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Chapitre 1

Divers
Avertissement : ce texte est un défi, car dépourvu de toute trace d’érotisme. Un véritable paradoxe sur un site tel que Xstory ! Cette parution fait suite à une discussion initiée par Orchidée et toujours en cours sur le forum, Recherche littéraires désespérément, où il est fait allusion à une expérience tentée par notre gestionnaire de créer un site de littérature non érotique, Story (sans « X »).
J’avais écrit ce texte pour Story ; vous verrez que le plaisir peut être d’un ordre autre que sexuel, même si les pratiquants de l’aviation se qualifient entre eux de « branleurs de manches », et de « vieilles tiges » pour les plus anciens d’entre eux.

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Samedi 31 juillet 1982, quelque part en Dordogne.
Un vrombissement devant moi : le Rallye s’aligne sur l’axe de la piste, roule lentement jusqu’à ce que le câble soit tendu puis s’immobilise. Bien sanglé dans le cockpit de ce bon vieux ASK-13 à la gueule sympa de dauphin rieur, casquette blanche à visière translucide teintée de bleu sur la tête et lunettes de soleil sur le nez, j’effectue les vérifications d’usage ; les commandes sont libres, leur débattement est total. Verrière fermée et verrouillée. Je cale l’altimètre sur zéro.
Pieds sur les pédales du palonnier, manche en main droite, je rentre les aérofreins qui s’effacent dans l’aile et lève le pouce pour signaler que je suis prêt à décoller. Le copain qui se tient à proximité empoigne l’extrémité de l’aile et la soulève ; pour moi, la ligne d’horizon – jusque là inclinée vers la droite – se redresse jusqu’à l’horizontale. Le pilote du remorqueur met progressivement les gaz, et le bel oiseau bleu et blanc commence à glisser tandis que le copain court à côté de lui, maintenant l’aile horizontale jusqu’à ce que la vitesse donne un peu d’efficacité aux ailerons. Sous moi, j’entends le frottement du patin sur l’herbe tandis que le planeur est secoué par les inégalités du sol. Moment un peu inconfortable, mais bien vite terminé car l’appareil prend son envol. Le calme revient.
L’oiseau de bois, de toile et de fibre de verre a envie de prendre de l’altitude, ce qui serait dangereux pour l’avion remorqueur qui ne pourrait pas prendre de l’altitude. Poussant sur le manche, je le contrains à voler en palier à environ un mètre du sol puis, lorsque le Rallye décolle, je le laisse grimper tout en contrôlant son altitude relative en conservant l’avion remorqueur au niveau de l’horizon. En moins de dix minutes nous atteignons l’altitude de 500 mètres.
D’un battement d’ailes, le pilote du remorqueur me signale une ascendance ; je tire sur la boule jaune qui se trouve à ma gauche. Un claquement caractéristique : le câble vient de se décrocher. Dès que je le vois onduler derrière le Rallye, j’engage un virage à gauche centré sur l’ascendance. Lorsque le premier 360° est effectué, l’avion remorqueur n’est déjà plus qu’une petite silhouette blanche qui plonge vers le sol, bien en dessous de moi.
Je poursuis ma spirale dans cette colonne d’air chaud qui s’élève, jetant de temps à autre un coup d’œil sur le variomètre qui indique une vitesse ascensionnelle d’un à deux mètres par seconde. À ce rythme-là, il ne me faut guère plus de trois minutes pour atteindre l’altitude de 800 mètres, là où cette ascendance culmine. Je vais devoir en chercher une autre si je veux gagner plus d’altitude. Un rapide calcul me permet de savoir jusqu’à quelle distance je peux m’éloigner de l’aérodrome : avec sa finesse de 28, mon ASK-13 peut parcourir 14 kilomètres en ne perdant que 500 mètres d’altitude ; c’est largement suffisant pour rejoindre ce sympathique cumulus qui bourgeonne à deux ou trois kilomètres de là !
Je quitte cette phase de vol thermique pur et m’engage dans une transition en ligne droite. Moins concentré sur les indications de mon vario, je me laisse aller aux délices du vol. En les considérant depuis cette altitude, les problèmes de la vie quotidienne sont remis à leurs justes proportions et peuvent même sembler dérisoires, tant l’esprit s’élève en même temps que le planeur. Aucun bruit à part celui des filets d’air qui s’écoulent sur les ailes et le long du fuselage, et qui s’accroît lorsque je pousse sur le manche pour gagner de la vitesse que je stabilise à 160 km/h. Une minute plus tard, j’arrive à proximité du petit cumulus qui se développe ; je n’ai perdu que 150 mètres d’altitude. Je réduis ma vitesse de moitié.
Je ressens comme un coup de pied au cul : je viens de traverser le courant ascendant. Vite, je fais demi-tour, et lorsque je le retrouve je balance le manche à gauche pour obtenir une forte inclinaison de l’appareil tandis que, conjointement, j’appuie sur la pédale gauche du palonnier pour bien enrouler l’ascendance qui est relativement étroite. Du fait de la forte inclinaison du planeur, l’horizon semble basculer d’environ 60° sur ma droite, et je le vois défiler rapidement au-dessus de la planche de bord. Coup d’œil à gauche : l’aile en flèche inversée du K-13 semble reculer par rapport au sol. Curieuse impression…
Afin d’obtenir la meilleure exploitation de cette « pompe » qui me propulse vers le haut à raison de 2,5 à 3 mètres par seconde, je dois effectuer un vol le plus symétrique possible ; je fais les corrections nécessaires en conjuguant les commandes – manche et palonnier – tout en surveillant la bille pour la maintenir bien centrée, mais surtout l’instrument le plus fiable et le moins cher de tous : le fil de laine de quelques centimètres de longueur scotché au milieu de la verrière, juste devant moi, qui indique immédiatement le moindre dérapage ou la plus légère glissade. J’arrive rapidement au sommet de l’ascendance, dans les barbules du nuage : je ne pourrai pas aller plus haut que les 1200 mètres qu’affiche l’altimètre. Ici, la luminosité est faible ; quant à la température, elle chute fortement.
Devant moi, des cumulus forment une véritable route de nuages. Distants les uns des autres d’un ou deux kilomètres, ils vont me permettre de sauter de l’un à l’autre sans perdre trop d’altitude. Je me fais ainsi plaisir pendant un long moment en regagnant sous chaque cumulus l’altitude perdue pour le rejoindre. Dans l’une de ces « pompes », je trouve trois magnifiques buses qui volent un peu plus haut que moi sans le moindre battement d’ailes ; elles semblent connaître les règles de la circulation aérienne car elles spiralent dans le même sens que moi et à 180° par rapport aux 16 mètres d’envergure de mon appareil. Mon appareil ? Non, ce n’est plus un appareil, mais une extension de moi-même ; je fais corps avec lui et en ressens physiquement chaque vibration, chaque réaction. Je l’oublie. Je suis libre dans l’immensité du ciel, et je suis semblable à ces magnifiques rapaces qui m’accompagnent dans l’ivresse du vol…
Je suis rappelé à la réalité par un changement des conditions météorologiques : un front de gros nuages gris arrive, et je distingue même à l’horizon la silhouette menaçante d’un immense nuage sombre dont le sommet en forme d’enclume ne laisse aucun doute sur sa nature : il s’agit d’un cumulonimbus, la hantise des aviateurs car il est parcouru de violents courants tant ascendants que descendants d’une violence extrême (jusqu’à 50 mètres/seconde avec des effets de cisaillement). Je décide de retourner me poser pour éviter les conditions qui vont rapidement se dégrader. Avec mon altitude de 1800 mètres, je peux parcourir une quarantaine de kilomètres tout en conservant une réserve de 300 mètres pour effectuer les manœuvres d’approche ; n’étant éloigné que d’une vingtaine de kilomètres de l’aérodrome, il me faudrait à peine un quart d’heure en volant à vitesse normale. Je préfère mettre le moins de temps possible pour retourner au bercail, aussi je pousse le manche jusqu’à attendre la vitesse de 160 km/h ; la vario chute et affiche – 2,5 mètres/seconde. Tant pis pour la finesse max !
Plus je me rapproche de l’aérodrome, plus la visibilité se dégrade. Une brume importante s’élève des champs. J’aperçois enfin la piste ; mon inquiétude se dissipe. Pourtant, lorsque je longe le terrain en effectuant la phase de « vent-arrière », j’ai l’impression que ma vitesse-sol est bien plus élevée que les 90 km/h qu’affiche le Badin (l’anémomètre) ; certainement un fort vent qui me pousse, et que je vais avoir de face en atterrissant. Je décide de raccourcir la « vent-arrière » et de débuter l’étape de base au niveau du seuil de la piste en herbe. Bien m’en prend ! De fortes rafales m’obligent à garder l’aile fortement inclinée pour éviter au planeur de se faire retourner. Nouveau virage à 90° pour la finale. Là, j’ai le vent face à moi ; un vent d’environ 90 km/h, si bien qu’alors que mon Badin affiche 110 km/h (la vitesse à laquelle il faut poser le K-13), ma vitesse réelle par rapport au sol n’est que d’une vingtaine de km/h : presque du vol stationnaire. Et c’est là que je réalise que je suis bien au-dessus de la pente d’approche, à plus de 200 mètres d’altitude alors que je suis déjà au niveau du seuil de piste.
Je visualise mon point d’aboutissement et, tout en poussant le manche vers l’avant, je déverrouille les aérofreins. Aucun effet ! Le planeur refuse de descendre ! Je dose mes efforts sur les commandes, mais c’est à peine si l’appareil descend. À ce rythme-là, je vais effacer la piste et me retrouver aux vaches… J’ouvre alors les aérofreins en grand et pousse le manche à fond en avant, en butée. Le planeur réagit et, vibrant de toute part comme s’il allait se disloquer en vol, il entame une descente vertigineuse (le vario indique – 10 mètres/seconde). Ma main gauche cramponnée sur la poignée bleue des aérofreins et la droite maintenant à grand-peine le manche en avant, je jette instinctivement un coup d’œil à la commande de largage de la verrière et à la poignée rouge d’ouverture de mon parachute. En une vingtaine de secondes, ce bon vieux ASK-13 descend jusqu’au niveau du sol tout en avançant à 20 km/h (mais toujours 110 km/h au Badin). Au tout dernier moment je tire sur le manche pour effectuer un arrondi, et c’est avec soulagement que je ressens le léger choc et le frottement de l’herbe qui me signalent que je suis de retour sur le plancher des vaches.
Vite, j’ouvre la verrière, défais l’attache de sécurité des sangles qui me maintenaient sur le siège et m’extrais de l’habitacle. Je saute sur le sol, me défais rapidement de mon parachute que je pose sur le siège que je viens de quitter et referme la verrière après avoir bloqué le manche avec les sangles. Les copains sont déjà là avec la vieille 4L ; ils prennent le planeur en remorque et nous nous dirigeons vers les hangars alors que l’un d’eux soulève l’aile et que je soulage la queue de l’appareil à l’aide de la poignée qui se trouve le long du fuselage, non loin de l’empennage. C’est à ce moment-là que de grosses gouttes de pluie tiède viennent s’écraser sur nous.
Ce n’est que plus tard, au bar de l’aéro-club, que je réalise que je viens d’échapper à un danger certain. Pourtant, pendant les trente secondes de cette manœuvre qui sort de l’ordinaire, je n’ai pas éprouvé la moindre peur ; bien au contraire, mes pensées étaient d’une clarté exceptionnelle. J’ai une pensée émue à l’attention des constructeurs allemands pour la robustesse de leurs planeurs.
Un vol (presque) normal, quoi…
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