Dans un demi-sommeil, j’entends Eric qui prononce mon prénom, mais je ne me réveille pas pour autant. Puis je sens une main ferme sur ma cuisse gauche. Paul, réveille-toi. On va s’arrêter prendre un café si tu veux. Ça fait deux heures que je conduis. Il faut que je me réveille. Je reviens à moi. OK... cool... moi aussi j’ai envie d’un café. J’ai bien aimé le contact de sa main sur ma cuisse. J’étais à moitié endormi, mais je me demande s’il n’a pas insisté un peu plus que nécessaire pour me sortir de ma somnolence.Nous nous dirigeons vers la zone de restauration de la station-service. Tous les automobilistes ont le même regard hagard de ceux qui se sont levés trop tôt.Nous prenons notre café en silence, mais nos regards se fixent l’un dans l’autre. Il a l’air heureux d’être là. Je suis super content de faire cette rando avec toi ? Oui ? Moi aussi. J’espère que ça te plaira. Les Pyrénées c’est parfois un peu dur, mais les paysages valent le coup. Eric se lève et va s’acheter quelque chose à manger. Il me rapporte deux croissants. Tiens. Merci ! Je trouve l’attention gentille, simple, mais pleine de sensibilité. On reprend la route ? Cette fois-ci, je n’ai plus vraiment envie de dormir. Nous bavardons un peu et je lui raconte mes précédentes expériences de randonnée en montagne. Eric semble s’intéresser sincèrement à ce que je lui raconte.
Et tu randonnes toujours seul ? La plupart du temps oui, j’ai fait certains circuits avec des copains, en Ecosse et à la Réunion. Ça doit pas toujours être facile l’ambiance non ? Oui, quand il y a des difficultés ou de gros écarts de niveaux physiques, ça peut créer des tensions. Comme dans le film alors ? Un peu oui... C’était des groupes avec des nanas aussi ? Une fois oui, mais après j’ai arrêté, c’est quand même plus simple quand c’est que des mecs, l’endurance est plus homogène. Je réfléchis au tour que prend la conversation, mais pour le moment, les choses sont très anodines. En plus, je n’ai pas envie de le mettre mal à l’aise en le faisant penser à Chloé. Tu as fait des rencontres sympas ? Oui... on rencontre plein de gens différents, qui randonnent, ou dans les refuges et les gîtes d’étapes. J’ai gardé des contacts avec certains. C’est cool. Ça doit faciliter les échanges de vivre une même expérience un peu physique. Oui... et puis il y a le même rapport avec la nature... L’autre jour, j’ai un reportage sur des randonneurs à poil... Là il faut que je réfléchisse. Y a-t-il une intention particulière dans sa remarque...? C’était bien ? Oui... super intéressant... les mecs racontaient que ça changeait tout de marcher nu au soleil... T’as déjà essayé ? Je ne sais pas si je dois lui dire la vérité. Il veut une réponse. On va passer 10 jours ensemble... on peut tout se dire non ? J’aime bien son invitation à lui en dire plus que ce que j’imaginais. Oui... j’avais rencontré deux mecs qui faisaient le même circuit que moi en Corse. On se voyait le matin et le soir à chaque étape. En général, je partais et arrivais avant eux, sauf un jour où je ne m’étais pas réveillé. Et comme je marche assez vite, je les ai rattrapés en fin de matinée. Sur le moment, ça me paraissait bizarre... je voyais pas bien en étant loin, mais en gagnant du terrain sur eux, j’ai compris qu’ils étaient à poil. C’est cool ça. Oui. J’étais embêté en fait parce que je ne voulais pas les mettre mal à l’aise. Au départ et à l’arrivée, ils avaient des shorts, donc personne ne pouvait deviner qu’ils étaient naturistes. T’as fait quoi alors ? J’ai fait exprès de faire du bruit sur les cailloux pour qu’ils entendent que quelqu’un les rattrapait. Ils se sont arrêtés, se sont retournés et quand ils ont vu que c’était moi, ils m’ont attendu sur le bord du chemin. Et ? Ben, on s’est dit bonjour, on a bavardé et ils m’ont offert un café de leur thermos. Des mecs sympas alors ? Oui... très... Je vais lui donner toutes les infos. Ils étaient en couple... tu vois. Ah ? OK. Des jeunes ? Dans nos âges. Bien entraînés au sport en tout cas... Comme je marchais plus vite qu’eux, je ne suis pas resté et en plus, ils faisaient une variante pour aller se baigner dans une piscine naturelle. T’as pas eu envie d’y aller ? Si... mais je voulais pas les déranger. OK. Et après tu as essayé à poil ? Oui... on s’est retrouvé le soir au gîte, on en a parlé et ils m’ont convaincu d’essayer avec eux le lendemain. On a quitté le gite en short et après 200 mètres, on s’est mis tout nus. C’était ta première fois ? En rando oui... Je me rends compte en disant ça que je suis en train de lui en dire long sur moi. T’es naturiste à la plage ? Euh... oui... OK. Il n’en dit pas plus. Et donc on a marché toute la journée à poil et c’était super. Vous n’avez croisé personne ? Si, un gars et sa copine, on s’est dit bonjour et voilà. C’est super... j’aimerais bien connaître ça... Je réfléchis à ce qu’Eric veut peut-être vraiment dire, mais je ne veux pas me compliquer la vie alors que je suis sur la route des vacances. On a pique-niqué, fait un peu la sieste... j’ai vraiment aimé ça... Et donc tu marches à poil ? Dès que je peux, quand c’est calme et qu’il fait chaud oui, je préfère... Et là, tu crois que tu vas pouvoir ? Je sais pas... en août... il peut y avoir du monde... mais d’un autre côté on sera assez haut... Je... Oui ? Je veux dire... tu dois faire comme tu veux... enfin comme tu aurais fait si j’étais pas là. Oh t’inquiète pas... je te dirai... et toi t’as pas envie d’essayer ? Moi ?... je me suis jamais mis à poil à la plage... Je me dis au fond de moi que c’est vraiment dommage... Tu verras... en tout cas, si tu veux essayer... la montagne quasiment déserte ça peut être bien pour toi... Nous arrivons à un péage et la conversation prend une autre tournure parce nous devons nous concentrer sur les panneaux de signalisation et les instructions du GPS.Je bande dans mon jean en repensant à notre conversation...
