PréambuleJ’ai toujours beaucoup aimé la science-fiction et ai lu nombre de livres dans ce genre littéraire. Parmi les sous-genres, j’ai une prédilection pour les uchronies encore appelées dystopies, bref les mondes virtuels où les événements se sont passés différemment pour diverses raisons, que ce soit des batailles au résultat inversé, des faits scientifiques absents ou inexistants, la vie et la mort de telle ou telle personne...Parfois dans ces ouvrages coexistent différentes réalités à travers des univers parallèles. Il y a ainsi des mondes où la grande armada espagnole n’a pas été défaite, et l’Angleterre est restée inféodée au Pape, où les nazis et les Japonais ont gagné la Seconde Guerre mondiale. L’existence d’univers parallèles est aussi prévue par les travaux de grands scientifiques, dont Einstein, sur des bases couplées de relativité générale, mais aussi de mécanique quantique. Les auteurs de science-fiction vont parfois plus loin et envisagent des mondes radicalement différents du nôtre où coexistent par exemple humains et dragons. Il est aussi intéressant de regarder comment un même personnage peut se comporter d’un univers à l’autre : les bons peuvent se révéler méchants dans un autre univers, certains peuvent rester les mêmes, d’autres sont en gris clair ou gris foncé. Outre mes lectures, j’ai eu la chance dans mes études supérieures d’être initié à ces disciplines scientifiques que sont la relativité et la mécanique quantique. J’ai donc une culture propice au développement de mon imagination. Les auteurs ont des variantes sur la problématique du passage d’un être humain dans un univers parallèle : soit on peut voyager d’un univers à l’autre en pouvant ou non rencontrer son double, soit on ne peut le faire que si son double n’existe plus dans l’univers parallèle parce qu’il est décédé (logique de trou en mécanique quantique) ou encore il y a un échange entre les personnes d’un univers à l’autre. Peu d’auteurs utilisent la notion de spin quantique, une particule pouvant avoir deux états (spin haut ou spin bas). Par ailleurs, et comme le témoignent mes autres textes publiés sur ce site, j’ai un profond désir de transgression en matière de genre, et j’aime me travestir. Même si j’ai rêvé que le Miroir de Claude existe (voir les 5 chapitres de cette histoire), je n’imaginais pas que je puisse un jour considérer cette problématique autrement que sous l’angle théorique. L’arrivée.Au fil de mon évolution en âge, j’avais fini par me mettre à la méditation. Je m’y adonnais plusieurs fois par semaine, en général une heure par jour. J’avais fait beaucoup de travail sur moi-même à travers certains réseaux sociaux, des discussions par messagerie avec d’autres travestis, mais aussi bien sûr, l’écriture d’histoires sur ce thème. Mon travestissement et mes envies de l’autre genre entraient donc dans ces méditations. Il m’arrivait d’ailleurs de méditer en étant travesti. Par une belle journée d’équinoxe de printemps, j’étais parti assez loin dans ma méditation et m’étais quelque peu évadé. Sans le savoir, j’avais en fait quitté notre monde, et étais arrivé dans un autre. Sortant de ma méditation, je ne fis pas immédiatement attention à certains changements qui s’étaient opérés en moi, ni bien sûr au fait que j’avais changé d’univers. Je me levai et remarquai de nouvelles sensations au niveau de l’équilibre de mon corps. Que m’arrivait-il ? J’avais maintenant de la poitrine, des hanches féminines, des cheveux longs...Etais-je devenu une femme ? Je palpai mon bas-ventre à travers ma jupe (je m’étais travesti pour ma méditation ce jour-là) : pas de protubérance, pas de service trois-pièces, ce qui fut confirmé après que j’ai relevé la jupe et descendu ma culotte : j’avais un sexe de femme ! Comment était-ce possible ? Que m’était-il arrivé ? J’étais apparemment chez moi dans ma maison où je vivais seul, un pavillon en banlieue chic d’une grande ville. J’allai à la salle de bain pour me regarder dans le miroir. J’avais une femme en face de moi et elle ressemblait beaucoup à l’homme que j’étais. C’était moi en femme. Je me déshabillai pour m’observer : tout y était : cheveux, seins, hanches, vulve, formes féminines... J’allai à ma chambre et constatai que mon dressing ne contenait que des vêtements féminins. Je m’habillai et sortis dehors dans le jardin. J’aperçus une voisine dans la maison d’à côté. Je ne la reconnus pas de premier abord. Elle m’interpella : — Bonjour, Alexandra, tu vas bien ? Arrivant vers elle je devinais des traits de visage me faisant penser à mon voisin Ernest. J’eus une fulgurance improbable et lui répondis : — Bonjour Ernestine, ça va pas mal, et toi ?
— Oui, Claude est parti à la pêche, il ne rentrera que ce soir... Alors là, ça atteignait des sommets ! Je m’appelle Alexandre, et mes voisins sont Claude, la femme, et Ernest, le mari. Eux aussi étaient inversés ! Que se passait-il ? Je poursuivis : — Et comment vont les enfants ? Je savais qu’elle avait deux garçons, l’un dans la vie active, l’autre encore étudiant. — Chloé a envie de changer de travail, quant à Manon, elle est contente de ses études.— J’en suis heureuse pour elles et pour toi ! Ernest (ine) et Claude avaient donc deux filles !J’étais complètement désorienté, mais commençais à entrevoir une explication très fantaisiste façon science-fiction et me dis qu’il fallait aller plus loin. Ernestine continua : — Tu viens prendre un thé ? J’hésitai puis répondis : — Merci, cela serait avec plaisir, mais je dois sortir faire des courses.— OK, à une autre fois alors ?— Oui bien sûr, pourquoi pas demain ?— OK, bonnes courses !— Bye. En fait, je n’avais pas besoin de faire de courses. Je voulais aller redécouvrir mon environnement. Je rentrai à la maison, pris mon sac à main et mes clefs. J’allai au garage, je sortis la voiture, et fermai la maison. Je croisai des personnes dans la rue que comme Ernest·ine je ne reconnus pas de premier abord, mais qui étaient certainement les voisins que je connaissais, mais en inverse homme-femme et femme-homme. J’allai au supermarché à deux kilomètres de là, et me garai sur le parking. En entrant dans celui-ci, je remarquai que le personnel de caisse était plutôt masculin. Tout devait être inversé. Je pris mon smartphone et regardai la composition du gouvernement : le président de la République était une femme, son Premier ministre aussi. Il y avait une majorité de femmes au gouvernement ! J’ouvris mon sac à main pour y extraire mon porte-cartes de visite professionnelle : j’étais ingénieur dans le groupe industriel où je travaillais normalement en tant qu’homme, au même poste...Ce monde semblait à la fois très similaire, mais aussi très différent de celui que j’avais en tête. Nous étions samedi, il faudrait probablement que j’aille travailler lundi, enfin si je restais dans ce monde. Je me demandais d’ailleurs si mon vrai alter ego féminin dont je venais de prendre la place avait pris la mienne en tant qu’homme dans mon monde et si tel était le cas, quel était son ressenti ? J’avais bien des choses à découvrir.(à suivre)
