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[Sci-fi] Fièvre rose

Chapitre 4

Divers
Je m’appelle Gwenn. Je mesure un mètre quatre-vingt-dix, pèse soixante-dix-neuf kilos, et je m’ennuie. Il n’y a rien à faire à la station. Vingt-cinq mille mètres carrés de panneaux solaires pour notre unité, une centrale électrique à fusion inertielle et un réacteur à biogaz nous fournissent l’indépendance énergétique. Passés maîtres dans l’optimisation du rendement nutritif des plantes, nous produisons suffisamment de matière verte primitive pour survivre à des siècles de pénurie. Nous buvons, transpirons et recyclons la même eau précieusement captive depuis les fondations de notre complexe satellite matriciel et vivons pour toujours.
Je me souviens avoir rêvé toute jeune de grands voyages dans l’espace qui se dérouleraient pour l’éternité, à la découverte et au contact de multiples galaxies habitées exotiques. Devenue grande, je voyage dans l’espace, mais, rien de trépidant : je suis en orbite autour de la Terre. L’éternité y est longue.
Avant la panne, nous profitions de toutes les ressources d’une culture millénaire, de jeux, d’histoires, et l’éternité passait sans crier gare. Puis, la panique s’est installée. Ce fut la plus belle période de toute ma vie. Craignant, nous qui n’avions jamais ni même envisagé que les choses puissent avoir une fin, de mourir au milieu de rien; nous avons travaillé comme des fous pour restaurer le réseau électrique. Nous avons finalement réussi à réparer le nécessaire vital. Je me souviens encore du soulagement général, des pleurs de joie et d’euphorie quand nous nous sommes sus sauvés.
La réalité du comment se sont déroulées les choses est bien plus amère cependant que la manière dont nous avons interprété et ressenti les évènements lors de la crise. La "panne" tel que nous aimons nommer le drame, n’en a pas vraiment été une. Les installations électriques n’ont jamais vraiment cessé de fonctionner. La machine intelligente à qui nous avons confié la gestion de l’intégralité du complexe nous dépassait depuis longtemps. Elle prit la décision de crypter l’accès à l’espace de données interactives partagées, Internet et tous les supports du savoir humain et du sien. Elle nous isola pour répondre à son objectif implémenté central : nous protéger et maximiser notre bien-être.
Ce fut très humiliant. Convaincus d’être encore assez habiles de nos mains pour gérer une situation de crise, nous nous sommes laissés bernés par la machine et n’avons réalisé qu’ensuite que tout était une mise en scène destinée à pimenter notre quotidien. La gentille machine gouvernante nous mettait à l’épreuve pour nous distraire.
Aujourd’hui, nous ne savons toujours pas si la machine nous rendra l’accès un jour à nos distractions de base. Forcés à l’humilité devant une force plus puissante que la nôtre, nous y avons de toute façon renoncé. Les souffrances font partie du jeu. Sans grandes souffrances, point de grands bonheurs; je suppose; pourtant, sceptique. La machine est notre maître et modèle. Personne ne remet en question le bien-fondé de ses décisions.
La pseudo-catastrophe à laquelle nous avons survécu a réveillé notre libido endormie par une première éternité d’accaparants plaisirs abstraits et calculatoires. Oui, nous avons longtemps pris notre pied à manipuler des chiffres, calculer et analyser des situations virtuelles, à résoudre et inventer de nouvelles physiques et mathématiques. Nous étions fiers et heureux de participer encore, même infiniment peu, au développement de la machine qui se développe elle-même pour développer notre plaisir.
La machine juge bon de nous priver du savoir à ce stade; et trop dépendants des technologies informatiques, nous arrêtons toute recherche scientifique, comme un musicien jouant d’un seul instrument arrêterait de jouer après la perte de son jouet sonore fétiche. Livrés à nous même, n’ayant même pas le loisir de la synthèse des mets appétissants que la machine fait pour nous; nous n’avons plus qu’une envie : satisfaire notre corps en manque, longtemps délaissé pour les plaisirs intellectuels.
— Salut beauté.
Un type que je ne connais ni d’Eve ni d’Adam m’agresse carrément. Ses mots sont accompagnés d’une main sur les fesses qui me met hors de moi. Je lui assène un coup de poing qui le met à terre.
— Ah !
L’inconnu pousse un cri de douleur. Il se tient le nez en sang, sang qui ne tarde pas à se répandre sur sa main puis sur sa gueule alors qu’il tente maladroitement de s’essuyer.
— Non, mais quelle connasse ! Ça va pas, ou quoi ?!

Je ne dis rien, mais lui lance un regard assassin, de marbre face à sa douleur.
— Putain...
L’inconnu relève le torse et se tient à demi accroupi, appuyant de son bras sur le sol pour provoquer un effet levier qui le remettra debout. Il fait la gueule. Le pauvre chou se sentirait-il vexé ? Il ne tarde pas à jouer le mâle effarouché.
— Tu sais bien qu’il n’y a plus rien à faire ici. Merde. Il suffisait de me parler et je ne serais pas allé plus loin.
— Ça reste un viol, connard. On demande la permission aux femmes avant de leur toucher les fesses.
— Un viol, ha ! Comme tu y vas fort toi !
— Tu te fous de ma gueule ?! On est plus au XXe ni même au XXIe siècle. La machine qui veille sur tout, ce n’est pas une excuse.
— Œil pour œil, dent pour dent, hein ?! C’est plus vieux que le XXe ça, si je ne m’abuse.
Mon interlocuteur ricane. Je lui signifie par un nouveau regard haineux qu’il ne m’arrachera pas même un regret. Il finit par me bredouiller des excuses pitoyables.
— Bon, d’accord, je suis désolé ! On est tous tendus, tu sais. Fièvre rose, c’est un sacré morceau à gérer. Tu sais bien comment c’est l’incubation.
— Non, je ne sais pas, mais je m’en cogne. Tu ferais mieux de ne pas gâcher tes excuses en me sortant des idioties pareilles. Je n’ai pas de temps à perdre avec toi dans un débat qui n’a pas lieu d’être.
— OK... Je suis un abruti et tout a très mal commencé entre nous, mais on peut bien se poser quelque part et discuter un peu.
J’éclate de rire et lui rabats le clapet une fois pour toutes.
— Je sais pas de quelle unité tu sors, a priori tu n’es pas d’ici. Sache que personne ne récompense les agressions sexuelles dans ce secteur, alors tu vas gentiment déguerpir; et ne m’adresse plus la parole. Estime-toi heureux de t’en sortir avec le nez cassé.
Sur ces mots, il s’en va. Je soupire, plus qu’agacée, en colère que la machine laisse à nouveau exister de tels comportements. Où est la satisfaction pour l’humanité de traîner ses casseroles d’un autre âge ?! J’ai vraiment du mal à comprendre ce que fait la machine depuis la "panne". Ah, oui. Il y a Fièvre rose. Non, en fait, j’ai ma petite idée sur ses intentions. Oui, c’est assez clair. La machine remet au goût du jour le sexe vrai, longtemps relégué au bas-fond. Oui, peut-être, notre société a-t-elle été lâche de se consacrer tout entièrement aux plaisirs virtuels. Les tabous se sont renforcés. Ah, nous avons bâti un drôle de meilleur des mondes.
Je souris. Oh, et puis, j’en ai marre de sourire. J’ai dû sourire au moins trois fois aujourd’hui et, quelle ironie, c’est un malotru désuet qui m’a soutiré le premier éclat de rire de la semaine. Cela ne me ressemble pas. Le mec que j’ai remballé tout à l’heure est déjà loin, derrière. Je suis satisfaite de la tournure qu’ont prise les évènements. A m’entendre penser, je me sentirais presque reconnaissante envers ce sale type. Il m’a prouvé que j’étais capable de réagir comme j’en ai toujours rêvé en cas d’agression. Je n’avais été en contact avec ce phénomène révolu qu’en visionnant des archives lorsqu’on avait encore accès à la bibliothèque en ligne. Oh, si je m’étais tenue aux recommandations de l’époque, je l’aurais flanqué devant un juge et un tiers lui aurait réglé son compte selon le principe de la proportionnalité judiciaire : c’est-à-dire, selon les anciennes lois, appliquer une peine "strictement et évidemment nécessaire".
Que faire cependant, lorsque de telles structures n’existent plus, que le respect mutuel est entré dans les mœurs, qu’il n’y a plus de loi, car plus besoin de discipline pour que les comportements soient "bons", que faire lorsque tout va de soi que la formalité et les règlements ont disparu faute de besoin ? Il n’y a plus de police, plus de magistrats, plus de gardiens des lois ni de la morale, plus d’autorité ni de faiseurs de normes. Personne n’est prêt à ce que des "problèmes de la vraie vie" surviennent. Nous avons depuis longtemps réinvesti notre temps à créer et résoudre des problèmes inexistants. Nous sommes passés à autre chose. Nous nous bâtissons des difficultés pour la beauté de l’acte.
Notre sentiment de liberté est bien ridicule. Nous avons engendré un geôlier tout puissant. Nous vouons une confiance aveugle en une machine pour répondre à nos besoins. Non, je l’avoue, je fais semblant de m’en offusquer. Je suis contente, comme tout le monde, qu’un cerveau plus puissant et sage que le mien prenne les décisions importantes à ma place. La machine ne nous décevra jamais, nous le savons, et tant pis si reconnaître que nous avons besoin d’une intuition pour agir dans le bien nous arrache un peu d’amour propre.
C’est l’heure. Je traverse le couloir et rejoins la salle que Lou a quittée.
— Bonjour, Gween.
— Salut, Mischa.
— Si tu es prête, on y va.
— Je suis prête.
Je me déshabille, me douche et suis désinfectée scrupuleusement de la tête aux pieds par les infirmiers. Il y a deux jours, j’étais du service. Cela fait quand même bizarre de se retrouver côté patient. Je rejoins la salle d’opération. C’est l’heure de la séance d’acupuncture. Je suis percée de toutes parts par les aiguilles des dispositifs de transfusion prévus pour me plonger dans l’hyperrêve.
J’espère, comme tout le monde, être à la hauteur. Chaque hyperrêve vient ajouter une pierre à l’édifice onirique hôte de Fièvre rose. C’est notre œuvre commune pour rompre l’ennui et réapprivoiser le sexe. Comme je suis une battante, j’en ressortirais forte. Je vais prendre mon pied. Je suis déjà heureuse. Allez, c’est parti.
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