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Oldie but Goldie

Chapitre 1

Hétéro
Ce rêve commençait comme tant d’autres.
Sous les trombes d’eau sorties d’un ciel noir imaginé par mon cerveau, je me réfugiai dans le premier bar qui me tombait sous la main. Sauf que celui-ci n’avait de bar que le nom : il n’y avait ni barman, ni comptoir, ni boisson. Seuls existaient, façonnés par mon inconscient, des banquettes rouges, séparées les unes des autres par des murs d’ombre. Au cœur de ce décor illusoire, une aura.
Je me suis assis entre les banquettes, sans hésitation, mû par le magnétisme inhérent aux rêves. À côté de moi était installée une dame âgée, dont le visage m’apparut de la manière la plus claire possible, alors que régnait dans le bar une atmosphère sombre. C’est comme si nous étions entourés d’un halo de lumière, et malgré tout, invisibles aux yeux des gens qui nous entouraient.
Elle pouvait avoir, tout aussi bien, 50 ou 70 ans. Je percevais nettement ses rides, ses lèvres, un brin charnus, parfaitement naturels, sans artifice. Elle aurait pu parfaitement être une mamie du genre affectueuse, du genre qui fait des blagues, qui parle avec une franchise qu’on obtient par ce privilège qu’est l’âge. Elle était plutôt dodue, pas forcément élégante, mais un détail me marqua. Elle avait une chevelure coupée archicourt, teinte en blond platine. Cela lui donnait un étrange aspect, comme si elle portait un pelage de fauve en guise de coiffure. De là venait peut-être le magnétisme qui me guidait à travers le rêve ; celui-là même qui me commandait de presser son corps nu contre le mien.
Je lançai une conversation que seul, mon inconscient serait capable de retenir ; mais je fus immédiatement marqué par son accent, sa franchise, sa moquerie en réponse à mes tentatives que je pensai élégantes pour la séduire. Tout paraissait attirant chez elle, de ses lèvres, ses joues grassouillettes striées de rides, jusqu’à ce qui apparaissait comme une poitrine prometteuse. Alors tout d’un coup, je lui dis :
— Madame, vous me troublez.
— Comment donc mon petit, je te trouble !?
— J’aimerais faire des choses folles avec vous.
— Moi, j’aimerais d’abord juste te faire un bisou...
Alors je l’embrassai. J’embrassai cette dame qui pourrait être ma grand-mère, je la pressai tout contre moi, suivant fidèlement son commandement. La chaleur que je ressentis alors était indescriptible, elle partait de ses lèvres pour passer dans ma bouche et finir dans ma gorge, c’était une sorte d’énergie sensuelle qui se répandait à l’intérieur de moi-même. J’étais terriblement attiré par cette femme, je voulais faire avec elle des choses innommables. Je commençai à caresser ses seins qui pointaient sous son tissu bleu... j’étais fou d’elle, je me voyais dans un lit en train de la pénétrer, alors que ma bouche embrassait ses lèvres charnues...

Et puis, je me suis réveillé. Avec une trique d’enfer, mais sans la femme de mon rêve.
Pendant un moment, je me suis dit que ce n’était qu’un rêve amusant et excitant, rien de bien extraordinaire. Puis, durant la journée, je ressentais encore l’énergie qui circulait en moi, dévorante. Plus qu’un simple fantasme sur les vieilles femmes, je rêvais de plus en plus de retrouver “en vrai” cette beauté qui m’était apparue si clairement, de manière si limpide.
Bien sûr, j’ai essayé de la revoir en rêve. Je me suis intéressé aux techniques de contrôle de soi pendant les états de rêve, ce genre de trucs, lire les romans de Bernard Werber, tout ça. Ca a même marché, à quelques détails près. Je ne la voyais plus aussi nettement que quand je l’ai imaginée pour la première fois, il manquait ce soupçon de force qui vous fait perdre tous vos moyens dans votre imaginaire, et qui vous laisse à la dérive, sans aucun moyen de contrôle auquel se raccrocher.
Dans ces rêves contrôlés, je suis allé bien au-delà du simple baiser. Je nous ai beaucoup imaginés dans des positions où elle se mettait au-dessus de moi, là où il m’était facile de l’embrasser et de caresser ses seins en poire. Peu m’importait que sa peau fût ridée, je la trouvais absolument magnifique, et inévitablement j’avais au réveil une solide érection. Dans mes rêves, je l’ai imaginée en sous-vêtements sexy noirs, et je crois bien qu’aucune fille ainsi vêtue n’aurait pu paraître plus bandante à mes yeux. Puis, je l’ai souvent imaginée me dominant, voire me pénétrant avec un long gode-ceinture. Mais plus important, je caressai toujours cette chevelure blond platine, qui ne m’a plus jamais paru aussi étincelante que la première fois. Il manquait, aussi, ce halo de lumière qui me montrait la voie à suivre, cette auréole au-dessus de la femme avec laquelle je pourrais atteindre le nirvana.
Et surtout, il me manquait cette chaleur qui se déversait en moi quand je l’ai embrassée, cette énergie que seul pouvait me procurer un rêve incontrôlé... ou la réalité. Peut-être.
Ma quête avait un côté quasi obsessionnel. Je me mis à établir un portrait-robot, à fouiller Internet dans ses recoins les plus incongrus (du genre, les photos des élus municipaux d’une obscure ville du Tarn). Je tentais d’en garder le souvenir le plus net possible, je me retournai dans la rue sur des femmes qui ressemblaient à l’ange de mon rêve. Idem en vacances. Au lieu de me retourner sur de jeunes et frais fessiers, je passai mon temps à détailler les mamies qui bronzaient, sans trouver celle que je cherchai.
Jusqu’à la dernière semaine des vacances.
Nous nous dirigions vers une plage de l’Atlantique avec ma grand-mère, chez qui je passais mes vacances. On allait rejoindre quelques amies à elle, ce qui alimenta à peine mes derniers espoirs de trouver la belle de mes rêves. Une autre de ses amies, que je connaissais sans l’avoir vue depuis au moins 10 ans, nous rejoindrait.
J’ai l’impression que, quand les gens marchent sur la plage et voient des sexagénaires bronzer seins nus, ils détournent le regard pour préserver je ne sais quelle croyance. Comme s’ils voulaient à tout prix penser que leurs grand-mères n’ont pas de vie sexuelle (voire, n’en ont jamais eu, ce qui est furieusement illogique). Contrairement à ces ayatollahs du monde moderne, je détournais plutôt la tête pour éviter de me retrouver avec la trique apparente sous mon maillot de bain. Même si je ne voyais pas mon fantasme parmi les copines de mamie, j’étais dangereusement attiré par ces poitrines dénudées entre lesquelles nous nous sommes installés. J’ai quand même cédé à la tentation en matant à la dérobée les seins ridés qui étaient offerts aux regards des vacanciers.
Ma grand-mère m’alerta de l’arrivée de son amie. J’essaie de faire mentalement le tri parmi ses connaissances pour ne pas me tromper de prénom quand elle me désigne du doigt son amie :
— Tu vois, elle est là, c’est Margot ! Tu ne la reconnais pas ? Bon, c’est vrai, ça fait longtemps que tu ne l’as pas vue... elle s’est un peu teint les cheveux, depuis. Ca lui va bien ce blond platine, non ?
Elle était sous mes yeux. La femme de mes rêves, cet ange sexy venu dans mon sommeil, était une femme qui me connaissait depuis mes 2 ans.
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