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Piégé par la fille du patron

Chapitre 2

Trash
  Le bureau personnel de Tatiana Saratov reléguait tous les autres au rang de cagibi insalubre. Feodor pouvait en détailler le luxe de bon aloi, mélange d’opulence tempérée d’une classe discrète à l’image de la jeune fille dont il se trouvait désormais sous les ordres directs.
  En fait de promotion, il s’agissait d’une véritable servitude, d’autant plus désagréable que cette peste saisissait la moindre occasion de le rabaisser. Ainsi, la pièce, bien que richement décorée, ne comportait pour seul mobilier qu’un vaste bureau et deux fauteuils, un pour l’occupante des lieux, l’autre pour les rares visiteurs.Lorsque Feodor s’en était étonné, la jeune femme lui avait rétorqué d’une voix suave :« Vu la malhonnêteté dont tu fais preuve, je ne peux pas te confier n’importe quelle tâche à exécuter ».C’est ainsi qu’il se trouvait confiné aux besognes ingrates, comme il sied à un employé de seconde zone. Il avait l’impression permanente de suivre un stage photocopieuse. D’ailleurs, l’essentiel de son activité consistait à s’occuper des documents et à assurer la navette pour chercher des verres de café et autres barres chocolatées. Son salaire n’avait pas augmenté, mais ses conditions de travail s’étaient dégradées, tout comme l’image qu’il avait de lui. Ce sentiment semblait partagé par le personnel de l’entreprise à en juger par l’attitude générale à son égard.Les vexations dont il faisait l’objet n’arrangeaient rien et il craignait que cette situation insolite attire l’attention du grand patron. Comment justifier une telle disgrâce sans éveiller les soupçons ? Heureusement, Tatiana avait tenu parole et rien de son indélicatesse n’avait filtré dans la société.
  En ce début d’après-midi, Tatiana paraissait d’humeur badine. Elle demanda à Feodor de la déchausser et de lui prodiguer un massage. Il lui retira ses chaussures montantes puis il entama sa tâche avec application. Après quelques minutes de ce traitement, la demoiselle en eut assez et exigea qu’il s’allonge sous le bureau. Perplexe, il obéit, en proie à une angoisse grandissante. Quelle turpitude allait-elle inventer ?La réponse à ses questions arriva sous la forme des pieds nus que Tatiana déposa sur le visage de son larbin obligé.
  — C’est bien, garde cette posture jusqu’à nouvel ordre.
  Par chance, la qualité des chaussures et leur structure avaient prévenu la transpiration et Feodor évita les tourments de l’épisode précédent. Les pieds plaqués sur son visage, il pouvait tout de même sentir un effluve discret. La séance s’éternisant, sa figure s’échauffait et commençait à exsuder une sueur qui détrempait les plantes de pieds de la jeune femme.
  — Tu fais un bon repose-pied, mais à l’avenir, il faudra te talquer la tronche. J’ai l’impression de marcher sur une limace, un animal qui te représente bien.
  Elle se désintéressa de son sort et reprit son travail entrecoupé de longues conversations téléphoniques récréatives. Ses gloussements cadraient mal avec la fonction rébarbative qu’elle était censée occuper au sein de la firme.
  — C’est pas tout ça, mais il faut réparer les dégâts. Lèche - moi tout ça, et applique - toi.
  L’ordre avait surpris Feodor, enivré par le parfum des pieds qui lui couvraient la totalité du visage.Sa langue commença à explorer les pieds dont il connaissait la géographie intime désormais. Le goût en était moins prononcé que la première fois au point que la tâche en devenait assez plaisante. Ses coups de langue résolus et portés avec précision donnaient entière satisfaction à Tatiana qui se détendit. Il sentit la tension des jambes se relâcher tandis que le staccato des touches du clavier se faisait discret.À seize heures, elle avait épuisé tout ce qu’internet pouvait lui apporter en termes de divertissements. Elle rangea ses affaires et demanda à son employé de l’accompagner.
***

  Debout devant l’imposant immeuble habillé de verre, le couple dégageait une impression d’étrangeté tant Tatiana et Feodor étaient dissemblables.Tatiana s’anima tandis qu’une jeune fille aux allures bourgeoises se dirigeait vers eux.Feodor apprit qu’il s’agissait de la sœur de Tatiana, plus précisément sa cadette d’un an. La donzelle était inscrite dans le lycée le plus huppé de la ville et se destinait certainement à une carrière prometteuse en tant qu’élément pistonné au sein de l’empire à papa.Il s’interrogeait. La sœurette était-elle au courant des relations particulières qui l’unissaient à Tatiana ?
  — C’est lui le larbin dont tu m’as parlé ?
  Encore une illusion perdue.
  — À ton avis ? Tu crois qu’il fait quoi à attendre là, comme un connard laqué ?
  Les deux sœurs s’esclaffèrent du même rire cristallin. L’objet de leurs quolibets ne partageait en rien leur bonne humeur et se demandait quelles proportions la catastrophe allait prendre.
  — Allez, à genoux, et montre-moi ce que tu sais faire avec la langue.
  Feodor considéra la jeune fille avec surprise.
  — Tu es sourd ou aussi con que tu en as l’air ? Je t’ai dit de te mettre à genoux.
  Un coup d’œil vers Tatiana dont le courroux commençait à pointer le convainquit d’obéir à la pimbêche dont la morgue augmenta d’un cran.
  — Lèches mes bottes, montre – leur à quel point tu es con.
  Le regard embarrassé de Feodor balaya les environs. La crainte d’apercevoir un visage familier dans le décor faisait naître une inquiétude sourde qui lui comprimait la gorge. Une boule d’angoisse dans l’estomac, il entama sa tâche avec minutie, dans l’espoir d’en finir au plus vite.Amusée, la brune Elena suivait avec attention le nettoyage de ses bottes. Dans sa position, Feodor pouvait les identifier comme un produit importé d’Italie, comme en attestait la marque du plus grand bottier de la péninsule.
  — Et applique-toi ou je t’oblige à me débotter et à me lécher les pieds devant tout le monde.  — Tu sais parler aux hommes Elena, papa devrait te confier un poste au département ressources humaines.
  L’amertume qui lui envahissait la bouche ne tenait pas seulement au cuir mouillé. Les bottes luisantes de salives brillaient sous le soleil d’été qui engourdissait la ville. Les témoins de la scène, dont les badauds ne cessaient de grossir les rangs, ne partageaient en rien cette apathie. Au contraire, le moment de gêne et de surprise passé, les membres de cet attroupement manifestaient une euphorie bruyante.Au terme de minutes éprouvantes, Elena inspecta ses bottes lustrées avec soin. Satisfaite du résultat, elle autorisa le larbin de sa sœur à se relever. Après quelques échanges de banalités, la lycéenne prit congé.Feodor sentait naître en lui la conviction que les deux filles avaient arrangé cette rencontre pour l’humilier en public. Force était de constater la pleine réussite de l’opération.
  Tatiana l’invita à monter à bord d’une BMW sombre convoyée par un préposé à la déférence surannée.La berline démarra de toute la puissance de ses quatre cents chevaux et dépassa la vitesse de soixante-cinq kilomètres-heure en quelques secondes.  « Je t’emmène chez moi ».Elle venait de répondre à la question muette de son passager. La journée risquait d’être à marquer d’une pierre noire.
À suivre










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