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Un praticien pervers

Chapitre 1

Divers
J’étais jeune médecin à cette époque, et en attendant de passer ma thèse j’effectuais des remplacements de médecins libéraux. Habitant alors en province, je n’hésitais pas à sortir de ma grande ville et faire 50 km pour aller remplacer des confrères installés en campagne. C’était parfois folklorique mais ça avait son charme. Ils commençaient alors à avoir du mal à trouver des remplaçants pour partir en vacances ; en contrepartie ils laissaient leur maison au remplaçant pour qu’il se loge. C’est souvent parce qu’il y avait aussi des gardes de nuit, et qu’il fallait rester sur place. Cela permettait que la maison soit gardée ; j’ai vu aussi des situations où il fallait s’occuper du chien, du chat et des poissons rouges. Je vous vois venir : non, pas de l’épouse, faut pas rêver quand même.Personnellement, comme j’étais à l’époque célibataire, ça ne me dérangeait pas de partir une semaine entière, c’était dépaysant, presque exotique (si ça ne n’avait été dans des coins de la Normandie rurale…)
Celui que je remplaçais cette semaine-là était fraîchement divorcé et m’avait laissé sa maison. Je n’étais pas de garde tous les soirs, mais finalement je restai quand même là dormir toute la semaine ; de toutes façons, dans ses coins le tour de garde était limité au regroupement de 3 ou 4 confrères, et il n’y avait pas pléthore d’appels le soir, parfois aucun. Les soirées étaient longues (bon, je me disais, ça n’est qu’une semaine.)Le premier soir je regardai la télé (pas grand-chose d’intéressant), le deuxième je lus quelques bouquins qui traînaient (celui-ci avait surtout des SAS, des Brigade Mondaine croustillants), le troisième je regardai les quelques cassettes vidéos (celui-ci avait quelques bons fims X), j’écoutai sa musique.Bon, me disais-je, c’est la maison classique d’un homme qui vient de se retrouver seul, en pleine campagne, pas très réjouissant. Je ne me voyais pas finir comme ça dans 20 ans : quelle solitude, quelle tristesse, sans compter la misère sexuelle. Pas de quartiers chauds dans ces bleds de 500 habitants, pas de risque de rencontrer une femme (même s’il y avait à l’époque le minitel), peu de chance qu’elle fasse 150 ou 200 bornes pour une soirée avec un mec alors qu’il y en a une bonne densité en ville. Il n’y avait pas encore l’émission Le bonheur est dans le pré (même si on comprend pourquoi elle existe...)
Arrivé au jeudi je ne savais plus quoi faire le soir, et machinalement je me mis à trier le foutoir qui traînait dans sa grande chambre où un fatras de livres, de catalogues, de cahiers s’entassait pêle-mêle. C’est là que je tombai sur un cahier bien tenu. Je compris alors que mon solitaire confrère s’essayait à l’écriture ; je commençai à lire et prit d’abord ce manuscrit pour le journal d’un médecin de campagne. Mais le style était plus fouillé, plus littéraire, mais surtout ce que je découvris au fil des lignes est qu’il s’intéressait de très près à ses patientes. Voyez plutôt :

« Dans les premiers mois de mon installation ma clientèle gonfla lentement. Beaucoup de curieux qui voulaient voir la tronche du nouveau médecin. Certains plus que d’autres qui essayaient d’entrevoir l’intérieur de ma maison d’habitation. « Comment c’est dans la maison d’un docteur ? »Heureusement il y eut rapidement aussi une patientèle plus fidèle. Des couples, des familles. Des jeunes.
Parmi eux j’eus le plaisir d’avoir l’assistante des vétérinaires d’à-côté. Je dis le plaisir parce que cette fille de 24 ans est plutôt plantureuse, comme je les aime. Une bonne fille d’ici, comme les filles d’ici : pas une lumière, pas débile non plus (qu’elle soit assistante vétérinaire fait qu’elle est au-dessus du panier dans ce village), pas très bavarde, et un peu timide, comme les gens de la campagne.Je l’avais vue auparavant en allant acheter des croquettes pour mon chien. Cheveux courts, toujours dans des robes longues jusqu’aux chevilles, cintrées à la taille par une ceinture (ce qui fait ressortir ses très large hanches), et les bras nus : et des bras, quels bras ! Ronds, dodus et roses. Quand elle vint me voir la première fois j’eus chaud au cœur. J’avais l’impression d’avoir touché le jackpot. Bien entendu il faut rester professionnel. Et c’est plutôt le genre de filles sages, bien élevées par papa et maman, fidèles et pudiques. Et qui vous vont confiance. Alors faut pas gâcher le métier. Quand on l’examine, même pour son examen gynéco – la révision annuelle – on est technique, on pense à ce qu’on a à faire, le diagnostic, le frottis (ne pas le foirer en l’étalant sur les lames), bref. Et puis les examens gynécos, contrairement aux réalisateurs de films pornos, moi, ça ne m’excite pas. L’anatomie en gros plan, la colposcopie, le speculum en métal froid (on essaie de ne pas pincer la dame avec les demi-valves), c’est bien moins excitant qu’un slow langoureux, qu’une femme dans une jupe fendue jusqu’aux hanches, avec des bas et des bottines par exemple.
Il n’empêche que, parfois, le soir, quand on est seul dans son lit et qu’on repense à la miss et à son petit cul, on se retrouve avec une gaule d’enfer.
Ca ne m’a pas empêché d’être son bon médecin de famille quand elle est tombée enceinte, quand je l’ai suivie pendant quasiment toute sa grossesse, puis de suivre sa petite fille, lui faire ses vaccins obligatoires, de constater qu’elle poussait bien, en bonne santé comme sa mère, et comme son père, que je ne voyais guère. Lui, le bon bougre, le jeune ouvrier un peu rustaud, mais bien poli comme sa compagne, solide comme un roc, rarement malade, dieu merci pour lui.

Il n’empêche qu’un jour… (ma mère m’a appris qu’il faut se méfier de l’eau qui dort.)
Elle m’appela le lundi pour que je passe chez elle pour faire un rappel de vaccination en retard à la petite, qui venait d’avoir trois ans. Il n’y avait pas d’urgence, aussi me demanda-t-elle que je passe jeudi. Je me rappelle m’être dit que c’était bizarre parce que la gosse allait déjà à l’école et que le jeudi elle devait y être. Mais bon, elle avait dû prévoir de ne pas l’y mettre, un point c’est tout.
Le jeudi arriva et en fin de matinée comme je l’avais noté je me présentai à la porte de la petite maison, qui était un peu à l‘écart, à la sortie du village. C’était une maison de plain-pied, avec une porte vitrée, et des fenêtres qui donnaient sur la rue, enfin, rue qui ressemblait plutôt à un chemin boueux en impasse, où ne venait pas grand monde. Je frappai à la porte. Pas de réponse. Une seconde fois. Pas d’avantage. Elle devait pourtant être là, puisque travaillant à temps partiel elle était normalement chez elle ce matin-là. Et j’étais certain qu’elle m’avait dit jeudi (je ne sus qu’après qu’elle s’était trompée en me disant jeudi à la place de mercredi.) Etonné je commençai à aller faire le tour pour voir si la jeune dame n’était pas dans le petit jardin, quand passant près d’une fenêtre j’entendis des bruits étranges. La fenêtre étant haute, et moi d’une taille moyenne, je me hissai en m’appuyant sur le rebord en ciment et regardai par la fenêtre pour apercevoir un spectacle édifiant : la sage Nathalie les cuisses grand ouvertes sur le canapé du couloir, la robe relevée, se faisait besogner par un homme qui, vu sa corpulence, n’était pas son mari ; ceci entre cris, grognements et ahanements brutaux.
Tout homme sage, tout médecin discret qui a prêté serment, en de telles circonstances, serait parti sur la pointe des pieds, serait remonté dans sa voiture et aurait continué sa tournée, attendant un nouvel appel de la patiente. Mais mon sang ne fit qu’un tour. Voir cette belle fille sur qui j’avais fantasmé et que j’avais cru épouse modèle, sage et fidèle, dans une telle situation, me poussa soudain à agir d’une toute autre manière : Je revins à la porte de la cuisine, la clenchai (les gens ne ferment jamais leur porte à la campagne) et fis irruption dans la maison, me retrouvant d’un bond avec ma petite mallette devant le couple illégitime surpris en pleine action, pris de terreur à ma vue !
Le jeune homme, paniqué, bondit, prit ses vêtements et se rhabilla en quatrième vitesse, tandis que la jeune dame rabattit sa robe, rouge et honteuse, puis resta coite.
Lui, fila, sans demander son reste.
J’étais debout devant elle, affichant un air indigné et dégoûté, comme si l’immoralité de la situation adultère sur laquelle j’étais tombé par hasard, m’avait attristé et révolté.
« Eh bien, je devais venir ce matin vous visiter, et sur quoi je tombe ? Je suis profondément choqué Madame ! Je n’aurais pas cru ça de vous… »
Elle restait muette, gênée, à moitié dépoitraillée. Je voyais qu’elle était sur le point de pleurer, terriblement émue.
Là-dessus, je tournai les talons et me dirigeai vers la porte, lançant :
"Je repasserai cet après-midi. Vous aurez eu le temps de recouvrer vos esprits. Pfff…"
Et je partis en hochant la tête. Je crus entendre derrière moi, une voix faible :
" - Docteur…"
L’effet de surprise et le choc engendré chez elle par cette situation terrible avaient été tels qu’elle n’avait pas osé me rétorquer que la déontologie interdisait au médecin de porter un jugement moral sur ses patients, quels qu’ils soient, et quel que soit leur comportement, comme de s’immiscer dans leurs affaires de famille (et donc de couple.)
J’avais bien entendu déclaré que je repasserais, alors que j’aurais très bien pu lui dire de me rappeler pour me demander un autre rendez-vous, ce qui lui aurait laissé la possibilité de ne pas me rappeler (et même de changer de médecin - ce qui aurait été plus confortable et plus facile à vivre pour elle… L’épisode gênant et honteux serait demeuré ni vu ni connu…)Là-dessus, elle était restée tellement sous le choc qu’elle n’avait pas osé m’interpeller avant mon départ pour me dire par exemple de ne pas passer, que ce serait elle qui me recontacterait.
Je m’attendais à ce qu’elle m’appelle pour me dire de ne pas venir, et qu’elle m’annonce hypocritement qu’elle me retéléphonerait (stratégie tellement connue des patients…)
Mais je ne lui en laissai pas le temps, car, le même jour, je me représentai chez elle vers 14H30 et sonnai.

    A suivre
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