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Terre des hommes

Chapitre 3

Rêveries particulières

Erotique
Marie-Anne et Christophe étaient à nouveau enlacés et tournaient au rythme d’une marche. Elle songea un instant que son mari avait bien prémédité son coup avec son pote. Mais ce qui l’étonnait le plus, c’était que ça marchait. Sa sœur allait encore se fourvoyer dans une histoire de cul sans grand intérêt. Visiblement ce type, ce Bernard n’était pas emballé vraiment par la jeunesse de Marielle. Il l’embrassait, mais… ses yeux l’avaient suivie elle, toute la soirée. Même quand son mari se permettait quelques privautés sur le parquet. Elle en était certaine, l’autre là avait un faible pour elle.
Pourquoi aussi ce baiser entrevu lui donnait-il ce mauvais goût dans la bouche ? Ce n’était pas la sienne que le type avait investie et pourtant, elle se sentait comme trahie. D’abord par Christophe qui avait ramené le loustic là sans lui demander son avis, et puis aussi un peu parce que… oui elle était quelque part jalouse de cette embrassade. Comment était-ce possible ? Elle qui répugnait tant à ce genre de considérations. Sa sœur avait aussi le droit de s’amuser un peu… après ce qu’elle avait subi.
Puis, Bernard était tout aussi honnête que les deux gaillards successifs avec qui Marielle s’était affichée précédemment. De plus il avait une bonne situation, alors ? Pourquoi cette impression que ça ne collerait pas encore cette fois ? Et cette pointe de jalousie qui la titillait au fond de sa cervelle ? Qu’est-ce qu’elle avait donc à s’imaginer des trucs qui ne devaient pas exister ?
— Hey ! Fais attention ! Tu me marches sur les pieds ma belle !— Oups ! Pardon, j’étais perdue dans mes pensées… et je ne suivais plus la musique.— J’ai bien vu et on peut savoir à quoi tu rêvassais ?— Des histoires de bonne femme. Ne t’inquiète pas, viens, allons nous poser quelques minutes. J’ai soif.— Bien ! Comme cela, mon pied aura le temps de se remettre… tu n’es pas vraiment lourde, mais bon ! Un pareil poids tout à coup sur les orteils, c’est surprenant.
Elle sourit de cette boutade. Il gardait son humour en toutes circonstances. Et les deux autres tourtereaux s’étaient aussi éclipsés. Elle scruta la piste à la recherche de cette sœur qui lui donnait bien des soucis. Elle était bien sur le parquet, entrainée par son cavalier dans une marche effrénée. Les rampes de lumière accrochaient les couples qui passaient sous elles. Et quand ils furent dans l’œil de l’une d’entre elles, elle vit que les deux se serraient plus que la normale. Marielle finirait dans le lit de Bernard ? Cette idée lui parut insupportable.
La lumière posée sur sa sœur lui montra par transparence le soutien-gorge que la danseuse portait et les yeux glissant plus bas sur le corps féminin, force lui était de constater que son mari avait fait un émule. Les doigts de leur invité avaient soulevé aussi l’ourlet de la jupe de Marielle. Ils étaient perdus, pas pour tout le monde, dans la dentelle de sa culotte. Cette vision mit en rage la jolie Marie-Anne sans trop qu’elle sache pourquoi. Elle aurait dû pourtant se réjouir de cette situation.
— Ton ami ne va toute de même pas violer ma sœur sur la piste de danse !— Qu’est-ce que tu racontes ? Ils flirtent un peu tous les deux… ça ne peut que faire du bien à ta frangine. Et puis… je l’ai un peu invité avec le secret espoir que ce genre de truc arrive. — Enfin, un peu de tenue serait…— Tiens donc ? Quand j’ai fait la même chose sur toi, tu n’as rien trouvé d’anormal. Rien dit non plus, il me semble.— Ce n’est pas pareil ! Nous sommes mariés.— Ah, ben, c’est nouveau ça ? Seuls les gens mariés peuvent se toucher un peu ? Comme tu y vas ma belle. Laisse donc faire Marielle, elle est grande et vaccinée. Si Bernard va trop loin, elle saura bien le calmer… et ne parles plus de viol ou de je ne sais quoi. C’est seulement un flirt librement consenti. Nous retournons danser un peu ?— Oui ! Mais nous allons bientôt rentrer !— D’accord, dans une petite demi-heure ? Le temps que le verre d’alcool ingurgité se soit dissipé. Mon permis… j’y tiens.
Sur le plancher Marie-Anne l’avait laissé la serrer contre lui. Elle avait son corps pour se caler alors qu’elle tournait dans sa tête ces images d’un couple trop proche. Mon dieu, mais pourquoi cette situation lui paraissait donc aussi invivable. Elle n’était pas maitresse des amours de sa petite sœur, mais bizarrement son cerveau ne l’entendait pas de cette oreille. Elle tenta d’analyser la situation. Rien à faire, elle revenait toujours au raisonnement précèdent. Et ce diable de mec semait la zizanie dans sa caboche autant que dans sa vie. Pourquoi Christophe avait-il jugé bon de l’inviter ?
— oooOOooo —

Pour le retour, Marie-Anne avait tenu à s’installer sur le siège arrière au grand désappointement de Marielle. Elle n’avait rien dit, mais se demandait bien quelle mouche piquait son ainée. Elle aurait bien voulu profiter encore un peu de ce danseur agréable, se pelotonner contre lui. Visiblement Marie en avait décidé autrement. Marielle s’était tue et ils étaient rentrés gentiment. Le chauffeur et son passager avant discutaient tranquillement de la soirée. Les deux femmes firent le voyage sans dire un mot, se bornant à écouter les propos de l’un ou de l’autre.
À la maison, Bernard prit congé de tous et s’éclipsa vers sa chambre. Le couple traina quelques minutes en compagnie de Marielle puis tous s’évanouirent dans leur chambre respective. La salle d’eau reçut la visite de Marie-Anne puis de son mari. Et dans le grand lit, lui voulut recommencer les grandes manœuvres nocturnes. Son épouse se refusa à collaborer et ils s’endormirent sans faire l’amour. Dans la pièce d’à côté, Bernard chercha longuement un sommeil qui se cachait bien. Curieusement, ses pensées n’allaient pas vers la jeune femme, mais bien vers celle qui dormait contre son ami.
Un comble après avoir flirté toute la soirée avec la frangine, de penser à la femme du voisin. Dans sa caboche, il soupesait mentalement les seins de l’une, les comparants à ceux de l’autre, et l’avantage tournait toujours en faveur de… Marie-Anne. Il retraça ainsi pratiquement chaque partie des deux corps, la lutte était inégale. La victoire en fin de compte était largement acquise par la jolie quadra brune, hélas mariée. Il s’aperçut soudain que ces estimations idiotes l’avaient amené à une érection conséquente.
Il tenta bien d’oublier cette facétie éphémère, mais la nature se rappelait bien à lui. Puis la soif aussi le rattrapa alors qu’il se tournait, se retournait dans un grand lit trop vide. La solution était de se rendre à la cuisine pour y prendre un verre d’eau. Il se leva donc pour aller se désaltérer. Il venait d’ouvrir la porte et de s’enfoncer dans le couloir, quand il eut l’impression très nette qu’une autre porte venait de s’entrouvrir. Comme il dormait nu, pas question de se montrer dans le plus simple appareil à quiconque. Il s’éclipsa sans bruit, s’enfonçant dans le petit salon télé.
De sa cachette, il entrevit la femme de Christophe, qui en tenue légère venait, elle aussi fouiller les placards. Il n’osait plus faire un geste, plus respirer presque, de peur de dévoiler sa présence. Dans un tiroir, il la vit se saisir d’un tube de comprimés. Sans doute avait-elle mal au crâne ou ne pouvait-elle pas dormir non plus ? En tout cas ce qu’il découvrait des yeux sous la fine étoffe venait de faire remonter en flèche un thermomètre extrêmement sensible ou dérangé en ce moment. Elle tira de l’eau d’une bouteille, puis s’assit sur un siège.
De sa place, il pouvait tout à loisir reluquer deux longues quilles terminées par deux jolis pieds. Et elle se posa de côté sur l’assise, croisant soudain les jambes. Dans ce mouvement ample fait sans fausse pudeur, sûre d’être seule, elle laissa le champ libre à la vision érotique de cette soudure qui se formait entre le bas et le haut de son corps. Un instant Bernard vit comme par magie cette forêt sombre d’un pubis velu. Son sexe, lui, avait gonflé au maximum. La femme posa une main sur le bord de la table et releva d’un coup un talon pour le mettre en appui sur le coussin sur lequel reposaient ses fesses.
Le compas d’un coup s’ouvrait pour une image hallucinante. Sa chatte ombrée totalement dans la ligne de mire des yeux du voyeur piégé dans le salon. Indécente, la femme se mit en devoir de frotter ses orteils. Bernard était là, tétanisé par la vue de cette faille présentée à sa vision d’une manière spontanée, naturelle. Elle était si certaine d’être seule ! Comment aurait-elle pu deviner du reste qu’il en voyait suffisamment pour rêver ?
L’homme avait totalement stoppé sa respiration et il commençait à manquer d’air. Surtout, ne pas trahir sa présence ! Comment expliquer pourquoi il se trouvait là ; au beau milieu de la nuit alors que la maitresse de maison était au centre de sa cuisine quasiment à poils ? Et les ennuis risquaient fort d’arriver, si jamais elle le découvrait dans la même tenue qu’elle ! Sans compter ce qu’il pourrait bien dire à son collègue qui l’avait si gentiment invité. Merde ! La vie lui jouait un tour dont elle avait le secret.
De plus la vision de ce pubis finement orné d’un long ticket de métro, découvert par le compas qui restait ouvert, voilà qui compliquait encore plus la chose. Il s’était mis instinctivement à rebander devant ce fabuleux spectacle et la brune… sans se douter de rien ne cherchait absolument pas à refermer les cuisses. Le supplice pouvait durer encore un moment, si elle ne voilait pas son entrejambe. Et puis mue comme par un sixième sens tout féminin, elle leva les yeux vers le salon.
Un instant Bernard se sentit rougir comme jamais auparavant ça ne lui était arrivé. L’avait-elle découvert ? Avait-elle pressenti sa présence ? Elle se remit debout, mais lui était comme un con dans la pièce où elle arrivait tout droit. Il se coula derrière le canapé et se fit tout petit, il lui restait une chance que sa venue ne soit due qu’au hasard. La suite lui donna raison. Elle alluma la télé ou la platine et s’installa sur le fauteuil proche du canapé.
Le type complètement couché derrière le sofa n’avait pour tout champ de vision qu’une petite partie du fauteuil et elle s’incrustait dans celui-ci. Il la vit qui remontait ses talons sous ses fesses et bien entendu le tableau devenait pire encore que sur la chaise de la cuisine. Elle avait le sexe entièrement dévoilé et comme elle se trouvait plus proche… c’était un vrai supplice. Il ne respirait plus. À ce rythme-là, sans doute ne tiendrait-il pas très longtemps.
Alors comme pour porter à son paroxysme son pire tourment, en écoutant la musique distillée par il ne savait quel instrument, Marie-Anne venait de faire glisser sa main sur cette entaille si… envoutante. Lentement, très doucement, les doigts se mouvaient sur les lèvres qui s’entrebâillaient, alors qu’elle soupirait. Collé contre l’arrière du dossier, dans une position invraisemblable, l’homme n’en pouvait plus de bander. Et le petit manège de Marie-Anne qui persistait à se caresser devenait torture.
Aux premières loges pour la voir titiller cet endroit dont il rêvait depuis quelques jours, un autre bruit insolite le crucifia sur place. Dans la pénombre de la cuisine, une autre ombre venait de se faufiler. Christophe, son collègue, arrivait lui aussi et les gémissements de plaisir de son épouse lui avaient fait dresser l’oreille. Sans tergiverser, il entra dans la pièce où sa brune se tripotait. Elle n’en stoppa pas pour autant ses attouchements ! Elle eut seulement un sursaut à son approche !
Ils se mirent à chuchoter.
— Et bien ! Tu n’étais pas bien au lit, près de moi ?— Si… mais je n’ai pas voulu te réveiller… tu dormais si bien !— Pour ça… tu pouvais sans crainte me tirer de mon sommeil.
De son inconfortable place, Bernard ne voyait qu’une toute petite partie de son ami. Et celle-ci masquait désormais les mouvements de sa belle. Continuait-elle à se toucher ? Toujours est-il qu’il se sentit soudain presque frustré de ne pas en voir davantage.
— Tu veux que nous retournions nous coucher ? Pour continuer ton petit jeu ma belle ?— Tu en as envie aussi ?— Tu sais bien que je ne sais pas résister à l’envie de te voir, te… et puis, on peut faire cela à deux, non ?— Bon… de toute façon, j’ai trop envie et puis finalement à deux, c’est trop bon. Allons-y !
Pourquoi Bernard se prit-il à maudire son ami ? Le spectacle d’un duo sur fauteuil ou canapé aurait sans doute pu devenir… intéressant. Mais Marie-Anne avait déjà coupé la musique et elle s’était remise debout. Il les vit une fraction de seconde alors qu’elle se tournait vers son mari et qu’ils se roulaient un patin. L’érection n’avait pas quitté le voyeur involontaire. Alors que les deux-là quittaient le salon, Michel avait la main sur le derrière de son épouse.
Il attendit un long moment, tentant d’analyser la situation. Cette fois, le couple de ses amis allait faire l’amour loin de sa vue, puis il songea que loin des yeux, ne voulait pas dire loin des oreilles. Sans faire de bruit, il reprit lui aussi le chemin de sa chambre et se faufila dans la salle de bain. Les murmures et petits rires étouffés montaient de derrière la cloison. Bon Dieu que n’aurait-il pas donné pour un instant dans les bras de cette femme. Il en avait oublié sa soif !
Aucune équivoque sur ce qui se tramait de l’autre côté de la paroi. La femme avait beau retenir la plupart de ses cris, certains d’entre eux revenaient pour alimenter les images dans le crâne du type qui avait l’esgourde collée au mur peu épais. Christophe devait la labourer, il devait se faire plaisir, et elle n’en demandait pas plus. Mais l’auditeur invisible lui, en avait mal aux bourses de suivre leurs ébats. Bernard dut faire un effort pour retourner se coucher alors que le combat dans l’autre chambre devait faire rage.
— oooOOooo —

Le soleil inondait le corridor et le frottement de pieds sur le parquet fit revenir à lui l’invité. Une douche hâtive avant de retrouver les trois autres qui prenaient ensemble leur petit déjeuner.
— Alors paresseux ! Bien dormi ?— Bonjour à tous. Oui ! La maison est d’un calme, ça me change de mon appartement en ville. — Nous allons marcher un peu en forêt, tu es des nôtres ? — Oui je veux bien… c’est chouette vos petites montagnes. C’est ici que vous avez passé votre enfance d’après ce que m’a dit Christophe ?— Elle y est même née, tout comme moi du reste.
Marielle venait de s’adresser à lui d’un ton enjoué. Si sa sœur avait de larges cernes sous les yeux aussi visibles qu’un nez au milieu d’un visage, elle était d’une fraicheur exemplaire. Un instant, Bernard les jaugea. Il s’ingéniait à les comparer. La cadette avait la beauté de sa jeunesse, mais l’esprit en alerte, il revit la chatte découverte et la main qui folâtrait sur celle-ci. Il songea un moment que finalement la beauté des deux sœurs n’était en rien comparable et que l’ainée méritait le détour. Puis il se dit aussi que faute de grives, manger des merles ne serait pas mal non plus.
La jeune avait déjà passé un pull qui lui moulait la poitrine, un pantalon serré qui rehaussait la minceur de sa taille. Oui ! Elle était superbe, mais rien à faire, sa préférence allait bien pour celle plus lourde, plus mure. Marie-Anne portait un chemisier dont l’étoffe restait tendue sous les boutons. Dans l’interstice entre deux attaches, Bernard devinait la présence d’un balconnet dont la couleur blanche se voyait aisément. Elle respirait calmement sous les yeux amusés de son mari qui lui se contentait de mastiquer sa tartine beurrée.
Il comptait les points, heureux de cette belle journée qui débutait. Le soleil était chaud dans la véranda et la tablée plutôt joyeuse. L’envie de se rendre sur les chaumes… voir si les brimbelliers n’avaient pas trop souffert de l’hiver, si leurs fruits n’avaient pas subi le gel des jours passés… tout contribuait à mettre en joie la belle Marie-Anne. Sa sœur aussi prenait déjà du plaisir à la seule idée de retrouver les sentiers de ses jeunes années, pourtant pas si lointaines. Alors qu’il s’habillait pour la circonstance, Marielle fit irruption dans l’encadrement de la porte de la chambre de Bernard.
Elle affichait un grand sourire.
— Nos Vosges vous plaisent Bernard ? Sous le soleil, elles sont… magiques !— Oui ! Je crois que j’en tombe aussi amoureux…
Marie-Anne eut comme un sourire. Un de ceux qui ne donnaient jamais l’impression de savoir s’il était ironique ou de contentement. Alors après un déjeuner des plus sympathiques, ils prirent les petits sentiers qui longeaient tout d’abord le ruisseau. D’autres belles Farios mouchetées déguerpirent, promptes à se camoufler à la vue des promeneurs indésirables. Les deux hommes étaient à quelques pas derrière les femmes. Et les déhanchements dès les premiers raidillons… avaient des airs de danse.
Les deux sœurs promenaient leurs fesses enveloppées dans des pantalons plutôt serrés. Et ces culs bien dessinés attiraient l’œil comme un aimant. Christophe aussi suivait des quinquets ces joues cachées qui se démenaient à portée de main. Il ne lui serait pas venu à l’idée d’y mettre la main pourtant, mais il savait que son collègue aussi jaugeait ces popotins d’enfer qui les narguaient. Bernard eut même la sensation que son ami lui faisait un clin d’œil, alors que penchée en avant Marielle s’attaquait aux endroits les plus raides.
Sa sœur ne parlait plus non plus. Elles se donnaient parfois la main, histoire de sauter un fossé ou alors que les souffles devenaient plus courts. Quand enfin ils débouchèrent sur une sorte de vaste plateau à la végétation moins haute, des arbustes où bourgeonnaient déjà les myrtilles s’étendaient à perte de vue.
— Regarde Bernard ! Tu vois, ici dès les premiers jours de juin, les brimbelliers seront tous violets et si le temps le permet, ceux-là, dès ce mois printanier, seront tous chargés de baies si douces en bouche.— Alors c’est ici que vous venez, Marie-Anne pour cueillir ces délicieuses baies qui font une si bonne confiture ?— Oui… mais j’y viens aussi vous savez et la confiture du petit déjeuner, c’est de ma production…
La plus jeune avait jeté cela comme si elle ressentait le besoin de se justifier. Son beau-frère haussa les épaules en souriant à l’intention de son ami.
— Alors merci à vous deux… c’est royal ! Ces myrtilles sont… — Et toutes cueillies à la main, la riflette* est interdite dans les Vosges. Les gardes veillent…
Les deux femmes venaient de s’asseoir dans une sorte de rond de mousse et les mecs, eux, discutaient à trois pas de là. Quand il se tourna vers elles, Bernard vit que Marielle venait de retirer son chandail. Sous celui-ci seul un sous pull cachait sa poitrine. Et visiblement, elle n’avait pas jugé nécessaire de porter un soutien-gorge. Sous le tissu fin, les deux rondeurs apparaissaient en filigrane avec de jolies pointes bien marquées. Ces deux seins plantés haut sur son torse hypnotisèrent presque immédiatement l’invité.
Du reste Christophe aussi laissait ses yeux flirter avec les deux globes qui rendaient la dame plus nue que si elle l’avait été réellement. Mais personne ne dit rien. Et le mari s’approcha de son épouse, s’asseyant près d’elle, sans pour autant quitter les envoutantes sphères rondes de sa belle-sœur. Sa main effleura celle de Marie-Anne et elle posa délicatement un bisou sur la joue de son homme. Ce geste tendre n’avait pas échappé à la cadette ni à leur compagnon de promenade. C’était si tranquillement amené que Marielle se releva.
— Venez Bernard ! Je vais vous montrer le plus beau point de vue de la région. Laissons roucouler ces deux-là qui sont encore en chaleur…— File ! Sale gosse ! Tu es jalouse de nous, hein ! Petite peste !
La benjamine éclata de rire tout en tirant par le bras le collègue de son beau-frère. Ils s’engagèrent vers la partie la plus éloignée de cette étrange clairière.
— Vous voyez, ici les chaumes s’arrêtent et commence la descente vers la vallée et son lac que nous allons apercevoir dès que nous serons au bord de la forêt.
La main qui tirait l’homme avait une incroyable chaleur.
— Vous connaissez bien la région !— Ben, je marchais à peine que nos parents nous amenaient déjà ici. C’était comme un pèlerinage, chaque année au printemps.— Un peu comme aujourd’hui alors ? — J’étais toute petite la première fois…— Mais vous n’êtes pas encore bien grande… presque une enfant…— Merci de vouloir me faire plaisir, mais les années passent pour tout le monde.— Bien sûr, mais entendez par là que vous avez la vie devant vous… et sans doute qu’un beau jeune homme vous attend, là, au fond de cette vallée. On dirait une carte postale… c’est chouette.
Marielle avait lâché sa main et elle aussi avait le visage tourné vers la petite tache bleue nichée au fond de l’écrin attendant une nouvelle verdure. Le couple lui ne marchait plus et Marie-Anne et Christophe se serraient l’un contre l’autre, en observant les deux autres.
— Tu crois que notre Marielle va… ?— Pas si sûre que ce soit bien elle qui intéresse ton ami, Christophe.— Comment ça… pas elle ? Regarde-les ! Il forme un beau duo.— Il y a loin de la coupe aux lèvres, je te dis, moi, que ce type-là ne cherche rien avec ma sœur.— Ah bon ? Et tu déduis cela de quelle source ? — Mais bon sang, ouvre les yeux ! Il n’arrête pas de me reluquer, de me renifler même… comme un chien de chasse.— … ? Tu n’exagères pas un peu tout de même ?— Tu veux que je te le prouve ? Rien de plus simple, il suffirait que j’entre dans son jeu.— … ! Ma femme est devenue folle, folle… folle.
Christophe chantonnait ces mots. Et cela eut le don d’énerver quelque peu la belle Marie-Anne.
— Bon et bien tant pis pour toi. Tu l’auras voulu…— Qu’est-ce que tu baragouines dans ton coin ? Je ne comprends pas…— Chante beau merle, chante, demain tu pleureras.
La femme s’était détachée de son mari et avançait vers un autre sentier. Celui-ci partait vers le fond de la vallée d’une manière assez abrupte. Si Marielle et Bernard n’avaient pas saisi les propos des deux-là, ils avaient pourtant perçu que le ton devenait moins amical. Les intonations de la voix de la brune avaient changé. Ils avaient tous les deux, tourné la tête vers ces éclats de voix et vu Marie-Anne filer vers la sente minuscule. Eux aussi revinrent vers Christophe.
Ce dernier s’engageait déjà sur les traces de son épouse. Un groupe de trois se reforma, alors qu’avec quelques dizaines de mètres d’avance, tous pouvaient suivre les déhanchements de l’ouvreuse. Dans cette descente, elle se retenait aux arbustes, aux genêts et sa croupe ondulait à chacun de ses pas. Elle montrait ses capacités de descendeuse et les yeux mâles qui suivaient ses courbes se remplissaient d’images plutôt… lubriques.
Christophe à la dérobée chouffait son collègue. C’était pourtant vrai qu’il ne se gênait pas pour laisser trainer ses quinquets sur les fesses de sa femme. Il hésita un instant, allant presque jusqu’à ouvrir la bouche pour lui demander si… il avait bien une préférence pour Marie-Anne. Il renonça de peur du ridicule de la situation. Puis sa belle ne lui avait-elle pas dit qu’il verrait bien ? Alors il se prit au jeu aussi. Voir et laisser faire, attendre, après tout cette idée l’émoustillait plus qu’il ne l’aurait cru.
Il se demanda aussi comment son copain pouvait être assez idiot pour préférer une femme mariée à cette jeune plante qui s’agrippait aussi à tout ce qu’elle trouvait aux abords du sentier. Ce raidillon débouchait sur une portion plus douce. Marie-Anne avait stoppé sa descente en solitaire et elle attendait le groupe. Sa sœur la rejoignit la première. Elles repartirent ensemble à quelques pas devant les mecs.
— Qu’est-ce qui t’a pris de nous larguer comme ça ? Tu t’es engueulée avec Chris ? — Mais non ! Qu’est-ce que tu vas imaginer ? Et toi, ce Bernard te drague ouvertement, non ?
Surprise à nouveau par l’animosité de la voix de sa grande sœur, Marielle se prit à sourire. Ce qui ne fut pas du goût de son ainée.
— Ça te fait rigoler ce que je te dis ?— Ben… franchement oui ! Tu te comportes comme une femme… jalouse ! Tu en pinces pour ce type vraiment ? Alors je peux me taper ton mari ?— … ? Tu… quoi ? Ça ne va pas la tête ?— Oh lalala ! Susceptible avec ça… calme toi tu veux ! On ne peut plus plaisanter ?— Pas de tout… il y a des sujets qui fâchent.— Oui… mais je vois bien et je ne dois pas être la seule, que tu as un faible pour ce type. Alors, tape-le-toi et ne nous enquiquine plus.
Marie-Anne avait la mine renfrognée et si elle marchait de concert avec la plus jeune, elle se taisait maintenant. Le reste de la balade se faisait dans une ambiance un peu bizarre. Christophe et Bernard admiraient les paysages et les deux nanas avançaient en silence. Le ruisseau qui traversait la propriété était de nouveau là et le petit pont de bois pour le franchir à peine dépassé, la maison devenait visible. Un petit point sombre dans un océan de verdure en gestation, avec en bruit de fond, le murmure du torrent.

À suivre…

* Brimbelliers = Myrtilliers mot employé surtout dans les Vosges pour désigner de petites plantes forestières sur lesquelles poussent de savoureuses baies violettes dont on fait de remarquables desserts et confitures. En particulier des tartes qui laissent les dents et la langue d’un violet sombre…
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