaussettes, son sourire augmenta : elle se retrouvait avec une paire de bas de laine gris chiné, mais ils ne tiendraient pas longtemps en position. Elle enfila le pull de laine noire. Un ours noir, donc. Cela lui conférait un look auquel elle n’était pas vraiment habituée. Elle se regarda plus qu’elle ne se contempla dans la porte vitrée de l’armoire ; elle ressemblait à une sauvageonne. Elle ébouriffa ses cheveux. Une ourse, c’est l’image qu’elle avait face à elle. Était-ce le tissu rêche qui frottait contre ses seins ? Était-ce ce même tissu plaqué contre ses fesses ? Elle éprouva dans son ventre une sensation qu’elle n’avait pas prévue.
Elle ouvrit la porte et s’arrêta dans l’encadrement. Elle posa les mains de chaque côté sur les battants, comme si elle voulait écarter l’ouverture. Les jambes légèrement écartées, elle offrait sa silhouette déhanchée. Pour la deuxième fois depuis qu’elle était sortie de la douche, il faillit laisser tomber sa mâchoire.
   ─ Je te plais comme ça ?   ─ Oh, Sainte Paire, ne me soumets pas à la tentation !   ─ De quelle paire parles-tu donc ? De la mienne ou de la tienne ?
Il lui fallait botter en touche, et rapidement. Certes, il était trop tard pour masquer son trouble, mais il était hors de question de le laisser s’éterniser. Cet échange devait rester dans le domaine du jeu, au pire un petit moment d’égarement.
   ─ Après cette longue marche dans le froid, peut-être as-tu une petite faim ?   ─ Pas spécialement. Mais si tu te prépares quelque chose, je veux bien te piquer une ou deux bouchées.
Il mit dans le four ce qu’il lui restait de hachis parmentier. Un bon hachis fait maison qui lui tiendrait au corps après cette virée nocturne. Alors que le plat se réchauffait, il s’engouffra dans la douche ; il laissa couler une eau pas trop chaude sur sa peau, dans l’espoir que le trouble qu’il venait d’expérimenter s’en aille le plus vite possible. Il se pencha en avant, coupa l’eau chaude et laissa l’eau froide tambouriner sur sa tête. Il n’arrêta que lorsque ses dents se mirent à claquer.
Elle n’avait pas résisté longtemps. A peine quelques minutes et elle s’était endormie comme une masse. Soit ! Il n’était plus question d’appeler un taxi lorsque ses vêtements seraient secs. Il traversa le salon sur la pointe des pieds et revint avec une épaisse couverture qu’il posa délicatement sur son frêle corps. Il éteignit. La pleine lune éclairait la pièce, et sa lumière sculptait son visage naturellement pâle. Elle souriait comme si elle avait déjà oublié ce qu’elle avait failli vivre. Il la contempla un moment, sans réussir à tourner les talons. Ses cheveux blonds en bataille accrochaient des reflets argent dans leurs boucles. Il admira encore l’arcade sourcilière qui délimitait le front lumineux et l’œil clos, tapis dans l’ombre.
L’odeur du hachis réchauffé le sortit de sa contemplation. Une fois repu, il gagna sa chambre et se glissa dans ce lit aux draps froids. Il se délecta de ce contact. Il s’étira comme s’il pouvait ainsi absorber plus de fraîcheur. A son tour, il tomba dans les bras de Morphée.
Combien de temps s’était-il écoulé depuis qu’il avait basculé dans le sommeil ? Une sensation que quelque chose n’était pas à sa place. Quelque chose de dur contre lui. Elle était venue se blottir contre lui. Il n’osait pas bouger, de peur de la réveiller tout en pestant intérieurement qu’elle soit venue se coller contre lui. Et par-dessus tout, il pestait contre lui-même. Son corps réagissait déjà à cette présence. Dormait-elle vraiment ? Elle remuait les fesses au fur et à mesure que son sexe répondait à son contact. Il recula. Elle aussi. Elle saisit sa verge :
   ─ Voilà quelqu’un qui me semble heureux de la situation !   ─ Non, arrête, s’il te plaît, Lucie, je… je pourrais être ton père.   ─ Techniquement oui, tu pourrais. Mais en pratique je ne suis pas ta fille, et tu n’es pas mon père. Il n’y a donc aucun problème.   ─ Tu n’es pas obligée de faire ça.   ─ Non, je sais. C’est bien pour ça que je le fais.   ─ Mais ton copain…   ─ N’est officiellement plus mon copain, affirma-t-elle.
Le ton ferme contrastait avec ses yeux encore embués de sommeil. Il ne chercha plus à argumenter. Il était devenu clair qu’elle avait redistribué les cartes, et il était tout aussi évident qu’elle lui avait attribué le meilleur jeu. D’ailleurs elle avait décidé de clore le débat. Elle se tourna, s’appuya sur un coude et posa ses lèvres sur les siennes. Elle fit mine de le pousser et il fit mine de céder, se retrouvant sur le dos. Elle l’embrassa tandis que sa main s’agrippait au sexe maintenant en pleine érection.
   ─ Tout compte fait, ce n’était pas tant une soirée aussi merdique que ça !
Elle approcha ses lèvres de la verge érigée. Au premier regard, elle n’avait rien d’exceptionnel ; elle était simplement bien proportionnée. Mais elle avait de la difficulté à refermer la main autour de l’engin. Elle le masturba doucement tout en tétant le gland. Il était clair qu’elle ne pourrait pas faire entrer plus de la moitié de cette bite dans sa bouche, mais elle n’avait aucun doute sur sa capacité à absorber la totalité avec ses autres orifices. Elle la sentirait passer, pour sûr ; elle espéra simplement que l’appartement ne soit pas trop mal insonorisé.
Il était encore un peu réticent à toucher ce corps juvénile qu’il avait sorti d’un mauvais pas quelques heures auparavant. Il ne pourrait cependant pas résister longtemps, tant elle mettait d’ardeur à le convaincre de se laisser aller. Il avait ses fesses devant le nez, et elle se servait divinement bien de ses doigts et de sa langue. Lorsqu’elle sentit les deux grosses mains agripper ses fesses et sa langue courir le long de ses lèvres, elle se relâcha quelques secondes, heureuse qu’il ait finalement cédé.
Si la reconnaissance motivait en partie son geste, le sentiment de sécurité qu’elle ressentait en sa compagnie en était la principale source. Elle pouvait s’abandonner sans crainte.
Son sexe était comme un énorme sucre d’orge qu’elle léchait avec délectation. Elle savait pertinemment qu’elle ne lui ferait pas une gorge profonde ; en tout cas, pas dès la première fois. Elle goba le gland et fit courir sa langue sur la couronne, puis la pointe parcourut le frein et remonta jusqu’au méat. L’homme grogna de plaisir. Si fortement qu’elle crut en sentir ses lèvres trembler. Il succomba au parfum envoûtant de cette chatte en chaleur. Sa langue envahit la grotte ; il la dévorait littéralement et elle se répandait sur cet organe fouisseur. Il lui mordilla les lèvres, les pinça entre les siennes, les maintint écartées de ses pouces puis la langue revint à l’assaut de cet orifice, le réinvestit. Son menton mal rasé frottait sur le clitoris. Elle aimait cette sensation, cette stimulation de son petit bourgeon de plaisir qui la faisait déjà planer.
Sa langue dansait si bien autour du gland qu’elle ne tarda pas à sentir les prémices de l’éjaculation. Elle aspira le gland et masturba la hampe de ses petites mains. Elle reçut une première giclée qui s’écrasa contre son palais. Elle avala consciencieusement tout ce que les couilles avaient à lui offrir. Et il y en avait ! A croire qu’il avait fait des réserves spécialement pour elle…
Elle s’était allongée sur lui et passait une main caressante sur sa joue où une barbe de quelques jours sculptait les formes de ses mâchoires. Quand elle l’embrassait, elle sentait parfois sur ces poils les effluves qu’avait laissés sa chatte lors de ce premier soixante-neuf. Lui, passait une grosse paluche dans les cheveux dorés de la frêle demoiselle. Il se sentait encore un peu gêné par leur écart d’âge, mais le remords s’évanouissait vite lorsque son autre main s’égarait entre ses fesses rondes et pâles.
   ─ Ça te dirait d’entrer de ce côté-là ? demanda-t-elle d’un ton espiègle.   ─ Bien sûr, mais je ne voudrais pas que cela tourne à la torture.   ─ Oh, ne t’inquiètes pas, j’en ai vu d’autres…
Elle changea de position, dégageant le sexe en repos et commença à jouer avec, le soupesant, le caressant. Le membre reprenait vie, lentement, mais sûrement. Ce qui l’excitait le plus, c’était sa capacité à parler innocemment de choses et d’autres, de le regarder avec des yeux emplis d’un mélange détonnant de désir, de salacité et de pureté. Le tout en lui malaxant les burnes et en cajolant sa queue comme si de rien n’était. Si bien qu’elle obtint rapidement l’effet escompté : une belle tige de chair prête à la combler.
Elle le chevaucha, lui tournant le dos et s’empala sur ce chibre bien raide. Elle prit appui sur les cuisses de son amant et le fit coulisser dans son vagin pour l’imprégner de ses sécrétions. Car certes, elles en avait vu d’autres, mais il était hors de question de se faire enculer à sec. Pas par un tel engin. Puis elle se redressa, se mit sur la pointe des pieds, enduisit sa rondelle de salive et y présenta le gland plein de mouille. Il croisa ses mains derrière sa tête et se contenta d’observer la jeune femme mener la danse. Il avait une vue imprenable sur le cul qui s’ouvrait sous la pression de sa queue. S’il avait déjà la queue en béton, elle venait de passer à l’état de béton armé !
Inexorablement, la tige s’enfonçait entre les fesses de cette blonde qui exprimait toute sa gratitude, et bien plus encore. C’était diablement bon de laisser Lucie faire ! L’homme ferma les yeux et exprimait de plus en plus bruyamment son plaisir. Il sentit enfin les fesses de la jeune femme toucher son pubis. Il n’en revenait pas qu’elle eût absorbé son membre en entier. Il passa ses mains sous ses genoux et la souleva pour la faire basculer en arrière ; elle rit de bon cœur en réalisant que les avant-bras qui la déplaçaient étaient aussi larges que ses cuisses.
Elle se retrouva allongée contre son torse, les jambes en l’air. Il commença à aller et venir dans son petit cul bien comblé. Sa rondelle souffrait quelque peu du traitement, mais dès qu’elle aurait suffisamment été assouplie, ce ne serait plus que du bonheur. Elle passa une main sur sa vulve, fit glisser un doigt entre ses lèvres puis la dirigea sur son clitoris. Dans sa tête, Anita Ward chantait « Ring my bell » et elle se fit tinter sa clochette. Bruyamment. Premier orgasme.Elle n’allait pas s’arrêter en si bon chemin…
Ils roulèrent sur le côté jusqu’à ce qu’elle se retrouve sous lui. Elle leva ses fesses, comme une offrande. Elle sentit les bras se contracter pour qu’elle ne soit pas écrasée sous son poids. Sa rondelle acceptait maintenant le vit sans réticence.
   ─ Vas-y, défonce moi, mon chéri. Mets-moi le feu aux entrailles. Et ensuite, seulement ensuite, tu pourras noyer l’incendie de ton foutre.
On ne pouvait résister à une telle invitation. Il sortit de son antre, cracha dans sa main, enduisit sa queue de salive et s’introduisit à nouveau, sans brusquerie ni ménagement. A nouveau il fut au-dessus d’elle. Il fourra son nez dans la chevelure blonde, comme s’il sniffait un rail. Elle agrippa ses mains autour de ses poignets. Il était entièrement en elle ; elle se sentait délicieusement pleine de ce membre qu’elle sentit reculer lentement. Alors qu’il était presque entièrement sorti, il donna un puissant coup de reins, fit une pause, recula à nouveau. Le rythme était encore lent, mais chaque poussée lui arrachait un râle de chatte en chaleur. La cadence accélérait peu à peu. Elle n’était aucunement sûre de pouvoir s’asseoir plus tard. Peu importait : elle resterait couchée auprès de son homme. Et s’il ne pouvait rester au lit, elle s’y loverait, s’enroulerait dans les draps imprégnés de son odeur.
Mais pour l’instant, tout ce qui l’intéressait, c’était la chevauchée de la Walkyrie. Maintenant il la chevauchait au triple galop. Sa main, entre ses jambes, glissait de plus en plus vite, frottait son clitoris de plus en plus fort. Il lui semblait qu’elle s’ouvrait encore plus à lui, comme si elle voulait l’absorber, l’avaler en entier. Elle sentait l’incendie qui couvait dans son ventre, qui grondait. Elle commença à donner des petits coups de fesses pour venir à la rencontre des coups de boutoir du géant. A chaque butée du pubis de son amant contre ses fesses, elle ressentait comme une onde de choc qui se propageait à travers tout son corps.
Elle sentait son orgasme approcher à pas de loup. Ses doigts affolaient la clochette. Elle gémissait bruyamment depuis quelques minutes déjà ; maintenant elle montait dans les décibels, mais elle se foutait totalement de savoir si les voisins l’entendraient ou non. Ses râles à lui aussi étaient plus sonores, et il ne semblait pas non plus s’en soucier.
L’orgasme la faucha et elle s’écroula sur le lit. La verge enserrée par le sphincter contracté peina à coulisser, mais dès qu’elle relâcha le muscle il reprit sa course folle en elle ; sous les coups de reins, elle semblait rebondir sur le matelas. Un incendie la dévorait maintenant : il ne lui restait plus qu’à jouer son rôle de pompier et éteindre ce feu. Il glissa une main sous son corps et la plaqua contre son sein. Sa grosse paluche se referma sur le petit globe. Le mamelon coincé entre deux doigts gonflait encore, luttant de toutes ses forces pour se faire une place entre les phalanges. Du pouce, elle reprit le travail de son clitoris tandis que ses autres doigts s’affairaient le long de la fente ruisselante. Il serra les dents dans un ultime effort pour se retenir encore quelques minutes, quelques secondes. Ses jambes se contractèrent, tendues comme un arc, comme pour s’enfoncer encore plus profondément dans ce cul si accueillant. La puissance de son éjaculation le surprit. Encore quelques soubresauts et un long râle guttural. Elle sentit tout son poids s’affaisser sur son dos. Elle serra les poings dans un dernier orgasme. Il roula sur le côté, elle se blottit contre lui. Il était toujours en elle. Elle était collée contre lui, comme s’il était une extension d’elle-même, sa carapace, son armure vivante.Elle se sentait enfin vivre pleinement.
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