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Sophyann et le mythe de la dame à la licorne

Chapitre 1

L'adolescence

Hétéro
Sophie de Beaumont et Yann de Ker-Yvon virent le jour à quelques heures d’intervalle, et dès que l’on fut assuré qu’il y avait bien une fille au château de Beaumont et un garçon au domaine de Ker-Yvon, l’avenir des deux enfants fut tout tracé : le jour venu, ils s’uniraient, ce qui assurerait à leur descendance la mainmise sur le canton qui deviendrait ainsi le plus riche de la contrée, capable de rivaliser avec les plus grandes fortunes du royaume. Les deux familles étant très liées, et les deux domaines séparés uniquement par une vaste et magnifique forêt, les deux enfants se virent donc souvent et, ce qui au départ était mariage de raison devint au fil des années une très belle et très tendre histoire.
Au début pourtant, ils se haïrent, car si Yann avait d’emblée accepté cette union, Sophie qui avait déjà un caractère bien trempé et des idées bien à elle acceptait très mal ce compagnon que l’on voulait lui imposer. Très vite cependant, succombant non pas tout de suite au charme, mais à l’esprit inventif et aventureux de Yann, elle changea d’avis et les deux enfants acceptèrent de se retrouver le plus souvent possible, d’abord avec d’autres jeunes gens de leur âge, puis, plus le temps passait, plus ils en vinrent à préférer se retrouver seuls tous les deux.
Grand garçon blond aux yeux d’un noir profond, Yann était svelte et élancé. Téméraire, et même comme l’on dirait maintenant un peu casse-cou, il était toujours prêt à accomplir de folles prouesses pour s’affirmer devant Sophie.
Blonde elle aussi, mais avec des yeux d’un bleu limpide, cette dernière s’affirmait de plus en plus comme une adorable jeune fille. Mais si son corps laissait déjà deviner les beautés qui feraient d’elle une femme convoitée, elle était également un vrai garçon manqué, et c’était même parfois elle qui entraînait Yann dans de folles aventures.
Ainsi les deux enfants devinrent-ils rapidement inséparables, à un tel point qu’en parlant d’eux on ne disait plus « Sophie et Yann », mais qu’on les surnommait de l’unique prénom de « Sophyann ». Et les deux familles, qui s’estimant de plus en plus se fréquentaient de même, voyaient avec ravissement l’attachement des deux adolescents l’un pour l’autre.
Quand s’estompa le temps des jeux propres à chaque sexe – auxquels cependant chacun s’adonnait pour faire plaisir à l’autre et n’être point séparés – ils se rendirent vite compte qu’ils étaient attirés vers les mêmes choses et que leurs émotions étaient les mêmes face à ce que l’apprentissage de la vie leur faisait découvrir. Surtout, ils avaient tous les deux un attrait profond pour les choses simples de la vie, pour la nature, pour les animaux et, alliant l’un à l’autre, dès qu’ils furent capables de se tenir convenablement en selle, c’est sur le dos de fringantes montures qu’ils parcoururent la forêt qui les environnait.
Ils aimaient se lancer des défis, à qui sauterait les plus gros troncs, qui arriverait le premier à un point nommé, et il fallait les voir, bien en selle, filant comme le vent tandis que l’air et la vitesse rosissaient leurs joues et leur front. Mais quand ils avaient bien couru, bien galopé et que leurs montures étaient blanches d’écume, ils aimaient aussi revenir au pas, calmement, main dans la main. Et Yann récitait alors des poèmes à Sophie, ou alors d’une même voix fredonnaient-ils de douces mélopées.
De nature curieuse tous deux, ils s’intéressaient à la science, à la physique, cherchant à découvrir tous les secrets de l’univers ; mais ils aimaient aussi les beaux écrits, les calembours et jeux de mots, où là aussi leur imagination plus que fertile se lançait de grands défis. Bref, si la nature et les grands espaces leur permettaient d’assouvir leur soif d’indépendance et de liberté, ils savaient aussi se montrer à la hauteur de leur rang dans les réceptions et les salons.
Ainsi les années passaient dans la joie, le bonheur et l’insouciance, et Sophie s’affirmait de plus en plus comme une splendide et charmante jeune femme tandis que Yann, toujours aussi intrépide, avait cependant pris la maturité qui faisait de lui un jeune homme apprécié et recherché. Mais si les rencontres éphémères – les jeunes paysannes culbutées dans un pré, derrière une meule de foin odorant pour ne pas être vues de tout le monde – donnaient à Yann autant de plaisir que d’expérience, Sophie restait en son cœur le Graal qui embellirait sa vie.
Et il en était de même pour cette dernière, certes courtisée par quelques nobliaux du voisinage qui, bien que la sachant déjà promise, tentaient leur chance auprès d’elle. Mais, même si elle se montrait toujours aimable avec chacun, elle ne favorisait absolument personne, et son amabilité et ses sourires n’étaient qu’une preuve de sa bonne éducation. Cependant, ils ne se décourageaient pas, prenant toujours pour un grand honneur ce qui n’était que simple politesse.
Mais l’âge fixé par leurs parents pour les unir – l’année de leurs 18 ans –approchait. Ils se sentaient si bien ensemble que cette union leur paraissait maintenant évidente et que chacun la désirait plus que tout. Cependant, ils l’attendaient sans hâte, et ils ne voulaient pas brûler les étapes, car il était bien sûr impensable que Sophie n’arrivât pas vierge à cette union. Ils se contentaient donc de se tenir par la main le plus souvent possible lorsqu’ils étaient seuls tous les deux, et la tendre pression de leurs mains l’une dans l’autre leur procurait de bien douces sensations.
Parfois aussi leurs lèvres se frôlaient, ou alors se serraient-ils furtivement dans les bras l’un de l’autre. Yann était alors tout troublé de sentir contre son torse une poitrine frémissante qu’il sentait bien ferme. Dans ces moments-là, il aurait désiré cacher à Sophie les réactions de son corps, mais cette dernière se serrait tant contre lui que son érection ne pouvait plus passer inaperçue. Et Sophie devait la rechercher, car il sentait alors ses doigts se crisper dans son dos tandis que sa respiration devenait plus vive.
Malheureusement, quelques mois avant la date de leur mariage, cette douce béatitude prit fin. Le pays était en guerre, et Yann se devait d’aller servir dans les armées du roi. On pensa un instant les unir avant son départ, mais on ne le fit pas en pensant à la perspective de la disparition de Yann qui laisserait alors une veuve éplorée. Et c’est donc avec résignation qu’ils se séparèrent, se jurant grande fidélité, certains qu’ils étaient de se retrouver.
Yann prit la route après un baiser un peu plus prononcé que d’habitude sur les lèvres de sa belle promise. Il emportait avec lui un petit médaillon de son aimée, mais surtout dans sa tête de bien belles images : la vision de Sophie filant comme le vent sur sa monture aux temps de leurs courses folles, et comme elle montait « en garce » (à la garçonne), elle délaissait les amples jupes qui empêchaient de deviner ses formes pour une tenue qui, au contraire, ne cachait rien de la finesse et de la beauté de son corps. Des charmes, gages de volupté, qui emplissaient la mémoire de Yann. Des sensations diffuses de plaisir également, dans les moments où il désirait le plus caresser le corps de Sophie. Et ces meilleurs moments, les moments les plus troublants, c’était quand elle pliait le genou gauche et lui donnait la jambe pour qu’il la mette en selle. Rien que le fait de sentir sa jambe dans sa main, même au travers de sa fine bottine de cuir, lui procurait des frissons qu’il ne pouvait réprimer. Et puis, de voir son adorable petit cul, bien moulé dans ses vêtements, passer à hauteur de son visage, de ses lèvres... À chaque fois, il aurait désiré que ses mains s’attardent sur ce beau postérieur, mais la morale et la bienséance lui interdisaient de tels gestes.
Il ne se passa pas une semaine sans qu’ils n’échangent un mot, et si le corps de Yann avait parfois besoin de l’ivresse des filles à soldats qui suivaient l’armée, Sophie – dont le nombre de soupirants de tous âges s’était élargi – resta fidèle au souvenir de son fiancé, ne répondant pas plus que par le passé à la cour intense de ses amoureux.
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