Nous allons dans son bureau. Il me propose un verre d’alcool que je refuse, je ne bois jamais d’alcool dans la journée, seulement le soir à l’occasion. Il s’assoie à son bureau sur un siège de direction et me fait signe de m’assoir sur le fauteuil devant moi.-Jean, je suis au courant de ce qui se passe entre vous et ma fille. Je sais que vous vous aimez, ça crève les yeux. Je sais que vous vivez ensemble sous le même toit et que partant, vous partagez le lit de ma fille, ce n’est pas que ça me rende heureux, mais ce n’est pas le sujet. J’ai surtout vu lors de son dernier passage qu’elle allait beaucoup mieux que pendant les vacances de Pâques, bien qu’étant un peu triste, j’en comprend la raison maintenant, elle était plus joyeuse, plus vive, plus spontanée, en un mot plus vivante. Je suppose, je suis sûr que vous n’y êtes pas étranger et je vous en remercie du fond du cœur. Ceci dit, je voudrai mieux connaitre vos intentions.-Mes intentions ? Elles sont on ne peut plus claires, monsieur. Nous nous sommes rencontrés début mai, ce qui fait que nous nous connaissons depuis à peu près trois mois, on ne peut pas dire que ce soit très vieux. Toutefois, je suis sûr de moi et je suis sûr de Sonia, j’aime Sonia de tout mon cœur, de toute mon âme et mon intention est de partager ma vie avec elle. Pour être encore plus clair.Je me lève, m’incline un peu, me redresse et le regarde droit dans les yeux.-Monsieur, en ce jour, le samedi 2 août 1969, j’ai l’honneur de vous demander la main de votre fille.Il me regarde éberlué, ses yeux veulent sortir de leurs orbites, il se tasse dans son fauteuil, le recule d’un bon mètre et se lève.-Mais, je ne vous en demande pas tant. Asseyez-vous, asseyez-vous.Je m’assois, lui aussi. Il se repositionne derrière son bureau.-Vous voulez épouser ma fille, vous ne trouvez pas que c’est un peu tôt, vous vous connaissez à peine.-Ce que je sais d’elle et ce qu’elle sait de moi nous suffit, je suis sûr de moi, et d’elle.-Qu’avez-vous décidé ?-Sonia n’est pas au courant de ma démarche, je veux m’assurer de votre accord avant de lui demander de m’épouser, même si elle est majeure dans à peine plus d’un mois.-Vous me prenez de court, il faut que j’en parle avec ma femme.-Demandez-lui de nous rejoindre.-Vous êtes bien pressé jeune homme.-J’aime votre fille monsieur et je veux vivre avec elle le reste de ma vie et ce, le plus vite possible.Il hésite, me regarde, ou plutôt me scrute, me jauge, me dissèque. -Très bien.Il finit par se lever et se diriger vers la porte qu’il ouvre.-Véronique chérie, tu peux te joindre à nous s’il te plait ?-J’arrive.Elle entre, ferme la porte et nous regarde inquiète.-Que se passe-t-il ?-Tout simplement, Jean nous demande la main de Sonia.-Quoi ?
-Oui madame, je veux partager ma vie avec elle.Elle s’assoie, me regarde, regarde son mari, me regarde de nouveau. Elle semble complètement perdue, baisse la tête et la prend entre ses mains. Elle reste prostrée un petit instant.-Véronique, qu’en penses-tu ?-Ce que j’en pense, je n’en sais rien, c’est à Sonia qu’il faut le demander.-Ne soit pas ridicule, je les ai vu cinq minutes ensemble et j’ai compris, ils s’aiment, c’est on ne peut plus évident. Ce n’est pas la peine de demander à Sonia, regardes la, elle resplendi de bonheur, il y a combien de temps que tu ne l’a pas vu comme ça, rayonnante, décontractée, apparemment bien dans sa peau. Elle est heureuse avec Jean et ça crève les yeux. Jean veut savoir si nous sommes d’accord pour qu’ils se marient, c’est bien ça Jean ?-Exactement.-Qu’en pensent vos parents ?-Mes parents sont au courant de ma démarche et ils sont totalement d’accord. Je peux vous assurer qu’ils adorent Sonia, et que rien ne pourrait leur faire plus plaisir que de l’avoir comme belle fille.-Sans vous paraitre blessante, quelle est votre religion ?-Catholique non pratiquant, j’espère que cela ne vous gêne pas.-Vous accepteriez un mariage à l’église ?-Sans problème, d’autant que si ce n’était pas le cas, ma grand-mère ne viendrait pas à mon mariage, et cela n’est pas pensable pour moi.-Et bien Jean, moi je serais très heureuse d’être votre belle-mère.-Et donc moi votre beau-père jeune homme.Je me lève, vais embrasser Véronique et serrer la main de Jacques.-Merci, merci de tout cœur, je vous promets que je ferais tout pour rendre Sonia heureuse.-Je l’espère, je pense que notre entretien est terminé, allez rejoindre votre « fiancée ».-Je vous demande seulement de ne pas lui en parler.-C’est évident, nous vous laissons faire votre demande.Je quitte la pièce en laissant les parents de Sonia qui me regardent sortir, l’air heureux. Elle me regarde inquiète, mais quand elle voit mon sourire, elle se détend et vient vers moi. -Ça c’est bien passé ?-Parfaitement bien, tes parents m’ont accepté, ils me font confiance.-Comment tu as fait pour les amadouer si vite ?-Je leurs ai fait valoir de solides arguments.Son sourire devient radieux, je l’embrasse tendrement sur les lèvres. Marion est derrière moi, je ne l’avais pas vu et elle applaudi.-Oh lala, mais ils sont amoureux, ils sont amoureux.Je la regarde droit dans les yeux et prends un ton sévère.-Oui, ça te gêne ?Elle me regarde un peu étonnée de ma réaction. Sonia intervient.-Tu sais, Jean n’aime pas beaucoup qu’on se mêle de ses affaires, et là c’est ce que tu fais. Mais je peux t’assurer que s’il t’aime bien, tu seras une reine pour lui.Marion vient vers moi, me fait une bise.-Excuse-moi.-On ne dit pas « excuse-moi », mais « veux-tu bien accepter mes excuses ».Elle me regarde un peu intimidée.-Veux-tu bien accepter mes excuses ?Nous éclatons de rire avec Sonia.-Excuses acceptées jeune fille, maintenant nous sommes amis.Je me penche pour déposer un baiser sur sa joue. Elle se détend et sourit. Pendant ce temps, Mélodie nous observe et vient vers moi.-Je peux te parler en particulier.Je regarde Sonia l’air interrogateur, elle me fait oui de la tête et je suis Mélodie dehors sur la terrasse.-Tu connais l’histoire de Sonia ?-Oui, bien sûr elle me l’a raconté, pourquoi tu me pose cette question, tu dois bien te douter qu’elle m’en a parlé ?-C’est juste pour te dire que ma sœur est comme la prunelle de mes yeux, je te jure que si je trouve les connards qui lui ont fait ça, je les tue.-Ne dis pas ça, tu es en colère, mais tuer un homme, c’est pas si facile que ça, on le jure sous le coup de la colère, mais une fois en situation, c’est très différent. En plus, tu ne vas pas passer ta vie en prison pour des cons qui de toute manière le resterons.-Peut-être, mais j’ai la haine de ces cons qui ont failli foutre la vie de sœur en l’air, et si tu la rends malheureuse tu auras affaire à moi et à Marc.-Décidément, nous appartenons à des familles très protectrices.-Pourquoi tu dis ça.-Parce que ma cousine a dit à peu près la même chose à ta sœur.-Sans blague ?-Demandes lui, tu verras.Elle se dirige vers Sonia, elles parlent pendant quelques secondes et éclatent de rire, Mélodie revient vers moi.-Ok, ok, mais pense à ce que je t’ai dit.-Bon, maintenant est ce qu’on peut parler sérieusement.Elle me regarde droit dans les yeux un peu en colère, comme si la discussion que nous venions d’avoir n’était pas sérieuse.-Calmes toi, j’ai besoin de ton aide.-Pourquoi ?-Pour faire ma demande en mariage à ta sœur.-Quoi ?-Ne crie pas comme ça, tu vas affoler ta sœur.-Tu veux vraiment l’épouser ?-D’après toi, ça sert à quoi une demande en mariage ?Elle me saute au cou et m’embrasse.-Mon dieu, mon dieu, elle connait tes intentions ?-Non, pas du tout, nous n’en avons jamais parlé, mais je suis sûr qu’elle sera d’accord.-Ok, dis-moi ce que je dois faire, je suis ton « homme ».-Je ne sais pas encore très bien ce que je vais faire, mais il faudrait que tu distrais Sonia, pour me laisser un peu de champ libre.-Quand penses-tu le faire ?-Ce soir. -Ok, je m’occuperais de Sonia. Véronique sonne l’heure de manger. Le repas est très bon, Véronique cuisinant très bien. Je vois Jacques regarder sa fille d’une autre manière, il la couve des yeux, il pense à son bonheur quand je vais faire ma demande, il jubile de la surprise qu’elle va avoir, je le sens au bord de tout lui dire. Il regarde souvent sa femme en souriant. Après le repas, nous allons nous allonger dans la chambre de Sonia pour nous reposer un peu.-Je ne sais pas ce que tu as dit à papa, mais je ne l’ai rarement vu aussi détendu, j’ai l’impression que je suis différente pour lui.-Je lui ai simplement dit que je t’aimais et que tu étais la femme de ma vie.Sur ces paroles, nous piquons un petit somme d’une demi-heure. Nous rejoignons tout le monde sur la terrasse.Mélodie prétexte avoir quelque chose à montrer à Sonia pour l’entrainer vers sa chambre. J’en profite pour demander du papier cadeau à Véronique. Elle en trouve un morceau suffisant, au moment d’emballer le bague, elle ne peut s’empêcher.-Je peux regarder ce qu’il y a dans ce petit coffret. -Bien sûr.Elle ouvre le coffret et écarquille les yeux.-C’est pas possible, cette bague est trop belle.-Rien n’est trop beau pour Sonia, rappelez-vous Véronique, c’est la femme de ma vie.-Peut-être, mais une telle bague.-Oui. Elle referme le coffret et nous emballons la bague. Véronique fait un splendide nœud et cache la bague dans le buffet de la salle à manger. Je rejoins Mélodie et Sonia qui sont sorties sur la terrasse. A suivre