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Le satin de Noêl

Chapitre 1

Les anges n'ont pas de sexe

Erotique
Texte pour le concours "Conte de noël"

Mars…
Pierre me regarde. Il échafaude comme toujours des plans sur la comète. Je sais quand il ment. Sa lèvre inférieure tremblote. Un tic qu’il ne peut réprimer. Jusque-là, j’ai fait semblant d’y croire, mais devant cette énième promesse qui j’en suis sûr n’est que de la poudre aux yeux, je ne lui réponds pas. Alors il s’enflamme !
— Je te jure ma chérie, pour Noël nous serons ensemble. C’est toi que j’aime, je suis certain que tu le sais.
Ce dont je suis certaine, c’est que je n’en peux plus de ses paroles données et jamais tenues. Lit-il dans mes yeux cet abandon qui me pousse hors de sa vie ? Plutôt qui le propulse lui, en dehors de la mienne ! Noël ! Il y a longtemps que je n’y crois plus au petit père en habits rouges et à barbe blanche. Combien de ces promesses qui me dévastent un peu plus chaque fois sont-elles remises sur le tapis ce soir encore ? Ce Pierre que j’ai aimé, ce grand gaillard aux cheveux châtains, à la quarantaine naissante, m’abreuve de ces serments indéfinis. Il ouvre les bras, pensant sans doute qu’il va me voir m’y blottir.
— Non, Pierre ! Ne me jure plus rien ! Ne recommence pas tes sempiternelles jérémiades ! Ça ne prend plus. — Mais… je te promets…— Combien m’en as-tu fait de ces sérénades douteuses ? Mais surtout combien en as-tu seulement tenu ? Aucune.— Ne dis pas cela… je t’aime mon ange. Oh ! Marine… je te jure…— Arrête avec ça, veux-tu ? L’amour pour toi se résume à deux soirs par semaine hors de ton foyer. Sans doute songes-tu un peu à moi lorsque tu couches avec ta femme. J’ai voulu y croire, longtemps. Mais là, ce soir, c’est fini…— Pourquoi tu me fais ça ? Ce n’est pas tout à fait vrai… mais c’est compliqué.— Ça suffit Pierre ! J’aurais dû le comprendre depuis bien longtemps. Tu ne la quitteras jamais. Je ne suis que ta roue de secours, celle qui te permet de vivre autre chose en dehors de chez toi. Mais ce soir tu dois partir. — Noël, juste Noël et je serai tout à toi… cette fois c’est la vérité.— Celle que tu me donnes aujourd’hui pour passer une nuit câline. Mais non ! J’ai dit que plus jamais… je veux moi aussi une vie de famille, tu comprends. Ça fait des années que tu me balades et puis… je vous ai aperçu au supermarché, il y a quelques jours. Elle te donnait la main, tu lui souriais. Ce n’est pas franchement une situation de couple au bord du divorce. Alors, non, c’est fini, je ne t’aime plus.— Dis plutôt que tu as rencontré quelqu’un et que tu veux me larguer comme une vieille…— Et si c’était le cas, crois-tu que je ne mérite pas mieux qu’un amant deux soirs par semaine, des promesses de Noël alléchantes, mais qui comme toutes les autres vont rester lettres mortes ? C’est décidé, tu dois sortir de ma vie.— Tu n’as pas le droit…— C’est toi qui dis cela ? Tu m’as menti depuis le début. C’est ma faute aussi. J’ai voulu me persuader qu’au fil du temps… mais j’ai saisi que jamais nous ne formerons un couple. Je t’en prie, pars ! Ne me rends pas la tâche encore plus compliquée. — … tu… tu ne veux pas que nous fassions l’amour une dernière fois.
— Et puis quoi encore ? Me prends-tu pour une aveugle ? Le ventre rond de ta femme, c’est l’œuvre de ton voisin ou du facteur ? Tu viens chez moi, et tu engrosses ta femme par-dessus le marché. Alors, pars, sors de ma vie. Tu n’es pas un type bien. Je me suis trompée, je m’en remettrai.
Il se tait ! Cette fois j’ai visé juste. Mon cœur saigne, se rétracte et j’ai mal. Mais lui baisse la tête, tente de se faire tout petit. Je viens de lui assener le coup de grâce, mais n’a-t-il pas eu toutes ses chances ? Notre histoire se délite, notre amour prend l’eau, c’est la fin. Nous sommes au bout de ce que nous avions à vivre. Je le sais et lui là, vient de le comprendre. Il récupère sa veste dans l’entrée et la porte de chez moi se referme sur mes illusions perdues. Triste… oui, je me sens affreusement vide. Mais ma vie continue… sans lui !
— xxXXxx —

Juillet…
Les cicatrices de ma rupture avec Pierre sont tout juste refermées. Oh, ce serait mentir de dire que tout va bien dans mon existence. Non ! Mes nuits sont longues, mes regrets aussi, mais je crois que j’ai fait pour le mieux. Je pousse mon chariot dans les allées de l’unique supermarché de notre ville. Et devant moi, la femme qui promène un énorme ventre rond m’en rappelle un autre, moins volumineux, il y a de cela des mois déjà. Sandra… la femme de Pierre, a-t-elle accouché ? Une drôle de question qui revient me hanter au pire moment. Pourquoi ai-je ce besoin de me faire mal de nouveau ?
Je m’active, tentant d’échapper à cette vision d’un bidon gonflé par son contenu alors que le mien restera vide. La caissière me rappelle à l’ordre d’un sourire, d’une petite voix gentille.
— Madame… Madame ! Il faut déposer vos courses sur le tapis ou… laisser la place aux autres clients !— Hein ? Oh oui, oui pardon !
C’est d’une manière précipitée que je colle tout sur la caisse, je paie et file. Mince ! À l’extérieur, un vrai soleil d’été, une chaleur qui ne me trouve pas plus rieuse. Non ! Près de ma voiture, la femme enceinte qui décharge son caddie de ses marchandises. Elle me voit, lève les yeux et un large sourire lui éclaire le visage. Je ne sais pas qui elle est, mais sa maternité proche la rend radieuse. Une voix qui m’interpelle, et de nouveau, je sors de mes réflexions internes intenses.
— Madame, s’il vous plait !— … ? Euh oui ? Vous avez besoin de quelque chose ?— Vous pourriez me donner un coup de main pour mes deux packs d’eau, s’il vous plait ?— Ah… oui ! Oui, bien sûr.
Et voilà. Mes bras soulèvent sans trop d’efforts ses bouteilles de flotte minérale. Je les case dans son coffre et elle me sourit toujours. Je me sens toute conne là devant celle qui visiblement est heureuse. Qu’est-ce que l’on se dit dans ces cas-là ? Je n’en sais rien… alors je bredouille deux ou trois banalités. La musique de ses mots entre dans mes oreilles.
— Merci ! C’est gentil… je ne peux plus faire de gros efforts ni de mouvements brutaux.— C’est… c’est pour quand ?— Nous l’attendons d’un jour à l’autre… Et c’est tant mieux. La chaleur est plus qu’insupportable et ma mobilité des plus réduites. Tout me devient pénible.— Votre premier…— Non ! J’ai déjà un fils. Il a deux ans et demi. Encore merci… de votre aide.— De rien… Je vous souhaite… plein de bonnes choses et que son arrivée ne soit pas trop difficile.— Il parait que les seconds sont plus faciles à pondre… de toute manière, il va bien falloir qu’il sorte. Bonne journée, Madame et merci…
La femme pose les fesses sous son volant et elle sort du stationnement. Je suis là, un peu abasourdie, avec un flot de souvenirs qui remonte dans ma caboche. Machinalement, je me touche le ventre. Je réalise d’un coup que ce geste n’est peut-être pas passé inaperçu. Il y a foule sur le parking et je dois avoir l’air d’une bécasse au milieu d’une large étendue de bitume, à caresser mon corsage. Allez ma vieille ! Il est temps de rentrer chez toi, d’oublier tout cela. De toute façon, la femme de Pierre n’a jamais eu vent de ma présence dans la vie de son mec. Et puis… je ne veux plus songer à ces instants qui ont fait tant de dégâts dans mon univers personnel.
Comme si c’était si facile d’oublier ! Je n’ai pas de baguette magique ou de poudre de perlimpinpin pour revenir en arrière. Pas vers Pierre, mais plus avant. Juste avant de le rencontrer et de croire à ses salades. Oui ! Mais ce sont les choses douces de ce qui pour moi a été un vrai et grand amour qui refont surface. Des instants tendres, ceux où ses bras me serraient si fort. Ceux de cette bouche au gout de miel qui s’emparait de la mienne… puis les choses plus intimes, elles me tourmentent encore plus que je ne veux l’admettre. L’envie, insidieuse et pernicieuse qui me taraude le ventre alors que je louvoie dans une circulation dense.
Je dois me secouer. Sortir de mon infernale attente, de mes peurs, de mes doutes, comment faire pour oublier ? Chez moi, je tourne en rond et chaque meuble me ramène à cet épisode de mon existence. La mémoire des choses, cette chaise, oui celle où je prends place pour boire mon café, combien de fois a-t-elle servi pour faire l’amour lui et moi. Quant à la chambre, c’est comme si… je me vautrais dans mes souvenirs, même les draps sont là pour se moquer de moi. Je craque ! Une autre petite voix, qui me dicte de sortir, de rencontrer du monde, d’aller trainer ailleurs, de quitter ce repaire où les images me hantent.
Et me voici déambulant dans les rues, à la recherche du temps perdu, de mes sentiments disparus. La cloche qui sonne dans ma tête, Big Ben personnel, tocsin de mes illusions, pour un « Avé Maria » ou ma descente aux enfers. La lumière… celle des néons d’un troquet, d’un bar qui devient phare. Combien sont-ils à se taire à mon entrée ? Drôles de museaux, trognes d’ivrognes qui me scrutent comme l’intruse qui perturbe leur monde tranquille et bien rangé. La femme qui s’approche de l’autre côté du zinc avec un rictus se voulant sourire.
— Qu’est-ce que je vous sers ?— … quelque chose de fort s’il vous plait !— Mais encore ?— Une vodka…
Le verre est là, minuscule et tout à la fois monstrueux. Clair comme de l’eau de roche, son liquide coule dans mes veines, charriant un poison pourtant moins violent que celui que me distillent mes fantômes.
— Vous voulez un autre verre ? Trinqueriez-vous avec moi ?— … ?
Le timbre est masculin. Je tourne le visage dans la direction de ce son. Un type, sans âge, trop jeune pour être vieux, trop vieux pour être jeune, le visage mangé par une barbe de trois ou quatre jours, des tifs dont la couleur est indéfinissable, sauf pour la grisaille de ses tempes, un homme passe-partout. Un passe muraille qui se fond dans le décor vieillot de ce bistrot et c’est à moi qu’il s’adresse ? Qu’est-ce qu’il me veut ? Il répète sa demande. De peur que je l’aie mal captée sans doute ?
— Vous oseriez trinquer avec un type comme moi ? Un inconnu ?— … quoi ? — Vous avez l’air d’une femme bien ! Qu’est-ce que vous fichez dans ce bouge ? Vous ne voyez pas que tous ces mecs n’ont envie que d’une seule chose…— Une seule chose… laquelle ?— Mais baiser avec vous, c’est aussi simple que cela.— Vous… vous aussi ?— Ben oui ! Mais j’y mets les formes et j’ose aller au-devant des ennuis. Vous en avez aussi n’est-ce pas ?— … ? De quoi ?— Des ennuis, bon sang ! On n’atterrit pas dans pareil endroit à onze heures du soir par hasard. Soit vous êtes une pute qui vient chercher un mec, soit une paumée et dans les deux cas, vous allez trouver une bonne queue sur votre route… alors je vous offre la mienne et un verre en prime.— Mais…— Chut ma belle ! Vous avez des problèmes, j’en jurerais. Une autre vodka ?— … pourquoi pas ?— Monique… tu nous sers ?
Tu parles qu’elle sert Monique ! La bibine c’est son fonds de commerce, alors avant que l’un ou l’autre se rétracte, l’alcool coule dans les godets. Je siffle presque cul sec le liquide incolore qui s’infiltre partout dans mes veines. Et puisque je ne picole pas d’ordinaire, les ravages sont quasi immédiats. Au bout de dix minutes et d’une troisième dose, il est presque beau ce loustic qui se tient à mes côtés. Il me raconte ses galères, ses errances. Je fais semblant de l’écouter, la misère de ce type n’est pas de taille à couvrir mes propres maux. Il insiste encore pour un quatrième verre, mais je refuse. Je me sens déjà bien grise.
Je dois rentrer. Et avec ce que je viens d’ingurgiter, ça risque fort de ne pas être simple. L’autre là, qui dégouline de bons sentiments, qui me gave de ses paroles, qui du reste entrent par une oreille pour ressortir par l’autre, il me suit alors que je quitte les lieux sous le regard à demi amusé de Monique. Et ceux des autres piliers de bar également. Dans mon cahot intérieur, je l’entends cette nana qui s’adresse à mon chaperon.
— Salut Nico ! Ne la laisse pas conduire, hein, et sois sage !— T’inquiètes pas Monique… Tu me connais, elle ne risque rien avec moi.
Puis c’est à moi qu’il destine les mots suivants.
— Vous ne pouvez pas conduire dans votre état.— …
Je veux répondre, mais c’est vrai que je cherche bien loin mes répliques et que malgré mon envie de l’envoyer balader, mon cerveau lui n’assume plus rien. Alors il me prend la main. Sa patte est chaude, qui se referme sur mes doigts. Je me laisse entrainer je ne sais où, sans réagir sainement. Quelques marches d’escalier, une porte qui s’entrouvre, puis une lumière tamisée. Où suis-je ? Le gars, je tente de retrouver son prénom, mais j’ai des nœuds dans le crâne.
— Vous voulez boire un café pour vous retaper ?— … un café… euh… non, non ! Une vodka se serait plus sympa… autant me finir. Vous allez me violer ?— Ça ne va pas la tête ? Je n’ai jamais abusé de ce genre d’artifice. Quand je veux une femme, je ne la désire pas bourrée comme une cantine. Encore que vous n’ayez pas bu énormément… en ma présence du moins. Je ne sais pas ce que vous aviez picolé ailleurs. Vous ne tenez pas la boisson…— Si… j’ai très soif… c’est quoi votre petit nom déjà ?— Café ou flotte, mais plus d’alcool pour vous, sinon vous allez avoir une migraine carabinée au réveil. — Vous me séquestrez là ? Je vais rentrer chez moi !— D’accord ! Mais je vous appelle un taxi ou vous raccompagne. Vous n’allez surement pas conduire votre voiture dans un pareil état.— Ma voiture… Où elle est celle-là ! Remmenez-moi chez moi… quand on aura retrouvé mon auto…— Je vais plutôt prendre la mienne. Demain vous viendrez récupérer votre bagnole, quand vous aurez dessoulé…— Mais… Vous pouvez prendre la mienne pour me ramener.— Et je rentre à pied ? Bonne idée non ? C’est loin chez vous ?— Par là…— … ?
Il me fixe avec des yeux que je vois exorbités, mais tout est sans doute faussé par les degrés qui coulent en moi… mince ! C’est loin chez moi ? J’ai roulé au feeling sans trop savoir où je me rendais. Et puis c’est un trop gros effort que d’essayer de me rappeler… alors, je lui donne bêtement mon adresse. Il note… et me reparle.
— Ben non ! Je ne vais pas me cogner huit bornes à pinces pour vous faire plaisir.— … ? Eh ben, prêtez-moi votre canapé… Je serai mieux tout à l’heure.— C’est une idée ! Et demain vous allez crier au loup et me mettre dans l’embarras. Vous n’avez pas un mari, un copain que je peux appeler pour qu’il vous récupère ?— Un copain… j’en ai eu un ! Un beau salaud, il est marié… et il a fait un deuxième gosse à sa femme pendant qu’il venait coucher avec moi…— Bon… je vois. Mais une amie alors ! Que sais-je moi, quelqu’un qui peut vous dépanner pour ce soir ?— Il y a… ben vous ! Puisque je suis ici, que j’ai sommeil… je peux… dormir…
Mes paupières sont d’une lourdeur ! Je me sens partir dans un univers parallèle, puis la lumière s’éloigne et je suis au fond du trou. Bien… oui, je suis dans une ouate qui me porte, qui m’entoure et dans un vrai bien-être. Ah Pierre… Salaud ! Plus de son, plus d’images et je m’enfonce dans ce qui me semble être un nuage tout en douceur. Plus rien n’existe que ce visage qui me surplombe, le sourire de ce Pierre que j’ai aimé, que j’aime toujours. Malgré le ventre arrondi de Sandra… je bafouille des mots sans suite, ou est-ce que je rêve de les dire ? En tout cas… je flotte dans ce rêve où il est revenu ce salaud de Pierre.
L’aube nouvelle me surprend par une fraicheur inaccoutumée. Mes quinquets qui s’ouvrent sur un endroit inconnu, et les cloches de Westminster sonnent sous ma tignasse de brune. Il me faut un long moment pour digérer que je ne sais rien du guêpier dans lequel je me suis fourrée. J’émerge insensiblement et des brides décousues de la veille surnagent enfin. Je suis recouverte par un plaid. L’image de l’homme avec qui j’ai trinqué engendre d’un coup un sursaut qui me file la trouille. Je lève la couverture. Bon ! Je suis exactement vêtue comme hier soir. Réflexe idiot, je passe ma patte sous ma jupe.
Ma culotte… toujours bien en place, aucune trace ni sensation d’une quelconque pénétration. Je ne suis pas très en forme, mais ce genre de truc doit bien laisser quelques empreintes. Je m’assois enfin et une agréable odeur vient chatouiller mes narines. Un café frais qui m’arrive de la pièce dont la porte qui me fait face clôt l’entrée. Je fais avec peine les trois ou quatre pas qui y mènent. Le type est là. Pas mieux rasé, pas plus attirant. Juste un rictus qui en dit long sur ce qu’il pense. Et un roulement de tambour qui vient me vriller les tympans.
— Ça va ? Pas trop la gueule de bois ?— Pas en forme non plus ! Qu’est-ce que je fais ici ? C’est chez vous ?— Ben ouais. Et vous n’étiez pas en état de conduire ni de me donner un numéro de téléphone pour appeler un de vos amis.— Je vois… mais nous n’avons pas…— Couchés ? Bien sûr que non ! Vous n’étiez pas en état pour cette gymnastique non plus. Et puis la viande saoule… non merci. Le plaisir se partage chez moi ! Pas question de me passer du consentement de mes invitées.— Parce que je suis votre invitée ? Vous n’auriez pas un comprimé pour calmer la locomotive qui va dérailler sous ma chevelure ?— Oh ! Je m’en doutais… là dans ce tube près de votre tasse.— Merci…— Je vous sers un jus ? Mieux vaut avoir l’estomac plein si vous avez des nausées…— Je n’ai pas trop fait de dégâts, chez vous ?— Pas du tout ! Vous vous êtes endormie sur le coin de la table et je vous ai allongée sur le sofa.— Vous êtes bien certain qu’il ne s’est rien passé d’autre ?— Pour qui me prenez-vous ? Pour un satyre ?— Pardon… c’est que je ne bois jamais… d’habitude et qu’il ne faut guère d’alcool pour que je perde les pédales.— Rien, vous avez seulement ronflé à faire trembler les murs de la maison.— Ah bon ? — Alors café ou non ?— Ben… d’accord… Monsieur…— C’est Nicolas moi… et vous ?— Marine…— Enchanté alors, Marine…
Je fais un vrai effort pour ingurgiter le breuvage qui au demeurant sent fort bon. Et si la première gorgée a du mal de couler dans ma gorge, les suivantes sont mieux acceptées. Bon… ça semble se remettre. Et je me dis qu’il est temps de remercier mon sauveur et de cesser de le déranger en jouant la fille de l’air. Il ne tente pas de me retenir. M’accompagnant même jusqu’à la rue. Je prends donc congé de mon hôte et une question me tombe dessus sans que je m’y attende vraiment.
— Dites-moi Marine, aurais-je la chance de vous recroiser ? Je suis un homme normal, vous savez…— … ? Je… je ne sais pas trop…— Nous pourrions discuter de ce Pierre dont vous m’avez rebattu les oreilles avant de sombrer dans un sommeil de plomb !— Je… je vous ai parlé de Pierre ? C’est un mauvais plan. Je ne suis pas sure d’avoir envie de dialoguer de celui-là.— Votre ami sans doute ? Et ça ne se passe pas bien ?— Ça ne se passe plus du tout… il a femme et enfant, enfin, il en avait un seul lors de notre rencontre et peut-être deux désormais. Mais laissons dormir ce genre de souvenirs. — Je crois justement qu’en parler pourrait vous permettre de passer à autre chose. Vous méritez mieux qu’un type marié.— Vous prêchez pour votre patrie ? Qui vous dit que vous seriez le candidat idéal ?— Ben… rien ! Mais si je ne tente pas ma chance, je ne le saurai jamais, mais je crois que j’ai déjà ma réponse… dommage.— …
Me voici sous mon volant. Je fais un clin d’œil à ce Nicolas et sa grimace me fait arrêter ma voiture à sa hauteur.
— Je passerai un de ces soirs vous offrir un verre chez « Monique » pour vous remercier…— Ouais ? Serment d’ivrogne bien sûr !
Plus un mot, j’embraye doucement et du bout des doigts, je lui expédie en signe de remerciement un bisou. Les épaules voutées et la mine triste, un chien battu ne serait pas pire dans le paysage. Un retour au bercail mitigé plus que je ne le voudrais. Mais le train-train quotidien qui me happe efface presque cette cuite mémorable de ma mémoire. Les jours qui avancent diluent les images de ce Nicolas inconnu pour remettre en vedette celles plus amères de Pierre, de Sandra aussi, mais surtout de son ventre gonflé par un bout de cet amour qui n’en est plus un.
— xxXxx —

Aout… premier week-end…
Depuis quelques matins, je pars au boulot avec une boule au ventre. Une drôle d’envie qui me fait cauchemarder. Pierre… toujours lui qui revient comme un fantôme qui me hante. Je cède régulièrement à cette tentation de me caresser. Oui ! Mes doigts vont tripoter ces endroits que lui savait si merveilleusement mettre en exergue. La différence, de taille, c’est bien que je ne suis pas capable de me donner seule une jouissance aussi forte, bénéfique que celle qu’il m’offrait. À ce titre, ça devient une véritable obsession. J’ai beau me masturber, impossible d’atteindre le nirvana espéré.
Quand me vient l’idée faramineuse de… oui, d’essayer de séduire ce Nicolas inconnu ? Je suis aveuglée par mon besoin. Plus de sexe que d’amour en fait ! Une idée fixe, celle de me sentir remplie, pleine de la sève d’un homme. Bien entendu, je ne vais pas courir dans les rues pour me taper le premier venu. C’est terriblement plus retors que cela, ce que me perfuse mon cerveau. Il me ramène au bar de la dénommée Monique, et par extension à son curieux client. Le message de ce fameux soir avait l’avantage d’être clair. Je me persuade de son honnêteté puisque lors de ma nuit de libations, il n’a pas franchi la ligne rouge.
En plus, lors de notre séparation matinale, je lui ai bien promis d’aller boire un verre pour le remercier de son « hospitalité ». Pourquoi donc mes pensées s’emmêlent-elles de façon désordonnée et me poussent-elles à imaginer… qu’une seule fois, comme ça pour l’hygiène ? Donc ce samedi soir est-il véritablement fortuit ce passage à la douche suivi d’un ravalement de façade qui précède toujours une de mes sorties ? Finalement, je sais déjà que je vais me fourrer dans la gueule du loup. C’est donc bien maquillée et le cœur battant que je pousse la porte de l’établissement de « Monique ».
Les consommateurs au zinc, tous aussi anonymes, avec des bouilles qui ne sont pas différentes de celles de mon précédent passage ici. La taulière qui lève un œil, s’approche vers le coin où je viens de m’installer, puis un éclair particulier, m’a-t-elle remise ? Un ton blasé, identique à celui auquel je m’attends.
— Vous prenez quoi ?
Cette fois, je suis quasi certaine que ma frimousse lui rappelle quelque chose. Comment lui demander après ce « Nico » dont je ne vois aucune trace ici, sans paraitre trop curieuse ? Elle attend en me chouffant, ma commande.
— Un café, c’est possible… ?— Oui bien sûr… — Alors un expresso, s’il vous plait.
Elle file vers son percolateur sans un mot. L’instant d’après la tasse est devant moi. Les clients dont certains me lorgnent sans trop se gêner reprennent leur conversation, un bar comme tous les bars du monde quoi. Avec ses habitués et ses occasionnels dont ce soir je fais partie. Je touille depuis un bout de temps le breuvage noir. Pas de Nicolas en vue et je suis dépitée. Je sens le regard insistant de Monique aussi qui me scrute de loin en loin. Cherche-t-elle dans sa mémoire qui je suis ? Peut-être ! Enfin mes lèvres s’entrouvrent sur le bord de la tasse. Plutôt bon, son petit noir ! Dire que j’ai fait tout ce chemin et le type n’est pas seulement présent… je me sens dégoutée. Encore un long moment de solitude parmi les consommateurs anonymes du troquet.
Ma tasse est vide, la monnaie pour payer est sur la soucoupe où elle est posée. En bonne patronne, la femme s’approche, sa torchette à la main. L’air de ne pas y toucher, elle escamote les pièces, puis récupère sa porcelaine pour la laver. J’ose ou pas lui poser la question qui me brule les lèvres ? Après tout j’aurai juste l’espace d’une réponse la sensation d’être idiote.
— S’il vous plait ! Madame…— …
Deux yeux bleus s’attardent sur mes prunelles plus vertes.
— Oui ? Vous voulez autre chose ?— Vous connaissez Nicolas ?— Nico ? Mon frère ? Qu’est-ce que vous lui voulez à mon frère ?— Oh… rien… enfin si, je lui avais promis de lui offrir un verre pour le remercier de m’avoir hébergée une nuit…— Ah… c’est ça, je me demandais où je vous avais déjà rencontrée. La femme ivre, il y a quelques semaines de cela… c’était vous ?— Euh… oui… je crois.— Eh bien, Nicolas est chez lui. Vous savez où c’est, non ?— Je dois dire que mes souvenirs de ce soir-là sont flous… vous comprenez ?— Très bien… c’est vrai que dans votre état… mais vous savez, mon frère, c’est un homme fragile. Je n’ai pas envie de le voir sombrer une fois de plus. Alors, je ne sais pas ce qui vous pousse à revenir vers lui, mais ne le bousillez pas vous aussi… il a déjà donné.— Mais… je veux juste prendre de ses nouvelles, boire un verre…— Je ne tiens pas à savoir ce que vous voulez manigancer avec Nico, mais ne lui donnez pas de fausses joies, il ne mérite pas qu’on lui fasse du mal une fois de plus.
Il y a des trémolos qui ne trompent pas dans la voix de cette femme. Pourquoi s’imagine-t-elle que je vais abimer son frangin ? Mince alors ! Elle me refroidit d’un coup. De toute manière, je suis incapable de me rendre chez lui, bien qu’à mon avis, sa maison ne doit pas être très éloignée de ce bistrot. Nous avions fait à pied le trajet lors de ma beuverie. Juchée sur un haut tabouret devant le comptoir, je me laisse glisser pour poser mes pieds au sol. Rentrer chez moi, il ne me reste plus que cela à faire. Mais au fond de moi, je suis malheureuse comme une pierre. Tant pis ! Dans la vie, il y a des jours où rien ne nous réussit.
Le bourdonnement de la salle où plusieurs tables sont occupées par des « beloteux », puis l’air frais du soir. Les quelques mètres sur le trottoir pour regagner mon véhicule sont soudain interrompus par la voix plus claire de la femme.
— Attendez ! Après tout, vous n’avez pas l’air d’une de ces paumées qui visitent mon frangin pour lui soutirer quelques sous… — Mais… vous me prenez pour qui ? — Tout le monde peut se tromper. Tenez, c’est là que vous avez une chance de le trouver. Annoncez-vous avant, il est parfois… enfin il a des amies très… Bonne chance !— … merci !
Monique me colle dans la patte un papier sur lequel sont griffonnés une adresse et un numéro de téléphone. Je lis alors l’ensemble. La rue n’est qu’à quelques enjambées de celle où je me trouve. Et la tenancière du bar disparait dans son établissement sans un autre regard. Me voici qui marche vers mon destin. Elle m’a dit : « Annoncez-vous avant, il est parfois… », je n’ai nulle envie de l’avoir au bout du fil. Alors il me faut quoi ? Six ou sept minutes pour être devant la porte d’entrée du bonhomme. J’ai un léger tremblement de l’index alors que j’enfonce le bouton de la sonnette. Une attente qui me parait interminable commence.
Une lumière s’allume quelque part derrière une vitre d’une fenêtre à l’étage. Puis des pieds trainants raclent le sol et miracle, la porte s’entrouvre. Il est là ! Mal peigné, l’air totalement endormi, ou ahuri.
— Oui ? Qu’est-ce que vous vendez ? C’est pas banal à cette heure-ci ! On se connait ?— Bonsoir Nicolas !— On se connait donc puisque vous connaissez mon prénom. Vous êtes le nouveau modèle que l’agence doit m’envoyer ? Mais ce n’est pas la bonne heure pour cela !— Je ne comprends rien de ce que vous me racontez ! Je ne suis ni modèle ni envoyée par une quelconque agence.— Alors qui vous envoie ?— Personne, ou moi simplement. Je suis passée au bar de votre sœur. Là où vous m’avez recueillie une nuit… où j’avais trop bu.— Ah ! Ça y est, je vous remets… la nana bourrée… et vous me voulez quoi ?— Rien ! Je suis juste passée chez Monique dans l’espoir de vous offrir un verre pour vous remercier.— Dommage alors !— … ? Dommage ?— Ben… vous voulez entrer quelques minutes ou vous continuer à emblaver le trottoir ? J’ai des voisins et ils doivent dormir là.
Et me voici dans un corridor, avec la porte qui se referme dans mon dos. Un escalier pour les étages et au premier, un palier.
— Nous arrivons dans mon palais !— …
Je m’efface et il pousse le panneau de bois. Là… il y a d’abord l’odeur. Oui, ça me prend les narines, puis mes yeux s’habituent à ce qui forme un vrai fouillis dans une sorte d’atelier. Des toiles partout, certaines peintes, d’autres vierges.
— Vous… vous êtes peintre ?— Ma chère sœur ne vous a donc pas dit… elle s’imagine que je ne reçois que des putes ici. Tous les modèles pour elle sont des filles qui me soutirent quatre sous. Bien sûr que je suis peintre… et je vous ai pris pour le modèle que l’agence doit m’envoyer demain.— Vous peignez seulement des femmes…— Pas des femmes, des anges ! Et par définition les anges n’ont pas de sexe, n’en déplaise à Monique.— Mais… la première fois, quand vous m’avez ramené chez vous… je n’ai pas vu cet endroit !— Je travaille ici, je n’y vis pas. Chez moi, c’est une autre porte sur le palier. Venez ! Maintenant que vous avez vu ce que je fais, allons discuter ailleurs. Vous avez récupéré votre mec ? Si j’ai bonne mémoire, vous aviez un souci avec un type marié, non ?— C’est loin déjà. Et non ! Je suis seule. Mais je peux voir… la toile qui est couverte là ?— Elle est loin d’être terminée… — Je peux ?
Il ne bronche pas et je soulève un coin du voile. Mince ! Sur la toile, un ciel bleu nuit, et une longue robe rouge. Une femme dont il manque le visage, la tête tout entière même.
— Vous êtes doué… on dirait… — Oui ? À quoi vous fait penser cette dame ?— Pour un peu… je dirais le père Noël ! Mais féminisé… enfin je suppose que le modèle que vous espérez est une femme !— Oui… il doit avoir le droit d’avoir une nana aussi ce vieux bonhomme, qu’en dites-vous ?— Ben… c’est beau, même sans visage… oui ! Vous êtes un artiste et je ne m’attendais pas à cela !— Vous me preniez, vous aussi pour un picolo, un rêveur qui boit ? C’est exactement comme ça que me voit ma sœur… Jamais elle n’a mis un pied dans mon paradis.
Nous entrons dans une pièce qui me semble plus familière. Et je revois donc ce sofa sur lequel j’ai passé une nuit. La cuisine aussi où Nicolas s’empresse de me proposer un café. C’est donc là dans un calme appartement que nous apprenons à nous connaitre. C’est étrange comme je me sens plutôt bien chez ce type. Ses yeux me jaugent, se frottent à mes courbes, mes pleins, mes déliés sans pour cela que ce soit salace. Juste le regard d’un peintre qui juge de la meilleure façon d’appréhender son sujet. Au beau milieu du récit de sa vie, il laisse tomber un pavé dans la mare.
— Vous feriez une magnifique « Mère Noël » ! Vous êtes très belle. Je regrette que nous nous soyons rencontrés alcoolisés… vous m’avez plu dès que je vous ai vue entrer chez ma frangine. Un peu comme si vous étiez une apparition.— … ? Eh ben… voici que vous délirez ? — Pourquoi êtes-vous vraiment venue, dites-le-moi ?— Je me sentais trop seule… et vous avez été gentil avec moi.— Je crois vous l’avoir dit. Pas question que je couche avec une femme sans son consentement. Vous n’aviez pas les moyens de comprendre ce fameux soir. Alors que là…— Là ? Dites-moi… le fond de votre pensée.— Vous n’avez rien d’une femme ivre et vous êtes d’autant plus désirable. Je suis un homme, vous une belle femme… alors vous pouvez aisément imaginer ce que ce genre de réunion peut provoquer… comme réactions chez un type seul !— … expliquez-moi !— Vous voulez un dessin ? Ça tombe bien parce que c’est justement ce que je fais le mieux.— … ah ! Qui vous dit que je serais d’accord ?— Votre jolie bouche… mais ce soir, elle n’a pas besoin de me parler. Seulement d’embrasser la mienne pour que notre accord soit conclu… il aura valeur d’acceptation et c’est moins cru que des mots.
Nicolas vient de prendre ma main. Aucune réticence pour la lui abandonner. Alors, ce visage qui s’approche du mien, ces lèvres qui touchent ma bouche ne peuvent que finir en un doux mélange. Nos langues se découvrent, pour explorer nos palais et je me perds dans les bras forts de ce vieux peintre. Nos vêtements ne résistent guère à notre impatience. C’est quasi au même instant que nous sommes dans la plus profonde des nudités. Et ses doigts viennent, pareils à des pinceaux caresser ma peau. Il prend son temps, m’amenant habilement à un état d’envie qui frise le besoin. Il frôle de sa main ce corps offert à ses regards. Lentement, comme pour en savourer chaque centimètre carré, il part du cou pour couler jusqu’à mes orteils.
Il y a tant de frissons qui me secouent, tant de finesse dans cette exploration. Quand ma propre menotte est-elle partie à la recherche de ce qui reste enflé au centre de son anatomie ? C’est bien la tête enfoncée dans le duvet qui couvre son torse que je le laisse enfoncer son majeur en moi. Le rythme est donné par des aller et retour lents ou plus rapides alors que mon poignet marque la cadence. Ensuite, c’est plus flou. Nos bouches s’occupent comme elles peuvent de ces endroits qui nous différencient en tant qu’individus du sexe opposé. Je retrouve sans déplaisir une autre forme de câlins, une manière douce de nous cajoler.
Nos ébats durent jusqu’au petit matin. Il m’a prise plusieurs fois, toujours avec une tendresse qui m’apaise l’esprit. Je ne suis pas amoureuse de ce type, mais j’aime sa façon de me faire l’amour. Sans outrepasser les droits que je lui accorde, avec une bienveillance si particulière, il m’apparait que Nicolas aime « la femme ». Qu’il transcende l’acte d’amour, le porte aux nues. Il en fait une peinture vivante. Chez moi, le résultat est exactement celui que j’escomptais. Mettre mon corps et mon esprit en phase, pour une longue période d’attente à venir. Et le petit matin clair qui suit cette chevauchée douce me voit rentrer chez moi… sereine et libérée.
Nul besoin de grandes promesses, de beaux serments toujours trahis. Non ! Juste un grand calme, un soulagement d’être une femme et aimée en tant que telle. Aucun mot pour se fixer un autre rendez-vous, s’il doit y en avoir un, il sera à prendre de la même manière que notre rencontre de cette nuit ! Pas d’au revoir ni même d’adieu, seulement laisser le temps faire son œuvre.
À suivre…
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